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11/01/2023 | FRANCE | N°22/02829

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ct0196, 11 janvier 2023, 22/02829


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 22/02829 -
No Portalis 352J-W-B7G-CWDUT

No MINUTE :

Assignation du :
14 février 2022

incident

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 janvier 2023

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DEFENDERESSE A L'INCIDENT

Société T.I.M.E. SERVICE CATALYST HANDLING GMBH
[Adresse 4]
[Localité 2] (ALLEMAGNE)

représentée par Maître Isabelle SETTON BOUHANNA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0152

DEFENDERESSE AU PRINC

IPAL
DEMANDERESSE A L'INCIDENT

S.A.S. CREALYST-GROUP
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l'AARPI BCTG AVO...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

3ème chambre
3ème section

No RG 22/02829 -
No Portalis 352J-W-B7G-CWDUT

No MINUTE :

Assignation du :
14 février 2022

incident

ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 janvier 2023

DEMANDERESSE AU PRINCIPAL
DEFENDERESSE A L'INCIDENT

Société T.I.M.E. SERVICE CATALYST HANDLING GMBH
[Adresse 4]
[Localité 2] (ALLEMAGNE)

représentée par Maître Isabelle SETTON BOUHANNA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0152

DEFENDERESSE AU PRINCIPAL
DEMANDERESSE A L'INCIDENT

S.A.S. CREALYST-GROUP
[Adresse 3]
[Localité 1]

représentée par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l'AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001

MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT

Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjoint
assisté de Lorine MILLE, greffière

DÉBATS

A l'audience du 17 novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 11 janvier 2023.

ORDONNANCE

Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

1 La société de droit allemand T.I.M.E. Service Catalyst Handling GmbH (ci-après TIME SERVICE) se présente comme spécialisée dans la manipulation des catalyseurs des réacteurs dans les raffineries et les usines de production pétrochimique.
2 La société par actions simplifiée (ci-après SAS) CREALYST-GROUP se présente comme spécialisée dans le remplissage dense de récipients verticaux cylindriques, notamment les réacteurs des usines pétrochimiques.
3 La SAS CREALYST-GROUP est titulaire des brevets européen EP1687223 (ci-après EP223), déposé le 24 novembre 2004 et délivré le 14 mai 2008, et français FR3083526 (ci-après FR526) déposé le 4 juillet 2018 et publié le 31 juillet 2020. Les technologies brevetées et son savoir-faire ont été développés par cette société sous l'appellation Calydens.
4 Les sociétés TIME SERVICE et CREALYST ont conclu plusieurs contrats autorisant la société TIME SERVICE à utiliser la machine Calydens de la SAS CREALYST-GROUP pour des prestations de chargement dense.
5 La société TIME SERVICE a déposé le 31 mars 2017, un brevet européen EP3436187 (ci-après EP187), sous priorité d'un brevet européen EP16163229 déposé le 31 mars 2016, qui fait l'objet d'une opposition de la SAS CREALYST-GROUP devant l'office européen des brevets, actuellement en cours.
6 Parallèlement, estimant que la machine dénommée Prodense développée par la société TIME SERVICE reprenait des éléments du savoir-faire qu'elle lui avait transmis dans le cadre de leurs relations contractuelles, la SAS CREALYST-GROUP l'a attraite le 16 mars 2021 devant le tribunal de commerce de Paris lui reprochant des manquements contractuels et des fautes délictuelles.
7 Par acte d'huissier du 14 février 2022 la société TIME SERVICE a fait assigner la SAS CREALYST-GROUP à l'audience du 12 mai 2022 de ce tribunal en nullité des brevets EP223 et FR526.
8 À cette audience, le juge de la mise en état a été saisi de l'instruction de l'affaire.
9 Par conclusions du 14 mai 2022, la SAS CREALYST-GROUP a saisi le juge de la mise en état d'un incident visant à déclarer la demanderesse irrecevable en ses demandes faute d'intérêt à agir et, subsidiairement, à déclarer l'action prescrite.
10 L'incident a été plaidé à l'audience du 17 novembre 2022 du juge de la mise en état au terme de laquelle elle a été mise en délibéré au 11 janvier 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES
11 La SAS CREALYST-GROUP, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées par RPVA le 17 novembre 2022, a demandé au juge de la mise en état de :
- Dire et juger que la société TIME SERVICE est dépourvue d'intérêt à agir en nullité des brevets EP223 et FR526
- En conséquence, juger la société TIME SERVICE irrecevable en ses demandes formées à l'encontre des brevets EP223 et FR526
- Subsidiairement, dire et juger que l'action en annulation de la société TIME SERVICE, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre du brevet EP223, est prescrite
- En conséquence, juger la société TIME SERVICE irrecevable en ses demandes formées à l'encontre du brevet EP223
- En tout état de cause, condamner la société TIME SERVICE à lui payer 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens de l'incident.

12 La société TIME SERVICE, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées par RPVA le 15 novembre 2022 a conclu à :
- Juger qu'elle justifie d'un intérêt à agir en nullité à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 et du brevet français FR526 dont la SAS CREALYST-GROUP est titulaire,
- Juger que son action en annulation à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 n'est pas prescrite,
- En conséquence, juger qu'elle est recevable en ses demandes formées à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 et du brevet français FR526
- En tout état de cause, condamner la SAS CREALYST-GROUP à lui payer 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.

MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'intérêt à agir
Moyens des parties
13 La SAS CREALYST-GROUP fait valoir que si la société TIME SERVICE peut se trouver en situation de concurrence avec elle, les brevets EP223 et FR526 dont elle est titulaire ne viennent en aucun cas entraver le développement de l'activité de la demanderesse, la privant d'intérêt à agir. Elle ajoute que, par son action en nullité, la société TIME SERVICE prétend sécuriser une exploitation paisible de sa technologie, laquelle aurait été mise à mal par l'action parallèle initiée devant le tribunal de commerce, alors que les brevets dont elle est titulaire ne sont pas opposés à la demanderesse dans le cadre de cette autre action. Selon elle, une éventuelle annulation des brevets EP223 et FR526 serait également sans incidence sur la procédure d'opposition en cours du brevet EP187, tout brevet, même annulé, constituant un document technique divulgué pouvant être invoqué à l'encontre d'un brevet postérieur.
14 La société TIME SERVICE oppose que se trouvant en situation de concurrence avec la défenderesse, son intérêt à agir doit être interprété plus souplement et que l'annulation des brevets litigieux aura un impact, d'une part, sur les actions intentées par la défenderesse, d'autre part, sur ses possibilités de développement et sur l'évolution de sa machine Prodense
Appréciation du juge de la mise en état
15 Selon l'article 31 du code de procédure civile, « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».
16 L'article 32 du même code précise qu'est « irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ».
17 Aux termes de l'article 122 du même code, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
18 En application de l'article 789 du même code, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour (?) 6o Statuer sur les fins de non-recevoir ».
19 En l'absence de toute disposition contraire, l'intérêt à agir à titre principal en nullité de brevet doit être personnel, direct, légitime, né et actuel, et doit s'appréhender au regard du monopole avantageux octroyé au titulaire du brevet admissible dans un contexte de libre concurrence et libre innovation à la condition qu'il soit valide. Ainsi, l'intérêt à agir doit être apprécié "in concreto" et reconnu à toute personne qui, à titre personnel, voit l'activité économique qu'elle exerce dans le domaine de l'invention entravée effectivement ou potentiellement, mais certainement, par les revendications dont elle sollicite l'annulation.
20 Le demandeur à l'action doit ainsi établir l'existence d'un projet réel et sérieux d'activité susceptible d'être gêné par le titre.
21 Au cas particulier, il est constant que les sociétés TIME SERVICE et CREALYST-GROUP se trouvent, au moins partiellement, en situation de concurrence.
22 Le brevet EP223 est intitulé « appareil destiné au remplissage d'un récipient avec des particules solides » et comporte dix revendications. Le brevet FR526 est intitulé « système de remplissage perfectionné » et comporte sept revendications.
23 Or, si la société TIME SERVICE affirme que l'annulation de ces deux brevets aura un impact d'une part, sur les actions intentées par la défenderesse, d'autre part, sur ses possibilités de développement et sur l'évolution de sa machine Prodense, elle ne documente aucun projet d'activité susceptible d'être gêné par les brevets litigieux.
24 En effet, s'agissant du litige pendant entre les deux sociétés devant le tribunal de commerce de Paris, la validité de ces deux brevets est indifférente, dès lors qu'il résulte du jugement de ce tribunal du 9 juin 2022 (pièce noA.4 de la SAS CREALYST-GROUP) et de l'assignation à jour fixe de la société TIME SERVICE délivrée le 8 juillet 2022 (sa pièce noi1b) que l'action entreprise par la SAS CREALYST-GROUP se fonde sur des imputations de concurrence déloyale, de parasitisme, de même que sur des fautes contractuelles de la société TIME SERVICE.
25 S'agissant de l'entrave que ces deux brevets constitueraient pour le développement de sa machine Prodense, la société TIME SERVICE invoque la procédure d'opposition au brevet EP187 initiée par la SAS CREALYST-GROUP devant l'office européen des brevets, au cours de laquelle le brevet EP223 lui est opposé au titre de l'art antérieur.
26 Toutefois, la SAS CREALYST-GROUP oppose à bon droit que quand bien même le brevet EP223 serait dépourvu de validité, il resterait une référence au titre de l'art antérieur, dans la mesure où il constitue une information pertinente diffusée pour le problème technique en cause.
27 Il résulte de l'ensemble que la société TIME SERVICE ne caractérise aucun intérêt né et actuel à son action en annulation des brevets EP223 et FR526.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
28 La décision mettant fin à l'instance, la société TIME SERVICE, partie perdante, sera condamnée aux dépens, par application des articles 696 et 790 du code de procédure civile.
29 Par suite, elle sera condamnée à payer 5000 € à la SAS CREALYST-GROUP au titre des frais non compris dans les dépens, par application des articles 700 et 790 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le juge de la mise en état,
DÉCLARE les demandes de la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH en annulation des brevets européen EP1687223 et français FR3083526 irrecevables, faute d'intérêt à agir ;
CONDAMNE la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH aux dépens ;
CONDAMNE la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH à payer cinq mille euros (5000 €) à la SAS CREALYST-GROUP en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Faite et rendue à Paris le 11 janvier 2023

La Greffière Le Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ct0196
Numéro d'arrêt : 22/02829
Date de la décision : 11/01/2023

Analyses

x


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire.paris;arret;2023-01-11;22.02829 ?
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