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18/12/2018 | FRANCE | N°18/01511

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 18 décembre 2018, 18/01511


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4ID



13e chambre



ARRÊT N°



PAR DÉFAUT



DU 18 DÉCEMBRE 2018



N° RG 18/01511 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SG7K



AFFAIRE :



[H] [L]



C/



Me [A] [E]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Février 2018 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre : 5

N° Section :

N° RG : 2017L1196





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18/12/2018



à :



Me Anne-laure DUMEAU



TC VERSAILLES



POLE-ECOFI



M-P



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versail...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4ID

13e chambre

ARRÊT N°

PAR DÉFAUT

DU 18 DÉCEMBRE 2018

N° RG 18/01511 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SG7K

AFFAIRE :

[H] [L]

C/

Me [A] [E]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Février 2018 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

N° chambre : 5

N° Section :

N° RG : 2017L1196

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18/12/2018

à :

Me Anne-laure DUMEAU

TC VERSAILLES

POLE-ECOFI

M-P

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [L]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] (CAMEROUN)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Maître Anne-laure DUMEAU avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42308 et par Maître Aude GUIZARD avocat au barreau de PARIS.

APPELANT

****************

Maître [A] [E] pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS INTEGRATED HOME TECHNOLOGIES

[Adresse 2]

[Adresse 2]

- Défaillant

Le PROCUREUR GÉNÉRAL DE LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES Réprésentant le MINISTÈRE PUBLIC

Cour d'appel - [Adresse 3]

[Adresse 3]

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Novembre 2018, Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Florence VIGIER, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Olivia TUKUMULI

En la présence du Ministère Public, représenté par Monsieur Fabien BONAN, Avocat Général dont l'avis du 23/03/2018 a été transmis le même jour au greffe par la voie électronique.

Par jugement du 17 novembre 2016, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Integrated Home Technologies, dirigée par M. [H] [L], et fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 19 mai 2016.

La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 15 décembre 2016 et la Selarl ML Conseils, prise en la personne de maître [A] [E], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Sur requête du ministère public, le tribunal de commerce de Versailles, par jugement contradictoire du 13 février 2018, assorti de l'exécution provisoire, a prononcé pour une durée de huit ans une mesure d'interdiction de diriger à l'encontre de M. [L].

Le tribunal de commerce a retenu à son encontre le défaut de régularisation de la déclaration de cessation des paiements, le retard dans la remise de la liste des créanciers et du montant des dettes au mandataire judiciaire, la tenue d'une comptabilité irrégulière et incomplète et le défaut volontaire de coopération avec les organes de la procédure collective.

M. [L] a fait appel de la décision le 2 mars 2018.

La déclaration d'appel a été signifiée à Me [E] ès qualités le 15 mars 2018 à tiers présent.

Le 11 juin 2018 injonction a été faite à M. [L] de signifier ses dernières conclusions ainsi que son bordereau de communication de pièces à maître [E], ès qualités.

Par un arrêt rendu le 25 septembre 2018 la présente cour, statuant par défaut, a :

- révoqué l'ordonnance de clôture ;

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du lundi 5 novembre 2018 à 14 heures ;

- enjoint M. [L] de signifier ses dernières conclusions et son bordereau de communication de pièces à maître [E], ès qualités, avant le 23 octobre 2018 ;

- réservé les demandes et les dépens.

Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe par RPVA le 1er juin 2018 et signifiées à maître [E], ès qualités, le 5 octobre 2018 à tiers présent, M. [L] demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 13 février 2018 en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu de le condamner à une sanction de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement de droit ou de fait toute entreprise commerciale, industrielle, artisanale, toute exploitation agricole ou toute autre entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale sur le fondement des dispositions des articles L.653-1 à L.653-11 du code de commerce ;

A titre subsidiaire :

- réduire la durée de l'interdiction de gérer prononcée par le tribunal à son encontre à de plus justes proportions ;

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Maître [E] n'a pas constitué avocat.

Dans son avis communiqué par RPVA le 23 mars 2018, le ministère public recommande la confirmation du jugement entrepris, considérant que les griefs d'absence de déclaration de cessation des paiements, d'absence de collaboration avec les organes de la procédure et d'absence de tenue de comptabilité régulière relevés sont avérés et qu'au regard de l'insuffisance d'actif d'un montant de plus de 2,6 millions d'euros, la condamnation personnelle prononcée à son encontre apparaît justifiée.

