Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), Henri Frugier a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner in solidum la SARL SCAPA Architectes Associés, la SARL SEPIBAT, la SARLU Sols Prestige 33, la SAS Horis-Thirode, la SAS Equip'froid et la SCOP Les Peintres Périgourdins, prise en la personne de son mandataire-liquidateur la SCP Pimouguet-Leuret, à lui verser une provision d'un montant total de 15 597,99 euros TTC au titre des travaux de reprise ; de condamner in solidum la SARL SCAPA Architectes Associés, la SARL SEPIBAT, la SARLU Sols Prestige 33, la SAS Horis-Thirode, la SAS Equip'froid et la SCOP Les Peintres Périgourdins, prise en la personne de son mandataire-liquidateur la SCP Pimouguet-Leuret, à lui verser une provision d'un montant total de 234 033,91 euros TTC au titre des frais de location d'une cuisine provisoire ; de condamner in solidum la SARL SCAPA Architectes Associés, la SARL SEPIBAT, la SARLU Sols Prestige 33, la SAS Horis-Thirode, la SAS Equip'froid et la SCOP Les Peintres Périgourdins, prise en la personne de son mandataire-liquidateur la SCP Pimouguet-Leuret, à lui verser une provision de 16 310,77 euros TTC au titre des frais annexes.
Par une ordonnance n° 2203487 du 14 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum la SARL SCAPA Architectes Associés, la SARL SEPIBAT, la SARLU Sols Prestige 33, la SAS Horis-Thirode, la SAS Equip'froid et la SCOP Les Peintres Périgourdins à verser à l'EHPAD Henri Frugier une provision de 254 125,24 euros TTC ; a jugé que la SAS Equip'froid sera garantie à 50 % par la SCOP Les Peintres Périgourdins et la société Nettoyage Multi Service solidairement à 10 % par la SARL SCAPA Architectes Associés, à 10 % par la SARL SEPIBAT, à 10 % par la SARLU Sols Prestige 33, et à 10 % par la SAS Horis-Thirode et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 décembre 2022 et le 2 juin 2023, sous le n° 22BX03131, la société Sols Prestige 33, représentée par Me Le Bail, demande à la cour :
1°) de réformer cette ordonnance n° 2203487 du 14 décembre 2022;
2°) de ramener la condamnation prononcée à son encontre à la somme de 12 450 euros TTC ;
3°) de rejeter le surplus des conclusions des autres parties ;
4°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en tant que titulaire du lot n° 10 " revêtements sols collés et faïences " du marché de reconstruction et de restructuration des bâtiments de l'EHPAD, sa responsabilité, au titre des désordres ayant affecté l'établissement, doit être limitée aux seuls dommages matériels constatés dans le rapport d'expertise à l'exclusion du coût du remplacement des équipements de cuisine ; à cet égard, l'expert a exclu toute responsabilité de la société Sols Prestige 33 dans la nécessité de remplacer les équipements de cuisine ;
- ces équipements ayant été remplacés à neuf, le seul dommage indemnisable est constitué par le coût des travaux de nettoyage des sols que le juge des référés de première instance a justement évalués à 12 450 euros.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 janvier 2023 et le 30 mai 2023, la SARL SEPIBAT, représentée par Me Renaudie, demande à la cour par la voie de l'appel incident :
1°) d'annuler l'ordonnance attaquée en ce qu'elle prononce sa condamnation ;
2°) de rejeter comme irrecevables, ou subsidiairement au fond, les demandes présentées à son encontre par l'EHPAD Henri Frugier ;
3°) subsidiairement, de limiter la condamnation provisionnelle demandée à 5 % du montant du préjudice et à être garantie à hauteur de 95 % de la condamnation ;
4°) de mettre à la charge de l'EHPAD Henri Frugier une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande en réformation de l'ordonnance attaquée est recevable, contrairement à ce que soutient l'EHPAD Henri Frugier dès lors que l'un des débiteurs condamnés en première instance a saisi le juge du fond dans le délai prévu à l'article R. 541-4 du code de justice administrative, ce qui est le cas en l'espèce ;
- elle a signé en 2022 un avenant avec l'EHPAD Henri Frugier qui met fin à l'amiable à leur contrat et règle les conséquences financières du marché ; cet avenant vaut décompte général et définitif du marché et fixe ainsi les obligations financières des cocontractants ; l'existence de ce décompte rend irrecevable la demande de provision présentée par l'EHPAD à son encontre ;
- au fond, et à titre subsidiaire, elle n'a qu'une fonction de planification qui n'inclut ni la direction des travaux ni la résolution des difficultés rencontrées ni la planification des nettoyages séquentiels ; ainsi ce sont le maître d'ouvrage et la SEMIPER qui sont intervenus lors de la découverte des désordres pour lesquels il est demandé une provision ;
- elle a correctement effectué sa mission dès lors qu'aucune entreprise n'a formulé d'observations à l'encontre des plannings ; les travaux se sont correctement enchaînés en dépit de quelques retards dont elle n'est pas responsable, qu'elle a en outre signalés et qui n'ont pas eu pour conséquence de désorganiser le chantier ; elle a constaté le nettoyage effectué par la SCOP Les Peintres Périgourdins ;
- la dégradation des équipements de cuisine est le fait direct et exclusif du sous-traitant de la SCOP Les Peintres Périgourdins ; à titre subsidiaire, l'expert judiciaire n'impute une responsabilité qu'à hauteur de 5 % à la société SEPIBAT ;
- le montant du préjudice matériel est surévalué dès lors que l'EHPAD n'a pas tenu compte de ce que certains éléments étaient récupérables, qu'elle a déjà réglé certaines prestations ;
- la somme relative aux frais d'avocat doit être rejetée dès lors qu'elle relève des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et non de la provision au titre des frais annexes ;
- les conclusions de la société Horis Thirode tendant au remboursement des sommes qu'elle aurait exposées pour remédier aux désordres litigieux sont nouvelles en appel et de plus infondées.
