COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 75E
4e chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 NOVEMBRE 2018
N° RG 16/09177 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RGAQ
AFFAIRE :
Société DU SOCIETE DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE
C/
société AUCHAN HYPERMARCHE
Décision déférée à la cour: Jugement rendu(e) le 03 Novembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 8ème
N° RG : 14/05933
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Corinna X...
Me Y... - sophie PIQUOT JOLY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre:
Société DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE
Ayant son siège [...]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Corinna X..., avocat postulant, du barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19
Représentant : Maître Antoine C..., avocat plaidant, du barreau de PARIS, vestiaire : C0260
APPELANTE
****************
société AUCHAN HYPERMARCHE
N° SIRET : 410 409 460 R.C.S. Lille Métropole
Ayant son siège [...]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Y... - sophie PIQUOT JOLY de l'ASSOCIATION ASSOCIATION ROUX PIQUOT-JOLY, avocat postulant, du barreau de VERSAILLES, vestiaire : 564
Représentant : Maître D... Z... de la SELARL Z... ASSOCIES, avocat plaidant, du barreau de PARIS, vestiaire : C0987
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Octobre 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence ABGRALL, Président.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence ABGRALL, Président,
Madame Anna MANES, Président,
Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Françoise DUCAMIN,
FAITS ET PROCEDURE :
Par acte authentique du 19 janvier 1979, la Société du Centre Commercial de la Défense (la SCCD) a consenti à la Société des Marchés Usines-Auchan devenue la société Auchan Hypermarché (la société Auchan), une concession immobilière portant sur des locaux à usage d'hypermarché, situés dans le centre commercial des 4 Temps à la Défense.
Ce contrat, conclu pour une durée de 50 ans à compter de la livraison des locaux, prévoit le versement par le concessionnaire d'une redevance annuelle et le remboursement d'un certain nombre de charges. Il a fait l'objet de plusieurs avenants, au terme desquels les surfaces concédées son passées de 21 270 m² A... (ou, en français SCU, surface commerciale utile) à 25 850 m².
Par acte d'huissier de justice du 27 janvier 2014, la SCCD a fait délivrer à la société Auchan
un commandement de payer la somme de 163 899,80 € au titre de la liquidation des charges 2012, des pénalités et des frais.
Par ordonnance du 3 avril 2014 le juge des référés, saisi par la société Auchan, a ordonné une expertise, confiée à Mme E... B... avec mission de :
- vérifier les clés de répartition des charges et taxes en ce qui concerne les tantièmes dus par la société Auchan France tant en ce qui concerne le contrat de concession immobilière que deux autres baux,
- vérifier la réalité des charges et taxes facturées par la Société du Centre Commercial de la Défense pour les années 2011, 2012 et 2013,
- vérifier les travaux, les impôts, primes d'assurance, honoraires de gestion et les frais d'acquisition et de renouvellement du matériel et de l'outillage nécessaires à la gestion et l'exploitation des parties communes pour les années 2011, 2012 et 2013,
- préciser au vu des contrats passés entre les parties les charges dues par la société Auchan France et faire le compte des charges pour les années 2011, 2012 et 2013,
- faire le compte entre les parties.
Par acte du 12 mai 2014 la société Auchan a fait assigner au fond la SCCD en annulation du commandement du 27 janvier 2014 et en contestation des charges et prestations réclamées.
Par jugement du 3 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a, principalement :
- Dit que n'étaient pas inclus dans les charges dues par la société Auchan France à la Société du Centre Commercial de la Défense :
- le coût des travaux rendus nécessaires par la vétusté, de mise aux normes ou prescrits par l'administration ainsi que les travaux de restructuration, de rénovation, de création et d'amélioration,
- les charges se référant au plan glissant à 5 ans,
- Débouté la société Auchan France de sa demande d'exclusion des charges correspondant aux honoraires d'administrateur de biens, de syndic et sur travaux à l'exception de ceux se rapportant aux exclusions ci dessus ainsi que de sa demande de voir réputées non écrites les clauses relatives aux impôts, à l'acquisition et au renouvellement du matériel et de l'outillage nécessaires à la gestion et l'exploitation des parties communes, aux primes d'assurance et aux honoraires de gestion,
- Avant plus amplement faire droit, ordonné une expertise et commis pour y procéder Madame E... B... , avec pour mission de :
- vérifier les clés de répartition des charges et taxes en fonction des tantièmes de copropriété dues par la société Auchan France en ce qui concerne le contrat de concession immobilière,
- en tenant compte des exclusions ci dessus, vérifier la réalité des charges et taxes facturées par la Société du Centre Commercial de la Défense pour les années 2009, 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014,
- vérifier les travaux, les impôts, primes d'assurance, honoraires de gestion et les frais d'acquisition et de renouvellement du matériel et de l'outillage nécessaires à la gestion et l'exploitation des parties communes pour les années 2009, 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014,
- préciser au vu du contrat de convention immobilière passé entre les parties les charges dues par la société Auchan France et faire le compte des charges pour les années 2009, 2010, 2011,2012,2013 et 2014,
- faire le compte entre les parties.
- Sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, sur la demande d'annulation du commandement de payer du 27 janvier 2014 et la demande en paiement des causes de ce commandement (principal, pénalités de retard et frais d'huissier), sur le calcul des charges en fonction des tantièmes de copropriété et sur les demandes de dommages et intérêts et indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- Débouté la société Auchan France de ses demandes de paiement d'une provision et de suspension du paiement des charges,
- Réservé les dépens.
Par ses dernières conclusions signifiées le 14 septembre 2018, la SCCD demande à la cour, au visa notamment de la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 et de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, de :
- Dire et juger la société du centre commercial de la défense recevable et bien fondée en ses conclusions ;
- Infirmer le jugement dont appel en toutes celles de ses dispositions ayant dit que certaines catégories de charges ne seraient pas dues par Auchan France, et tout particulièrement « les charges se référant au plan glissant à 5 ans » ;
Statuant à nouveau,
A titre liminaire,
- Dire et juger la société Auchan irrecevable en toutes ses demandes, au visa des dispositions des articles 9, 15 et 16 du code de procédure civile, se refusant délibérément à verser aux débats les preuves supposées de ses demandes, qu'elle détient pourtant, démontrant de ce fait tout à la fois le caractère infondé de ses demandes, et sa mauvaise foi ;
- Dire et juger en tout état de cause la société Auchan irrecevable à contester quelque facturation de charges que ce soit antérieure au 31 mai 2011, date de l'acte authentique ayant constaté la renonciation réciproque à recours des Parties, de même que les tantièmes pondérés de copropriété qui lui sont applicables dès lors qu'elle les a ratifiés par actes authentiques ;
- Dire et juger que le contrat de concession et la facturation des charges par tantièmes pondérés de la copropriété étant plus que trentenaire, sans que la société Auchan n'ait émis la moindre réserve à cette exécution, Auchan France est irrecevable à remettre en cause cette interprétation ;
Au principal,
- Dire et juger que le contrat de concession immobilière a expressément mis à la charge de la société Auchan l'intégralité des charges communes, de quelque nature qu'elles soient, y compris sans que cette liste ne soit limitative les travaux de gros-'uvre, les travaux de maintien en bon état et de réparations de toutes nature, en ce compris ceux de l'article 606 du code civil, ainsi que les taxes, impôts, assurances, les honoraires de gestion du centre commercial à hauteur de 15 % du budget, les frais et honoraires des sommes réclamées par les associations syndicales des copropriétaires au titre des charges communes et ce, à défaut de paiement à bonne date, avec une majoration de 10 % ;
- Dire et juger subsidiairement, qu'en affectant aux locaux concédés par acte authentique du 3 mars 1982 des tantièmes pondérés, les parties ont confirmé que les charges de l'ensemble immobilier seraient facturées à la société Auchan à hauteur de ces tantièmes pondérés, de sorte que la nature des charges est indifférente ;
- Dire et juger que le contrat de concession et la facturation des charges par tantièmes pondérés de la copropriété étant plus que trentenaire, sans que la société Auchan n'ait émis la moindre réserve à cette exécution, Auchan France est infondée à remettre en cause cette interprétation ;
- Dire et juger la société Auchan France infondée à contester les tantièmes pondérés de copropriété qui lui sont applicables, et qu'elle a ratifiés par actes authentiques ;
- Dire et juger que les charges relevant du « plan à 5 ans » ne peuvent être exclues du fait de cette simple appellation d'ordre comptable, son contenu devant éventuellement être ventilé en fonction de la nature des différentes charges qu'il regroupe, si certaines charges ne devaient pas être considérées comme refacturables ;
