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05/10/2018 | FRANCE | N°17/03757

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 05 octobre 2018, 17/03757


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 36D





1ère chambre


1ère section








ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 05 OCTOBRE 2018





N° RG 17/03757





AFFAIRE :





SASU IMFRA


SCI ROSNY BEAUSEJOUR


SASU UNI-COMMERCES


C/


ASSOCIATION de Défense d'Enseignes Locataires d'Ensembles Commerciaux











©cision déférée à la cour: Jugement rendu le 04 Mai 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE


POLE CIVIL


N° Chambre : 1


N° RG : 16/09621





Expéditions exécutoires


Expéditions


délivrées le :


à :


AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS





ASSOCIATION Y... E...-JOLY


























...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 36D

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 05 OCTOBRE 2018

N° RG 17/03757

AFFAIRE :

SASU IMFRA

SCI ROSNY BEAUSEJOUR

SASU UNI-COMMERCES

C/

ASSOCIATION de Défense d'Enseignes Locataires d'Ensembles Commerciaux

Décision déférée à la cour: Jugement rendu le 04 Mai 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

POLE CIVIL

N° Chambre : 1

N° RG : 16/09621

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

ASSOCIATION Y... E...-JOLY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ OCTOBRE DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant après prorogation le 21 septembre 2018 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:

SASU IMFRA (IMMOBILIERE FRANCE )

[...]

Représentant : Me Oriane A... de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20170523 - Représentant : Me Erwan J... du PARTNERSHIPS JONES DAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SCI ROSNY BEAUSEJOUR

[...]

Représentant : Me Oriane A... de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20170523 - Représentant : Me Erwan J... du PARTNERSHIPS JONES DAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SASU UNI-COMMERCES

[...]

Représentant : Me Oriane A... de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20170523 - Représentant : Me Erwan J... du PARTNERSHIPS JONES DAY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTES

****************

ASSOCIATION de Défense d'Enseignes Locataires d'Ensembles Commerciaux

N° SIRET : 819 86 5 5 93

[...]

Représentant : Me Corinne Y... de l'ASSOCIATION Y... E...-JOLY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 419 - Représentant : Me Jehan-Denis BARBIER de la SELARL BARBIER ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 juin 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, et Madame Anne LELIEVRE, conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

****************

Vu le jugement rendu le 4 mai 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

- dit que l'objet social de l'association Adeleco est licite,

- débouté les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces de l'ensemble de leurs demandes,

- débouté l'association Adeleco de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et du surplus de ses demandes,

- condamné les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces in solidum à payer à l'association Adeleco une indemnité de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces aux dépens, lesquels pourront être recouvrés selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu l'appel relevé le 15 mai 2017 par les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour, Uni Commerces qui, dans leurs dernières conclusions notifiées le 2 mai 2018, demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 4 mai 2017 en l'ensemble de ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'Adeleco tendant à la condamnation des sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

- prononcer la nullité du contrat d'association instituant Adeleco,

- prononcer la dissolution d'Adeleco,

- prononcer la nullité des actes subséquents passés par Adeleco depuis sa création,

A titre subsidiaire :

- prononcer la nullité de l'assemblée générale d'Adeleco en date du 4 février 2016,

- prononcer la nullité des adhésions à Adeleco des sociétés Chaussures Eram, Provalliance Beauty, Damart - Serviposte, Etam, Jeff K...- Exploitation, Nature et Découvertes, Delta Lingerie, La Poste, Camaieu International, Claire's France, Financière Agora, Hema France SAS, C.C.V. Beaumanoir, Micromania et Devred,

En toute hypothèse :

- débouter Adeleco de toutes ses demandes,

- condamner Adeleco à verser aux sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces la somme de 20 000 euros chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Adeleco aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 26 mars 2018 par lesquelles l'association de défense d'enseignes locataires d'ensembles commerciaux (Adeleco) demande à la cour de :

- dire les sociétés Imfra, Rosny-Beauséjour et Uni-Commerces irrecevables et mal fondées en leur appel et les débouter de toutes leurs demandes,

- confirmer la décision entreprise dans toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs et dilatoires,

- dire que l'action des appelantes, manifestement non sérieuse, malveillante, stratégique et dilatoire, a dégénéré en abus,

- en conséquence, prononcer telle amende civile qu'il plaira à la cour,

- condamner solidairement les sociétés Imfra, Rosny-Beauséjour et Uni-Commerces au paiement d'une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure malveillante, abusive et dilatoire,

