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09/10/2018 | CEDH | N°001-186678

CEDH | CEDH, AFFAIRE A.K. c. TURQUIE, 2018, 001-186678


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE A.K. c. TURQUIE

(Requête no 27607/11)

ARRÊT

STRASBOURG

9 octobre 2018

DÉFINITIF

09/01/2019

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire A.K. c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Robert Spano, président,
Julia Laffranque,
Işıl Karakaş,
Paul Lemmens,
Valeriu Griţco,
Stéphanie Mou

rou-Vikström,
Ivana Jelić, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 septembre 2018,

Rend l’a...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE A.K. c. TURQUIE

(Requête no 27607/11)

ARRÊT

STRASBOURG

9 octobre 2018

DÉFINITIF

09/01/2019

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire A.K. c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Robert Spano, président,
Julia Laffranque,
Işıl Karakaş,
Paul Lemmens,
Valeriu Griţco,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Ivana Jelić, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 septembre 2018,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 27607/11) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. A. K. (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 février 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La Cour a décidé d’accorder d’office l’anonymat au requérant (article 47 § 4 du règlement de la Cour).

2. Le requérant a été représenté par Me İ. H. Bozat, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. La requête a été communiquée au Gouvernement le 14 novembre 2013.

EN FAIT

LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Le requérant est né en 1962 et réside à Istanbul.

5. Le 26 mai 2000, vers 1 h 45, il fut agressé chez lui par un certain B.B. Le procès-verbal de sa déposition, dressé le même jour vers 3 h 30 par la police, exposait les informations suivantes : il avait fait la rencontre de son agresseur trois jours auparavant, de manière fortuite ; le jour de l’incident, B.B. était venu chez lui, accompagné de deux amis ; après un repas arrosé, les deux amis de B.B. étaient partis et il s’était retrouvé seul avec lui ; pendant le repas, B.B. avait sorti de sa poche une tablette de médicaments et avait voulu les mettre dans son verre ; il s’en était alors saisi et les avait jetés à la poubelle ; comme il refusait de les rendre à B.B., ce dernier l’avait agressé avec un couteau pris dans la cuisine ; B.B. lui avait arraché son collier et lui avait porté des coups de couteau ; il avait été secouru et conduit à l’hôpital par ses voisins, alertés par ses cris. L’examen médical du requérant révéla la présence de plusieurs plaies sur différentes parties de son corps.

6. Le rapport médical établi le 1er juin 2000 par l’institut médicolégal conclut que les blessures observées sur le corps du requérant n’engageaient pas son pronostic vital et nécessitaient dix jours de repos.

7. Le 7 juin 2000, B.B. fut inculpé de coups et blessures simples et renvoyé devant le tribunal d’instance pénal.

8. Le 10 juillet 2000, l’institut médicolégal établit un second rapport indiquant que les blessures du requérant nécessitaient un repos de quinze jours.

9. En conséquence, le 11 juillet 2000, le tribunal d’instance pénal se déclara incompétent et renvoya l’affaire devant le tribunal correctionnel.

10. Lors de l’audience du 29 janvier 2001, le tribunal correctionnel auditionna le prévenu. Celui-ci déclara que, après une soirée arrosée, le requérant lui avait proposé de passer la nuit chez lui. Il dit que le requérant l’avait rejoint dans la chambre alors qu’il était allongé et que celui-ci avait commencé à le caresser. Il indiqua qu’il avait alors quitté la chambre, suivi par le requérant, que, en passant par la cuisine, il avait saisi un couteau, et qu’il avait été contraint de blesser le requérant pour se soustraire à lui. À ses dires, il avait quitté précipitamment l’appartement en laissant ses vêtements et ses effets personnels sur place. B.B. ajouta qu’il était en détention provisoire dans le cadre d’une autre procédure pénale, où il était accusé de vol.

11. Au cours des audiences qui suivirent, le tribunal correctionnel recueillit les témoignages des riverains. Ceux-ci déclarèrent avoir vu le requérant en sang devant l’immeuble et un homme prendre la fuite, quasi nu, un couteau à la main. Le tribunal interrogea également l’institut médicolégal sur la nature des blessures, lequel répondit qu’elles n’étaient pas susceptibles de laisser des cicatrices visibles permanentes.