- Dire et juger que l'expert désigné devra tenir compte de la décision de la Cour, et rouvrir en tant que de besoin ses opérations d'expertise, pour éventuellement ventiler les charges par nature, et indépendamment de tout « plan à 5 ans » ;
- Débouter la société Auchan France de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; étant rappelé qu'elle dispose de toutes les informations utiles sur les budgets et les factures associées dont aucune n'a jamais été contestée par ses soins, même après réalisation d'audits privés réalisés par ses soins sur les exercices concernés ; que les budgets et l'ensemble des factures sont réels et sérieux, comme validés par l'ensemble des copropriétaires, puis vérifiés et validés par un expert-comptable et commissaire aux comptes ; qu'ils sont validés en outre par l'expert judiciaire et les auditeurs privés missionnés par Auchan elle-même ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Auchan France à payer à la Société du centre commercial de la défense la somme de 20.000,00 € par application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, pour procédure abusive ;
- Condamner la société Auchan France à payer à la Société du centre commercial de la défense la somme de 30.000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner en tous les dépens, dont distraction pour ceux la concernant au bénéfice de Maître Corinna X..., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 septembre 2018, la société Auchan, au visa des articles 1134,1162,1163,1273,1315 et 2049 du code civil, de la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 et de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, demande à la cour de :
1°- Sur l'effet dévolutif de l'appel
- Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à évocation des points non jugés par le Tribunal.
- Renvoyer la Société du Centre Commercial de la Défense à conclure devant le Tribunal
2°- Sur la fin de non-recevoir tirée d'une prétendue renonciation
- Dire la Société du Centre Commercial de la Défense mal fondée.
- La débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions.
3°- A titre principal, au fond
- Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.
4°- Subsidiairement, en cas d'infirmation partielle ou totale
- Dire et juger que les charges dues par la société Auchan doivent être calculées sur une base de 17.512,77 / 106.612 tantièmes.
- Dire et juger que la Société du Centre Commercial de La Défense ne peut pas facturer au titre des charges à la société Auchan les travaux rendus nécessaires par la vétusté, les travaux de mise aux normes ou prescrits par l'Administration, les travaux de restructuration, de rénovation, de création, d'améliorations, ni les charges relevant du « Plan à 5 ans ».
- Dire et juger que les honoraires d'Administrateur de biens, les honoraires de Syndic et les autres honoraires sur travaux ne sont pas dus par la société Auchan France.
- Dire et juger non écrites les stipulations du contrat de concession immobilière concernant le remboursement des impôts, l'acquisition et le renouvellement du matériel et de l'outillage nécessaires à la gestion et à l'exploitation des parties communes, les primes d'assurance du propriétaire et les honoraires de gestion.
- Dire et juger que la Société du Centre Commercial de La Défense doit rembourser à la société Auchan toutes les sommes encaissées à ces divers titres depuis l'année 2009.
5°- En tout état de cause
- Débouter la Société du Centre Commercial de La Défense de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- Condamner la Société du Centre Commercial de La Défense à payer à la société Auchan France la somme de 30.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- La condamner aux entiers dépens et autoriser Maître Coralie F... (Association Roux Piquot-Joly) à les recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 septembre 2018.
