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30/06/2015 | CEDH | N°001-155710

CEDH | CEDH, AFFAIRE ALTUĞ ET AUTRES c. TURQUIE, 2015, 001-155710


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE ALTUĞ ET AUTRES c. TURQUIE

(Requête no 32086/07)

ARRÊT

STRASBOURG

30 juin 2015

DÉFINITIF

30/09/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Altuğ et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

András Sajó, président,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Helen Keller,
Paul Lemmen

s,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 juin 2015,
...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE ALTUĞ ET AUTRES c. TURQUIE

(Requête no 32086/07)

ARRÊT

STRASBOURG

30 juin 2015

DÉFINITIF

30/09/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Altuğ et autres c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

András Sajó, président,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 juin 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 32086/07) dirigée contre la République de Turquie et dont onze ressortissants de cet État, Mmes Nilgün Altuğ, Gülgün Ertin, Mihriaver Kayakent, Bercis Girtine, Banu Altuğ, Ayşe Evrim Üzel, Tuğba Kayakent, Buğra Atalay, Hande Didem Bender et MM. Erim Enver Ertin et Saruhan Altuğ, ont saisi la Cour le 19 juillet 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Ils ont été représentés par Mes M. Güleç, S. Dede et E. Güleç, avocats à Bursa. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Les requérants allèguent en particulier une violation du droit à la vie de leur proche.

4. Le 24 novembre 2009, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants sont nés respectivement en 1947, 1947, 1950, 1968, 1969, 1971, 1972, 1973, 1974, 1970 et 1980 et résident à Bursa.

6. Les trois premiers requérants sont les enfants et les autres les petits-enfants de Mme Ruhsar Keşoğlu, décédée le 25 février 2002, à l’âge de 74 ans.

7. Le 19 février 2002, se plaignant de maux de ventre et de tension, Mme Ruhsar Keşoğlu, accompagnée des requérants Nilgün Altuğ, Gülgün Ertin et Saruhan Altuğ, s’adressa à un centre médical privé.

8. Examinée par les docteurs Y.K. et S.Y., elle se vit prescrire – sur la feuille d’instruction médicale – de l’ampicilline, un médicament à base de pénicilline.

9. Immédiatement après l’injection intraveineuse de l’ampicilline par l’infirmière D.G., Mme Ruhsar Keşoğlu présenta une hypertension et subit un arrêt cardiaque. Après avoir été réanimée, elle fut transférée en urgence à l’hôpital de la faculté de médecine de l’université d’Uludağ, où elle décéda le 25 février 2002 malgré les soins qui lui furent prodigués.

A. L’instruction pénale

10. Le 11 mars 2002, les proches de la défunte déposèrent une plainte auprès du parquet pour homicide involontaire et négligence dans l’exercice de leurs fonctions à l’encontre de l’établissement privé, du médecin S.Y. et de l’infirmière D.G. Ils expliquaient :

– qu’ils avaient informé l’équipe médicale de l’allergie à la pénicilline de leur proche ;

– qu’après le choc anaphylactique (réaction allergique) de la patiente, ils avaient demandé à de multiples reprises le contenu de l’injection, mais que les intéressés avaient refusé de leur répondre.

1. Les auditions

11. Lors de son audition par le procureur, à une date non précisée, l’infirmière D.G. déposa en ce sens :

– Elle avait fait une injection d’ampicilline à la défunte sur prescription de S.Y. Après la réaction allergique de la patiente, constatant que l’ordonnance manuscrite avait été modifiée et que l’ampicilline avait été barrée, elle avait interrogé S.Y. à ce sujet. Ce dernier lui aurait alors donné pour instruction de nier l’injection et de ne pas parler de la modification de l’ordonnance. Il lui aurait remis une nouvelle ordonnance tapée à l’ordinateur, dans laquelle l’ampicilline n’apparaissait plus.

12. Dans sa déposition du 16 juin 2002, S.Y. donna en substance la version suivante :

– Il reconnaissait avoir initialement prescrit de l’ampicilline en injection intraveineuse à la patiente. Toutefois, après avoir discuté du cas avec le docteur Y.K., lequel lui aurait dit que ce médicament n’était pas nécessaire dans l’immédiat, il avait barré ce produit sur l’ordonnance. Il n’avait pas vu l’injection, mais l’infirmière, qu’il avait interrogée sur ce point, lui avait confirmé l’avoir faite. La raison pour laquelle l’infirmière avait procédé à l’injection était qu’elle ignorait la modification de l’ordonnance.