Par des mémoires enregistrés le 6 février 2023, le 24 avril 2023 et le 5 juin 2023, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), Henri Frugier, représenté par Me Gendre, conclut :
1°) au rejet des demandes de la société Sols Prestige 33, de la société SEPIBAT et de la société Horis Thirode ;
2°) à la confirmation de l'ordonnance attaquée ;
3°) et à ce qu'il soit mis à la charge in solidum de la société Sols Prestige 33, de la société Horis Thirode et de la société SEPIBAT la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les demandes de la société Sols Prestige 33, de la SEPIBAT et de la société Horis Thirode ne sont pas recevables dès lors qu'il leur appartenait, en application de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de saisir le juge du fond d'une demande tendant à la fixation définitive du montant de leur créance ;
- de plus, les demandes formulées par ces sociétés sont tardives dès lors qu'elles ont été présentées au-delà du délai d'appel de 15 jours prévu par l'article R. 541-3 du code de justice administrative ;
- la SEPIBAT a méconnu les stipulations des cahiers des clauses particulières de son contrat en n'ayant pas procédé à une planification adaptée et en ne constatant pas les désordres, ce qui a abouti à la désorganisation du chantier ;
- la SARLU Sols Prestige 33, la SAS Horis-Thirode ont méconnu les stipulations de leur cahier des clauses techniques particulières dès lors qu'elles n'ont pas ou mal exécuté leurs missions de protection de leurs ouvrages et de nettoyage du chantier à l'issue de leurs interventions ;
- l'obligation qui pèse sur les sociétés, à hauteur des sommes retenues par le premier juge, n'est pas sérieusement contestable dès lors que leur responsabilité résulte clairement des conclusions du rapport d'expertise.
Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2023, la société Horis Thirode, représentée par Me Hounieu, conclut par la voie de l'appel incident :
1°) à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle met à sa charge in solidum une somme au titre de la réparation des désordres litigieux ;
2°) au rejet de toute demande formée à son encontre ;
3°) subsidiairement, à ce que sa responsabilité soit limitée aux seuls dommages matériels évalués à 5 000 euros HT dans la limite de 10 % ; à la condamnation in solidum des sociétés SCAPA Architectes et Associés, SEPIBAT, Sols Prestige 33, Equip'Froid, Les Peintres Périgourdains et Nettoyage Multiservices à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) à la condamnation in solidum de ces dernières sociétés à lui verser la somme de 115 302,91 euros ;
5°) à la mise à la charge de l'EHPAD Henri Frugier et de toute partie succombante in solidum d'une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'ordonnance attaquée à retenu sa responsabilité au titre des désordres litigieux ; elle a été contrainte de retirer les films de protection recouvrant les équipements de cuisine qu'elle a installés afin de permettre la réalisation des opérations de tests préalables à la réception ; elle s'est acquittée de cette tache sans savoir que les opérations de nettoyage préalable des sols n'avaient pas été effectuées ; elle n'est pas responsable du fait que le nettoyage effectué par la suite l'a été avec des produits à base d'acide inadapté, lesquels ont endommagé les équipements de cuisine ;
- cette situation engage la responsabilité du maître d'œuvre, de la société chargée de la mission OPC, de la société Sols Prestige 33 ainsi que celle de la société Les Peintres Périgourdains à l'exclusion de la sienne ;
- la somme demandée par l'EHPAD Henri Frugier au titre du préjudice matériel n'est pas certaine ; la somme demandée au titre du coût de remplacement des équipements de cuisine n'est pas à sa charge, comme l'a estimé l'expert ; subsidiairement, les sommes demandées seront limitées en tenant compte de la faute du maître de l'ouvrage ;
- elle sera garantie par les autres constructeurs responsables compte tenu des conclusions du rapport d'expertise ;
- elle a droit au remboursement par les autres constructeurs responsables du coût de remplacement des équipements de cuisine qu'elle a dû assumer.
Par un mémoire enregistré le 9 mai 2023, la société SCAPA Architectes Associés, représentée par Me Rooryck, conclut par la voie de l'appel incident :
1°) à l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
2°) au rejet de toutes les demandes des autres parties dirigées contre elle ;
3°) à titre subsidiaire, à ce que la société Equip'froid, la SCOP Les Peintres Périgourdins, la société Nettoyage Multiservice, la société SEPIBAT, la société Sols Prestige 33 et la société Horis-Thirode la garantissent intégralement des condamnations prononcées contre elle ;
4°) à ce que soit mise à la charge de toute partie succombante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de la société Horis Thirode de condamnation des autres intervenants à lui rembourser le coût du remplacement des équipements de cuisine est irrecevable dès lors qu'elle soulève un litige distinct du litige principal ;
- il résulte du rapport d'expertise que la responsabilité du maître d'œuvre est subsidiaire ; il apparait à cet égard que le maître d'œuvre a correctement rempli sa mission de direction de l'exécution des travaux et d'assistance du maître de l'ouvrage aux opérations de réception ; les travaux à l'origine des désordres ont eu lieu entre deux visites de chantier et n'étaient pas connus du maître d'œuvre.
Par un mémoire enregistré le 25 mai 2023, la société Nettoyage Multiservices, représentée par Me Bertrandon, conclut à l'annulation de l'ordonnance attaquée et au rejet de toute demande de condamnation formée à son encontre.
Elle soutient que :
- elle est intervenue sur le chantier en qualité de sous-traitante de la société Les Peintres Périgourdains pour effectuer le nettoyage de la cuisine les 30 janvier et 1er février 2019 ; elle n'est plus intervenue par la suite, ayant laissé place à la société Exelnet ;
- elle est intervenue pour ses prestations de nettoyage dans des conditions difficiles, en l'absence de nettoyage des locaux par les précédents intervenants ; elle a été contrainte de procéder à un nettoyage intensif en utilisant des produits acides ;
- l'absence de ventilation des locaux est aussi une des causes du dommage, comme plusieurs intervenants aux opérations d'expertise l'ont relevé ;
- le rapport d'expertise indique que les dommages en litige ont pour origine un manquement des autres intervenants dans l'exercice de leurs missions ;
- le maître de l'ouvrage a tardé à faire valoir ses droits devant le juge administratif, ce qui a allongé la période de location de la cuisine provisoire.