*****
SUR CE, LA COUR :
A titre liminaire :
Sur l'effet dévolutif de l'appel et l'évocation :
Attendu que, l'appelante a expressément accepté de voir son appel cantonné aux points tranchés par le tribunal et de ne pas solliciter l'évocation de ceux qui ont fait l'objet d'un sursis à statuer (page 12 de ses conclusions) ;
Qu'en conséquence, il ne sera pas statué sur les questions suivantes: l'annulation du commandement de payer du 27 janvier 2014, le paiement des causes de ce commandement, le calcul des charges en fonction des tantièmes de copropriété, les dommages-intérêts ;
Sur les demandes figurant aux dispositifs des conclusions des parties :
Attendu qu' il convient de rappeler que les demandes consistant seulement à voir 'Dire et Juger' ne constituent pas des demandes en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux, mais en réalité des moyens ou arguments, de sorte que cette cour n'y répondra qu'à condition qu'ils viennent au soutien d'une prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions;
Sur la recevabilité de la demande de la société Auchan en ce qu'elle concerne la période antérieure au 1er juin 2011, contestée par la SCCD :
Attendu que, la SCCD fait valoir que les parties ont signé par acte authentique du 31 mai 2011 un accord transactionnel global au terme duquel, en contrepartie du versement par la société Auchan de la somme de 529 117,24 €, 'le concédant et le concessionnaire confirment renoncer réciproquement à tout recours ou action contractuelle résultant de la concession jusqu'à ce jour à l'encontre de l'une ou l'autre partie' ;
Qu'en conséquence, aucune contestation de charges antérieures à juin 2011 ne peut être valablement formée par la société Auchan ;
Attendu que, contrairement à ce que fait valoir la société Auchan, cette prétention n'est pas nouvelle puisqu'elle était formulée dans les conclusions de première instance de la SCCD ;
Attendu sur le fond, qu'il résulte de la lecture de l'acte du 31 mai 2011, qui constitue un avenant au contrat de concession immobilière initial, qu'il avait pour objet, d'une part, d'acter une majoration de la redevance due par le concessionnaire en raison de l'extension de la surface de vente de l'hypermarché, d'autre part, de modifier le plafond de titres de stationnement des clients de l'hypermarché pris en charge par le concédant à compter du 13 décembre 2010, enfin, d'ajouter une précision relative aux modalités d'indexation de la contribution forfaitaire du concessionnaire ;
Qu'à l'issue de l'examen de ces trois questions, une clause intitulée 'paiement des sommes dues à ce jour' est ainsi rédigée :
'La société Auchan France a payé la somme toutes taxes comprises de cinq cent vingt neuf mille cent dix sept euros et vingt quatre cents, selon décompte approuvé par les parties ci-joint et annexé aux présentes (annexe 7), à l'instant même ainsi qu'il résulte de la comptabilité de l'Office notarial dénommé en tête des présentes, ce que la Société du Centre commercial de la Défense reconnaît et lui en consent quittance sans réserve.
Il est précisé que la somme ci-dessus correspond d'une part aux sommes dues au titre de la redevance due sur les surfaces de l'extension depuis l'ouverture au public et d'autre part, aux sommes dues au titre de la régularisation de la contribution forfaitaire.
En conséquence, en contrepartie du versement de cette somme, le concédant et le concessionnaire..' la suite est le paragraphe ci-dessus cité ;
Attendu qu'il ressort clairement de ces stipulations que l'objet de cet avenant et de l'accord transactionnel qui en constitue la conclusion, ne portait pas, contrairement à ce que prétend la SCCD, sur le montant des charges dues par le concessionnaire, mais seulement sur les points évoqués, relatifs respectivement à la redevance, aux titres de stationnement et à l'indexation de la contribution forfaitaire;
Qu'en conséquence, l'irrecevabilité partielle de la demande de la société Auchan, soulevée par la SCCD, sera rejetée ;
Sur les autres irrecevabilités invoquées par la SCCD :
Attendu que l'appelante soutient, en visant les articles 9,15 et 16 du code de procédure civile, que l'intimée serait irrecevable en toutes ses demandes pour avoir refusé de verser aux débats les preuves de ses demandes qu'elle détenait pourtant ;
Que cette prétention est sans fondement, l'article 9 qui concerne la preuve des faits, ne pouvant affecter que le bien fondé d'une prétention et non sa recevabilité, et les articles 15 et 16 n'ayant pas été violés en l'espèce, le document dont la SCCD demandait la communication (un rapport d'audit privé réalisé par la société Auchan) lui ayant été transmis le 20 avril 2018, soit bien avant la signification de ses dernières conclusions le 14 septembre 2018 ;
Que ces demandes seront rejetées ;
Sur les charges incombant au concessionnaire :
Attendu que, la convention du 19 janvier 1979 prévoit en son article 6-1° que le concessionnaire devra régler, outre le paiement de la redevance, trois catégories de charges : les charges des parties communes du centre commercial, une participation aux charges des associations syndicales et les autres charges ;
Qu'au titre des charges des parties communes du centre commercial, il est stipulé, après la définition des parties communes :
'à titre énonciatif et non limitatif, il est rappelé que les charges des parties communes, dont il a été question ci-dessus, comprendront notamment :
Entretien et réparations du gros oeuvre du centre commercial, remplacement des éléments d'équipements communs, même s'il s'agit de grosses réparations visées par l'article 606 du code civil,
Frais d'eau, éclairage, chauffage, climatisation des parties communes,
Frais d'entretien courant des parties communes, y compris les installations,
Rémunération et charges sociales éventuelles du personnel du centre ou des entreprises extérieures au centre affecté à différentes tâches (entretien, gardiennage, sécurité, chauffage etc..)