12. Dans un mémoire adressé au tribunal, le requérant déclarait qu’il était un travesti. Il y expliquait également les circonstances de sa rencontre avec B.B. avant d’indiquer que, dès leur arrivée chez lui, le prévenu et ses amis s’étaient montrés intéressés par la valeur de sa télévision et de sa chaîne hi-fi ainsi que par celle de son collier et de son bracelet. Selon le requérant, au moment où il payait le livreur du repas, B.B. avait aperçu l’argent dans son portefeuille. Puis, au cours du repas, le requérant aurait surpris B.B. qui mettait un médicament dans son verre, médicament que l’intéressé aurait présenté comme un aphrodisiaque. Le requérant aurait alors jeté ce médicament à la poubelle, disant qu’il s’agissait de stupéfiants. Après le départ des deux amis de B.B., le requérant et B.B. seraient allés dans la chambre. Malgré de longs préliminaires, B.B. n’aurait pas eu d’érection et aurait quitté la chambre démoralisé. En le suivant, le requérant aurait remarqué que son portefeuille n’était plus à sa place. B.B., qui se serait trouvé à cet instant devant la porte de la cuisine, un couteau de cuisine à la main, lui aurait arraché son collier en agitant l’arme. Le requérant aurait tenté de se saisir du couteau, sans succès, et B.B. aurait alors déclaré : « Je te tuerai, toi et tous ceux qui sont comme toi ». Face à l’agressivité de B.B., le requérant aurait pris la fuite vers la cage d’escalier pour appeler à l’aide et tenter en même temps d’empêcher l’agresseur de quitter l’immeuble, et il aurait alors été secouru par ses voisins. B.B. se serait enfui avec ses deux amis qui l’attendaient à proximité de l’immeuble. Un voisin aurait tenté de se saisir du couteau de B.B. et de poursuivre les trois hommes, avant que B.B. ne jette l’arme alors qu’il s’enfuyait en voiture. Après cet incident, B.B. aurait demandé à des connaissances, dont une amie transsexuelle, de se rendre chez le requérant pour demander à celui-ci de ne pas porter plainte. Cette dernière aurait promis que B.B. rendrait les objets volés. B.B. aurait aussi appelé lui-même le requérant pour demander une conciliation, avant de le menacer. B.B. aurait aussi indiqué qu’il n’encourrait aucun risque en cas de plainte de la part du requérant et qu’il se défendrait en affirmant qu’il avait été victime de harcèlement sexuel de la part de ce dernier. Le requérant ajoutait que son orientation sexuelle avait eu un effet négatif sur le travail des policiers chargés de l’enquête. Selon lui, bien qu’il ait indiqué avoir été sauvagement agressé et avoir été victime de vol avec violences, l’enquête n’avait pas été menée avec la diligence requise.

13. Le 18 janvier 2002, l’avocat du requérant adressa une requête au tribunal correctionnel ; eu égard à la gravité de l’incident, il soutenait que l’agression de son client devait être qualifiée de tentative d’homicide et de vol avec violences, et il demandait le renvoi de l’affaire devant la cour d’assises. L’avocat indiquait que, selon ses recherches, il existait cinq autres enquêtes et procédures pendantes contre le prévenu, et que, selon ces dossiers, l’intéressé avait eu des liaisons sentimentales avec des homosexuels et avait commis des infractions contre ceux-ci.

14. Lors des audiences ultérieures, le tribunal entendit en qualité de témoins les deux amis de B.B. présents lors du dîner le soir de l’incident. L’avocat du requérant demanda au tribunal de se dessaisir au plus vite au profit de la cour d’assises et de ne pas laisser la procédure se prolonger davantage.

15. Dans une requête du 4 septembre 2002, l’avocat du requérant répétait que les faits devaient être qualifiés de tentative d’homicide et de vol avec violences, soutenait que la police avait mené une enquête incomplète parce que son client était homosexuel et demandait le renvoi de l’affaire devant la cour d’assises. Il réitéra sa demande le 25 novembre 2002.

16. Le 28 novembre 2002, le tribunal correctionnel décida de transmettre le dossier de l’affaire au procureur de la République pour que ce dernier se prononce sur la nécessité d’intenter une action pénale distincte pour vol qualifié. Au terme de son enquête, le 25 décembre 2002, le procureur de la République inculpa B.B. de vol qualifié aggravé, et un deuxième procès s’ouvrit devant la cour d’assises de Beyoğlu.