13. Lors de son interrogatoire par le parquet, A.B.O., professeur de médecine et copropriétaire de l’établissement médical privé, déposa en substance comme suit :

– Il avait questionné les principaux intéressés après avoir appris l’incident. L’infirmière D.G. avait nié l’injection d’ampicilline et S.Y. lui avait répondu de manière évasive en déclarant qu’il avait effectivement prescrit le médicament, mais qu’il était possible qu’il n’ait pas été administré.

2. Les expertises et autres recherches scientifiques

14. Le 24 avril 2002, le parquet demanda à l’agence de Bursa de l’Institut de médecine légale d’examiner les documents médicaux afin de déterminer si la mort de Mme Ruhsar Keşoğlu était due à une négligence ou à une erreur dans la pratique de l’art médical.

15. Le 8 mai 2002, l’agence ayant fait savoir que l’expertise demandée ne pouvait se fonder uniquement sur des éléments documentaires, il fut procédé à l’exhumation puis à l’autopsie du corps. Des analyses toxicologiques furent réalisées et le dossier fut transmis à la cinquième section spécialisée de l’institut de médecine légale.

16. La cinquième section rendit son rapport le 23 septembre 2002. Se fondant sur les rapports et divers autres documents, tels que les dépositions recueillies par le procureur, elle estima :

– que le décès était dû aux complications survenues en raison d’un choc anaphylactique lié à l’injection de pénicilline ;

– que des réactions mortelles à la pénicilline pouvant survenir à la suite de la simple répétition d’un traitement déjà engagé ou même seulement de l’injection d’une dose-test, aucune responsabilité ne pouvait être retenue à l’encontre de l’équipe médicale.

3. La mise en accusation de l’équipe médicale

17. Le 7 janvier 2003, le parquet rendit une ordonnance de non-lieu, sur la base du rapport d’expertise susmentionné.

18. Le 31 janvier 2003, statuant sur opposition des requérants, le tribunal correctionnel de Yalova annula le non-lieu du parquet et ordonna la mise en mouvement de l’action publique.

19. Le 28 février 2003, le parquet mit en accusation devant le tribunal correctionnel de Bursa les médecins S.Y. et Y.K. ainsi que l’infirmière D.G.

B. Le procès pénal

20. Le 9 juillet 2003, le tribunal correctionnel de Bursa requit une expertise du Conseil supérieur de la santé.

21. Dans son rapport du 7 janvier 2005, après avoir résumé les pièces du dossier (dont les rapports d’autopsie et d’expertise et les dépositions des accusés), le Conseil supérieur livra la conclusion suivante :

« le Conseil est d’avis, à la lumière des informations, documents et éléments présents dans le dossier, que les docteurs S.Y. et Y.K et l’infirmière D.G. ont fait preuve d’intérêt et d’attention à l’égard de la patiente, qu’ils ont prodigué les soins requis de manière conforme aux procédures médicales et qu’ils ne sont dès lors pas responsables ».

22. Le 20 septembre 2005, le tribunal correctionnel prononça la relaxe des accusés. Pour ce faire, il se fonda essentiellement sur les rapports du 23 septembre 2002 et du 7 janvier 2005.

23. Ce jugement fut cassé le 25 janvier 2007 pour un motif d’ordre procédural.

24. Le 25 mai 2007, le tribunal correctionnel prononça à nouveau la relaxe des accusés.

25. Le 30 avril 2009, la Cour de cassation infirma ce nouveau jugement et lui substitua une décision constatant la prescription de l’action publique.

C. La procédure civile

26. Le 19 mars 2002, les requérants assignèrent S.Y., Y.K., D.G., et l’établissement médical privé devant le tribunal de grande instance de Bursa (« le tribunal ») en vue de faire reconnaître leur responsabilité et d’obtenir des indemnités pour le préjudice subi.

