La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2017 | FRANCE | N°15/00159

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 13 novembre 2017, 15/00159


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



4e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 13 NOVEMBRE 2017



R.G. N° 15/00159



AFFAIRE :



Société HOLDING CASIMIR

...



C/

Société AXA FRANCE IARD





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 7ème

N° RG : 13/14275



Expéditions exécutoires



Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Franck LAFON



Me Christophe DEBRAY









REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suiva...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

4e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 13 NOVEMBRE 2017

R.G. N° 15/00159

AFFAIRE :

Société HOLDING CASIMIR

...

C/

Société AXA FRANCE IARD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 7ème

N° RG : 13/14275

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON

Me Christophe DEBRAY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TREIZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société HOLDING CASIMIR

Ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Société HOME EXPERTISE CENTER

Ayant son siège [Adresse 2]

[Adresse 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SARL [U]

Ayant son siège [Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Franck LAFON, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 20150004 vestiaire : 618

Représentant : Maître FOURGOUX substituant Maître Vincent ROUX, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : A 0212

APPELANTES

****************

Société AXA FRANCE IARD

Ayant son siège [Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Christophe DEBRAY, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 15077 vestiaire : 627

Représentant : Maître Sophie BELLON de l'ASSOCIATION BELLON GALDOS DEL CARPIO, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : R 056

INTIMEE

****************

Société SMJ prise en la personne de son représentant légal Maître [O] [L], Mandataire Judiciaire, agissant en sa qualité de mandataire liquidateur de la société BIO ENERGY

Ayant son siège [Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Signification de la déclaration d'appel et des conclusions à personne habilitée

INTIMEE DEFAILLANTE

****************

SCP BTSG, prise en la personne de Maître [M] [R] ès qualités de mandataire liquidateur de SARL [U]

Ayant son siège [Adresse 5]

[Adresse 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Franck LAFON, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 20150004 vestiaire : 618

Représentant : Maître FOURGOUX substituant Maître Vincent ROUX, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : A 0212

PARTIE INTERVENANTE

*****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Septembre 2017, Madame Isabelle DE MERSSEMAN, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,

Madame Anna MANES, Conseiller,

Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT

******************

FAITS ET PROCEDURE,

La société Holding Casimir est propriétaire d'une péniche amarrée au [Adresse 1] (92). Cette péniche, aménagée en bureaux, est donnée en location aux sociétés Home Expertise Center et Cabinet [I].

Courant 2009, la société Bio Energy a été chargée de travaux de chauffage-climatisation. suivant un devis du 23 octobre 2009. Le contrat initialement signé par la société Home Expertise Center a été transféré à la société Holding Casimir.

La société Bio Energy est assurée au titre de sa responsabilité par la compagnie Axa France aux termes d'un contrat couvrant la responsabilité de son assuré pour les dommages de nature décennale, la responsabilité civile, après réception, connexe à celle pour dommages de nature décennale, et la responsabilité civile du chef d'entreprise avant ou après réception des travaux.

Le 1er juin 2010, la réception des travaux de chauffage-climatisation est intervenue entre les sociétés Holding Casimir et Bio Energy avec des réserves consécutives à la constatation que les valeurs de chauffage n'atteignaient pas ce qui était prévu au devis.

Le 8 novembre 2010, M. [P], ès qualité d'expert, a été désigné aux fins d'expertise.

Il a déposé son rapport le 11 juillet 2013.

Par acte du 26 novembre 2013, les sociétés Holding Casimir, Home Expertise Center et Cabinet [I] ont assigné en indemnisation la société Bio Energy représentée par son mandataire liquidateur, Maître [O] [L] et son assureur, la société Axa France.

Par jugement réputé contradictoire du 18 décembre 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- prononcé l'irrecevabilité de toute demande en paiement à l'encontre de la société Bio Energy au visa de l'article L. 622-1 du code de commerce aux motifs que les demandeurs sollicitaient la condamnation de la société en liquidation et ne justifiaient pas avoir déclaré leur créance,

- débouté les sociétés Holding Casimir, Home Expertises Center et Cabinet [I] de toutes leurs prétentions à l'encontre de la société AXA France considérant que les garanties n'étaient pas mobilisables,

- les a condamnée in solidum à payer à Axa France la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure ainsi que les entiers dépens.