17. Le 8 mai 2003, lors de la première audience devant la cour d’assises, le requérant fut entendu en ses déclarations et se constitua partie intervenante. Interrogé sur sa déposition à la police, il indiqua que, après concertation avec son avocat, il avait jugé utile de ne pas communiquer son orientation sexuelle à ce stade. Lors de l’audience du 18 septembre 2003, la cour d’assises releva que la déposition de l’accusé avait été recueillie par commission rogatoire ; elle en donna lecture et la versa au dossier. Dans une requête adressée à la cour d’assises le 7 janvier 2004, l’avocat du requérant demandait le placement de B.B. en détention, compte tenu de l’éventuelle requalification des faits en tentative d’homicide, de la nature de l’infraction et de la personnalité de l’accusé, lequel faisait l’objet de plusieurs enquêtes et procédures pénales. Lors de l’audience du 13 janvier 2004, la cour d’assises estima qu’il n’y avait pas lieu d’auditionner à nouveau les témoins et versa au dossier les déclarations faites par ceux-ci devant le tribunal correctionnel. Le dossier de la procédure entamée devant le tribunal correctionnel fut joint au dossier de la cour d’assises.

18. Le 11 mai 2005, la cour d’assises décida de demander les documents médicaux concernant le requérant, en vue de les envoyer à l’institut médicolégal, et d’entendre à nouveau l’accusé en sa défense, compte tenu de la mise en œuvre probable des dispositions du code pénal relatives à l’homicide volontaire.

19. Dans son rapport établi le 4 mars 2005, l’institut médicolégal concluait à nouveau que les blessures subies par le requérant lors de son agression n’avaient pas engagé son pronostic vital, qu’elles avaient nécessité quinze jours de repos, et que le requérant avait gardé des cicatrices visibles permanentes.

20. Entre le 11 mai 2004 et le 13 juin 2006, il y eut sept ajournements d’audience parce que l’accusé ne pouvait être entendu. Pendant cette période, la cour d’assises rejeta les demandes visant au placement de B.B. en détention présentées par l’avocat du requérant et versa au dossier les décisions relatives à trois condamnations de l’accusé par différents tribunaux correctionnels. L’avocat du requérant fit également remarquer que certaines infractions risquaient d’être touchées par la prescription.

21. Entendu lors de l’audience du 12 octobre 2006, l’accusé réitéra ses déclarations.

22. Le 30 novembre 2006, la cour d’assises rendit sa décision. Elle reconnut B.B. coupable de coups et blessures aggravés eu égard à leurs conséquences (cicatrices visibles permanentes) et le condamna à une peine de prison de trois ans et neuf mois, en application de l’article 456 § 2 du code pénal en vigueur à l’époque des faits.

S’agissant du chef de vol qualifié aggravé, la cour d’assises décida, par deux voix contre une, d’acquitter l’accusé. Elle considéra que le vol allégué par le requérant de son collier et de son argent n’était pas établi avec certitude. À la lumière des éléments du dossier, la cour d’assises releva qu’une dispute avait éclaté entre l’accusé et le requérant – selon l’accusé, en raison des avances du requérant, et, selon le requérant, en raison de l’usage par B.B. d’un médicament stupéfiant – qui s’était transformée en altercation. Elle constata que, au cours de cette rixe, l’accusé avait blessé le requérant avec un couteau de cuisine avant de prendre la fuite quasi nu, en laissant sur place ses vêtements, son portefeuille, ses clés de voiture et ses deux téléphones portables. Selon la cour d’assises, le fait pour une personne de prendre la fuite quasi nue, en abandonnant derrière elle ses effets personnels, allait à l’encontre du cours normal de la vie (hayatın olağan akışına aykırı). Aussi, en l’absence de preuves probantes et convaincantes suffisantes pour étayer une condamnation, elle considéra qu’il y avait lieu d’acquitter l’accusé de ce chef.

23. Le 20 février 2007, le requérant forma un pourvoi en cassation, contestant d’une part la qualification de coups et blessures retenue par les juges de fond et demandant une requalification en tentative d’homicide, et contestant d’autre part l’acquittement de l’accusé pour vol qualifié. Ce dernier forma également un pourvoi en cassation, dirigé contre sa condamnation pour coups et blessures aggravés.

24. Le 22 octobre 2009, l’avocat du requérant adressa une requête à la Cour de cassation, sollicitant l’accélération de l’examen du pourvoi. Il faisait observer que l’infraction de coups et blessures volontaires risquait d’être touchée par la prescription, et soulignait les retards qu’avait connus le procès. Il faisait part de sa crainte que l’agression de son client reste impunie. Il exposait que celui-ci, blessé à plusieurs endroits, avait gardé des cicatrices visibles permanentes, et que l’accusé n’avait même pas été placé une journée en détention pour cette infraction. Il évoquait la possibilité que l’enquête n’ait pas été effectuée avec sérieux en raison de l’orientation sexuelle de son client, que les policiers auraient remarquée à l’hôpital.