27. Après avoir entendu les défendeurs et les requérants, le tribunal ordonna une nouvelle expertise médicale.

28. Un rapport fut établi par trois membres de la faculté de médecine Cerrahpaşa de l’Université d’Istanbul le 25 septembre 2003. Ce rapport indiquait :

– que le tableau clinique de la patiente indiquait bien une corrélation entre le décès et l’injection de pénicilline ;

– que toutefois, force était de conclure à l’absence de faute médicale de l’équipe soignante, le dossier ne contenant aucun élément prouvant que les médecins avaient été informés de l’allergie de la défunte ;

– qu’en outre, même une dose de pénicilline utilisée pour un test d’allergie pouvait provoquer un choc anaphylactique fatal.

29. Le 22 décembre 2003, les requérants contestèrent les conclusions de ce rapport et demandèrent à ce qu’elles ne soient pas prises en compte. Ils faisaient valoir plusieurs arguments à cet effet.

30. Premièrement, selon eux, il existait des divergences entre les dépositions du médecin S.Y. et de l’infirmière D.G.

31. Ainsi, si l’on retenait la version du médecin S.Y., l’injection intraveineuse avait été réalisée alors même que l’équipe médicale avait estimé que cet acte était inutile. Cette circonstance était de nature à engager la responsabilité des défendeurs.

Si, par contre, on retenait la version de l’infirmière, il apparaissait que le médecin avait lui-même compris son erreur et avait cherché à la dissimuler en modifiant l’ordonnance et en donnant des instructions en ce sens à D.G.

Dans les deux cas, la responsabilité de l’équipe soignante et de l’établissement privé était engagée. Or, le rapport n’avait aucunement abordé ce point, ce qui démontrait, aux yeux des requérants, que les experts s’étaient livrés à une appréciation qui était soit partielle, en ce qu’elle ne prenait pas en compte tous les éléments, soit partiale, en ce qu’elle pouvait être l’expression d’une volonté de protéger des confrères.

32. Deuxièmement, arguaient les requérants, il existait entre la défunte et l’établissement privé un contrat implicite de soin, lequel mettait à la charge de l’équipe médicale un certain nombre d’obligations, comme l’obligation de prodiguer des soins de manière consciencieuse ou l’obligation d’informer le patient. Or, selon eux, cette dernière obligation n’avait pas été respectée.

33. Troisièmement, toujours d’après les requérants, qui se référaient à cet égard à un manuel de médecine, l’injection de pénicilline devait être précédée :

– d’une anamnèse (un interrogatoire mené par le professionnel de santé pour retracer à la fois les antécédents médicaux du patient et l’historique de sa [pathologie](http://sante-medecine.commentcamarche.net/faq/14018-pathologie-definition) actuelle) ;

– et, en cas d’insuffisance des informations ainsi obtenues, d’un test cutané.

Or, en l’espèce, selon eux, rien ne démontrait que ces étapes préalables ‑ anamnèse ou test cutané – avaient été respectées. Les défendeurs n’avaient même jamais allégué le contraire. En tout état de cause si ces derniers entendaient prétendre le contraire, il leur appartenait d’en rapporter la preuve.

34. Quatrièmement, selon les requérants, deux des demandeurs avaient explicitement indiqué l’allergie de leur proche à l’équipe médicale après son admission. Ils demandaient au tribunal de procéder à une audition à ce sujet.

35. Le 27 décembre 2005, le tribunal débouta les requérants en s’appuyant sur les divers rapports médicaux, dont ceux obtenus dans le cadre de la procédure pénale.

36. Le 27 février 2006, les requérants se pourvurent en cassation.

Dans leur pourvoi, ils reprochaient en premier lieu aux experts et au tribunal de ne pas s’être penchés sur le respect des obligations suivantes par l’équipe médicale :

– réalisation d’une anamnèse de la patiente,

– information de la patiente et de ses proches sur les possibles effets secondaires de l’injection de pénicilline,

– obtention du consentement de la patiente au traitement à appliquer.

37. En second lieu, soutenant que la charge de la preuve du respect de ces obligations pesait sur les défendeurs, les requérants reprochaient au tribunal d’avoir rejeté leur action alors même que ladite preuve n’avait jamais été rapportée.