Par déclaration du 7 janvier 2015, les sociétés Holding Casimir, Home Expertise Center et Cabinet [I] ont interjeté appel de ce jugement . Elles ont fait signifier leur déclaration d'appel à la société SMJ, liquidateur judiciaire de la société Bio Energy et à la société Axa France par acte d'huissier du 16 février 2015.

Elles ont fait signifier leurs conclusions au liquidateur judiciaire de la société Bio Energy par acte du 1er avril 2015.

La société Axa France a fait assigner sur appel provoqué la société SMJ, liquidateur de la société Bio Energy le 29 mai 2015.

Suivant jugement du 21 septembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl Cabinet [I] et désigné la SCP BTSG en qualité de liquidateur, Maître [M] [R] ayant été désignée mandataire-liquidateur.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 14 décembre 2016, les sociétés Holding Casimir, Home Expertise Center et le cabinet [I], appelantes, demandent à la cour , au visa des articles 1147 et 1792 et suivants du code civil et du rapport d'expertise, 'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 décembre 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

- Les dire recevables et bien fondées dans leur demande,

En conséquence,

- Prendre acte des conclusions de l'expert judiciaire concernant l'origine principale des désordres, les travaux réparatoires, les préjudices subis et les dommages causés aux occupants des lieux,

- Prendre acte que les désordres relèvent de la garantie décennale du constructeur d'ouvrage de l'article 1792 du code civil, ou subsidiairement de la responsabilité contractuelle de l'article 1147 du code civil,

En conséquence,

- Les dire et juger bien fondées à solliciter la réparation de l'intégralité des préjudices qu'elles ont subis à raison des désordres affectant les installations de chauffage/climatisation ;

En conséquence,

- Fixer la créance de la société Holding Casimir au passif de la société Bio Energy à hauteur des sommes suivantes :

- 60.468 euros au titre de la réparation des désordres en ce compris les honoraires de maîtrise d'oeuvre,

- 9.938 euros au titre du trouble de jouissances dû aux désordres qui existent depuis la mise en place des installations de chauffage/climatisation et des conséquences pendant les travaux,

- Condamner solidairement la société Axa en qualité d'assureur de la société Bio Energy à payer à la société Holding Casimir ces mêmes sommes,

- Dire que les sommes allouées seront indexées en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction du jour où le montant a été déterminé par l'expert judiciaire jusqu'au jour de leur paiement.

En tout état de cause :

- Condamner solidairement Maître [O] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bio Energy, et la société Axa, à payer aux sociétés Holding Casimir, Home Expertise Center et le cabinet [I] la somme de 7.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement Maître [O] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Bio Energy, et la société Axa, aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais et honoraires d'expertise judiciaire qui se sont élevés à la somme de 8.889,55 euros.

Par ses conclusions d'intervention volontaire signifiées le 13 janvier 2017, la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la Sarl Cabinet [I], intervenante volontaire, à la cour de lui donner acte de son intervention volontaire, de lui adjuger le bénéfice de ses écritures précédemment signifiés par la Sarl Cabinet [I] et de statuer pour le surplus comme précédemment requis.

Par ses dernières conclusions signifiées le 03 mai 2016, la société Axa France Iard, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1792 et suivants du code civil et vu le rapport d'expertise, :

A titre principal, rejeter purement et simplement l'appel interjeté par les sociétés Holding Casimir, Home Expertise Center et cabinet [I], et confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué,

- Déclarer irrecevables en tout cas mal fondées les sociétés Holding Casimir, Home Expertise Center et le cabinet [I], de leur appel ainsi que de l'ensemble de leurs demandes,