Par un mémoire enregistré le 30 mai 2023, la société Equip'Froid, représentée par Me Escande, conclut :
1°) à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 5 % du montant du préjudice matériel évalué à 5 000 euros ;
2°) au rejet des conclusions des autres parties formées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la société Les Peintres Périgourdains, de la société Néettoyage Multiservices, de la société SCAPA Architectes Associés, de la société Sols Prestige 33, de la société Horis Thirode et de la société SEPIBAT à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) à ce qu'il soit mis à la charge des parties succombantes la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le rapport d'expertise retient que les dommages en litige ont pour origine des manquements à leurs obligations contractuelles des autres intervenants aux marchés, y compris le maître d'œuvre ; la responsabilité principale de ces désordres pèse sur la société Nettoyage Multiservices qui a utilisé un produit à base d'acide pour nettoyer les locaux et les équipements de cuisine ;
- le rapport d'expertise ne retient pas sa responsabilité pour la réparation des désordres relatifs à la location des bungalows et de la cuisine ;
- les sommes retenues par l'ordonnance attaquée sont sérieusement contestables dans leur montant ;
- subsidiairement, sa responsabilité devra être limitée à 5 % du montant du préjudice matériel ;
- la demande de la société Horis Thirode tendant au paiement de la somme de 115 302,91 euros est nouvelle en appel et en tout état de cause infondée.
II - Par une requête et des mémoires enregistrés le 27 décembre 2022, le 30 mai 2023 et le 2 juin 2023 sous le n° 22BX03163, la société Equip'Froid, représentée par Me Escande, demande au juge des référés :
1°) de réformer l'ordonnance attaquée en limitant à 5 000 euros le montant de la provision au titre du préjudice matériel et en fixant à 5 % de cette somme sa part de responsabilité ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Les Peintres Périgourdins et la société NMS in solidum à la garantir des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 80 % des provisions pouvant être mises à sa charge ; de condamner la société SCAPA Architectes Associés et la société SEPIBAT à la garantir in solidum à hauteur de 10 % des provisions ; de condamner la société Sols Prestige 33 et la société Horis Thirode à la garantir in solidum à hauteur de 5 % chacune des provisions.
Elle soutient que :
- sa demande en réformation de l'ordonnance attaquée est recevable, contrairement à ce que soutient l'EHPAD Henri Frugier dès lors que l'un des débiteurs condamnés en première instance a saisi le juge du fond dans le délai prévu à l'article R. 541-4 du code de justice administrative, ce qui est le cas en l'espèce ;
- sa responsabilité, concernant le préjudice matériel, est limitée à la seule présence de traces de colle sur le carrelage des cuisines, de sorte que le montant de la provision pouvant être mise à sa charge à ce titre doit être limitée à 5 000 euros ; aucune somme au titre des frais de nettoyage du chantier, dont l'expert ne parle pas, ne doit être mise à sa charge ; enfin, la responsabilité lui incombant doit être limitée à 5 % du montant précité de 5 000 euros dès lors que le principal responsable des désordres en litige est la société Nettoyage Multiservices qui a nettoyé les équipements de cuisines avec des produits à base d'acide à l'origine des désordres en litige ;
- aucune somme ne doit être mise à sa charge au titre du coût du remplacement des équipements de cuisine ; à ce sujet, le rapport d'expertise ne retient aucune responsabilité de sa part dans ce chef de préjudice ;
- les frais d'huissier et les frais de l'instance ne doivent pas être inclus dans le préjudice indemnisable dès lors qu'ils sont pris en charge au titre des frais irrépétibles ;
- à titre subsidiaire, l'origine des désordres réside dans l'utilisation de produits de nettoyage à base d'acide, ce qui engage la responsabilité principale de la société SCOP les Peintres Périgourdains et de son sous-traitant, la société Nettoyage Multiservices ; ces derniers devront ainsi la garantir du montant des condamnations ; la responsabilité du maître d'œuvre doit aussi être retenue dès lors qu'il était chargé d'une mission de surveillance du nettoyage séquentiel des lieux ; de même, la responsabilité de la société chargée de la mission OPC est engagée dans la mesure où elle est restée taisante sur l'absence de nettoyage des lieux par les entreprises intervenantes ; ces derniers devront la garantir des condamnations ; enfin, la responsabilité de la société Sols Prestige 33 et de la société Horis Thirode est engagée car la première nommée n'a pas nettoyé le chantier au terme de ses prestations tandis que la seconde nommée a posé le mobilier de cuisine alors que les locaux n'avaient pas été nettoyés ; ces sociétés la garantiront chacune du montant des condamnations.
Par des mémoires enregistrés le 30 janvier 2023 et le 30 mai 2023, la SARL SEPIBAT, représentée par Me Renaudie, demande au tribunal par la voie de l'appel incident :
1°) d'annuler l'ordonnance attaquée en ce qu'elle prononce sa condamnation ;
2°) de rejeter comme irrecevables, ou subsidiairement au fond, les demandes présentées à son encontre par l'EHPAD Henri Frugier ;
3°) subsidiairement, de limiter la condamnation provisionnelle demandée à 5 % du montant total du préjudice indemnisable et à être garantie par les autres constructeurs à hauteur de 95 % du montant des réparations ;
4°) de mettre à la charge de l'EHPAD Henri Frugier une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a signé en 2022 un avenant avec l'EHPAD Henri Frugier qui met fin à l'amiable à leur contrat et règle les conséquences financières du marché ; cet avenant vaut décompte général et définitif du marché et fixe ainsi les obligations financières des cocontractants ; l'existence de ce décompte rend irrecevable la demande de provision présentée par l'EHPAD à son encontre ;
- au fond, et à titre subsidiaire, elle n'a qu'une fonction de planification qui n'inclut ni la direction des travaux ni la résolution des difficultés rencontrées ni la planification des nettoyages séquentiels ; ainsi ce sont le maître d'ouvrage et la SEMIPER qui sont intervenus lors de la découverte des désordres pour lesquels il est demandé une provision ;
- elle a correctement effectué sa mission dès lors qu'aucune entreprise n'a formulé d'observations à l'encontre des plannings ; les travaux se sont correctement enchaînés en dépit de quelques retards dont elle n'est pas responsable, qu'elle a en outre signalés et qui n'ont pas eu pour conséquence de désorganiser le chantier ; elle a constaté le nettoyage effectué par la SCOP Les Peintres Périgourdins ;
- la dégradation des équipements de cuisine est le fait direct et exclusif du sous-traitant de la SCOP Les Peintres Périgourdins ; à titre subsidiaire, l'expert judiciaire n'impute une responsabilité qu'à hauteur de 5 % à la SARL SEPIBAT ;
- le montant du préjudice matériel est surévalué dès lors que l'EHPAD n'a pas tenu compte de ce que certains éléments étaient récupérables, qu'elle a déjà réglé certaines prestations ;
- la somme relative aux frais d'avocat doit être rejetée dès lors qu'elle relève des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et non de la provision au titre des frais annexes.