25. Le 1er avril 2013, la Cour de cassation, observant que plus de sept ans et six mois s’étaient écoulés depuis la commission de l’infraction de coups et blessures volontaires, estima que cette infraction était touchée par la prescription. Elle cassa donc la condamnation de B.B. de ce chef et conclut à l’extinction de l’action pénale. Toutefois, elle cassa également la décision d’acquittement de B.B. du chef de vol qualifié aggravé ; à la lumière des éléments du dossier, elle considéra que la commission de cette dernière infraction était établie.

26. Sur renvoi, le 12 juin 2014, la cour d’assises d’Istanbul reconnut B.B. coupable de vol qualifié avec circonstances aggravantes. Les circonstances aggravantes retenues furent la commission de l’infraction avec une arme, la commission de l’infraction au domicile de la victime, et la commission de l’infraction pendant la nuit. B.B. fut condamné à six ans et huit mois d’emprisonnement, en vertu de l’article 149 § 1 a), d) et h) du nouveau code pénal, plus favorable à l’accusé.

27. Il ressort de la consultation du dossier sur le site Internet de la Cour de cassation ([http://www.yargitay.gov.tr/](http://www.yargitay.gov.tr/)) que l’arrêt de première instance a été confirmé par cette juridiction le 16 octobre 2017.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

28. Invoquant les articles 6 et 13 de la Convention, le requérant se plaint que la procédure pénale dirigée contre l’auteur des actes de violence perpétrés à son encontre s’est éteinte par le jeu de la prescription en raison du manque de célérité des autorités nationales. Il estime que son agresseur est resté impuni et il allègue à cet égard un manquement des autorités à leur obligation de mener une procédure effective et dans un délai raisonnable. Il dénonce aussi la méconnaissance des dispositions de droit interne interdisant les discriminations dans la conduite de l’enquête.

29. La Cour rappelle qu’elle peut décider de la qualification juridique à donner aux faits d’un grief en examinant celui-ci sur le terrain d’articles ou de dispositions de la Convention autres que ceux invoqués par le requérant (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 126, CEDH 2018). En l’espèce, elle estime qu’il convient d’examiner les griefs sous l’angle de l’article 3 de la Convention, libellé comme suit :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

30. Le Gouvernement argue que le délai de prescription concernant l’infraction de coups et blessures volontaires était écoulé depuis le 26 novembre 2007 et soutient que l’avocat du requérant aurait dû savoir qu’une condamnation n’était plus possible au-delà de cette date. Il indique d’ailleurs que, dans son mémoire adressé à la Cour de cassation le 19 octobre 2009, l’avocat du requérant avait requis la célérité de l’examen du pourvoi, soulignant le risque de prescription. Le Gouvernement estime donc que, à cette dernière date, le requérant aurait dû comprendre que la procédure pénale n’offrirait plus de remède effectif à son grief, et qu’il aurait alors dû introduire sa requête devant la Cour dans un délai de six mois à compter de ce moment. Indiquant que la présente requête a été introduite le 3 février 2011, il invite la Cour à rejeter ce grief pour non-respect du délai de six mois.

31. Par ailleurs, le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes. Il avance que le requérant aurait dû introduire un recours individuel devant la Cour constitutionnelle.

32. S’agissant de l’exception tirée du non-respect du délai de six mois, la Cour estime que, lorsqu’une procédure pénale se termine sous l’effet de la prescription, le délai de six mois commence à courir à partir de la décision interne définitive par laquelle les juridictions internes constatent l’extinction de l’action pénale pour prescription. Dès lors, elle ne saurait accepter l’argument du Gouvernement sur ce point. En l’espèce, la procédure pénale, dans sa partie relative aux coups et blessures volontaires, s’est terminée par l’arrêt de la Cour de cassation du 1er avril 2013, laquelle a constaté que cette infraction était touchée par la prescription. La présente requête ayant été introduite le 3 février 2011, le délai de six mois se trouve respecté. L’exception du Gouvernement sur ce point doit donc être rejetée.

33. Pour ce qui est de la question de savoir si le requérant aurait dû saisir la Cour constitutionnelle avant d’introduire sa requête devant elle, la Cour rappelle avoir déjà examiné cette nouvelle voie de recours dans le cadre de l’affaire Hasan Uzun ((déc.), no 10755/13, §§ 25‑27, 30 avril 2013), qui concernait le défaut allégué d’équité d’une procédure relative à la rectification du registre foncier. Dans cette affaire, après avoir tout d’abord relevé que la procédure interne avait pris fin le 25 septembre 2012, soit postérieurement à la création de cette nouvelle voie de recours, elle avait conclu, à l’issue d’un examen des principaux aspects de la voie de recours précitée, que M. Uzun aurait dû l’exercer préalablement au dépôt de sa requête à Strasbourg.

