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25/05/2018 | FRANCE | N°16/05613

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 25 mai 2018, 16/05613


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 97Z



1ère chambre 1ère section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2018



N° RG 16/05613



AFFAIRE :



SELARL FIACRE LA BATIE HOFFMAN

C/

Jean-François X..., avocat au barreau du Val de Marne







Décision déférée à la cour: Décision rendue le 07 Août 2014 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de NANTERRE





Expéditions exécutoires

délivrée

s le :

à :



SELARL FIACRE LA BATIE HOFFMAN



Me Pierre Y... - Me Paul Z...



Expéditions

délivrées le :

à :

Jean-François X...



PROCUREUR GENERAL









REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE VINGT CINQ MAI D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 97Z

1ère chambre 1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2018

N° RG 16/05613

AFFAIRE :

SELARL FIACRE LA BATIE HOFFMAN

C/

Jean-François X..., avocat au barreau du Val de Marne

Décision déférée à la cour: Décision rendue le 07 Août 2014 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de NANTERRE

Expéditions exécutoires

délivrées le :

à :

SELARL FIACRE LA BATIE HOFFMAN

Me Pierre Y... - Me Paul Z...

Expéditions

délivrées le :

à :

Jean-François X...

PROCUREUR GENERAL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE DIX HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant après prorogation les 13 avril et 18 mai 2018 les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre:

SELARL FIACRE LA BATIE HOFFMAN

[...]

Comparante en la personne de M. A... B... DE LA BATIE, gérant

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 22 juin 2016 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES (1ère chambre 1ère section) le 26 mars 2015

****************

Monsieur Jean-François X..., avocat au barreau du Val de Marne

né le [...] à TOURS (37000)

de nationalité Française

[...]

Représenté par Me Pierre Y..., avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 623 - N° du dossier 16000245 et Me Paul Z..., Plaidant, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 février 2018 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président, et Madame Anne LELIEVRE, conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Alain PALAU, président,

Madame Anne LELIEVRE, conseiller,

Madame Nathalie LAUER, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

Vu la décision rendue le 7 août 2014 par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Hauts de Seine, désigné par lettre du 13 février 2014 du président du conseil national des barreaux qui a :

- déclaré prescrite la demande de la Selarl FLH,

- au fond débouté la Selarl FLH de toutes ses demandes,

- dit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes reconventionnelles de M. Jean-François X...,

- dit qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'arrêt rendu par cette cour le 26 mars 2015 qui a confirmé cette décision, débouté M. Jean-François X... de sa demande de dommages et intérêts, rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la selarl FLH aux dépens d'appel ;

Vu l'arrêt rendu le 22 juin 2016 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation qui a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé, remis les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Vu la déclaration de saisine de cette cour le 21 juillet 2016 par la selarl FLH ;

Vu les dernières conclusions déposées le 16 octobre 2017, reprises oralement à l'audience, par lesquelles la selarl FLH demande à la cour de:

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a dit prescrites les demandes de la selarl FLH,

- dire que M. Jean-François X... est irrecevable en sa demande tendant à faire juger qu'aucune clause compromissoire ne lui est opposable,

- dire que la juridiction ordinale était compétente en vertu d'une clause compromissoire valable, convenue par écrit entre les parties,

- dire que les parties en exécutant la clause compromissoire insérée dans la convention ont manifesté leur acceptation de celle-ci,

- dire qu'il résulte des écrits échangés entre les parties courant 2005 qu'elles ont confirmé par écrit leur consentement à la clause compromissoire,

- subsidiairement dire que l'entrée en vigueur du décret du 11 décembre 2009 a rendu la juridiction ordinale obligatoirement compétente pour tous les litiges en cours,

- dire que la saisine de leur bâtonnier respectif par les parties a constitué un acte interruptif de prescription,

- dire que ces saisines sont intervenues dans le délai de prescription des créances revendiquées par la selarl FLH,