Il ajoute que M. [L] est par ailleurs soupçonné d'avoir détourné entre 1,5 et 2 millions d'euros à une filiale de la SAS Integrated Home Technologies.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens de l'appelant, il est renvoyé à ses dernières écritures signifiées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

M. [L] conteste chacun des griefs retenus par les premiers juges. Il expose que le jugement est d'une particulière sévérité au regard des faits de l'espèce et des justifications qu'il apporte et que la présente procédure doit bien être distinguée de la procédure pénale engagée à son encontre pour tentative d'escroquerie et d'abus de biens sociaux.

L'article L 653-8 du code de commerce dispose que dans les cas prévus aux articles L 653-3 à L 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. Il prévoit qu'elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L 653-1 qui :

- de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L.622-22,

- a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Les sanctions personnelles de la faillite personnelle et de l'interdiction de gérer peuvent, en application des 5° et 6° de l'article L. 653-5, être prononcées à l'encontre de toute personne contre laquelle il a été relevé un des faits suivants :

- avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstable à son bon déroulement,

- avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

* La déclaration tardive de cessation des paiements :

M. [L] expose que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il a régularisé le 8 novembre 2016 une déclaration de cessation des paiements qu'il a fixée au 1er novembre de la même année, que la date provisoirement fixée au 19 mai 2016 par le tribunal ne correspond pas à la réalité de la situation de la société qui n'était pas alors en cessation des paiements et qu'elle n'est en outre pas opposable à l'appelant dans la mesure où le jugement ne lui a pas été notifié de sorte qu'il ne peut lui être reproché de retard dans sa déclaration. Il ajoute qu'en tout état de cause, il n'est pas établi qu'il ait sciemment omis de solliciter l'ouverture de la procédure collective et commis une faute de gestion en poursuivant une exploitation déficitaire dès lors que les difficultés de la société sont liées au déclin de sa filiale, la société Atria Le Gall dont la procédure collective a été ouverte le 1er novembre 2016 et qu'aucune pièce n'établit l'état de cessation des paiements de la société Integrated Home Technologies avant le 1er novembre 2016, l'appelant ajoutant encore que le juge n'est pas tenu par la décision de report de la date de cessation des paiements.

Le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours s'apprécie au regard de la date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report.

En l'espèce, le jugement d'ouverture, devenu définitif, l'a fixée au 19 mai 2016, date que M. [L] ne peut valablement discuter dès lors qu'aucun recours n'a été exercé à l'encontre de cette décision qui a été régulièrement notifiée par le greffe à la société Integrated Home Technologies, à l'adresse de son siège social telle qu'elle avait été mentionnée dans la déclaration de cessation des paiements. La société en a donc eu régulièrement connaissance dans la mesure où l'avis de réception de la notification du jugement est revenu signé, peu important que ce jugement n'ait pas été notifié au représentant légal de la société Integrated Home Technologies et que l'avis de réception n'ait pas été signé par M. [L].

La cessation des paiements aurait donc dû être déclarée au plus tard le 4 juillet 2016, le 3 juillet étant un dimanche, alors que M. [L] n'a déposé la déclaration de cessation des paiements, en qualité de président de la société Integrated Home Technologies, que le 8 novembre 2016. Le retard de plus de quatre mois apporté à la déclaration de cessation des paiements, par rapport au terme du délai légal, est donc établi.

M. [L] a fait état dans sa déclaration de cessation des paiements, des salaires impayés à compter du mois de juin 2016 pour un total de 135 748 euros, quatre salariés ayant pris acte de la rupture de leur contrat de travail entre le 22 août 2016 et le 1er octobre 2016. Il ressort également de la déclaration de créances de Malakoff Médéric que des cotisations sociales sont restées impayées à compter de 2015.

M. [L] ne pouvait ainsi ignorer que la société n'était pas en mesure de faire face à son passif exigible entre le 19 mai et le 4 juillet 2016 et c'est sciemment qu'il a tardé à déclarer la cessation des paiements.

* Le défaut de communication de la liste des créanciers comportant le montant des dettes :

M. [L] fait valoir qu'il n'a pas été en mesure de communiquer la liste des créanciers et le montant des dettes de la société Integrated Home Technologies dans le délai requis en raison de mesures de garde à vue et de détention provisoire dont il a fait l'objet, ainsi que de la saisie des pièces communiquées dans le cadre d'une perquisition des locaux de la société, de sorte qu'il ne saurait être déduit de ce seul retard une quelconque mauvaise foi de sa part. Il indique avoir remis les listes de ses créanciers après sa remise en liberté.