- condamner solidairement les sociétés Imfra, Rosny-Beauséjour et Uni-Commerces au paiement d'une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

L'association de défense d'enseignes locataires d'ensembles commerciaux (ci-après, l'association Adeleco) est une association loi 1901 située [...], et dont l'objet est, selon ses statuts adoptés le 4 février 2016 publiés le lendemain, "d'assurer le respect des droits et intérêts des enseignes exerçant leur activité dans un ensemble commercial, en particulier dans leurs relations avec leur bailleur. Elle pourra être mandatée par ses membres pour agir amiablement ou en justice pour la défense de leurs intérêts individuels".

Lors de l'assemblée générale constitutive de l'association qui s'est tenue le 4 février 2016, le président de séance a indiqué que "l'association aura pour mandat d'engager les études, audits, négociations ...voire d'agir en justice pour la défense de l'intérêt individuel de ses membres, notamment "engager des actions communes face aux bailleurs" et que "l'adhésion n'entraîne pas l'obligation de participer à toutes les actions qui seront menées au nom de l'association. Seul le mandat signé, engagera l'enseigne, dans une procédure amiable ou contentieuse envers l'ensemble commercial spécifié".

L'association Adeleco a été déclarée le 5 février 2016 auprès de la préfecture de police de Paris, ce qui a été publié au journal officiel du 20 février 2016.

Après un premier courrier du 5 avril 2016, l'association Adeleco, se prévalant de la qualité de mandataire de 24 sociétés louant des locaux commerciaux au sein du centre commercial Rosny 2 sis à Rosny-sous-Bois, a, par acte d'huissier de justice du 4 mai 2016, mis en demeure les sociétés IMMOBILIERE FRANCE (ci-après, la société Imfra), Rosny Beauséjour et Uni-commerces, bailleresses des locaux, de rembourser diverses sommes qu'elle estime avoir été indûment facturées aux sociétés locataires au titre de travaux de rénovation du centre commercial.

Cette mise en demeure étant restée vaine, l'association Adeleco, agissant en qualité de mandataire de 18 sociétés locataires, a fait assigner les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Unicommerces devant le tribunal de grande instance de Bobigny le 11 mai 2016, en remboursement des sommes facturées auxdites sociétés au titre de l'opération d'ensemble, de rénovation et de restructuration du centre commercial Rosny 2 qu'elle considère ne pas relever des charges récupérables. Par conclusions signifiées le 11 juillet 2016, la société Adeleco a modifié ses demandes, agissant désormais en qualité de mandataire de 20 sociétés locataires. Cinq sociétés locataires sont par ailleurs intervenues volontairement à la procédure le 17 octobre 2016.

Par acte du 27 mai 2016, l'association Adeleco, agissant en qualité de mandataire de cinq sociétés locataires, a fait assigner les sociétés Imfra et Rosny Beauséjour devant le juge des référés de Bobigny aux fins de désignation d'un médiateur.

Concomitamment, le 25 août 2016, les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces ont fait assigner l'association Adeleco devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins de voir prononcer la nullité du contrat d'association pour illégalité de son objet et ordonner la dissolution de celle-ci.

Parallèlement, à la demande des sociétés bailleresses, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bobigny a ordonné, le 7 décembre 2016, un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir dans le litige portant sur la demande en annulation du contrat d'association et la dissolution de l'association Adeleco.

1°) Sur la demande en annulation du contrat d'association et en dissolution de l'association Adeleco

Considérant que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces font en premier lieu valoir que l'objet de l'association Adeleco est frauduleux car elle a été constituée avec pour objectif d'accomplir un acte illicite, lequel se caractérise ainsi :

- l'objet de l'association Adeleco est de recueillir des mandats aux fins d'agir en justice, par le biais d'actes de démarchages de la part de commerçants de centres commerciaux, contraire aux dispositions de l'article 66-4 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971,

- l'association Adeleco a été constituée dans l'unique dessein de former des actions de groupe au nom de ses membres en éludant les réglementations impératives applicables à ce type d'actions,

- l'objet de l'association Adeleco inclut l'exercice d'une activité d'intermédiaire réglementée par les dispositions impératives et d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970,

- l'association Adeleco n'a aucune activité réelle, elle n'emploie aucun salarié, aucun bénévole, ne dispose pas de locaux affectés à son fonctionnement et se limite exclusivement à exercer de multiples recours judiciaires,