Par un mémoire, enregistré le 22 mars 2023, la société Horis Thirode, représentée par Me Hounieu, conclut par la voie de l'appel incident :
1°) à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle met à sa charge in solidum une somme au titre de la réparation des désordres litigieux ;
2°) au rejet de demande formée à son encontre ;
3°) subsidiairement, à ce que sa responsabilité soit limitée aux seuls dommages matériels évalués à 5 000 euros HT dans la limite de 10 % ; à la condamnation in solidum des sociétés SCAPA Architectes et Associés, SEPIBAT, Sols Prestige 33, Equip'Froid, Les Peintres Périgourdains et Nettoyage Multiservices à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
4°) à la condamnation in solidum de ces dernières sociétés à lui verser la somme de 115 302,91 euros ;
5°) à la mise à la charge de l'EHPAD Henri Frugier et de toute partie succombante in solidum une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'ordonnance attaquée à retenu sa responsabilité au titre des désordres litigieux ; il résulte du dossier qu'elle a été contrainte de retirer les films de protection recouvrant les équipements de cuisine qu'elle a installés afin de permettre la réalisation des opérations de tests préalables à la réception ; elle s'est acquittée de cette tache sans savoir que les opérations de nettoyage préalable des sols n'avait pas été effectuée ; elle n'est pas responsable du fait que le nettoyage effectué par la suite l'a été avec des produits à base d'acide inadapté, lesquels ont endommagé les équipements de cuisine ;
- cette situation engage la responsabilité du maître d'œuvre, de la société chargée de la mission OPC, de la société Sols Prestige 33 ainsi que celle de la société Les Peintres Périgourdains à l'exclusion de la sienne ;
- la somme demandée par l'EHPAD Henri Frugier au titre du préjudice matériel n'est pas certaine ; la somme demandée au titre du coût de remplacement des équipements de cuisine n'est pas à sa charge, comme l'a estimé l'expert ; subsidiairement, les sommes demandées seront limitées en tenant compte de la faute du maître de l'ouvrage ;
- elle sera garantie par les autres constructeurs responsables compte tenu des conclusions du rapport d'expertise ;
- elle a droit au remboursement par les autres constructeurs responsables du coût de remplacement des équipements de cuisine qu'elle a dû assumer.
Par un mémoire enregistré le 9 mai 2023, la société SCAPA Architectes Associés, représentée par Me Rooryck, conclut par la voie de l'appel incident :
1°) à l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
2°) au rejet de toutes les demandes des autres parties dirigées contre elle ;
3°) à titre subsidiaire, à ce que la société Equip'froid, la SCOP Les Peintres Périgourdins, la société Nettoyage Multiservice, la société SEPIBAT, la société Sols Prestige 33 et la société Horis-Thirode la garantissent intégralement des condamnations prononcées contre elle ;
4°) à ce que soit mise à la charge de toute partie succombante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de la société Horis Thirode de condamnation des autres intervenants à lui rembourser le coût du remplacement des équipements de cuisine est irrecevable dès lors qu'elle soulève un litige distinct du litige principal ;
- il résulte du rapport d'expertise que la responsabilité du maître d'œuvre est subsidiaire ; il apparait à cet égard que le maître d'œuvre a correctement rempli sa mission de direction de l'exécution des travaux et d'assistance du maître de l'ouvrage aux opérations de réception ; les travaux à l'origine des désordres ont eu lieu entre deux visites de chantier et n'étaient pas connus du maître d'œuvre.
Par des mémoires enregistrés le 30 mai 2023 et le 5 juin 2023, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), Henri Frugier, représenté par Me Gendre, conclut :
1°) au rejet des demandes de la société Sols Prestige 33, de la société SEPIBAT et de la société Horis Thirode ;
2°) à la confirmation de l'ordonnance attaquée ;
3°) et à ce qu'il soit mis à la charge in solidum de la société Sols Prestige 33, de la société Horis Thirode et de la société SEPIBAT la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les demandes de la société Sols Prestige 33, de la SEPIBAT et de la société Horis Thirode ne sont pas recevables dès lors qu'il leur appartenait, en application de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de saisir le juge du fond d'une demande tendant à la fixation définitive du montant de leur créance ;
- de plus, les demandes formulées par ces sociétés sont tardives dès lors qu'elles ont été présentées au-delà du délai d'appel de 15 jours prévu par l'article R. 541-3 du code de justice administrative ;
- la SEPIBAT a méconnu les stipulations des cahiers des clauses particulières de son contrat en n'ayant pas procédé à une planification adaptée et en ne constatant pas les désordres, ce qui a abouti à la désorganisation du chantier ;
- la SARLU Sols Prestige 33, la SAS Horis-Thirode ont méconnu les stipulations de leur cahier des clauses techniques particulières dès lors qu'elles n'ont pas ou mal exécuté leurs missions de protection de leurs ouvrages et de nettoyage du chantier à l'issue de leurs interventions ;
- l'obligation qui pèse sur les sociétés, à hauteur des sommes retenues par le premier juge, n'est pas sérieusement contestable dès lors que leur responsabilité résulte clairement des conclusions du rapport d'expertise.
Le président de la cour a désigné M. C... A... comme juge des référés en application des dispositions du livre V du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. En 2016, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Henri Frugier a confié à la société SEMIPER, son mandataire, la mise en œuvre d'une procédure de passation de marchés de travaux portant sur la reconstruction et la réhabilitation de ses trois bâtiments d'hébergement. La maîtrise d'œuvre du chantier a été assurée par la société SCAPA Architectes Associés, tandis que la mission ordonnancement, pilotage et coordination de ce chantier a été effectuée par la société SEPIBAT. Quant aux marchés de travaux, ils comportaient plusieurs lots, dont le lot n° 10 " revêtements de sols scellés et collés - faïence " confié à société Sols Prestige 33, le lot n°12 " Peinture - revêtements muraux " confié à la société Les Peintres Périgourdins, le lot n°16 A " Equipements de cuisine " attribué à la société Horis-Thirode ainsi que le lot n° 16 C " Panneaux isothermes - Production frigorifique " dont l'exécution incombait à la SAS Equip'Froid.