- dire qu'aucune péremption d'instance n'est constituée,

- condamner M. Jean-François X... à payer à la selarl FLH la somme de 23296,94 euros ttc, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2005 capitalisés,

- condamner M. Jean-François X... à payer à la selarl FLH la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner M. Jean-François X... à payer à la selarl FLH la somme de 15 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Vu les dernières conclusions de M. Jean-François X... en date du 16 mars 2017 reprises oralement à l'audience, par lesquelles il demande à la cour de :

- déclarer frappée de péremption, pour autant qu'elle puisse être déclarée comme un acte interruptif de prescription, l'instance qui aurait été ouverte par la saisine du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris le 27 juillet 2005,

- constater en tout état de cause la prescription de la demande de la selarl FLH et débouter la selarl FLH de toutes ses demandes,

- condamner la selarl FLH à payer à M. Jean-François X... la somme de 1 euro de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral,

- condamner la selarl FLH à lui verser la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre infiniment subsidiaire, constater que la créance de M. Jean-François X... sur la selarl FLH s'établit à un montant de 17 916,61 euros ;

SUR CE, LA COUR

En 1998, M. X..., avocat inscrit au barreau du Val de Marne, est entré en pourparlers avec la Selarl Fiacre La Bâtie Hoffman (FLH) société d'avocats inscrite au barreau de Paris en vue de la constitution entre les deux cabinets d'une structure commune de moyens.

La Selarl FLH a pris à bail le 24 septembre 1999, des locaux à usage professionnels situés au [...], qu'elle a équipés et meublés après avoir fait procéder à des travaux de réfection et d'aménagement.

Un projet de "convention de cabinet groupé" a été établie, fixant d'une part le loyer dû par M. X... ainsi que sa contribution aux frais communs au prorata de sa quote-part d'occupation d'autre part, l'avance sur le coût des travaux de réfection mise à sa charge étant remboursable par imputation sur les loyers à venir au fur et à mesure de leur amortissement dans les comptes de la Selarl FLH.

Ce projet de convention qui n'a pas été signé des parties, stipulait une clause compromissoire donnant compétence, en cas de différend, à l'arbitrage de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris.

Par lettre du 28 février 2005, M. Jean-François X... a informé la Selarl FLH de son retrait à intervenir, conformément aux "dispositions de la convention de cabinet groupé" pour le 1er septembre 2005.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 22 juillet 2005, la selarl FLH a mis en demeure M. Jean-François X... de lui payer la somme de 26 890,73 euros, correspondant au montant cumulé de huit factures.

M. Jean-François X... a répondu par lettre du 25 juillet 2005, qu'il contestait le montant desdites factures et a reconnu devoir, sous réserve de vérification et après déduction de sa propre facture de 3 593,79 euros, une somme de 12 190,84 euros.

Par lettre du même jour, M. Jean-François X... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Val de Marne, auquel il appartient, d'une demande d'arbitrage et joint un chèque d'un montant de 12 190,84 euros libellé à l'ordre du bâtonnier séquestre.

Par lettre du 27 juillet 2005, la selarl FLH a elle-même saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, auquel elle appartient, d'une demande identique.

Par lettre du 26 novembre 2013, la selarl FLH, indiquant qu'il n'avait pu être procédé à la désignation d'un tiers-arbitre pour régler le litige, a saisi le président du conseil national des barreaux afin qu'il intervienne directement.

Par lettre du 10 décembre 2013, le président du conseil national des barreaux a indiqué ne pas avoir autorité pour intervenir directement. Puis, saisi par les bâtonniers de l'ordre des avocats des barreaux de Paris et du Val de Marne, le président du conseil national des barreaux a désigné le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Hauts de Seine le 13 février 2014 pour trancher le litige.

Par la décision d'arbitrage entreprise rendue le 7 août 2014, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Hauts de Seine a d'une part considéré que la demande en paiement était soumise à la prescription quinquennale et retenu d'autre part que la demande d'arbitrage, qui n'était pas intervenue dans le cadre d'une clause compromissoire valable, n'était pas assimilable à une citation en justice au sens de l'article 2244 du code civil dans sa rédaction alors en vigueur et n'avait pu interrompre la prescription, laquelle était acquise.