- l'association Adeleco prive les appelantes des garanties procédurales inhérentes aux droits de la défense et au respect du principe du contradictoire ;

Qu'elles soutiennent que l'association Adeleco ayant été constituée avec un objet illicite, le contrat d'association doit être déclaré nul, en application de l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 relative aux associations et que l'association Adeleco encourt la dissolution conformément à l'article 7 de ladite loi ; que par conséquent, les actes conclus par l'association depuis sa création doivent être déclarés nuls ;

Que l'association Adeleco réplique que la société Unibail regroupant les trois sociétés appelantes dispose d'un quasi-monopole sur les centres commerciaux de France, qu'elle partage avec deux ou trois autres sociétés; qu'elle impose à ses locataires des contrats d'adhésion ; qu'il existe une entente entre les quelques sociétés monopolistiques ; que les appelantes, n'ont pas conclu au fond devant le tribunal de grande instance de Bobigny et ont adopté une stratégie dilatoire, afin de tenter de détruire l'association Adeleco ;

Qu'elle fait valoir que son objet est licite ; qu'il n'est contraire ni aux lois, ni aux bonnes moeurs ; qu'il ne porte atteinte ni à l'intégrité du territoire national, ni à la forme républicaine du gouvernement ; qu'elle rappelle que le droit d'association a valeur constitutionnelle, conformément à l'article 11 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ; que des commerçants qui exercent dans des centres commerciaux, ont le droit le plus absolu de constituer une association pour la défense de leurs intérêts locatifs ; que son objet est de permettre d'assurer le respect des droits et intérêts des enseignes exerçant leur activité dans un centre commercial, en particulier dans leurs relations avec leurs bailleurs ; que ses statuts prévoient légitimement qu'elle pourra être mandatée par ses membres pour agir amiablement ou en justice pour la défense de leurs intérêts individuels ; qu'elle soutient plus spécialement, qu'elle n'a pas d'activité juridique et ne fait pas de démarchage illicite ; qu'elle ne viole donc pas la loi du 31 décembre 1971; qu'en tout état de cause, la sanction appropriée en cas d'exercice d'une activité juridique est l'interdiction de développer une telle activité mais non la dissolution de l'association ; que s'agissant du grief relatif au détournement de la procédure prévue en matière d'actions collectives, seul le tribunal de grande instance de Bobigny est compétent pour apprécier la recevabilité de l'action présentée devant lui ; que l'irrecevabilité ne serait pas un motif de dissolution ; que néanmoins rien n'interdit à plusieurs personnes d'agir conjointement devant une juridiction ; qu'une personne morale ou physique peut donner mandat à une autre personne physique ou morale, d'agir en justice à sa place, ce qui s'appelle un mandat "ad agendum" dont la validité est reconnue pourvu que l'existence du mandat et le nom du mandant figure dans chaque acte de procédure ; que la loi dite Hamon, du 17 mars 2014 n'a pas supprimé la faculté de donner un tel mandat ; que l'action de groupe se différencie de celle exercée par l'association Adeleco ;

Qu'elle poursuit en se défendant de violer la loi Hoguet du 2 janvier 1970 qui concerne les administrateurs de biens et les agents immobiliers, et en précisant qu'elle n'exerce aucune activité d'intermédiaire, d'entremise ou de gestion d'immeubles ou de fonds de commerce ; que le fait d'encaisser le remboursement de charges indûment prélevées, à l'issue d'une procédure, à charge pour elle de les répartir en exécution des mandats individuels spéciaux, ne fait pas d'elle un agent immobilier ;

Qu'elle conteste la privation invoquée des garanties procédurales inhérentes au respect des droits de la défense et du principe du contradictoire, tous les effets du mandat se produisant dans la personne du mandant ;

Qu'elle réfute enfin le moyen tenant à son caractère fictif ; qu'elle existe et agit conformément à son objet social, qu'elle encaisse des cotisations et mandate des auditeurs et des avocats ;

Qu'elle ajoute que la nullité d'une association, qu'il s'agisse d'une nullité absolue ou relative n'a pas d'effet rétroactif ; que la nullité ou la dissolution ne joue que pour l'avenir ; qu'elle en conclut que les bailleresses sont mal fondées tant sur les causes d'une dissolution que sur ses conséquences ;