2. A l'issue des travaux dans les cuisines du bâtiment C de l'EHPAD, une campagne de nettoyage des locaux a été réalisée le 31 janvier et le 1er février 2019 par la société Nettoyage Multi Services, sous-traitante de la société Les Peintres Périgourdins. Toutefois, dans un rapport de visite établi le 6 février 2019, la société Intech, chargée de la mission d'études techniques, a estimé que ce nettoyage avait été effectué partiellement et suivant un mode opératoire inadapté, et a constaté des traces de rouille sur une grande partie des équipements de la cuisine. A la demande de l'EHPAD Henri Frugier, le président du tribunal administratif de Bordeaux a, par une ordonnance du 15 juin 2020, désigné un expert chargé de décrire les désordres constatés, d'en déterminer l'origine et de chiffrer le coût de leur réparation. Après le dépôt de ce rapport le 22 octobre 2020, l'EHPAD Henri Frugier a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux la condamnation in solidum de la société SCAPA Architectes Associés, de la société SEPIBAT, de la société Sols Prestige 33, de la société Horis-Thirode, de la société Equip'Froid et de la société Les Peintres Périgourdins à lui verser une provision de 15 597,99 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres, une provision de 234 033,91 euros TTC au titre des frais de location d'une cuisine provisoire ainsi qu'une provision de 16 310,77 euros TTC au titre des frais annexes.
3. Par une ordonnance du 14 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum la société SCAPA Architectes Associés, la société SEPIBAT, la société Sols Prestige 33, la société Horis-Thirode, la société Equip'Froid et la société Les Peintres Périgourdins à verser à l'EHPAD Henri Frugier une somme totale de 254 125,24 euros TTC à titre de provision. Statuant sur les appels en garantie, le tribunal a jugé que la société Equip'Froid serait garantie des condamnations prononcées à son encontre à 50 % par la société Les Peintres Périgourdins et la société Nettoyage Multi Service solidairement, à 10 % par la société SCAPA Architectes Associés, à 10 % par la société SEPIBAT, à 10 % par la société Sols Prestige 33, à 10 % par la société Horis-Thirode, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
4. La société Sols Prestige 33, par une requête enregistrée sous le n° 22BX03131, demande au juge des référés de la cour de réformer l'ordonnance du 14 décembre 2022 en ramenant à 12 450 euros le montant de sa condamnation. La société Equip'Froid, par une autre requête enregistrée sous le n° 22BX03163, demande également au juge des référés de la cour, à titre principal, de réformer cette ordonnance en tant qu'elle n'a pas limité à 5 % de la somme de 5 000 euros le montant de sa condamnation.
5. Par des conclusions d'appel incident présentées dans le cadre des deux instances mentionnées ci-dessus la société SEPIBAT conclut, à titre principal, à l'annulation de l'ordonnance attaquée en ce qu'elle prononce sa condamnation. La société Horis Thirode conclut, à titre principal, à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle met à sa charge in solidum une somme au titre de la réparation des désordres litigieux ainsi qu'à la condamnation in solidum des sociétés SCAPA Architectes et Associés, SEPIBAT, Sols Prestige 33, Equip'Froid, Les Peintres Périgourdains et Nettoyage Multiservices à lui verser la somme de 115 302,91 euros. La société SCAPA Architectes Associés conclut, à titre principal, à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle prononce sa condamnation.
Sur les fins de non-recevoir :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par l'EHPAD Henri Frugier aux demandes des sociétés Sols Prestige 33, SEPIBAT et Horis Thirode :
5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Aux termes de l'article R. 541-3 du même code : " (...) l'ordonnance rendue par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification. ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 541-4 du code de justice administrative : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel. ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il est loisible à la personne condamnée au paiement d'une provision de faire appel de l'ordonnance prononçant sa condamnation, ou, quand le créancier n'a pas introduit de demande au fond, de saisir le juge du fond pour qu'il fixe définitivement le montant de sa dette. Ainsi, l'action prévue par les dispositions précitées de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce qu'une personne condamnée en première instance au paiement d'une provision fasse appel de l'ordonnance prononçant sa condamnation ou présente au cours de l'instance d'appel, si elle n'est pas appelante principale, des conclusions incidentes tendant à l'annulation de l'ordonnance en tant qu'elle a prononcé sa condamnation ou tendant à la diminution du montant de cette condamnation. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'EHPAD Henri Frugier aux conclusions de la société Sols Prestige 33, de la société SEPIBAT et de la société Horis Thirode doit être écartée.
7. En second lieu, les conclusions de la société SEPIBAT et de la société Horis Thirode, tendant à la réformation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle prononce leur condamnation, ont été présentées devant le juge d'appel postérieurement à l'expiration du délai d'appel de 15 jours prévu à l'article R. 541-3 du code de justice administrative. Par suite, elles présentent le caractère de conclusions d'appel incident, lesquelles ne sont pas soumises à une condition de délai. La fin de non-recevoir tirée de leur tardiveté doit être écartée.
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société SEPIBAT à la demande de l'EHPAD Henri Frugier :
8. Il résulte de l'instruction que la société SEPIBAT et la société SEMIPER, mandataire de l'EHPAD Henri Frugier, ont signé le 23 septembre 2022, un avenant ayant pour objet " d'acter la fin de mission de la société SEPIBAT " au 24 février 2022. Il résulte des termes de cet avenant que le maître de l'ouvrage a accédé à la demande de la société SEPIBAT qui n'a pas souhaité poursuivre sa mission au-delà du 24 février 2022 et que " cette fin anticipée...constitue...une résiliation amiable du marché...ne donnant lieu au versement d'aucune indemnité de part et d'autre ou de pénalité... ". A ce titre, les signataires de l'avenant sont convenus de déduire du montant du marché initial une moins-value de 2 502,50 euros pour fixer le montant du marché et arrêter définitivement les conséquences financières de celui-ci.