- Constater que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'installation litigieuse ne constitue pas un ouvrage au sens des dispositions des articles 1792 et 17922 du code civil, que les désordres litigieux qui ont fait l'objet de réserves à la réception étaient connus des maîtres de l'ouvrage dans toute leur ampleur et leurs conséquences à la date de la réception, qu'il en résulte que la garantie décennale de la société Axa France n'est pas mobilisable et que la garantie responsabilité civile de la société Axa France n'est pas davantage mobilisable ;

A titre infiniment subsidiaire, si la cour infirmait le jugement entrepris et statuant à nouveau, entrait en voie de condamnation à l'encontre de la société Axa France,

- Juger que la pose d'un plancher chauffant constitue une amélioration qui n'entre pas dans le cadre des travaux de réparation nécessaires,

- Juger que le remplacement des unités installées par la société Bio Energy n'est pas techniquement justifié,

- Juger que le devis de la société Bio Energy correspond aux travaux strictement nécessaires à la reprise des désordres pour un montant maximum de 31.000 euros HT,

- Juger que le manque à gagner allégué au titre de la perte d'exploitation à subir pendant les travaux n'est pas justifié ni dans sa durée ni dans son montant,

- Limiter le coût des travaux de réparation à la somme de 31.000 euros HT, ou, à tout le moins, déduire le coût du plancher chauffant et des nouvelles unités de soufflage,

- Rejeter les demandes formées au titre du prétendu préjudice d'exploitation,

En tout état de cause,

- Dire et juger la société Axa France Iard recevable et bien fondée à opposer les termes et limites de sa garantie laquelle prévoit une franchise d'un montant de 1.597 euros,

- Débouter les appelantes de leur demande formée à rencontre de la société Axa France au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre reconventionnel,

- Condamner les sociétés Holding Casimir, Home Expertise Center et le cabinet [I] à verser à la société Axa France une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Maître [O] [L], mandataire judiciaire, agissant ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL Bio Energy, n'a pas constitué avocat et n'a pas déposé de conclusions, bien qu'ayant été assigné à sa personne.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2017.

'''''

MOTIFS

SUR LES LIMITES DE L'APPEL

La société Holding Casimir, propriétaire de la péniche, et ses deux locataires la société Home Expertise Center et la société cabinet [I], représentée par son liquidateur, Me [R], sollicitent l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions. Ils sollicitent plus précisément l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée contre la société Bio-Energy et en ce qu'il a écarté son action directe contre l'assureur AXA sur le fondement de l'article 1792 et 1147 du code civil considérant qu'aucune des garanties souscrites par la société Bio Energy n'était mobilisable.

La société AXA France Iard sollicite la confirmation du jugement qui a débouté le propriétaire de la péniche et les locataires de leur demande à son égard.

La société Bio Energy représentée par son liquidateur, régulièrement assigné en personne, n'a pas constitué avocat. Elle a reçu signification de la déclaration d'appel le 16 février 2015 et des conclusions par actes des 1er avril 2015 pour les conclusions des appelants et 29 mai 2015 pour les conclusions d'AXA, ces deux actes ayant été remis à la secrétaire de la personne morale. Il sera donc statué par décision réputée contradictoire.

L'appel porte donc sur la recevabilité de l'action des appelantes, sur le bien-fondé de leur action sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs de l'article 1792 du code civil ou subsidiairement de la responsabilité contractuelle de l'article 1147 du code civil et enfin sur l'application du contrat d'assurance souscrit auprès de la société AXA France.

SUR LES DEMANDES FORMEES CONTRE LA SOCIETE BIO-ENERGY

1) Sur la recevabilité de l'action des sociétés Holding Casimir, Home

La société Bio Energy a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 24 octobre 2013. Le jugement avait déclaré la demande des appelantes irrecevable à son égard sur le fondement de l'article L. 622-21 du code de commerce en raison de la demande de condamnation formée à l'encontre de la société Bio Energy et d'autre part, de l'absence de preuve de la déclaration de créance.

Les trois sociétés appelantes sollicitent la fixation au passif de leur créance à l'égard de la société Bio Energy. Elles justifient également avoir déclaré leur créance auprès du liquidateur de cette société, Me [O] [L], à hauteur de la somme de 86 275,55 euros par courrier recommandé avec demande d'avis de réception le 15 novembre 2013. L'avis de réception a été signé le 20 novembre 2013.