34. Or la Cour observe que la présente requête diffère de l’affaire Hasan Uzun (décision précitée) dans la mesure où elle a été introduite le 3 février 2011, c’est-à-dire bien avant la création du nouveau recours, et près de onze ans après les faits dénoncés. Elle constate que, lorsque le requérant l’a saisie, la procédure engagée contre l’individu responsable de l’agression était pendante devant les juridictions internes. Toutefois, en l’espèce il s’agit principalement de déterminer si la réaction des autorités face à l’agression du requérant était compatible avec l’article 3 de la Convention et avec l’exigence de célérité et de diligence raisonnable contenue de manière implicite dans l’obligation d’enquête. Elle rappelle qu’il ne faut pas perdre de vue que l’agression est survenue en 2000 et que le requérant a attendu plus de dix ans avant d’introduire une requête devant la Cour. Elle estime qu’il serait peu conforme à l’équité de lui demander d’épuiser une voie de recours créée après l’introduction de sa requête et ainsi d’allonger encore la durée de la procédure (voir, en ce sens, Öztunç c. Turquie, no 14777/08, § 58, 9 février 2016). Par conséquent, elle conclut à l’absence, en l’espèce, de circonstances particulières justifiant de déroger à la règle générale selon laquelle les voies de recours internes à épuiser s’apprécient à la date à laquelle la requête a été introduite devant la Cour (Baumann c. France, no 33592/96, § 47, 22 mai 2001).

35. Elle estime donc que le requérant ne doit pas se voir opposer l’obligation de soumettre à la juridiction constitutionnelle son grief relatif à l’article 3 de la Convention (voir, dans le même sens, concernant l’article 3 de la Convention, Şükrü Yıldız c. Turquie, no 4100/10, §§ 42-45, 17 mars 2015, Enver Aydemir c. Turquie, no 26012/11, § 56, 7 juin 2016, et Müftüoğlu et autres c. Turquie, nos 34520/10 et 2 autres, § 54, 28 février 2017 ; voir également, concernant l’article 2 de la Convention, Mızrak et Atay c. Turquie, no 65146/12, §§ 45-47, 18 octobre 2016, Sıdıka İmren c. Turquie, no 47384/11, §§ 47-51, 13 septembre 2016, Başbilen c. Turquie, no 35872/08, §§ 61-63, 26 avril 2016, et Civek c. Turquie, no 55354/11, § 39, 23 février 2016). Il s’ensuit que l’exception de non-épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement doit être rejetée.

36. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

37. Le requérant se plaint du manque de célérité des autorités internes dans la conduite de la procédure pénale, de l’extinction, par le jeu de la prescription, de la partie de l’action publique concernant les coups et blessures volontaires, et de l’impunité qui en aurait résulté pour son agresseur. Il soutient en outre que les dispositions du droit interne interdisant les discriminations dans la conduite de l’enquête ont été méconnues.

38. Déclarant se référer à la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement reconnaît que la durée de la procédure dénoncée a pu avoir un effet sur l’efficacité de l’enquête pénale. Il s’en remet à la sagesse de la Cour pour apprécier le bien-fondé du grief tiré de l’article 3 de la Convention.

39. La Cour rappelle que, combinée avec l’article 3, l’obligation imposée par l’article 1 de la Convention aux Hautes Parties contractantes de garantir à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés consacrés par la Convention leur commande de prendre des mesures propres à empêcher que lesdites personnes ne soient soumises à des mauvais traitements, même administrés par des particuliers (voir, entre autres, A. c. Royaume-Uni, 23 septembre 1998, § 22, Recueil 1998‑VI, M.C. c. Bulgarie, no 39272/98, § 149, CEDH 2003‑XII, et O’Keeffe c. Irlande [GC], no 35810/09, § 144, CEDH 2014 (extraits)). Les obligations positives qui pèsent sur les autorités impliquent le devoir de mettre en place et d’appliquer un cadre juridique adapté, propre à dissuader de commettre des atteintes contre la personne et offrant une protection contre les actes de violence pouvant être commis par des particuliers (voir, parmi d’autres, Beganović c. Croatie, no 46423/06, § 71, 25 juin 2009, Muta c. Ukraine, no 37246/06, § 60, 31 juillet 2012, et Ceachir c. République de Moldova, no 50115/06, § 44, 10 décembre 2013).