9. Par ailleurs, aux termes du 2. de l'article E " objet de l'avenant " : " ...La responsabilité de la société SEPIBAT reste pleine et entière et pourra être recherchée pour tout évènement relatif à son intervention sur l'opération, à la condition qu'elle soit antérieure à la date de fin du marché arrêtée par le présent avenant dans la mesure où, effectivement, elle est susceptible d'entraîner un action juridique ou judiciaire dirigée pour cette raison contre la personne du maître de l'ouvrage ". Il résulte de ces stipulations que les parties ont entendu laisser subsister une responsabilité de la société SEPIBAT dans la seule mesure où son intervention sur le chantier pourrait entraîner une action contre l'EHPAD Henri Frugier, maître de l'ouvrage. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une telle action aurait été engagée contre l'EHPAD Henri Frugier. Dans ces conditions, il apparait que la signature de l'avenant du 23 septembre 2022, dans les termes où il est rédigé, est susceptible de faire obstacle à toute action contractuelle de l'EHPAD Henri Frugier à l'encontre de la société SEPIBAT à raison des désordres en litige survenus au début de l'année 2019. Par suite, l'action contractuelle du maître de l'ouvrage à l'encontre de la société SEPIBAT ne se fonde pas, en l'état de l'instruction, sur une obligation non sérieusement contestable, et l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux doit être annulée en tant qu'elle prononce la condamnation in solidum de la société SEPIBAT à verser une provision au maître de l'ouvrage.
En ce qui concerne les conclusions de la société Horis Thirode tendant à la condamnation des autres constructeurs à lui verser la somme de 115 302,91 euros TTC :
10. Il résulte de l'instruction que les désordres litigieux ont contraint la société Horis Thirode à remplacer les équipements de cuisine pour un coût de 115 302,91 euros TTC. Toutefois, la créance que la société Horis Thirode estime détenir, du fait de ce remplacement, à l'encontre des autres constructeurs, avec lesquels elle n'a signé aucun contrat, ne pourrait reposer que sur la responsabilité quasi-délictuelle de ces derniers alors que le litige principal porte sur la responsabilité contractuelle des constructeurs vis-à-vis de l'EHPAD Henri Frugier. De plus, cette créance, par sa nature, ne présente pas un lien suffisant avec les désordres à raison desquels l'EHPAD Henri Frugier a été indemnisé. Par suite, la contestation soulevée par la société Horis Thirode constitue un litige distinct de l'appel principal. La demande présentée par la société Horis Thirode n'est dès lors pas recevable.
Sur le principe de la provision :
11. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure qu'elles instituent, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.
12. Aux termes de l'article 10-05.1 du CCTP applicable au lot 10 attribué à la société Sols Prestige 33 : " La finition des travaux de revêtement de sols comporte le nettoyage, exécuté immédiatement après le coulage des joints, au chiffon sec et à la sciure fine de bois blanc. Le frottage sera exécuté suivant les diagonales des éléments, sans dégarnir les joints, jusqu'à un état de propreté parfaite. Ensuite, la protection des revêtements sera assurée par une couche de sciure de bois blanc, à enlever pour la réception des travaux (...) ". Aux termes des articles 12-11.1 et 12-11.2 du CCTP applicable au lot 12 attribué à la société Les Peintres Périgourdins : " Nettoyage soigné des appareils sanitaires, de la robinetterie, de tous les accessoires sanitaires et électriques du mobilier y compris intérieur et plans de travail, des portes et poignées des mains courantes des protections murales, de l'ensemble des sols en permettant la réception (Ils seront traités selon les dispositions mentionnées dans la fiche technique du sol mis en œuvre - fiche à demander au lot concerné) (...). Un dépoussiérage parfait de l'ensemble des locaux. Reprise du nettoyage des sols ". Aux termes des articles 17-4.12, 17-4.15 et 2-1.3 du CCTP applicable au lot 16 A " Equipements de cuisine " attribué à la société Horis-Thirode : " L'Entrepreneur est responsable, jusqu'à la réception définitive des travaux, de la protection de ses ouvrages (...). Pendant les travaux et avant la réception de ses installations, tous les ouvrages du présent Lot sont correctement nettoyés, notamment les gaines et les locaux techniques. L'Entrepreneur du présent Lot surveille et assure lui-même, avec le plus grand soin, les nettoyages dont il a l'entière responsabilité (...). Le présent lot reste responsable de ses ouvrages jusqu'à la réception définitive des travaux, en conséquence il doit assurer la protection efficace de ses équipements par tous les moyens adaptés aux risques encourus et nécessaires tels que panneaux de bois, bâches, emballages etc. (...) ". Enfin selon les articles 5-4.7 et 5-4.10 du CCTP applicable au lot 16 C attribué à la société Equip'Froid : " L'Entrepreneur est responsable, jusqu'à la réception définitive des travaux, de la protection de ses ouvrages (...). L'entrepreneur du présent lot, intervenant alors même que les entreprises réalisatrices d'une partie des ouvrages ont achevé leur travail, est tenu de prendre toutes dispositions pour la protection ou la mise en état des ouvrages des autres corps d'état sur lesquels ils interviennent (...). Pendant les travaux et avant la réception de ses installations, tous les ouvrages du présent Lot sont correctement nettoyés, notamment les gaines et les locaux techniques. L'Entrepreneur du présent Lot surveille et assure lui-même, avec le plus grand soin, les nettoyages dont il a l'entière responsabilité ".
13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonnée par le tribunal administratif, que les désordres affectant la cuisine de l'EHPAD Henri Frugier consistent en des traces de colle grise, de colle néoprène marron et de rouille sur les sols carrelés et en l'oxydation des éléments en acier composant le mobilier et le matériel de cuisine, les siphons au sol et les bandeaux des hottes de ventilations. Ces désordres, qui ont rendu les équipements concernés irrécupérables, ont conduit le maître d'ouvrage à refuser la réception de l'ouvrage le 27 février 2019.
14. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que ces désordres ont pour origine des opérations de nettoyage qui n'ont pas été menées convenablement. Les traces de colle et de produits de jointement auraient dû être enlevées par la société Sols Prestige 33 à la fin de son intervention et avant celle des autres corps d'état. De même, les traces de colle néoprène marron auraient dû être enlevées par la société Equip'Froid avant l'intervention des autres corps d'état. Enfin, il résulte de l'instruction que la société Nettoyage Multiservices est intervenue, en tant que sous-traitant de la société Les Peintres Périgourdains, les 30 janvier et 1er février 2019 pour procéder au nettoyage final des locaux, avec usage d'un produit inadapté à base d'acide suivi d'un rinçage insuffisant. Ainsi, les désordres litigieux ont pour cause, d'une part, l'absence de nettoyage séquentiel par les entrepreneurs à l'issue de leurs missions respectives et, d'autre part, un nettoyage défaillant en toute fin de chantier qui a favorisé une " ambiance acide " au sein des cuisines à l'origine de l'oxydation constatée. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'absence de ventilation des locaux, jusqu'à la décision du maître de l'ouvrage refusant de réceptionner les travaux, aurait contribué aux désordres en litige.