38. En dernier lieu, les requérants se plaignaient de ce que le tribunal n’avait jamais ordonné aux défendeurs de produire une copie du rapport rédigé à l’issue de l’enquête interne menée par l’établissement privé malgré leur demande en ce sens, alors même qu’un témoin de la défense avait affirmé au cours de son audition qu’une telle enquête avait bien été menée et que S.Y. et D.G. ne travaillaient plus dans l’établissement médical mis en cause.

39. Par un arrêt du 19 septembre 2006, la Cour de cassation rejeta le pourvoi par quatre voix contre une, au motif qu’eu égard aux documents présents dans le dossier et à l’absence d’erreur dans l’appréciation des preuves le jugement déféré était « conforme au droit et à la procédure ».

40. Dans son opinion dissidente, le juge H. Kara indiqua entre autres que lorsque le traitement envisagé présentait un risque le médecin avait l’obligation d’informer son patient et de recueillir par écrit son consentement éclairé. Selon lui, il était couramment admis que la pénicilline constituait un traitement efficace pour certains maux, mais aussi qu’elle présentait un risque pour les patients allergiques. Les rapports médicaux évoquant une « dose de test » admettaient implicitement, mais nécessairement l’existence d’un test d’allergie. Dans ce cas, accepter qu’un médecin puisse injecter de la pénicilline à un patient sans faire de test rendrait de jure le test inutile alors même que la science médicale pose cette obligation. À ses yeux, il ne faisait aucun doute que l’équipe médicale avait une responsabilité dans le décès ; la seule question à régler était selon lui celle du degré de cette responsabilité.

41. Le 8 février 2007, la haute juridiction rejeta le recours en rectification introduit par les requérants.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

42. L’article 70 de la loi no 1219 du 11 avril 1928 relatif à l’exercice de la médecine et de l’odontologie précise que les membres de ces professions doivent recueillir l’approbation du patient ou de son tuteur pour les traitements envisagés.

43. Le Règlement sur les droits des patients, publié au Journal officiel le 1er août 1998, exige lui aussi l’information du patient et l’obtention de son consentement éclairé avant le début de tout traitement médical. Il ne pose cependant aucune exigence de forme particulière pour le recueil dudit consentement.

44. Les Règles d’éthique de la profession médicale publiées le 1er février 1999 par l’Ordre des médecins (Türkiye Tabipler Birligi) disposent en leur article 21 que lorsqu’il prend des décisions concernant la santé du patient, le médecin doit respecter les droits de celui-ci dont notamment le droit d’être informé et celui d’accepter ou de refuser le traitement par une décision éclairée.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION

45. Invoquant l’article 2 de la Convention, les requérants se plaignent du décès de leur proche. Invoquant en outre l’article 6 de la Convention, ils soutiennent que les procédures menées au sujet de ce décès n’ont pas été équitables.

46. Le Gouvernement récuse ces griefs.

47. La Cour estime que l’ensemble des griefs des requérants appelle un examen sur le terrain exclusif de l’article 2 de la Convention, ainsi libellé en sa partie pertinente en l’espèce :

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. »

A. Sur la recevabilité

48. Le Gouvernement entend soulever trois exceptions d’irrecevabilité. Il expose :

– que la règle de l’épuisement des voies de recours internes n’a pas été respectée en l’espèce, étant donné que les requérants ont saisi la Cour alors que les procédures internes étaient encore pendantes ;

– que s’ils estiment que les recours internes n’étaient pas effectifs, les requérants auraient dû saisir la Cour dans un délai de six mois après le décès de leur proche ;

– que les requérants n’ont pas donné pouvoir aux avocats qui les représentent devant la Cour.

49. Les requérants ne répondent pas aux exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement.

50. La Cour observe que contrairement aux affirmations du Gouvernement, les requérants ont soumis des lettres de pouvoir habilitant leurs avocats à les représenter devant la Cour.

51. En ce qui concerne l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes, la Cour relève que toutes les procédures internes concernant les faits que les requérants entendent dénoncer devant elle, sont à ce jour achevées et qu’il n’existe par conséquent plus de voie à épuiser au sens de l’article 35 de la Convention. Elle constate en outre que tel était déjà le cas au moment de la communication de la requête au Gouvernement.