Acquisition et renouvellement du matériel et de l'outillage nécessaire à la gestion et l'exploitation des parties communes,
Primes d'assurances pour les polices contractées par le propriétaire en vue de couvrir notamment les dommages matériels pouvant survenir à ses biens immobiliers et mobiliers, et la responsabilité civile pour dommages causés aux tiers,
Honoraires de gestion.'
Que, dans son article 9, intitulé 'Entretien-Travaux', la convention stipule à l'alinéa 1er que: 'Le concessionnaire devra tenir les lieux concédés pendant toute la durée de la concession en bon état et supportera toutes les réparations qui pourraient être nécessaires, en ce comprises les réparations de l'article 606 du code civil, les dépenses correspondant à ces dernières étant réparties conformément à l'article 6-2° ci-dessus' ;
Sur les travaux rendus nécessaires par la vétusté, les mises aux normes ou les prescriptions de l'administration et les travaux de restructuration, de rénovation, de création et d'amélioration :
Attendu que, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a retenu que l'article 9 précité ne prévoyant pas expressément que le coût des travaux litigieux était à la charge du concessionnaire, la demande de la société Auchan prétendant ne pas les devoir, devait être accueillie;
Attendu que, s'il est exact comme le fait valoir la SCCD, que l'article 6-1° précité relatif aux charges, stipule expressément s'agissant des charges des parties communes du centre commercial que l'énumération qui suit est donnée à titre énonciatif et non limitatif, ce qui lui permettrait de réclamer à la société Auchan toutes les charges afférentes aux parties communes du centre commercial, quelle que soit leur nature et sans limitation, il n'en demeure pas moins que cet article concerne l'ensemble des charges et pas seulement celles relatives aux travaux qui relèvent quant à elles plus spécifiquement de l'article 9, lequel ne cite expressément, au titre de ceux pouvant être mis à la charge du concessionnaire, que les gros travaux de l'article 606 du code civil, sans préciser que cette citation est seulement énonciative ;
Que, d'autre part et en toute hypothèse, ainsi que le fait valoir la société Auchan, l'article 1163 du code civil dispose que l'obligation du contrat doit être déterminée ou déterminable ;
Que, le caractère particulièrement général des stipulations de l'article 6-1° ne répond pas à cette exigence ; Qu'il ne permet pas au concessionnaire de connaître l'étendue de ses obligations ;
Qu'il en est de même de l'expression 'toutes réparations qui pourraient être nécessaires' figurant à l'article 9 ;
Qu'en outre, s'agissant des travaux de restructuration, de rénovation, de création et d'amélioration, l'article 52 de la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1967 qui régit le contrat de concession immobilière disposant que: 'il peut être stipulé dans le contrat que le concessionnaire est tenu à tout ou partie des charges d'entretien et de réparation', les catégories de travaux en cause excèdent par leur nature la notion d''entretien et réparation' ;
Qu'il résulte de l'article 58 de la même loi que ces dispositions sont d'ordre public ;
Que, le fait que la durée du contrat soit très longue (50 ans), comme le fait valoir la SCCD, n'est pas suffisant pour expliquer un transfert, automatique et non exprès, sur le concessionnaire qui ne détient qu'un droit de jouissance sur le bien concédé, de la totalité des travaux pouvant l'affecter pendant la durée du contrat quelle qu'en soit l'ampleur et la nature; Que, le fait que le montant de la redevance annuelle serait en l'espèce très inférieur au coût du marché des baux commerciaux pour des surfaces équivalentes d'hypermarché et qui justifierait ainsi la lourdeur des obligations du concessionnaire au regard des charges, est affirmé par la SCCD dans ses écritures mais n'est nullement établi ;
Qu'enfin, la disposition du contrat qui prévoit que les charges sont refacturées au concessionnaire en fonction de tantièmes de copropriété pondérés (par rapport à la surface concédée), ne constitue pas nécessairement la preuve que les parties s'étaient accordées sur une refacturation totale de tous types de charges contrairement à ce que prétend la SCCD, cette modalité, aisément déterminable et applicable pouvant avoir été choisie par souci de simplification ;
Que le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef ;
Sur les charges relatives au 'plan glissant à cinq ans' :
Attendu que, le tribunal a déclaré que ces charges n'étaient pas inclues dans celles qui sont dues par la société Auchan, après avoir retenu que le plan glissant à cinq ans ne respectait pas les stipulations de la convention relatives à la concertation ni celles prévoyant la périodicité annuelle du calcul des charges ;
Attendu, sur la question de la concertation, que le contrat prévoit dans son article 6-3° intitulé 'Règlement des charges' que :
'La société de gestion établira un budget prévisionnel annuel en concertation avec le concessionnaire, comprenant toutes les charges communes à répartir entre les preneurs et concessionnaires.