En application des aticles L.622-6 et R. 622-5 du code de commerce, le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers et du montant de ses dettes dans les huit jours suivant l'ouverture de la procédure collective, l'article R 622-5 précisant que la liste établie par le débiteur doit non seulement comporter le nom du créancier mais aussi le siège ou le domicile de chacun.

En l'espèce, si M. [L] a effectivement précisé dans la déclaration de cessation des paiements remplie au nom de la société Integrated Home Technologies les dettes exigibles et à échoir, il n'a pas mentionné les adresses de ses créanciers. Le mandataire liquidateur a adressé les 21 novembre et 1er décembre 2016 deux courriers à la société pour lui réclamer divers documents dont 'la liste des créanciers avec noms, adresses et montants à régler', étant précisé que dans le courrier du 21 novembre, le mandataire judiciaire a demandé à M. [L] de lui faire parvenir, par retour du courrier, 'les adresses précises des créanciers (noms, adresses complètes) selon la liste jointe à la déclaration de cessation des paiements'.

M. [L] était détenu, depuis le 30 novembre 2016, quand a expiré, le 17 décembre 2016, le délai d'un mois fixé à l'article L 653-8. Il justifie avoir pris attache par mail avec l'étude du mandataire judiciaire dès le 21 décembre 2016, lendemain de sa libération et rendez-vous a pu être fixé en janvier 2017.

S'il demeure une incertitude sur la date exacte à laquelle le mandataire judiciaire a disposé des éléments suffisants lui permettant d'avertir les créanciers afin qu'ils procèdent à leurs déclarations de créances, il ressort cependant des pièces communiquées par M. [L] que :

- dans le mail que l'étude de maître [E] lui a adressé le 5 janvier 2017 en vue d'un rendez-vous fixé le 12 ou le 13 janvier, il n'est plus fait de demande au titre de la liste des créances,

- selon un courrier du mandataire judiciaire du 16 février 2017, étaient déjà fixées à cette date les réunions prévues les 1er et 15 mars 2017 en vue de la vérification du passif,

- par mail du 4 mai 2017, communiqué sous la pièce 44 de l'appelant, le mandataire judiciaire a établi un 'état du passif' en indiquant qu'il s'agissait d'une ' dernière mise à jour' du 3 mai 2017, dans lequel il a détaillé les montants des créances déclarées à titre privilégié, celles déclarées à titre chirographaire, en distinguant les montants échus définitifs et prévisionnels et les montants à échoir .

Il se déduit de ces éléments que le mandataire judiciaire disposait de renseignements suffisants sur les créances dont la société se trouvait débitrice pour en établir la liste et le montant et ce, même s'il a indiqué dans un mail adressé le 4 mai 2017 au procureur de la République du tribunal de grande instance de Pontoise, ne pas avoir reçu la liste des créanciers.

Ainsi, M. [L] justifie suffisamment des difficultés qui l'ont empêché de communiquer dans le mois du jugement d'ouverture une liste des créances conforme aux articles précités et il ne peut être considéré, au regard des éléments qui ont permis à maître [E] d'établir la liste des créanciers, que l'appelant était de mauvaise foi.

Ce grief n'est donc pas caractérisé.

* L'obstacle au bon déroulement de la procédure collective :

M. [L] expose que le défaut de coopération implique pour être retenu la mauvaise foi du dirigeant et que pour sa part il ne s'est pas volontairement abstenu de remettre les pièces demandées par le mandataire judiciaire, dès lors qu'il était dans l'incapacité matérielle de répondre aux demandes de ce dernier en raison de la procédure pénale dirigée à son encontre et des perquisitions au cours desquelles les pièces comptables ont été saisies, l'appelant soulignant que dès sa sortie de détention il a tout mis en oeuvre pour aider au mieux les organes de la procédure, de sorte que ce grief n'est pas démontré.

Il est constant que M. [L] a été détenu du 30 novembre 2016 au 21 décembre 2016; il ressort toutefois du rapport établi le 9 décembre 2016 par maître [F] [A] en qualité d'administrateur judiciaire, en vue de l'audience du 15 décembre 2016, lequel figure au dossier transmis par le tribunal de commerce, que si la détention de M. [L] l'a effectivement empêché de se présenter à la réunion fixée par maître [A] le 8 décembre 2016, celui-ci n'a pas communiqué, lors des précédentes réunions des 18 et 21 novembre 2016 auxquelles il s'est présenté accompagné de M. [M] [L], directeur opérationnel de la société, de nombreux documents qui lui avaient été réclamés, à savoir 'les statuts de la société et la répartition du capital social, les bilans et compte de résultat détaillés établis depuis la création de la société, les attestations d'assurances, une situation active et passive ainsi qu'un compte de résultat établi depuis la clôture du bilan et arrêté au jour du jugement d'ouverture, la situation de la trésorerie actuelle, le compte d'exploitation prévisionnel établi mois par mois sur 6 mois et validé par l'expert-comptable de la société, les prévisions de trésorerie établies mois par mois sur 6 mois et validées par l'expert-comptable de la société, le carnet de commandes signées, le registre du personnel, les PV d'AG, le questionnaire dûment complété.' Ces documents n'avaient toujours pas été communiqués à l'administrateur judiciaire le 29 novembre 2016, date à laquelle celui-ci les a de nouveaux réclamés par mail en confirmant une nouvelle réunion fixée au 1er décembre 2016.