52. Quant à l’exception tirée de la règle des six mois, la Cour observe que les requérants ont fait usage de voies de recours a priori adéquates et appropriées, étant donné que le recours civil visait à faire examiner la responsabilité de l’équipe médicale et à obtenir le cas échéant une indemnité (Karakoca c. Turquie (déc.), no 46156/11, 21 mai 2013). Rien dans les circonstances de l’espèce ne pouvait les dispenser d’épuiser cette voie. Le délai de six mois a donc commencé à courir à l’issue des procédures internes engagées par les requérants et non à la date du décès de leur proche.

53. Par conséquent, la Cour rejette les exceptions du Gouvernement.

54. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

55. Les requérants affirment qu’ils ont informé l’équipe médicale de l’allergie de leur proche avant l’injection de l’ampicilline, mais que celle-ci n’en a pas tenu compte.

56. Ils se plaignent des procédures menées au sujet du décès de leur proche, reprochant plus précisément :

– aux juridictions nationales, de s’être estimées liées par des rapports d’expertises qui n’abordaient nullement, selon eux, la question du contrat de soin et du respect par l’équipe médicale des obligations contractuelles en découlant ;

– à la composition des équipes d’experts, de n’avoir inclus, selon eux, aucun juriste ;

– aux experts, d’avoir été animés d’une volonté manifeste de protéger leurs confrères.

57. Le Gouvernement répond que la Turquie dispose d’une réglementation qui protège suffisamment les droits des patients, notamment en imposant aux médecins des établissements médicaux publics ou privés l’obligation d’informer leurs patients au sujet du traitement qu’ils envisagent de leur administrer, y compris quant aux éventuels effets secondaires, et l’obligation d’obtenir le consentement éclairé du patient avant le début du traitement. Sur ce dernier point, le Gouvernement précise toutefois que le droit turc n’exige pas un consentement écrit.

58. Il considère qu’en l’espèce l’équipe médicale a pris en charge la proche des requérants en urgence et qu’elle a parfaitement respecté le protocole médical approprié dans les circonstances.

59. Il fait valoir que les requérants ont disposé de deux voies pour faire examiner la responsabilité des professionnels de santé. Ils ont eu la possibilité de participer à ces procédures et de faire usage de leurs droits pour influer sur le déroulement et l’issue des deux recours entrepris.

60. Le Gouvernement estime que les autorités judiciaires ont soigneusement examiné les allégations des requérants et qu’elles les ont à bon droit rejetées sur la base des rapports d’expertise.

61. Il considère en outre qu’en vertu du principe de subsidiarité et de la jurisprudence bien établie de la Cour, c’est aux autorités nationales qu’il appartient d’interpréter et d’appliquer le droit interne.

2. Appréciation de la Cour

a. Principes généraux

62. La Cour rappelle que la première phrase de l’article 2 de la Convention astreint l’État non seulement à s’abstenir de provoquer la mort de manière volontaire et irrégulière, mais aussi à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction. Ces principes s’appliquent également dans le domaine de la santé publique (voir, par exemple, Calvelli et Ciglio c. Italie [GC], no 32967/96, § 48, CEDH 2002‑I). En effet, on ne saurait exclure que les actes et omissions des autorités dans le cadre des politiques de santé publique peuvent, dans certaines circonstances, engager leur responsabilité sous l’angle du volet matériel de l’article 2 (Powell c. Royaume-Uni (déc.), no 45305/99, CEDH 2000‑V).

63. Toutefois, dès lors qu’un État contractant a fait ce qu’il fallait pour assurer un haut niveau de compétence chez les professionnels de la santé et pour garantir la protection de la vie des patients, on ne peut admettre que des questions telles qu’une erreur de jugement de la part d’un professionnel de santé ou une mauvaise coordination entre des professionnels de santé dans le cadre du traitement d’un patient en particulier suffisent en elles-mêmes à obliger un État contractant à rendre des comptes en vertu de l’obligation positive de protéger le droit à la vie qui lui incombait aux termes de l’article 2 de la Convention (Mehmet Şentürk et Bekir Şentürk c. Turquie, no 13423/09, § 80, CEDH 2013).