Le concessionnaire devra verser, au jour de l'ouverture, sa quote-part de charges correspondant au douzième ou au quart du budget annuel.
(...)
Dans le cours du premier trimestre suivant la fin de chaque année civile, la société de gestion arrêtera les comptes de l'année écoulée, les adressera au concessionnaire et lui réclamera éventuellement le complément charges ou lui remboursera le trop versé correspondant à la différence entre les sommes versées à titre de provision et les charges réelles.
(...)';
Attendu que, c'est à tort que la SCCD prétend que ces dispositions ne concernaient que la première année suivant l'ouverture du centre commercial ;
Qu'il résulte sans ambiguïté de la lecture des passages ci-dessus cités que, si la concertation a en effet été prévue dès la première année d'exploitation, elle devait continuer à s'appliquer les années suivantes, la clause évoquant 'un budget prévisionnel annuel' et pas le budget de l'année d'ouverture, puis, 'les comptes de chaque année civile' (ces quatre mots sont soulignés par la cour);
Attendu en revanche qu'il ressort des pièces versées aux débats,qu'au moins les budgets prévisionnels 2011 et 2012 ont été adressés à la société Auchan ;
Que le défaut de concertation invoqué par l'intimée n'est donc pas établi ;
Qu' il ne résulte pas clairement des écritures de la société Auchan qu'elle soutiendrait que cette concertation aurait dû, par analogie ou extension, s'appliquer au plan quinquennal et, qu'en l'absence d'un tel moyen il convient de constater que la convention ne prévoit expressément de concertation que pour les budgets annuels ;
Qu'en outre et en toute hypothèse, il convient de constater que le contrat ne prévoit aucune sanction en cas de non respect de la clause de concertation ;
Attendu s'agissant de la périodicité du plan que, les stipulations de la convention des parties prévoient , ainsi que la société Auchan le fait valoir, un budget prévisionnel annuel et non quinquennal;
Que cependant, la SCCD n'est pas démentie lorsqu'elle affirme que les charges prévues dans ce plan sont étalées dans le temps mais font l'objet d'un vote annuel par le syndicat des copropriétaires;
Qu'en conséquence, c'est toujours un budget prévisionnel annuel qui est établi et soumis au concessionnaire ;
Que l'on ne peut reprocher à un syndicat de copropriétaires de locaux commerciaux de la dimension de celui des 4 temps de la Défense et à son gestionnaire de prévoir des travaux à cinq ans; Que de telles structures commerciales impliquent une gestion prévisionnelle à moyen et long terme;
Que la convention de concession immobilière de l'espèce, si elle ne prévoit pas de plans quinquennaux, ne l'interdit pas non plus , dès lors que ce plan s'insère dans les stipulations contractuelles ; Qu'en l'espèce, le plan à cinq étant exécuté par tranches annuelles, il peut s'intégrer aux stipulations contractuelles ;
Que, c'est donc à bon droit que la SCCD soutient, à titre subsidiaire, que c'est en fonction de la nature des charges comprises dans ce plan sur cinq ans que l'on peut déterminer si elles peuvent ou non être refacturées à la société Auchan ;
Qu'il convient dès lors de retenir, conformément à la décision ci-dessus relative aux travaux rendus nécessaires par la vétusté, les mises aux normes ou les prescriptions de l'administration, aux travaux de restructuration, de rénovation, de création et d'amélioration, que tous ceux qui correspondent à ces définitions, qui figurent dans le plan glissant à cinq ans, ne sont pas dûs par le concessionnaire;
Que le jugement sera infirmé de ce chef ;
Que cette infirmation implique, ainsi que le demande l'appelante, de compléter la mission confiée par le tribunal à Mme Costa B..., expert, dans les termes du dispositif ci-après, afin de procéder à une ventilation parmi les charges figurant au plan quinquennal, entre celles qui sont imputables au concessionnaire et celles qui ne le sont pas parce qu'elles constituent des travaux rendus nécessaires par la vétusté, les mises aux normes ou les prescriptions de l'administration, des travaux de restructuration, de rénovation, de création et d'amélioration ;