M. [L] n'explique pas pourquoi il n'a pas remis ces documents à l'administrateur judiciaire alors même qu'à cette date les perquisitions évoquées pour expliquer ses difficultés à transmettre les pièces demandées, n'avaient pas eu lieu puisque d'après les échanges avec le mandataire judiciaire, sous sa pièce 39 (en particulier pièce 39-8), son domicile et le siège de la société ont été perquisitionnés le 30 novembre 2016.

En page 5 du même rapport, l'administrateur judiciaire dit avoir également constaté le défaut de coopération de M. [L] dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire lié au fait qu'il n'a ni communiqué un état de ses disponibilités ni régularisé l'ouverture d'un compte bancaire spécifique lié à la procédure de redressement.

Ainsi il est établi que M. [L] s'est abstenu volontairement de coopérer avec les organes de la procédure et qu'il a commis ainsi une faute de gestion, étant observé que si à sa sortie de détention il a repris attache avec le mandataire judiciaire, il n'a pu lui fournir que des éléments d'information parcellaires en arguant des perquisitions opérées dans le cadre de l'enquête pénale, la cour ne disposant pas de la liste des pièces comptables saisies à l'occasion des perquisitions opérées dans le cadre de la mesure d'instruction.

* La comptabilité irrégulière :

M. [L] expose que la comptabilité de la société Integrated Home Technologies, qui était tenue par le cabinet d'expertise comptable Adec 78, a été communiquée pour les exercices 2014 et 2015, et que s'agissant de l'exercice 2016 elle a été régulièrement tenue mais n'a été saisie que partiellement par ce cabinet d'expertise comptable avant qu'il ne démissionne. Il soutient que les irrégularités qui ont pu être commises ne peuvent qu'être imputées à la société Adec 78 ; il observe avoir fait le nécessaire pour les corriger dès qu'il en a eu connaissance et que d'ailleurs le commissaire aux comptes n'aurait pas suspendu la procédure d'alerte s'il n'avait pas vu les pièces relatives à la comptabilité lorsqu'il s'est rendu au siège de la société. L'appelant ajoute que le commissaire aux comptes sur le rapport duquel repose ce grief n'avait pas une position objective dans cette affaire, de sorte que son opinion doit être prise avec réserve.

Les articles L.123-12 à L.123-28 et R.123-172 à R.123-209 du code de commerce imposent aux commerçants personnes physiques et personnes morales la tenue d'une comptabilité donnant une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise, au moyen de la tenue d'un livre journal, d'un grand livre et d'un livre d'inventaire, les mouvements doivent être enregistrés chronologiquement au jour le jour et non en fin d'exercice, seuls les comptes annuels étant établis à la clôture de l'exercice.

Il ressort du rapport du commissaire aux comptes en date du 15 septembre 2016 que ' les comptes annuels ne sont pas, au regard des règles et principes comptables français, réguliers et sincères et ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière du patrimoine de la société à la fin de l'exercice' . Il y a fait état notamment :

- qu'il n'a pu obtenir, malgré la demande formulée auprès de la direction, les éditions de clôture pour l'exercice 2015 dont il précise qu'elles sont indispensables pour effectuer des contrôles par sondages et une analyse des écritures comptables, des dettes et des créances de la société,

- qu'aucune comptabilité sur l'exercice 2016 n'a été fournie, ce qui l'a empêché d'effectuer des vérifications sur le dénouement des créances clients et des contrôles sur les opérations postérieures à la date de clôture,

- de l'imputation à l'actif du bilan de la société, en contradiction avec les dispositions du plan comptable général relatives aux immobilisations incorporelles, de l'intégralité des coûts de développement du 'site internet' et du projet 'Smart home' s'élevant respectivement à 30 000 euros et 419 939 euros, ce qui a eu pour conséquence une surévaluation du résultat net de l'exercice d'un montant total de 150 638 euros,

- du calcul erroné du crédit d'impôt recherche pour l'exercice 2014, ce qui a également entraîné une surévaluation du résultat net de l'exercice à hauteur de 60 099 euros.