64. Les obligations positives que l’article 2 de la Convention fait peser sur l’État impliquent la mise en place par lui d’un cadre législatif et réglementaire imposant aux hôpitaux, qu’ils soient privés ou publics, l’adoption de mesures propres à assurer la protection de la vie des malades. Cette obligation repose sur la nécessité de préserver ces derniers, autant que faire se peut, des conséquences graves que peuvent avoir à cet égard les interventions médicales (Codarcea c. Roumanie, no 31675/04, § 104, 2 juin 2009).

65. Ainsi, les États parties sont, au titre de cette obligation, tenus de prendre les mesures légales et réglementaires nécessaires pour que les médecins s’interrogent sur les conséquences prévisibles que l’intervention médicale projetée peut avoir sur l’intégrité physique de leurs patients et qu’ils en informent préalablement ceux-ci de manière à ce qu’ils soient en mesure de donner un accord éclairé (mutatis mutandis, V.C. c. Slovaquie, no 18968/07, §§ 107 à 117, CEDH 2011 (extraits), N.B. c. Slovaquie, no 29518/10, §§ 76 à 78, 12 juin 2012, Hristozov et autres c. Bulgarie, nos 47039/11 et 358/12, § 122, CEDH 2012 (extraits), Arskaya c. Ukraine, no 45076/05, § 89, 5 décembre 2013). En corollaire, en particulier, lorsqu’un risque prévisible de cette nature se réalise sans que le patient en ait été dûment informé au préalable par ses médecins et que lesdits médecins exercent au sein d’un hôpital public, l’État partie concerné peut être directement responsable du fait de ce défaut d’information (voir, mutatis mutandis, Trocellier c. France (déc.), no 75725/01, CEDH 2006–XIV).

66. L’article 2 implique également l’obligation d’instaurer un système judiciaire efficace et indépendant permettant d’établir la cause du décès d’un individu se trouvant sous la responsabilité de professionnels de la santé, tant ceux agissant dans le cadre du secteur public que ceux travaillant dans des structures privées, et le cas échéant d’obliger ceux-ci à répondre de leurs actes (Calvelli et Ciglio, précité, § 49).

67. L’obligation de l’État au regard de l’article 2 de la Convention ne peut être satisfaite si les mécanismes de protection prévus en droit interne n’existent qu’en théorie : il faut surtout qu’ils fonctionnent effectivement en pratique (Šilih c. Slovénie [GC], no 71463/01, § 195, 9 avril 2009).

68. Par ailleurs, même si la Convention ne garantit pas en soi le droit à l’ouverture de poursuites pénales contre des tiers, la Cour a maintes fois affirmé que le système judiciaire efficace exigé par l’article 2 peut comporter, et dans certaines circonstances doit comporter, un mécanisme de répression pénale (Calvelli et Ciglio, précité, § 51). Toutefois, si l’atteinte au droit à la vie ou à l’intégrité physique n’est pas volontaire, l’obligation positive découlant de l’article 2 de mettre en place un système judiciaire efficace n’exige pas nécessairement dans tous les cas un recours de nature pénale. Dans le contexte spécifique des négligences médicales, pareille obligation peut être remplie aussi, par exemple, si le système juridique en cause offre aux intéressés un recours devant les juridictions civiles, seul ou conjointement avec un recours devant les juridictions pénales, aux fins d’établir la responsabilité des médecins en cause et, le cas échéant, d’obtenir l’application de toute sanction civile appropriée, tels le versement de dommages-intérêts et la publication de l’arrêt. Des mesures disciplinaires peuvent également être envisagées (Vo c. France [GC], no 53924/00, § 90, CEDH 2004‑VIII, et Gray c. Allemagne, no 49278/09, § 80 à 82, 22 mai 2014).

b. Application au cas d’espèce

69. La Cour note que la proche des requérants est décédée des suites d’un choc anaphylactique survenu après l’injection d’une forme de pénicilline par voie intraveineuse dans le cadre du traitement d’une affection pour laquelle elle s’était adressée à un établissement médical privé.