***

Considérant que selon l'article 3 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, "toute association fondée sur une cause ou en vue d'un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes meurs ou qui aurait pour but de porter atteinte à l'intégrité du territoire national et à la forme du gouvernement est nulle et de nul effet" ;

* Sur la violation des dispositions de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et du décret n°72-785 du 25 août 1972

Que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces invoquent les dispositions de l'article 66-4 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et l'article 1er du décret n°72-785 du 25 août 1972 pour soutenir que l'association Adeleco commet des agissements constituant un démarchage illégal en collectant des mandants aux fins de se faire habiliter à agir en justice au nom des commerçants de centres commerciaux ;

Que le premier de ces textes interdit le démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ; que le décret précité dispose que constitue un acte de démarchage au sens de l'article 66-4 de la loi susvisée, le fait d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d'un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire, soit au domicile ou à la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public ;

Que selon les appelantes, proposer une représentation en justice relève de l'infraction prévue par le premier de ces textes ; qu'elles font grief à l'intimée de s'être livrée à des actes de démarchage en vue de collecter des mandats d'agir en justice, suffisamment caractérisés par toute offre de service de cette nature, quel qu'en soit le procédé ; qu'elles invoquent notamment le fait pour l'association Adeleco d'avoir réalisé des publications dans la correspondance de l'Enseigne, d'avoir adressé des lettres circulaires à l'ensemble des commerçants des trois centres commerciaux, pour les encourager à lui donner mandat pour les défendre "face aux pratiques de certains bailleurs" relatives en particulier à la refacturation des travaux de rénovation et de restructuration, de s'être présentée en mentionnant dans ses objectifs celui d'engager des actions communes face aux bailleurs et évoquant à de nombreuses reprises "la signature d'un mandat pour agir amiablement ou en justice" ; qu'elles font encore état de la parfaite similitude entre les nombreux mandats confiés à l'association Adeleco pour en tirer la déduction qu'ils ne lui ont pas été confiés spontanément et qu'ils procèdent d'une démarche active de sa part en vue d'engager des actions en justice collectives contre les propriétaires;

Mais considérant que les statuts de l'association Adeleco ne prévoient pas qu'elle donne des consultations juridiques ou rédige des actes en matière juridique ; que les appelantes n'établissent pas davantage qu'elle se livrerait de fait à de telles activités ; que l'association Adeleco revendique légitimement le droit de recourir à un avocat, qui peut donner des consultations juridiques et être mandaté pour agir en justice ;

Que l'association Adeleco n'est pas un organisme externe ; qu'elle est constituée par les commerçants locataires, qui ont souhaité mettre en oeuvre une action regroupée en lui donnant des mandats d'agir ; que l'association Adeleco a confié la défense des membres lui ayant donné mandat à un avocat ; que le fait de remettre des bulletins d'adhésion aux commerçants susceptibles d'être intéressés par une défense commune de leurs intérêts n'est pas répréhensible ; que ne l'est pas davantage le fait de disposer d'un modèle de mandat fourni aux adhérents qui en font la demande ; qu'il n'est pas établi que la collecte de mandats aux fins d'agir en justice ait procédé d'une démarche active de la part de l'association Adeleco ;

Que les jurisprudences citées par les appelantes ne sont pas transposables à l'espèce ;

Que les faits de démarchage public reprochés à l'association Adeleco ne sont pas établis ; qu'il n'y a en l'espèce pas eu d'appel public par voie d'internet notamment ;

* Sur le détournement des règles impératives afférentes aux actions collectives

Considérant que lors de l'assemblée générale constitutive de l'association qui s'est tenue le 4 février 2016, le président de séance, exposant les motifs du projet de création de l'association et commentant le projet de ses statuts, a indiqué que "l'association aura pour mandat d'engager les études, audits, négociations ...voire d'agir en justice pour la défense de l'intérêt individuel de ses membres.

L'adhésion à l'association est ouverte à toutes les enseignes souhaitant la rejoindre, enseignes structurées ou indépendantes.

Les enseignes participantes pourront au travers de l'association :

- engager des actions communes face aux bailleurs,

- actionner cette structure pour négocier ou agir en justice dans tous les différents cas identifiés où elles ont un véritable intérêt pour agir ensemble dans les ensembles commerciaux où elles sont implantées,

- obtenir une jurisprudence qui permettra d'éclaircir durablement des points qui font litige aujourd'hui, notamment concernant la refacturation de certaines charges par les bailleurs,

- suivre le remboursement des travaux facturés à tort pour rénovation ou charges exceptionnelles, voire d'obtenir des dommages et intérêts.