Attendu que, contrairement à ce que prétend la société Auchan, l'infirmation partielle du jugement n'implique pas de devoir statuer sur les tantièmes de charges contractuellement dûs, cette question, ainsi qu'il a été rappelé ci-avant fait partie de celles qui ont fait l'objet d'un sursis à statuer par le tribunal dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert et qu'il n'est invoqué aucun motif justifiant de faire échec au principe du double degré de juridiction ;
Qu'en effet, le complément de mission ci-dessus ordonné n'est pas de nature à apporter des réponses aux questions sur lesquelles le tribunal a sursis à statuer dans l'attente du rapport définitif de l'expert, à ce jour non déposé ;
Sur les honoraires de la société Espace Expansion :
Attendu que la société Auchan sollicite, en cas d'infirmation totale ou partielle du jugement sur ses prétentions principales, l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'exclusion des charges correspondant aux honoraires, d'administrateur de biens, de syndic et sur travaux ;
Qu'elle fait tout d'abord valoir que la SCCD ne justifie ni de l'existence des contrats d'administration de biens et de syndics ni des factures de ces gestionnaires ;
Attendu que, le jugement a admis le principe d'une obligation du concessionnaire au paiement d'une quote- part des honoraires de gestion et au paiement d'une partie des honoraires du syndic au travers des charges des parties communes du centre commercial, sous réserve (dans les motifs du jugement) pour la SCCD de produire lors des opérations d'expertise le mandat de gestion et les contrats de syndic ;
Qu'il résulte du premier rapport déposé par l'expert, produit par l'intimée en pièce n° 24, que l'existence des contrats n'a pas été contestée devant l'expert et que les factures demandées ont été produites ;
Qu'en conséquence, les contestations formées à hauteur d'appel sur l'existence des contrats d'administrateur de biens ne sont pas fondées ;
Que, la cour adopte les motifs pertinents retenus par le tribunal pour considérer que les honoraires de la société Expansion au titre de sa qualité de syndic étaient dûs par la société Auchan;
Qu'il en est de même en ce qui concerne les autres honoraires sur travaux ;
Attendu que la société Auchan soutient en second lieu que les honoraires d'administrateur de biens de la société Expansion ne sont pas dûs dans la mesure où, ils n'ont pas été fixés après consultation des exploitants comme le prévoit le contrat et, que la SCCD n'a justifié d'aucune mise en concurrence ;
Attendu que la convention de concession prévoit en page 37 que :
'Pour les exercices suivants, le montant des honoraires (de l'administrateur de bien choisi par le concédant) sera fixé après consultation des exploitants';
Que, si la SCCD n'apporte aucune réponse à ce moyen et ne prétend donc pas avoir procédé à cette concertation, il convient de constater que le contrat ne prévoit aucune procédure en cas de non respect de la concertation prévue, telle que la saisine d'un tiers ou d'une juridiction, ni aucune sanction en cas d'absence de concertation ;
Qu'en conséquence, il ne peut être fait droit à une demande de dispense totale de paiement, la réalité de la prestation fournie par la société Expansion n'étant pas contestée ;
Qu'en outre, en l'absence de demande subsidiaire tendant à la réduction du montant des honoraires en raison d'un préjudice causé par l'absence de concertation (qui n'est en outre ni allégué ni démontré) , la demande ne peut qu'être rejetée ;
Attendu, s'agissant de l'absence de mise en concurrence, qu'il ne résulte d'aucune stipulation du contrat qu'elle était exigée de la part du concédant ;
Attendu enfin, s'agissant des fautes de gestion invoquées à l'encontre de la société Expansion, tenant aux erreurs commises sur la surface A..., qu'elles ne sont nullement établies, la seule production d'un tableau émanant de cette société faisant état d'une surface de 27 000 m² au lieu de 25 850 selon la société Auchan n'est pas suffisante à apporter la preuve d'une véritable faute , une erreur ou un désaccord entre les parties sur ce point étant possible ;
Qu'en ce qui concerne le grief tenant à l'absence de production de pièces justificatives, il convient de rappeler que la mission confiée à l'expert par le tribunal comporte l'intitulé suivant :