La cour d'appel, pour refuser tout effet interruptif à la saisine du bâtonnier de Paris par la selarl FLH et déclarer sa demande prescrite, a retenu que ni les textes régissant la profession d'avocat, ni le règlement intérieur des ordres auxquels les parties appartenaient, ne prévoyaient à l'époque de procédure d'arbitrage permettant la solution du litige, de sorte que la simple saisine du bâtonnier de Paris, sans qu'il existe de procédure institutionnelle réglant les modalités d'un éventuel arbitrage, n'était pas de nature à mettre en jeu une clause compromissoire inexistante ni à créer un compromis d'arbitrage.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si en exécutant la clause compromissoire insérée à la convention, les parties ne l'avaient pas acceptée et ainsi, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur la prescription

Considérant que la Selarl FLH fait grief à la sentence arbitrale du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Hauts de Seine d'avoir considéré son action prescrite ; qu'elle invoque l'article 2246 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date du litige pour soutenir que la saisine, par elle, le 27 juillet 2005, du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris, a interrompu la prescription, peu important qu'il ait été saisi en tant qu'arbitre ou en tant que juridiction ; que l'arbitre, quel qu'il soit, est une juridiction ; qu'elle ajoute que dès avant l'entrée en vigueur du décret n°2009-1544 du 11 décembre 2009, le bâtonnier disposait de compétences juridictionnelles ; que le bâtonnier est une juridiction et que quand bien même la juridiction ordinale n'aurait pas été compétente, sa saisine constitue un acte interruptif d'instance ; qu'en 2005, l'arbitrage du bâtonnier était un arbitrage conventionnel régi par les dispositions de l'article 2061 du code civil et celles de l'article 1443 du code de procédure civile ; qu'avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2009, les parties pouvaient soumettre leur litige à l'arbitrage du bâtonnier quand cet arbitrage n'était pas obligatoire ; que si la convention d'arbitrage doit, à peine de nullité, être stipulée par écrit, il doit en l'espèce être recherché si le comportement des parties était révélateur d'un accord sur la compétence ordinale ; que celui-ci résulte des écrits échangés entre les parties ; que M. Jean-François X... a lui-même saisi son propre bâtonnier, dès lors qu'il était inscrit au barreau de l'ordre des avocats du barreau du Val de Marne ; que M. Jean-François X... a fait référence à la convention de cabinet groupé pour notifier son retrait ; que celle-ci a été appliquée entre eux durant près de six ans ; que notamment, 62 factures ont été adressées à M. Jean-François X... en exécution de celle-ci, dûment réglées par lui ; que le comportement des parties, qui ont chacune saisi, à 48 heures d'intervalle, leur propre bâtonnier, témoigne sans ambiguïté de leur volonté de recourir à l'arbitrage ordinal ; qu'elle en conclut que la clause compromissoire était valable et que la saisine de leur bâtonnier respectif a constitué un acte interruptif de prescription dès lors qu'elle avait la nature d'une demande en justice au sens de l'article 2244 du code civil ;

Qu'à titre subsidiaire, la Selarl FLH fait valoir qu'entre 2005 et 2010, du fait de l'intervention de la loi n°2009-526 du 12 mai 2009, qui a modifié l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 en édictant que "tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier" , du décret du 11 décembre 2009 qui introduit l'article 179-2 au décret du 27 novembre 1991 prévoyant les modalités de désignation du bâtonnier d'un barreau tiers lorsque le différend oppose des avocats de barreaux différents et de l'avis n°2010-032 du CNB selon lequel "le recours désormais obligatoire au bâtonnier rend par conséquent sans effet les clauses compromissoires pour les litiges non encore soumis à une juridiction à la date de publication du décret d'application de la loi de 2009", quel que soit le fondement textuel retenu, la juridiction ordinale est compétente et s'il devait être jugé que la clause compromissoire n'est pas valable, le recours au bâtonnier serait obligatoire en application du décret précité ; que c'est en vertu des modifications procédurales d'application immédiate que le président du conseil national des barreaux a procédé à la désignation du bâtonnier tiers-arbitre qui est devenu rétroactivement compétent ;