Il est précisé que l'adhésion n'entraîne pas l'obligation de participer à toutes les actions qui seront menées au nom de l'association. Seul le mandat signé, engagera l'enseigne, dans une procédure amiable ou contentieuse envers l'ensemble commercial spécifié" ;

Que l'article 6 des statuts précise que l'association est composée de membres, personnes physiques ou morales, qui s'engagent à mettre en commun leurs connaissances et leur activité, que peuvent ainsi être membres les personnes physiques ou morales exploitant un commerce de détail spécialisé, de services marchands spécialisés, ou un réseau d'enseignes de commerce spécialisé, d'une part, et toutes organisations professionnelles et toutes personnes qualifiées ayant manifesté leur intérêt pour l'objet de l'association, d'autre part ;

Que l'association Adeleco, qui n'est pas exclusivement composée de preneurs à bail commercial mais également d'organisations professionnelles, a donc pour objet social d'engager des actions communes à l'encontre des bailleurs, de négocier ou d'agir en justice dans tous les cas identifiés où les enseignes ont un intérêt pour agir ensemble dans les centres commerciaux où elles sont implantées, notamment concernant la refacturation de certaines charges par les bailleurs, ce uniquement sur la base d'un mandat signé par chacune des enseignes concernées au titre de la procédure engagée pour la défense de leurs intérêts ;

Que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a retenu que le moyen tiré de la violation des dispositions impératives et d'ordre public des articles L 623-1 et L 622-1 du code de la consommation était inopérant ; qu'en effet l'association Adeleco n'a pas pour objet social d'obtenir la réparation d'un préjudice de masse subi par tout locataire du centre commercial en raison d'une situation analogue ou identique, pour lequel le simple fait d'appartenir à un groupe suffirait à lui faire bénéficier de l'action introduite, sans avoir à justifier d'un intérêt individuel à agir, comme le font valoir les requérantes, mais d'assurer la défense d'intérêts individuels de ses membres exerçant leur activité dans un ensemble commercial, en particulier dans leurs relations avec leurs bailleurs, notamment par l'exercice d'actions en justice, sur la base d'un mandat individuel spécial donné par chacun d'entre eux ;

Que la circonstance que l'association défende, sur la base de mandats ad agendum, les intérêts individuels de certains de ses membres nommément désignés, même si ces intérêts se révèlent communs auxdits membres, ne confère pas un caractère collectif à l'action, et ne contrevient donc pas aux dispositions légales impératives régissant les actions de groupe introduites en droit français par la loi du 17 mars 2014 dite loi Hamon, lesquelles sont exercées au bénéfice d'un groupe de personnes non identifiées sans mandat préalable ;

Qu'il sera ajouté que la validité du mandat pour agir n'a pas été remise en cause par l'introduction des textes relatifs à l'action de groupe issus de la loi du 17 mars 2014 dite loi Hamon ; que l'action de groupe est une voie de droit permettant à une ou plusieurs personnes d'exercer une action en justice pour obtenir réparation au bénéfice d'un groupe de personnes non identifiées, sans mandat ; que cette action se différencie de celle qu'entend exercer l'association Adeleco par la voie d'un mandat qui lui a été donné par des personnes identifiées, dont elle fournit la liste, dans le cadre d'une procédure ordinaire, en vue de la réparation de leurs préjudices individuels respectifs ; que les règles applicables à l'action de l'association Adeleco sont celles du mandat, régi par l'article 1984 du code civil ;

Que le moyen doit donc être rejeté ;

* Sur la violation de la loi Hoguet n°70-9 du 2 janvier 1970

Considérant que selon son article 1er cette loi s'applique aux personnes physiques ou morales qui, d'une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à l'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d'immeubles bâtis ou non bâtis ;

Que l'exercice de cette activité, qui concerne les administrateurs de biens et les agents immobiliers leur impose d'être titulaires d'une carte professionnelle ;

Que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces font valoir qu'il est prévu dans l'objet de l'association Adeleco qu'elle reçoive mandat d'engager des négociations au titre des baux existant entre ses adhérents et elles mêmes ;