40. L’obligation positive de protéger l’intégrité physique de l’individu s’étend aux questions concernant l’effectivité d’une enquête pénale, ce qui ne saurait être limité aux seuls cas de mauvais traitements infligés par des agents de l’État. Cet aspect de l’obligation positive ne requiert pas nécessairement une condamnation mais l’application effective des lois, notamment pénales, pour assurer la protection des droits garantis par l’article 3 de la Convention (Beganović, précité, §§ 69 et suivants, İbrahim Demirtaş c. Turquie, no 25018/10, § 26, 28 octobre 2014, et M.G. c. Turquie, no 646/10, § 79, 22 mars 2016).

41. L’article 3 de la Convention impose aux autorités nationales le devoir de mener une enquête officielle effective propre à permettre l’établissement des faits ainsi que l’identification et la punition des responsables. Ces obligations s’appliquent quelle que soit la qualité des personnes mises en cause, même lorsqu’il s’agit de particuliers (M.C., précité, § 151, et plus récemment, A.Ş. c. Turquie, no 58271/10, § 52, 13 septembre 2016). Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est aussi implicite dans l’obligation d’enquêter (voir, notamment, Menecheva c. Russie, no 59261/00, § 67, CEDH 2006‑III). Les mécanismes de protection prévus en droit interne doivent fonctionner en pratique dans des délais raisonnables permettant de conclure l’examen au fond des affaires concrètes qui leur sont soumises, de sorte que les auteurs des actes de violence ne puissent jouir d’une impunité de fait. En effet, l’obligation de l’État au regard de l’article 3 de la Convention ne peut être réputée satisfaite si les mécanismes de protection prévus en droit interne n’existent qu’en théorie : il faut surtout qu’ils fonctionnent effectivement en pratique, ce qui suppose un examen de l’affaire prompt et sans retard inutile (İbrahim Demirtaş, précité, § 30, et M.G., précité, § 82).

42. La Cour rappelle enfin que les exigences procédurales de l’article 3 de la Convention s’étendent au-delà du stade de l’instruction préliminaire lorsque, comme en l’espèce, celle-ci a entraîné l’ouverture de poursuites devant les juridictions nationales : c’est l’ensemble de la procédure, y compris la phase de jugement, qui doit satisfaire aux impératifs de cette disposition (Okkalı c. Turquie, no 52067/99, § 65, CEDH 2006‑XII (extraits), et Ceachir, précité, § 46 ; voir également, dans le contexte de l’article 2 de la Convention, Öneryıldız c. Turquie [GC], no 48939/99, § 95, CEDH 2004‑XII).

43. Pour autant que le requérant allègue la méconnaissance des dispositions interdisant les discriminations dans la conduite de l’enquête, la Cour note que l’intéressé n’étaye aucunement ce grief devant elle. Bien qu’il ait indiqué devant les juridictions internes que son orientation sexuelle avait pu avoir un effet négatif sur les policiers au stade de l’enquête, il n’impute aucun manquement concret à la police dans la conduite de l’enquête et n’explique pas en quoi d’éventuels manquements auraient été motivés par son orientation sexuelle. La Cour constate que rien n’indique que les policiers aient fait preuve d’une quelconque discrimination envers le requérant ; ce dernier a d’ailleurs déclaré devant la cour d’assises qu’il avait caché son orientation sexuelle lorsqu’il avait été entendu par la police. La Cour relève que, selon les éléments du dossier, le requérant se plaint en réalité qu’une action pénale n’ait pas été diligentée pour vol qualifié dès le début. Or il convient de souligner qu’on ne saurait blâmer les policiers sur ce point ; après avoir recueilli les éléments de preuves, ceux-ci transmettent le dossier au parquet qui décide de l’opportunité de poursuivre ou non le suspect, ainsi que de la qualification juridique à donner aux faits dénoncés. À titre subsidiaire, la Cour observe que, bien qu’elle ne soit intervenue qu’environ deux ans et demi après l’incident, une action pénale a bien été ouverte du chef de vol qualifié, et qu’un procès s’est ouvert devant la cour d’assises.