Considérant que M. Jean-François X... réplique que la demande d'arbitrage faite par la selarl le 27 juillet 2005 au bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris ne peut être considérée comme interruptive de prescription, dès lors qu'aucune clause compromissoire n'a été signée, ni acceptée ; que la convention de cabinet groupé contenant ladite clause n'a en effet pas été signée ; que l'absence de signature de la convention de cabinet groupé ne résulte pas d'une simple négligence mais d'une volonté délibérée des parties dès lors qu'elle était nulle en l'absence d'appartenance des deux parties au même barreau, ce en application de l'article 8-2 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 ; qu'il ne peut pas davantage être considéré que la clause compromissoire a été exécutée puisqu'il a lui-même, préalablement à la saisine du bâtonnier de Paris, saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau du Val de Marne d'une demande d'arbitrage ; qu'en outre, un accord implicite sur l'arbitrage du bâtonnier de Paris prévu à l'article 11 du projet de convention de cabinet groupé apparaît d'autant moins établi que le projet dans son ensemble n'a jamais servi de référence impérative aux parties ; que l'exécution d'un contrat ne vaut acceptation que pour ce qui a été effectivement exécuté ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, la selarl FLH ne l'ayant jamais considéré que comme son sous-locataire et alors que le projet de convention de cabinet groupé ne préservait aucun équilibre contractuel entre ses membres, contrairement aux dispositions du texte susvisé et au contrat-type élaboré par le conseil de l'ordre;

Que M. Jean-François X... ajoute que le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris ne pouvait, en 2005, être saisi en qualité de juridiction alors qu'il est clair que la selarl FLH l'avait sollicité en qualité d'arbitre et que la compétence reconnue au bâtonnier pour trancher tout litige entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, résulte de la loi du 12 mai 2009, bien postérieurement à la saisine dont se prévaut l'appelant ; qu'il conclut ainsi à l'absence d'interruption de la prescription quinquennale, courant à compter du 27 juillet 2005, faisant observer que la selarl FLH avait la faculté de saisir le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris, postérieurement à la promulgation du décret du 11 décembre 2009, soit auparavant, le tribunal de grande instance ; que celle-ci est acquise dès lors que le bâtonnier du barreau des Hauts de Seine n'a été saisi que le 13 février 2014, plus de huit ans après l'émission des factures litigieuses ;

Considérant que la selarl FLH ne remet plus en question l'application au litige de la prescription quinquennale, sa demande portant soit sur des loyers, soit sur des créances accessoires à l'occupation des locaux par M. Jean-François X..., à caractère périodique et que la dernière facture réclamée, qui correspond au solde de la quote-part d'amortissement du matériel acquis, est désormais soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008 ;

Considérant que selon l'article 2061 du code civil dans sa rédaction applicable à l'époque de l'établissement du projet de convention d'exercice groupé, la clause compromissoire était nulle s'il n'en était disposé autrement par la loi ; que cette prohibition a été levée par la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 dont est issu le nouveau texte de l'article susvisé, qui dispose désormais que sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité professionnelle ; qu'une telle clause compromissoire nulle sous l'empire de l'ancien article 2061 du code civil, peut être invoquée à l'occasion d'un litige portant sur l'exécution du contrat, peu important que le litige ait pris fin ou non avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ;

Considérant qu'il résulte de l'article 1443 du code civil, qu'à peine de nullité, la convention d'arbitrage est écrite ; qu'elle peut résulter d'un échange d'écrits ou d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale ;

Mais considérant que la convention de cabinet groupé contenant la clause compromissoire litigieuse n'a jamais été signée des parties ;