La créance déclarée couvre les sommes suivantes :

- 60 468 euros au titre de la réparation des désordres liés à l'insuffisance de l'installation de climatisation réversible installée sur la péniche appartenant à la société Holding Casimir et louée aux sociétés Expertise Center et Cabinet [I],

- 9 968 euros au titre des troubles de jouissance,

- 8 889,55 euros à titre de remboursement des frais et honoraires exposés,

- 7 000 euros à titre d'indemnité de procédure.

Les sociétés Holding Casimir, Expertise Center et Cabinet [I] justifient donc avoir régulièrement déclaré leurs créances. Leur action sera donc déclarée recevable à l'encontre de la société Bio Energy représentée par son liquidateur régulièrement mis en cause.

2) Sur la responsabilité de la société Bio Energy :

La société Bio Energy a installé une pompe à chaleur permettant de chauffer la péniche en hiver et de la rafraîchir en été suivant un devis du 23 octobre 2009. Le contrat initialement signé par la société Home Expertise Center a été transféré à la société Holding Casimir qui a payé les factures ainsi qu'elle en justifie par les relevés de compte des mois d'octobre et décembre 2009.

Le 13 février 2010, M. [I] a fait constater par huissier de justice les températures dans la péniche pendant le fonctionnement de l'appareil posé par la société Bio Energy et avec une température extérieure de -1°. Les températures relevées dans la péniche se situent entre 13,9° (dans l'escalier) et 18,3° alors que les températures commandées sur l'appareil variaient de 21° à 24° selon les pièces de la péniche.

Le 1er juin 2010, la réception des travaux est intervenue entre les sociétés Holding Casimir et Bio Energy avec les réserves suivantes :

- températures contractuelles non atteinte :

* été pour températures extérieures de + 32° impossibilité d'obtenir les 25° contractuels à l'intérieur,

* hiver pour températures extérieures de -7° impossibilité d'obtenir les 20° contractuels à l'intérieur,

- impossibilité de maintenir en automatique une température uniforme dans toute la péniche (haut et bas non ouverts) tout au long de la journée,

- importantes différences de températures en fonction des zones de la péniche,

- les grilles complémentaires ajoutées dans le faux plafond conclues par Bio Energie n'ont pas résolu le problème,

- bruit en provenance du local dans lequel est implanté le DRV 3 ltubes,

- capot d'orientation bruit de la grille de ventilation du pic avant non réalisé,

- numérotation du tableau incohérente en fonction des emplacements de climatiseurs,

- coffrage bois non finalisé en partie basse,

- nettoyage du pic avant non finalisé

- accrochage idoine des cables du pic avant du local DRV non finalisé.

Le 30 juin 2010, la société Holding Casimir a adressé un courrier à la société Bio Energy dénonçant une insuffisance de refroidissement et précisant qu'alors que les températures extérieures se situaient entre 28 et 30° et que les consignes données à la machine étaient d'atteindre des températures entre 19 et 22°, elle ne parvenait pas à faire baisser la température en dessous de 27° en partie supérieure de la péniche.

Le 2 juillet 2010, M. [I] a fait constater par huissier de justice les températures dans la péniche pendant le fonctionnement de l'appareil et avec une température extérieure de 33°. Les températures relevées dans la péniche se situaient entre 22° et 29° alors que les températures commandées sur l'appareil variaient de 18° à 24° selon les pièces de la péniche.

L'expert, M. [P], qui s'est rendu sur les lieux à 6 reprises, a constaté :

- sur le pont supérieur, que les problèmes rencontrés ne relèvent pas du dimensionnement des unités terminales dont les puissances nominales sont correctes en fonction des besoins de la zone mais essentiellement du principe de diffusion d'air adopté et que le débit d'air en sortie des orifices de soufflage est très faible et ne permet pas le transfert de la puissance thermique ans le local ;

- sur le pont inférieur, que le confort en été de cette zone ne pose pas de problème mais qu'en hiver le confort des occupants ne peut être obtenir car l'effet de paroi froide du sol a été sous-estimé.