44. La Cour note également que le requérant n’a pas allégué devant elle que son agression avait été motivée par son orientation sexuelle. Elle constate qu’il ressort des éléments du dossier que l’incident était survenu à la suite d’une altercation entre le requérant et B.B., au terme d’une soirée qu’ils avaient passée ensemble. Elle observe que, selon le requérant, l’altercation avait eu lieu parce qu’il avait empêché B.B. de prendre des stupéfiants et que, selon B.B., la dispute avait éclaté à cause des avances et des attouchements du requérant à son endroit. Bien que ce dernier ait affirmé devant les juridictions internes que B.B. avait commis des délits contre des homosexuels, se référant à cet égard à des procédures pénales diligentées contre l’intéressé, la Cour note qu’elle ne dispose d’aucune information relative aux dossiers en question. Elle observe néanmoins que la cour d’assises a versé au dossier de l’affaire les dossiers relatifs à trois autres procédures et que cette question n’a plus été soulevée par le requérant ou son avocat par la suite. Elle constate que, en réalité, le requérant et son avocat semblent avoir mentionné les procédures pénales pendantes contre l’accusé pour étayer leurs allégations de vol et non pour dire qu’il s’agissait d’une agression à caractère homophobe. Aussi, après examen du dossier, la Cour estime qu’il n’y pas de raison de croire que l’agression du requérant présentait les caractéristiques d’un acte à caractère homophobe.

45. Pour autant que le requérant avance que les lenteurs de la procédure ont finalement permis à l’accusé de bénéficier de la prescription de l’action publique et d’échapper ainsi à toute sanction, la Cour note que l’enquête concernant l’agression du requérant a débuté dès la survenance de l’incident et que l’agresseur a été rapidement inculpé de coups et blessures volontaires et jugé. Au terme d’un procès qui a duré plus de six ans, il a été reconnu coupable par la cour d’assises, le 30 novembre 2006, d’agression sur la personne du requérant et condamné à une peine de prison. La Cour relève toutefois que, le 1er avril 2013, soit près de treize ans après l’agression du requérant, la Cour de cassation a déclaré l’extinction de l’action publique pour cause de prescription, dans la mesure où précisément elle était basée sur l’infraction de coups et blessures volontaires.

46. Elle constate que les circonstances de la présente affaire ne présentaient pas de complexité particulière : l’incident était limité à un seul épisode, et l’agression du requérant par B.B. avait été établie par des preuves claires et concluantes dès le début de la procédure. Elle observe cependant qu’il a fallu à la cour d’assises plus de six ans pour parvenir à une conclusion. À ce titre, la Cour constate que les autorités de poursuites ont initialement qualifié les agissements de B.B. de coups et blessures légers et renvoyé l’agresseur devant le tribunal d’instance pénal, avant que l’affaire ne soit renvoyée devant le tribunal correctionnel compte tenu de la gravité des blessures constatées par le second rapport de l’institut médicolégal. Plus de deux ans après le début du procès devant le tribunal correctionnel, et sur requête du requérant, B.B. a aussi été inculpé de vol qualifié aggravé le 25 décembre 2002, et un nouveau procès s’est ouvert, cette fois devant la cour d’assises. Après avoir recueilli les déclarations de l’accusé par commission rogatoire, la cour d’assises a décidé de l’entendre à nouveau en sa défense, compte tenu d’une éventuelle requalification des faits en tentative d’homicide. Ce n’est que le 12 octobre 2006, soit près de deux ans et demi plus tard, que l’accusé a pu être entendu par la cour d’assises. Il y a eu sept ajournements d’audience durant ce laps de temps. Le 30 novembre 2006, la cour d’assises rendit sa décision. La Cour de cassation, quant à elle, a rendu son arrêt le 1er avril 2013, soit plus de six ans après avoir été saisie d’un pourvoi et près de treize ans après l’incident. La Cour ne saurait admettre qu’une procédure pénale engagée aux fins de faire la lumière sur des accusations de coups et blessures volontaires, qui ne présentaient pas une grande complexité, dure aussi longtemps. Les délais observés en l’espèce mettent en évidence de graves lacunes de la part de l’État.

47. La Cour rappelle qu’un retard de la part des autorités internes pour parvenir à une conclusion dans une affaire pénale, quelle que soit sa complexité, entache inévitablement l’efficacité de la procédure. Le fait que la procédure, dans sa partie relative aux coups et blessures volontaires, ait été clôturée en raison de la prescription de l’action publique, l’atteste (voir, parmi d’autres, Şerban c. Roumanie, no 11014/05, § 84, 10 janvier 2012, Ceachir, précité, § 52, Stoev et autres c. Bulgarie, no 41717/09, § 49, 11 mars 2014, et Tudoroaie c. Roumanie, no 37665/12, § 91, 15 novembre 2016).