Que si la convention groupée, a été partiellement exécutée par les parties, en ce que des sommes ont été facturées à M. Jean-François X... au titre de son occupation partielle des locaux pris à bail par la selarl FLH, qui ont donné lieu à paiement jusqu'à la survenance du litige, la clause compromissoire présente une autonomie juridique par rapport à la convention principale dans laquelle elle se trouve incluse ;

Qu'il convient donc de rechercher si les parties ont eu la commune intention d'accepter la clause compromissoire, ce qui pourrait se déduire de son exécution;

Que cette clause prévoyait que "tout différend né entre les signataires de la présente convention et relatif soit à sa conclusion soit à son interprétation, soit à son exécution, soit plus généralement aux affaires communes, sera soumis à l'arbitrage de M. le bâtonnier de l'ordre des avocats au Barreau de Paris, conformément aux dispositions du règlement intérieur" ;

Considérant que pour être interruptive d'instance, conformément aux dispositions de l'article 2244 ancien du code civil applicable au litige, la saisine du bâtonnier de Paris doit pouvoir s'analyser en une demande en justice ; qu'une demande d'arbitrage ne saurait être considérée comme interruptive de prescription et assimilée à une citation en justice que si elle intervient conformément à la clause compromissoire insérée dans le contrat et dans les formes prévues par le règlement d'arbitrage ;

Qu'il ne peut qu'être constaté que M. Jean-François X... a saisi le bâtonnier de son ordre, puisqu'il était resté inscrit au barreau du Val de Marne, tandis que la selarl FLH a saisi le bâtonnier de l'ordre du barreau de Paris ; que les parties ne se sont jamais mises d'accord sur la saisine du bâtonnier de Paris ; que celui-ci a été saisi le 27 juillet 2005, par la selarl FLH qui a indiqué "multipliant les procédés dilatoires, M. Jean-François X... a tout récemment saisi M. le bâtonnier du Val de Marne pour arbitrer notre litige, ce qui nous paraît pour le moins surprenant, s'agissant de deux cabinets parisiens. En conséquence nous vous remercions de bien vouloir arbitrer ce litige ..." ;

Qu'or, lorsqu'elle s'adresse à son bâtonnier, la selarl FLH, qui n'ignore pas que le bâtonnier du Val de Marne a préalablement été saisi par M. Jean-François X..., ne fait à aucun moment mention de la clause compromissoire, qui seule pourrait permettre, à cette date, soit avant la loi du 12 mai 2009, la saisine du bâtonnier de Paris en qualité d'arbitre choisi par les parties, pour autant que la clause le désignant ait été acceptée ; que M. Jean-François X..., en saisissant son propre bâtonnier, a expressément signifié qu'il n'entendait pas exécuter la clause compromissoire prévue dans une convention qui n'a que partiellement reçu exécution ;

Que dans son courrier du 15 septembre 2005 adressé à M. Jean-François X..., qui intervient dans le cadre d'une tentative de médiation, la selarl FLH ne se réfère pas davantage à la clause litigieuse et ne fait qu'interpeller son interlocuteur en le sommant de lui préciser s'il a régularisé sa situation quant à son inscription au barreau de Paris ; que M. Jean-François X... réplique que ce n'est pas le problème et que leurs bâtonniers respectifs feront le choix ensemble d'un bâtonnier extérieur, comme c'est la règle ;

Que la selarl FLH lui répond le 20 septembre 2005 que puisqu'il utilise son inscription au barreau du Val de Marne pour se soustraire à "la juridiction" du bâtonnier de Paris, il est de première importance que son appartenance à tel ou tel barreau soit clarifiée au plus vite ;

Que dans sa lettre adressée le 26 novembre 2013 au président du conseil national des barreaux, la selarl FLH fait valoir que le litige, vieux de plus de huit ans, s'est enlisé, du fait de l'appartenance des deux parties à deux barreaux différents, sans qu'aucun accord pour la désignation d'un tiers arbitre n'ait jamais pu intervenir ;