' vérifier les travaux, les impôts, primes d'assurance, honoraires de gestion et les frais d'acquisition et de renouvellement du matériel et de l'outillage nécessaires à la gestion et l'exploitation des parties communes pour les années 2009, 2010, 2011, 2012, 2013 et 2014", ce qui sera le cas échéant de nature à répondre à ce grief ;
Qu'en toute hypothèse, le rapport n'ayant pas été déposé et le tribunal n'ayant pas statué sur ce rapport, ce moyen ne peut en l'état qu'être écarté ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur le caractère non écrit de certaines clauses :
Attendu que, c'est également par des motifs exacts, que la cour adopte, auxquels la société Auchan n'apporte aucun élément nouveau en cause d'appel, que le tribunal a rejeté ces demandes;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la SCCD :
Attendu que, le sens de la présente décision conduit à rejeter cette demande, dans la mesure où la société Auchan obtient partiellement satisfaction au regard de ses prétentions initiales ;
Qu'elle n'a donc commis aucun abus en engageant la présente procédure ;
Qu'en outre, contrairement à ce que soutient l'appelante, le rapport d'audit privé réalisé par la société Auchan, dont la communication a été obtenue après une ordonnance du juge de la mise en état du 9 avril 2018, n'a pas apporté à la présente décision d'élément utile ; Que le fait que la société Auchan ne l'ait pas communiqué avant cette ordonnance ne peut donc constituer le fondement d'une demande de dommages-intérêts ;
Sur les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens :
Attendu que les parties ayant partiellement succombé en leurs prétentions respectives, elles conserveront chacune la charge de leurs frais irrépétibles et de leurs dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant contradictoirement,
Rejette l'irrecevabilité partielle de la demande de la société Auchan formée par la société du Centre Commercial de la Défense, fondée sur une renonciation réciproque à recours,
Rejette l'irrecevabilité des demandes de la société Auchan fondée sur la violation des articles 9,15 et 16 du code de procédure civile,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a :
- dit que n'étaient pas incluses dans les charges dues par la société Auchan à la société du Centre Commercial de la Défense, celles se référant au plan glissant à 5 ans,
Statuant à nouveau de ce chef :
- Dit que les charges dues par la société Auchan à la société du Centre Commercial de la Défense, comprennent celles se référant au plan glissant à 5 ans, à l'exception de celles qui constituent des travaux rendus nécessaires par la vétusté, les mises aux normes ou par les prescriptions de l'administration, à des travaux de restructuration, de rénovation, de création et d'amélioration,
- Complète la mission confiée par le jugement à Mme E... B..., expert, ainsi qu'il
suit :
. déterminer, parmi les charges facturées par la société du Centre Commercial de la Défense à la société Auchan Hypermarché au titre du 'plan à cinq ans'au cours des années 2009 à 2014, celles qui correspondent à des travaux rendus nécessaires par la vétusté, par les mises aux normes ou par les prescriptions de l'administration, à des travaux de restructuration, de rénovation, de création et d'amélioration,
. les soustraire des charges imputables à la société Auchan Hypermarché,
. faire le compte entre les parties,
- Rappelle que le jugement a sursis à statuer notamment sur les demandes relatives à l'annulation du commandement de payer du 27 janvier 2014, au paiement des causes de ce commandement, au calcul des charges en fonction des tantièmes de copropriété et que ces demandes ne font pas l'objet d'une évocation,
- Renvoie en conséquences les parties à conclure sur ces points devant le tribunal à l'issue des opérations d'expertise et dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes qu'elles ont formées de ces chefs en cause d'appel,
- Déboute la société du Centre Commercial de la Défense de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire,
- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la présente instance d'appel ,
- Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Laurence ABGRALL, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,