70. De manière générale, il convient de garder à l’esprit que le risque que des effets indésirables pour le patient puissent survenir après ou au cours d’un traitement en l’absence de faute du professionnel de santé est inhérent à tout acte médical. Les conséquences anormales et imprévisibles d’un acte de prévention ou de soins relèvent ainsi de l’aléa thérapeutique.

71. Dans le cas de l’administration de médicaments dont le potentiel allergène est connu, l’interrogation du patient sur ses éventuels antécédents constitue l’une des possibilités de prévenir la réalisation du risque.

72. Par ailleurs, il y a lieu de réitérer que lorsque le traitement présente un risque potentiel sur l’intégrité physique qui n’est pas évaluable, les médecins doivent en informer préalablement leurs patients de manière à ce ces derniers soient en mesure de donner un accord éclairé (voir paragraphe 65 ci-dessus).

73. La Cour observe qu’il n’y a pas de controverse entre les parties sur ces points ni sur l’existence d’un cadre législatif et réglementaire imposant aux hôpitaux, qu’ils soient privés ou publics, l’adoption de mesures propres à assurer la protection de la vie des malades. En effet, la législation et la réglementation turque met à la charge des professionnels de santé une obligation d’information du patient et une obligation d’obtention de son consentement au traitement envisagé.

74. La contestation porte sur la capacité du système judiciaire à vérifier le respect de ces obligations par l’équipe médicale et à en sanctionner l’éventuelle méconnaissance.

75. Dès lors, la tâche de la Cour consiste à contrôler l’effectivité des recours dont ont disposé les requérants et de déterminer ainsi si le système judiciaire a assuré la mise en œuvre adéquate du cadre législatif et réglementaire conçu pour protéger le droit à la vie des patients ; ce qui implique de vérifier que les procédures initiées ont permis aux requérants de faire réellement examiner leurs allégations et de faire sanctionner toute méconnaissance de la réglementation par les médecins qui aurait éventuellement été constatée.

76. La Cour relève que les requérants ont eu recours à deux procédures, l’une pénale et l’autre civile, pour faire valoir leurs droits. La première s’est soldée par une décision constatant la prescription de l’action publique. Quant à la seconde, elle s’est achevée par une décision déboutant les intéressés de leur demande d’indemnisation, au vu de trois rapports d’expertise considérant en substance que le décès relevait de l’aléa thérapeutique et que l’équipe médicale n’avait commis aucune erreur.

77. Il n’appartient certes pas à la Cour de remettre en cause les conclusions des expertises en se livrant à des conjectures, à partir des renseignements médicaux dont elle dispose, sur leur caractère correct d’un point de vue scientifique (voir Tysiąc c. Pologne, no 5410/03, § 119, CEDH 2007‑I, et Yardımcı c. Turquie, no 25266/05, § 59, 5 janvier 2010).

78. Néanmoins, la Cour observe qu’aucune des décisions de justice rendues ni aucun des rapports obtenus dans le cadre des diverses procédures n’aborde, ou du moins ne traite de façon satisfaisante, l’argument principal des requérants selon lequel l’équipe médicale n’aurait pas interrogé la patiente - ou ses proches - sur ses antécédents médicaux dans le cadre d’une anamnèse, ni informé l’intéressée des éventuels risques du traitement à la pénicilline, et n’aurait pas obtenu son consentement, tout cela au mépris de la législation et de la réglementation en vigueur.

79. Ainsi, le rapport de l’institut de médecine légale ne mentionne aucunement ces aspects de l’affaire et suggère sans détour que le décès relève de l’aléa thérapeutique.

80. En ce qui concerne le rapport du Conseil supérieur de la santé du 7 janvier 2005, force est de relever que celui-ci se contente d’affirmer que l’équipe médicale mise en cause a prodigué des soins « de manière conforme aux procédures médicales » sans toutefois énoncer lesdites procédures ni exposer de quelque manière que ce soit la ou les raisons qui lui permettaient de poser une telle affirmation. À la lecture de ce rapport, il n’est pas possible de savoir si les médecins avaient respecté les obligations que la réglementation leur imposait en la matière.