15. Il résulte des stipulations citées au point 12 de leur CCTP respectif que les sociétés Les Peintres Périgourdins, Sols Prestige 33 et Equip'Froid étaient responsables du nettoyage séquentiel des locaux et de la protection de leurs ouvrages une fois leurs prestations achevées. Or ces sociétés ne se sont pas acquittées de ces taches, qui leur incombaient. Par ailleurs, ces désordres qui se sont produits en cours et à la fin du chantier révèlent, de la part du maître d'œuvre, un défaut de surveillance dans l'exécution des travaux de nettoyage, mission qui incombait à la société SCAPA Architectes Associés en vertu de son acte d'engagement.
16. Selon les stipulations, citées au point 12, de son CCTP la société Horis-Thirode est responsable du nettoyage et de la protection de ses ouvrages, à savoir les équipements de cuisines, mais non des locaux eux-mêmes qui incombent aux autres constructeurs. Il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les équipements de cuisine livrés étaient eux-mêmes en bon état de nettoyage au moment de leur installation et que la société Horis-Thirode a été contrainte d'enlever les films plastiques assurant la protection de ses équipements pour leur mise en service en prévision des opérations préalables à la réception prévues le 16 janvier 2019. Il apparait ainsi que la société Horis Thirode a satisfait à son obligation contractuelle de prévenir toute détérioration de son matériel avant le test de fonctionnement. En conséquence, il n'apparait pas qu'elle puisse être tenue pour responsable du fait que, quelques jours après les opérations préalables à la réception, la société Les Peintres Périgourdains et son sous-traitant ont nettoyé les équipements de cuisines au moyen d'un produit à base d'acide inadapté, et qui s'est avéré être à l'origine des dommages litigieux. Dans ces conditions, la créance invoquée par l'EHPAD Henri Frugier à l'encontre de la société Horis-Thirode apparaît, en l'état de l'instruction, sérieusement contestable, et, dès lors, cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux l'a solidairement condamnée à indemniser ledit maître de l'ouvrage.
17. Il résulte de tout ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, la créance dont se prévaut l'EHPAD Henri Frugier n'est pas sérieusement contestable à l'égard des seules sociétés SCAPA Architectes Associés, Sols Prestige 33, Equip'Froid et Les Peintres Périgourdins.
Sur le montant de la provision :
18. En premier lieu, l'EHPAD Henri Frugier a demandé en première instance une provision de 15 597,99 euros TTC incluant le coût du test de nettoyage (822 euros TTC), le nettoyage après sinistre (6 306 euros TTC), le nettoyage après chantier (5 322 euros TTC), la consignation et la déconsignation du réseau électrique (737,59 euros TTC), et la désinfection ainsi que l'analyse réseau (2 390,40 euros TTC). Comme l'a estimé à bon droit le premier juge, le test de nettoyage après sinistre, le nettoyage après démontage des équipements endommagés et celui réalisé après les travaux de reprise étaient nécessaires pour vérifier le caractère irréversible des dommages et permettre leur réparation. C'est également par une exacte appréciation des éléments du dossier que le premier juge a estimé que les coûts des travaux de consignation et de déconsignation du réseau électrique, celui des opérations de désinfection et d'analyse des réseaux n'apparaissaient pas, en l'état de l'instruction, nécessaires à la réparation des désordres. Dans ces conditions, l'EHPAD Henri Frugier était seulement fondé à demander une provision de 12 450 euros TTC au titre des travaux de réparation des désordres matériels.
19. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'entre février 2019 et octobre 2021, l'EHPAD Henri Frugier a été contraint, en attendant la réparation totale et définitive des désordres, de louer une cuisine provisoire dont le coût doit ainsi être mis à la charge des responsables des dommages. A cet égard, l'EHPAD Henri Frugier a, le 27 février 2019, refusé la réception des travaux compte tenu des désordres constatés et a mis en demeure la société Les Peintres Périgourdins d'y remédier. Ces désordres ont conduit à l'organisation d'expertises amiables dans le courant de l'année 2019, puis ont contraint l'EHPAD à saisir, en janvier 2020, le juge des référés du tribunal administratif en vue d'obtenir la désignation d'un expert, demande qui a été satisfaite par ordonnance du 15 juin 2020. Après le dépôt du rapport d'expertise en octobre 2020, l'EHPAD Henri Frugier a entamé des démarches auprès des sociétés Horis-Thirode et Equip'Froid qui ont procédé aux travaux de reprise dans le courant de l'année 2021. Il n'apparait dès lors pas que l'EHPAD Henri Frugier aurait tardé à faire remédier aux désordres litigieux, de sorte que la période de location de la cuisine provisoire aurait pu être écourtée. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que le préjudice lié au coût de cette location s'étend de février 2019 à octobre 2021. Il résulte enfin de l'instruction que le coût du préjudice lié à la location de la cuisine provisoire s'élève à la somme de 234 033,91 euros TTC.
20. En troisième lieu, la somme de 490,00 euros TTC représentant le coût du constat d'huissier du 25 février 2019 supporté par l'EHPAD Henri Frugier a été utile à l'instruction. En revanche, la somme de 7 151,33 euros TTC, représentant les honoraires de l'avocat de l'EHPAD Henri Frugier liés aux opérations d'expertise, constituent des frais non compris dans les dépens dont le remboursement peut être poursuivi au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils ne font dès lors pas partie du préjudice indemnisable contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés du tribunal. Par suite, la créance dont l'EHPAD Henri Frugier peut se prévaloir au titre des frais annexes non sérieusement contestables doit être ramenée de 7 641,33 euros à 490 euros TTC et l'ordonnance attaquée doit être réformée dans cette mesure.
21. Il résulte de tout ce qui précède que l'EHPAD Henri Frugier est seulement fondé à demander la condamnation in solidum de la société SCAPA Architectes Associés, de la société Sols Prestige 33, de la société Equip'Froid et de la société Les Peintres Périgourdins à lui verser une provision d'un montant de 12 450 euros TTC au titre des désordres matériels, de 234 033,91 euros TTC au titre de la location de la cuisine provisoire, et de 490 euros TTC au titre des frais annexes, soit une somme totale de 246 973,91 euros TTC.