48. À ce titre, la Cour observe également que, en droit pénal turc, l’exercice d’un acte d’enquête ou de procédure n’interrompt l’écoulement de la prescription de l’action publique que pour une période correspondant au maximum à la moitié du délai de prescription initial. De plus, l’avocat du requérant a attiré l’attention de la cour d’assises sur le risque que les infractions reprochées à l’accusé soient touchées par la prescription. Dans ces conditions et compte tenu de l’obligation positive, inhérente à l’article 3 de la Convention, incombant à l’État, la Cour estime que, en l’espèce, les autorités internes auraient dû user, dans les meilleurs délais, de toutes les possibilités qui s’offraient à elles pour mener à bien la procédure engagée contre B.B. Or, eu égard aux constats établis ci-dessus, elle considère que les autorités n’ont pas fait preuve de diligence pour clore cette procédure avant la prescription de l’action pénale pour coups et blessures volontaires (voir, en ce sens, Ceachir, précité, § 53).

49. La Cour rappelle avoir jugé, dans plusieurs affaires qui concernaient, comme en l’espèce, l’infliction de mauvais traitements à autrui par des particuliers, que la protection contre des actes de violence ne pouvait être considérée comme effective lorsque les poursuites pénales s’étaient trouvées prescrites en raison de l’inactivité des autorités compétentes de l’État (voir, entre autres, Beganović, précité, § 86, M.N. c. Bulgarie, no 3832/06, §§ 49‑50, 27 novembre 2012, Ceachir, précité, §§ 54-55, Muta, précité, § 66, et dernièrement, Baştürk c. Turquie, no 49742/09, § 29, 28 avril 2015). S’il est vrai que, en l’espèce, les faits de la cause ont été établis par un tribunal compétent et que l’agresseur a été condamné en première instance, la Cour rappelle que l’un des buts de l’application de sanctions pénales est de réprimer l’auteur d’une infraction et de le dissuader, ainsi que d’autres, d’en commettre d’autres. Or le système pénal ne peut avoir aucune force dissuasive propre à assurer la prévention efficace d’actes illégaux lorsque, à l’issue des procédures pénales, les auteurs de ces actes bénéficient de la prescription de l’action publique en raison de l’inactivité des autorités étatiques (voir, par exemple, Beganović, précité, § 85, İbrahim Demirtaş, précité, §§ 31 à 39, et, dernièrement, Tudoroaie, précité, § 91).

50. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que la manière dont la procédure pénale a été mise en œuvre dans la présente affaire n’a pas fourni au requérant une protection adéquate contre des actes de violence.

51. Enfin, la Cour estime que la condamnation de B.B. à six ans et huit mois d’emprisonnement pour vol qualifié aggravé n’est pas de nature à changer cette conclusion. Elle note que les blessures subies par le requérant ont fait l’objet d’une action pénale distincte de celle fondée sur le vol. Même si ce dernier a été déclaré « qualifié » du fait de l’utilisation de la violence, les circonstances aggravantes prises en compte n’ont eu rien à voir avec les lésions subies par le requérant. Ainsi donc, les actes de violence n’ont pas été réprimés en tant que tels. De toute façon, la condamnation pour vol, devenue finale en 2017, n’a rien enlevé au fait que la procédure pénale dans son ensemble a connu des lenteurs excessives aux stades antérieurs, notamment devant la cour d’assises de Beyoğlu et devant la Cour de cassation.

52. Partant, la Cour conclut qu’il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 3 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

53. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

54. Le requérant réclame 70 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi.

55. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

56. La Cour considère que le dommage matériel réclamé ne saurait être attribué aux actions ou inactions des autorités étatiques qui sont à l’origine de la violation du volet procédural de l’article 3 de la Convention constatée dans la présente affaire (Tudoroaie, précité, § 96).

En revanche, statuant en équité, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 5 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

57. Le requérant demande également 20 000 EUR en remboursement des frais et dépens qu’il dit avoir engagés dans le cadre de l’ensemble des procédures.

58. Le Gouvernement conteste cette prétention.

59. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.

En l’espèce, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens puisque le requérant n’a soumis aucun justificatif à l’appui de celle-ci.

C. Intérêts moratoires

60. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare, la requête recevable ;

2. Dit, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 octobre 2018, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stanley NaismithRobert Spano
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-186678
Date de la décision : 09/10/2018
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Enquête effective;Obligations positives) (Volet procédural)

Parties
Demandeurs : A.K.
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : BOZAT İ. H.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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