81. Quant au rapport d’expertise des membres de la faculté de médecine de l’Université d’Istanbul en date du 25 septembre 2003, il précise que le dossier ne contenait aucun document prouvant que les médecins avaient été informés de l’allergie de la défunte, mais n’examine nullement la question de savoir si ces derniers avaient interrogé la patiente sur ses antécédents, s’ils l’avaient informée des éventuels risques et s’ils avaient obtenu son consentement. Les experts ne semblent ainsi avoir prêté aucun poids à la circonstance qu’aucun document ne semblait indiquer que l’équipe médicale avait respecté ses obligations, et ont préféré faire peser sur les requérants la charge de la preuve.

82. À la lumière de ces éléments, il apparaît que les tribunaux ont fondé leurs décisions sur des rapports médicaux ayant éludé la question du respect de la réglementation par l’équipe médicale. Les juridictions elles-mêmes ne se sont pas davantage penchées sur cette question malgré les multiples demandes en ce sens des requérants et alors même qu’il s’agissait d’un argument sinon décisif, du moins très important pour la solution du litige et qui exigeait donc une réponse spécifique et explicite de la part des tribunaux.

83. S’il n’appartient pas à la Cour de spéculer sur l’éventuelle responsabilité de l’équipe médicale et sur ce qu’aurait été l’issue des procédures en cause si la question susmentionnée avait été examinée, il n’en demeure pas moins que lesdites procédures ont manqué, en l’espèce, de l’effectivité requise pour assurer la mise en œuvre adéquate du cadre législatif et réglementaire conçu pour protéger le droit à la vie des patients placés sous la responsabilité de ces professionnels de la santé, dans la mesure où elles n’ont pas permis d’examiner le respect dudit cadre et d’en sanctionner l’éventuelle méconnaissance.

84. En outre, la Cour observe que les tribunaux ne semblent pas avoir cherché à établir de manière aussi précise que possible l’enchaînement des faits ayant conduit au décès en cause. Elle observe que les personnes mises en cause ont livré des récits très différents : alors que le médecin S.Y. attribuait le décès à un défaut de communication, l’infirmière D.G. rejetait cette version et accusait S.Y. d’avoir cherché à dissimuler la vérité. Les décisions rendues par les tribunaux ne permettent pas d’établir la version des faits qui a été retenue et de connaître clairement les conséquences juridiques qui en ont été tirées.

85. Dès lors, les autorités n’ont pas fourni aux requérants une voie de recours efficace respectant les garanties procédurales inhérentes à l’article 2 de la Convention.

86. A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

87. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

88. Les requérants réclament 10 000 euros (EUR) pour préjudice matériel, en précisant que cette somme correspond aux frais d’hospitalisation de leur défunte proche. Ils demandent également 110 000 EUR pour préjudice moral.

S’agissant des frais et dépens, ils évaluent les frais exposés au cours de la procédure interne à 10 000 EUR et demandent le remboursement de cette somme, mais ne fournissent de justificatifs que pour un montant de 4 636,33 livres turques (TRY), soit environ 1 650 EUR. Enfin, ils réclament 15 000 EUR pour les frais de représentation devant la Cour ainsi que 100 dollars américains pour les frais de poste.

89. Le Gouvernement conteste l’ensemble de ces prétentions, qu’il juge excessives, infondées et insuffisamment étayées par des justificatifs adéquats.

90. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué, lequel n’est du reste nullement appuyé par des justificatifs, et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer conjointement aux requérants 20 000 EUR au titre du préjudice moral.

91. S’agissant des frais et dépens, elle rappelle qu’un requérant ne peut en obtenir le remboursement que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

92. En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 650 EUR pour les frais et dépens et l’accorde aux requérants.

93. Quant aux honoraires des avocats, la Cour constate que le dossier ne contient aucun document, tel qu’une note d’honoraires détaillée ou une facture dûment chiffrée. La Cour ne saurait donc accueillir favorablement cette prétention.

94. Enfin, la Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement) :

i) 20 000 EUR (vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii) 1 650 EUR (mille six cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 30 juin 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Abel CamposAndrás Sajó
Greffier adjointPrésident


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-155710
Date de la décision : 30/06/2015
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 2 - Droit à la vie (Article 2-1 - Enquête efficace) (Volet procédural)

Parties
Demandeurs : ALTUĞ ET AUTRES
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : GÜLEÇ M. ; DEDE S. ; GÜLEÇ E.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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