Sur les appels en garantie :
22. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la société Les Peintres Périgourdins et son sous-traitant, la société Nettoyage Multi Service, sont les principaux responsables des dommages litigieux dès lors que le nettoyage du chantier, effectué avec un produit à base d'acide, suivi d'un rinçage insuffisant, auquel elles ont procédé, a considérablement dégradé les structures en inox des équipements de la cuisine. Toutefois, ce nettoyage a été effectué en fin de chantier et correspondait contractuellement, ainsi qu'il a été dit au point 12, à un " dépoussiérage parfait de l'ensemble des locaux " et à une " reprise du nettoyage des sols " avant la remise au maître d'ouvrage. Or, comme l'a relevé à bon droit le juge des référés du tribunal administratif, cette mission n'incluait pas les nettoyages séquentiels du chantier par les entreprises intervenues antérieurement. Ces nettoyages séquentiels n'ayant pas été effectués, la société Les Peintres Périgourdins et son sous-traitant Nettoyage Multi Service n'ont pu que constater la présence de traces de colle sur les sols et sur les équipements de la cuisine, traces qu'elles ont essayé de faire disparaitre, mais d'une manière inappropriée. Par suite, les désordres en litige ont aussi pour origine l'absence de nettoyages qui incombaient respectivement à la société Equip'Froid et à la société Sols Prestige 33.
23. Par ailleurs, la société SCAPA Architectes Associés était chargée, en sa qualité de maître d'œuvre, d'une mission de surveillance et de direction de l'exécution des travaux. Sa responsabilité apparait aussi engagée pour n'avoir pas alerté les entreprises et le maître d'ouvrage sur l'absence de nettoyage séquentiel par chacune des entreprises et sur les conditions dans lesquelles le nettoyage final a eu lieu.
24. Il résulte enfin de l'instruction qu'une mauvaise planification des interventions a entraîné une désorganisation du chantier au cours duquel, en particulier, plusieurs sociétés ont travaillé concomitamment et avant tout nettoyage par le précédent intervenant. Il s'ensuit que les désordres sont aussi imputables à la société SEPIBAT qui était chargée, en vertu des articles 1.1.1.1, 1.2.1.2 et 1.2.2.1 du CCP de son marché, d'une mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination au titre de laquelle elle devait assurer " la vérification et la mise au point éventuelle des relations interentreprises pour la gestion courante du chantier ", " l'organisation conjointe des visites de fin de tâche et des visites de constat des dégradations " et le " contrôle de l'entretien et du nettoyage du chantier, de ses accès et abords " et proposer " une éventuelle imputation des frais afférents à qui de droit ". La responsabilité de la société SEPIBAT, chargée d'une mission ordonnancement, coordination et pilotage, et qui ne peut se prévaloir vis-à-vis des autres constructeurs de l'avenant de résiliation du marché qu'elle a signé avec le seul maître de l'ouvrage, apparait aussi engagée dans l'apparition des désordres en litige.
25. Compte tenu de tout ce qui précède, il sera fait une juste appréciation des responsabilités encourues en mettant à la charge de la société Les Peintres Périgourdins, in solidum avec son sous-traitant la société Nettoyage Multi Service, 60 % du montant des dommages tel que fixé au point 21 ci-dessus, 10 % à la charge de la société Equip'Froid, 10 % à la charge de la société Sols Prestige 33, 10 % à la charge de la société SEPIBAT et 10 % à la charge de la société SCAPA Architectes Associés. Il y a lieu, dès lors, de réformer sur ce point le partage de responsabilité fixé par le premier juge au point 22 de son ordonnance.
26. Il résulte enfin de tout ce qui précède que l'ordonnance attaquée doit être annulée en tant qu'elle condamne solidairement la société SEPIBAT et la société Horis Thirode à verser une provision à l'EHPAD Henri Frugier et en tant qu'elle condamne les constructeurs déclarés responsables à verser une provision excédant le montant indiqué au point 21 de la présente ordonnance.
27. Le surplus des conclusions des parties est rejeté, y compris, dans les circonstances de l'espèce, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2203487 du 14 décembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée en tant qu'elle condamne solidairement la société SEPIBAT et la société Horis Thirode à verser une provision à l'EHPAD Henri Frugier.
Article 2 : La somme de 254 125,24 euros TTC que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a retenue à titre de provision au bénéfice de l'EHPAD Henri Frugier est ramenée à 246 973,91 euros TTC. Elle est mise à la charge in solidum de la société SCAPA Architectes Associés, de la société Sols Prestige 33, de la société Equip'Froid et de la société Les Peintres Périgourdins.
Article 3 : La société SCAPA Architectes associés sera garantie par la société Les Peintres Périgourdains et la société Nettoyage Multiservices solidairement à hauteur de 60 %, par la société SEPIBAT à hauteur de 10 %, par la société Sols Prestige 33 à hauteur de 10 % et par la société Equip'Froid à hauteur de 10 %.
Article 4 : La société Equip'Froid sera garantie par la société Les Peintres Périgourdains et la société Nettoyage Multiservices solidairement à hauteur de 60 %, par la société SEPIBAT à hauteur de 10 %, par la société Sols Prestige 33 à hauteur de 10 % et par la société SCAPA Architectes associés à hauteur de 10 %.
Article 5 : La société SEPIBAT sera garantie par la société Les Peintres Périgourdains et la société Nettoyage Multiservices solidairement à hauteur de 60 %, par la société Sols Prestige 33 à hauteur de 10 %, par la société Equip Froid à hauteur de 10 % et par la société SCAPA Architectes associés à hauteur de 10 %.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Sols Prestige 33, à la société Equip'Froid, à l'EHPAD Henri Frugier, à la société SCAPA Architectes Associés, à la société SEPIBAT, à la société Horis-Thirode, à la SCP Pimouguet-Leuret, ès-qualité mandataire-liquidateur de la SCOP Les Peintres Périgourdins, à la SMABTP et à la société Nettoyage Multi Service. Copie pour information en sera transmise à Mme B..., experte.
Fait à Bordeaux, le 4 juillet 2023.
Le juge d'appel des référés,
M. C... A...
La République mande et ordonne au préfet de la Dordogne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
22BX03131 / 22BX03163 2