Le commissaire aux comptes a également précisé que le rapport de gestion tel que prévu par l'article R.232-1 du code de commerce, ne lui avait pas été transmis et qu'il n'avait donc pu s'assurer de sa sincérité et de sa concordance avec les comptes annuels.

La partialité du commissaire aux comptes telle qu'alléguée par M. [L] n'est pas démontrée. En effet si ce professionnel du chiffre a effectivement procédé à un audit des comptes de la société Atria Le Gall qui a fait l'objet de la cession de 95 % de ses parts sociales selon protocole dont le cessionnaire était M. [L], audit dont ce dernier affirme qu'il a eu lieu antérieurement à la cession et dont il soutient qu'il comporte des erreurs, il n'est pas démontré que lorsqu'il a établi le rapport incriminant la comptabilité de la société Integrated Home Technologies, le commissaire aux comptes avait connaissance que sa responsabilité risquait d'être engagée par M. [L] qui ne verse pas aux débats de courriers dans lesquels il aurait mis en cause son travail.

Il se déduit de ces éléments que la comptabilité de la société dont M. [L] était le dirigeant de droit n'a pas été établie conformément aux règles précitées, ce dont il est responsable en cette qualité, l'appelant ne pouvant valablement s'en exonérer en alléguant les erreurs commises par l'expert comptable que la société avait missionné pour établir les comptes de l'exercice 2015 ou le retard observé dans l'établissement de la comptabilité.

Enfin, à la lecture du mail daté du 8 décembre 2016, adressé par M. [M] [L], directeur opérationnel de la société, au responsable de la société d'expertise comptable, il est suffisamment établi que la société Integrated Home Technologies s'est abstenue de toute déclaration au titre de la TVA pour l'année 2016. M. [H] [L] ne communique aucune attestation de l'administration fiscale pour démontrer, comme il le prétend, que le nécessaire a été fait postérieurement à cette date, la seule attestation versée aux débats se rapportant aux déclarations fiscales de l'exercice 2015.

Le grief relatif au caractère incomplet et irrégulier de la comptabilité est ainsi établi, étant souligné que l'absence de comptabilité complète a privé le dirigeant de toute possibilité d'évaluation de la situation de l'entreprise, a contribué à une mauvaise appréciation de celle-ci et à un retard dans la déclaration de cessation des paiements.

*Sur la sanction :

Le montant du passif définitif, après déduction des créances contestées par le débiteur, s'établit à la somme totale de 2 666 159,18 euros, à la lecture de la liste établie par le mandataire liquidateur. Si M. [L] reproche au tribunal de ne pas avoir tenu compte de l'actif de la société, il admet cependant que cet actif est à ce jour inexistant puisqu'il ne correspond qu'à des créances qui sont en l'état incertaines puisqu'elles font l'objet d'instances judiciaires en cours, voir même pour certaines simplement envisagées.

M. [L], âgé de 48 ans et diplômé de l'[Établissement 1] et de [Établissement 2], a toujours occupé, avant la création de la société Integrated Home Technologies aujourd'hui liquidée, des emplois salariés, en particulier dans des postes de directeur puis de directeur général depuis 1998.

Compte tenu des griefs retenus à l'encontre de [L] et de l'importance de l'insuffisance d'actif, il convient, infirmant le jugement dont appel, de prononcer à son encontre une interdiction de gérer pendant 4 ans.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt par défaut

Confirme le jugement du 13 février 2018 sauf en ce qu'il a fixé à 8 ans la durée de la mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler prononcée à l'encontre de M. [H] [L] et en ce qu'il a retenu à l'encontre de ce dernier le défaut de remise de la liste des créanciers et du montant des dettes,

Statuant à nouveau,

Prononce pour une durée de 4 ans une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, à l'encontre de M. [H] [L], né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1] ( Cameroun), de nationalité française et demeurant [Adresse 1],

Dit qu'en application des articles 768 et R.69-9° du code de procédure pénale, la présente décision sera transmise par le greffier de la cour d'appel au service du casier judiciaire après visa du ministère public,

Ordonne l'inscription de cette sanction au fichier national des interdictions de gérer,

Condamne M. [H] [L] aux dépens de la procédure d'appel. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame TUKUMULI, Adjoint administratif faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01511
Date de la décision : 18/12/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 13, arrêt n°18/01511 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-18;18.01511 ?
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