Mais considérant que l'association Adeleco qui agit en qualité de mandataire de locataires n'exerce aucune des activités visées par l'article 1er de la loi Hoguet ; que le tribunal a exactement retenu que le fait qu'elle puisse être amenée à encaisser des sommes dues à ses adhérents, à charge pour elle de les répartir entre eux, en exécution des mandats individuels spéciaux donnés à cette fin, ne lui confère pas la qualité d'agent immobilier ou d'intermédiaire visé par ladite loi ;

Que le moyen doit donc également être rejeté ;

* Sur la privation des garanties procédurales inhérentes au respect des droits de la défense et du principe du contradictoire

Considérant que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces font valoir qu'étant seule partie aux actions qu'elle a introduites, l'association Adeleco les prive du droit de se défendre et de former toute demande reconventionnelle à l'encontre des membres de l'association, les prive de pouvoir faire exécuter une décision de justice et d'obtenir un jugement rendu commun, les prive de pouvoir conclure utilement un accord transactionnel mettant fin au litige avec ses locataires et les prive de sécurité juridique ;

Mais considérant que rien n'empêche les bailleresses de conclure dans la procédure au fond et d'exercer tous les droits de la défense puisque tous les effets du mandat se produisent dans la personne du mandant ; qu'ainsi, si elles obtiennent une décision de justice favorable elles pourront l'exécuter contre les mandants ; que contrairement à ce qu'elles prétendent, elles sont à même de conclure des accords transactionnels avec certains locataires qui peuvent, s'ils le souhaitent se retirer de la procédure, par voie de désistement ;

Qu'enfin l'absence de sécurité juridique invoquée selon laquelle elles pourraient être poursuivies directement par leurs locataires au cas où les sommes réclamées et payées à l'association Adeleco n'auraient pas été reversées à ces derniers, est inexistant en raison des règles ci-dessus rappelées relatives aux effets du mandat ;

Qu'il en résulte que les inconvénients dénoncés par les sociétés appelantes, outre qu'ils ne sont pas démontrés, ne sont pas de nature à justifier la demande d'annulation du contrat d'association ;

* Sur le caractère fictif de l'association Adeleco

Considérant que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces prétendent que l'association Adeleco n'a aucune activité permanente et réelle dès lors qu'elle n'emploie aucun salarié ni bénévole, ne dispose pas de locaux affectés à son fonctionnement et se limite à exercer de multiples recours judiciaires pour le compte de certains de ses membres ;

Mais considérant que l'association Adeleco a fait l'objet d'une déclaration en préfecture régulièrement publiée ; qu'elle dispose d'un siège social ; qu'elle agit conformément à son objet social ; qu'elle comprend des adhérents ;

Que les appelantes échouent à démontrer le caractère fictif de l'association Adeleco ainsi qu'à établir l'illicéité de son objet social ;

Que par conséquent, les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces doivent être déboutées de leurs demandes en annulation et en dissolution de l'association Adeleco ;

2°) Sur la demande d'annulation des actes constitutifs d'Adeleco

* Sur l'assemblée générale constitutive

Considérant que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces soutiennent que les actes constitutifs de l'association Adeleco sont nuls ; qu'elles exposent que l'assemblée générale constitutive est nulle pour s'être tenue le 4 février 2016 soit le même jour que celui correspondant à la signature des statuts, de sorte que le président n'a pu valablement convoquer les membres de l'association, selon les modalités prévues par les statuts, c'est à dire dans le délai préalable de quinze jours ;

Qu'elle fait en outre valoir que le procès-verbal de l'assemblée générale ne fait état d'aucun pouvoir donné aux personnes présentes à cette assemblée de sorte que les résolutions n'ont pas été votées valablement; que le membre fondateur, M. Michel C..., désigné comme président de l'association Adeleco, n'avait pas pouvoir pour engager la société Ronip, dont il était le gérant, aux lieu et place du liquidateur de celle-ci;

Mais considérant que l'association est un contrat ; que la nullité d'une décision irrégulière doit être prévue par les statuts ; qu'en l'espèce, d'une part les statuts de l'association Adeleco ne prévoient pas de sanction du fait du non respect des délais de convocation des membres de l'association en vue de la tenue d'une assemblée générale ; que d'autre part et surtout, l'assemblée générale constitutive du 4 février 2016, qui avait essentiellement pour objet de statuer sur l'adoption des statuts et la désignation des premiers membres du conseil et la désignation des membres du bureau, s'est tenue entre 19 membres fondateurs ; que les statuts ne pouvaient être appliqués avant d'avoir été adoptés ; qu'il n'y a donc aucune irrégularité dans la similitude de dates entre l'assemblée générale constitutive, qui n'est pas une assemblée générale ordinaire et la signature des statuts ;