Que ce n'est qu'en raison de la nouvelle législation prévue par la loi de 2009, de son décret d'application du 11 décembre 2009 et de la faculté ouverte au président du CNB de désigner un bâtonnier tiers, que le bâtonnier du barreau des Hauts de Seine a été désigné pour trancher le litige ;

Considérant que le rappel de la procédure et des positions des parties démontre qu'aucun accord n'est intervenu sur la saisine du bâtonnier du barreau de Paris, lequel seul était expressément désigné par la clause compromissoire contestée, de sorte que sa saisine unilatérale à laquelle M. Jean-François X... s'est immédiatement opposé, en l'absence d'une clause compromissoire signée, ne saurait valoir mise à exécution de celle-ci et donc demande en justice ;

Qu'en outre, à la date de sa saisine, le bâtonnier de Paris n'avait aucun pouvoir juridictionnel en la matière, n'étant devenu compétent qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'article 179-2 du décret du 27 novembre 1971 issu du décret du 11 décembre 2009 ; qu'il ne peut donc être sérieusement soutenu que l'existence d'une compétence juridictionnelle rétroactive doit lui être reconnue ;

Qu'il en résulte que c'est à juste titre que le bâtonnier tiers-arbitre a considéré que la saisine unilatérale du bâtonnier de Paris, ne constituait pas un acte interruptif de prescription ; que le premier acte interruptif de prescription est constitué par la lettre du 26 novembre 2013 par laquelle la selarl FLH a saisi le président du conseil national des barreaux aux fins de désignation d'un tiers arbitre ; qu'il se trouve postérieur à la date d'expiration du délai de la prescription quinquennale , acquise le 19 juin 2013 ; que par conséquent, la décision entreprise est confirmée en ce qu'elle a déclaré l'action de la selarl FLH prescrite ;

Sur la demande reconventionnelle de M. Jean-François X...

Considérant que M. Jean-François X... fait valoir que si les termes de sa demande reconventionnelle initiale sont eux-mêmes atteints par la prescription, des faits nouveaux ont été révélés au cours de l'instance tenue devant le bâtonnier du barreau des Hauts de Seine, qui eux ne sont pas prescrits; qu'il expose avoir découvert à l'audience du 1er juillet 2014 que la selarl FLH avait directement passé en charge dans sa comptabilité les investissements réalisés lors de la prise des locaux, alors qu'elle lui avait simultanément imposé un amortissement sur cinq ans alors que la convention de cabinet groupé laissait clairement penser que la règle de l'amortissement sur cinq ans s'appliquait indistinctement à tous les membres du cabinet et donc en premier lieu à la selarl FLH ; que celle-ci s'est appliqué un traitement de faveur en déduisant intégralement et immédiatement les dépenses passées en charges courantes ; qu'il a ainsi été trompé sur les avantages que se réservait la selarl FLH, ce dont il résulte une différence de traitement et la manifestation d'un comportement déloyal ; qu'il prétend avoir été tenu dans un état de déconsidération permanent pendant près de six ans et sollicite en réparation de son préjudice moral, la somme de 1 euro ;

Que la selarl FLH n' pas conclu sur ce point mais s'oppose oralement aux prétentions de M. Jean-François X... ;

Considérant que M. Jean-François X... ne justifie pas de ce que le régime dont il se plaint lui a été imposé ; qu'il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Considérant que la selarl FLH, partie perdante, doit être condamnée aux entiers dépens ;

Que l'équité commande d'allouer à M. Jean-François X... la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Confirme la sentence arbitrale déférée,

Y ajoutant,

Déboute M. Jean-François X... de sa demande reconventionnelle,

Condamne la selarl FLH à payer à M. Jean-François X... la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne la selarl FLH aux dépens de première instance ainsi qu'à ceux d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 16/05613
Date de la décision : 25/05/2018

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°16/05613 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-25;16.05613 ?
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