* Sur l'adhésion des membres à l'association Adeleco

Considérant que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni-commerces invoquent en dernier lieu la nullité de l'adhésion de ses membres au motif que les sociétés commerçantes n'auraient pas été représentées par leur représentant légal lors de leur adhésion ;

Considérant que les sociétés appelantes procèdent par affirmation lorsqu'elles indiquent que les personnes présentes étaient dépourvues de pouvoir pour représenter les sociétés mentionnées ; que si tel était le cas, la nullité invoquée ne pourrait être qu'une nullité relative qui ne pourrait être invoquée que par les personnes morales censées avoir été représentées lors de l'assemblée générale constitutive ; que les sociétés appelantes sont irrecevables à soulever cette nullité ; que la même observation vaut pour la contestation du pouvoir de M. Michel C...;

Considérant que les sociétés appelantes ne sont pas recevables à invoquer la nullité de l'adhésion des membres de l'association Adeleco au motif du défaut de capacité des personnes à agir au nom et pour le compte de certaines sociétés ;

Qu'il en résulte que les sociétés appelantes doivent être déboutées de leurs demandes en annulation des actes constitutifs de l'association Adeleco et de l'adhésion de ses membres à cette association ;

3°) Sur la demande reconventionnelle de l'association Adeleco

Considérant que l'association Adeleco sollicite le prononcé d'une amende civile à l'encontre des sociétés appelantes ; qu'elle invoque l'attitude fautive de ces dernières qui ne visent, par la présente instance, qu'à retarder l'issue des procédures introduites relatives aux charges et à tenter de déstabiliser les commerçants lui ayant donné mandat ;

Que l'association Adeleco sollicite par ailleurs la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure malveillante, abusive et dilatoire ; qu' elle fait valoir que les appelantes ne peuvent plus invoquer l'erreur sur leurs droits alors qu'elles en ont été informées par un jugement clairement motivé ; que la présente instance leur a permis de solliciter un sursis à statuer devant le tribunal de grande instance de Bobigny alors qu'elles auraient pu développer devant cette juridiction initialement saisie, tous les moyens développés dans la présente instance; que les sociétés appelantes ont pratiqué des prélèvements abusifs sur les comptes de leurs locataires et développé une stratégie dilatoire aboutissant en pratique à inverser la charge de la preuve ; que la présente instance tendant à l'anéantissement de leur adversaire et traduisant une atteinte à un droit fondamental, la liberté d'association, démontre leur intention malveillante et caractérise un abus de droit ; qu'elle ajoute que les sociétés appelantes ont tenté de faire obstacle à ce qu'une autre juridiction rende la justice ; qu'elle fait valoir qu'elle a, en raison du comportement fautif des appelantes, subi une atteinte à sa réputation et une atteinte effective à l'efficacité de son action puisque les bailleresses n'ont pas même encore conclu dans l'action au fond, relative à une demande de remboursement de charges ; que l'exécution de son mandat s'est ainsi trouvé entravée par une procédure abusive ;

Considérant que les appelantes s'opposent à ces demandes en soutenant que les questions de droit soumises à la cour revêtent un caractère sérieux notamment en ce que le débat porte sur la licéité des actions qui forment l'objet de l'association Adeleco ;

Considérant, compte tenu de la complexité du litige et de ses enjeux que l'association Adeleco n'établit pas suffisamment que l'action engagée par les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces a dégénéré en abus de droit et que celles-ci ne seraient animées que d'une intention dilatoire et malveillante ;

Qu'il ne sera pas prononcé d'amende civile à l'encontre des appelantes et que la demande de dommages et intérêts de l'association Adeleco sera rejetée ;

Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé sur ces points ;

Considérant que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces, parties perdantes, doivent être condamnées aux dépens d'appel ;

Qu'en cause d'appel, l'équité commande d'allouer à l'association Adeleco la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces sont déboutées de leur demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces à payer à l'association Adeleco la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne les sociétés Imfra, Rosny Beauséjour et Uni Commerces aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 17/03757
Date de la décision : 05/10/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°17/03757 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-05;17.03757 ?
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