' Sur l'existence d'un désordre de nature décennale :

Les sociétés appelantes à titre principal critiquent le jugement qui a écarté l'application de la responsabilité décennale des constructeurs aux motifs que l'installation de chauffage et climatisation ne constituait pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil. Elles soutiennent que la péniche est amarrée à un lieu fixe et assujettie à la taxe d'habitation et à ce titre assimilée à un bâtiment, que l'installation a nécessité le percement de cloisons et du toit de la péniche et qu'elle ne peut être démontée sans porter atteinte à la structure de la péniche. Elles ajoutent que l'insuffisance de l'équipement de chauffage et de climatisation ne s'est révélée dans toute son ampleur qu'après la réception, si bien qu'il s'agit d'un désordre relevant de la responsabilité décennale.

La société AXA soutient pour obtenir la confirmation du jugement que la responsabilité décennale de la société Bio Energy ne peut être engagée pour les motifs suivants :

- la péniche ne constitue pas un ouvrage de construction,

- l'insuffisance de l'installation a donné lieu à des réserves sur le procès-verbal de réception qui ont été formées sur le fondement de l'article 1792-6 du code civil et qui relèvent de la responsabilité contractuelle,

- cette insuffisance était connue depuis le mois de février 2010 antérieurement à la réception,

Aux termes de l'article 1792 du code civil, « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. »

La responsabilité du constructeur suppose des travaux portant sur un ouvrage à l'origine de dommages qui compromettent sa solidité ou qui le rendent impropre à sa destination.

- S'agissant de l'ouvrage, la péniche amarrée à un endroit fixe et aménagée pour l'habitation ou à usage de bureaux est assimilée à un bâtiment par l'administration fiscale qui l'a assujettie à la taxe foncière ainsi qu'en justifie son propriétaire. Les parties elles-mêmes avaient considéré que les travaux portaient bien sur un ouvrage puisqu'ils ont donné lieu à un procès-verbal de réception qui indique clairement que cet acte est le point de départ des garanties de parfait achèvement, de la garantie biennale et de la garantie décennale. Il convient donc de considérer que cette péniche constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil.

- L'installation de climatisation et chauffage constitue un bien d'équipement de l'ouvrage qui fait corps avec l'ouvrage au sens de l'article 1792-2 du code civil ainsi que le soutiennent la propriétaire et les locataires de la péniche. Elle a donné lieu au percement du toit et de cloisons de la péniche. L'expert a relevé dans sa première note aux parties qu'il conviendrait de démonter le plafond pour pouvoir examiner l'installation ce qui suffit à démontrer que l'installation a été fixée de manière pérenne à la structure de l'ouvrage et qu'elle ne peut être démontée sans porter atteinte à sa structure. Toutefois, la présomption de responsabilité décennale posée par l'article 1792-2 du code civil au profit des biens d'équipement qui sont fixés à l'ouvrage ne couvre que le défaut de solidité de ces biens d'équipements et non leur dysfonctionnement ou leur insuffisance.

- De plus, l'insuffisance du chauffage est apparue dès l'achèvement des travaux puisque des courriers ont été échangés entre M. [I] et la société Bio Energy en janvier et février 2010. Des réserves mentionnées sur le procès-verbal de réception ont également confirmé de manière précise la persistance de cette insuffisance de performance de l'installation en juin 2010 tant en ce qui concerne la climatisation que le chauffage.

La responsabilité décennale a pour objet de réparer les désordres survenus sur un ouvrage dans le délai de 10 ans suivant la réception lorsqu'ils portent atteinte à sa solidité ou à sa destination et non à réparer une insuffisance de fonctionnement d'un bien d'équipement ou l'inadéquation d'un appareil proposé aux besoins d'un client, a fortiori lorsque cette insuffisance est révélée et dénoncée pendant la réception des travaux.

Les réserves mentionnées obligeaient la société Bio Energy sur le fondement de la garantie de parfait achèvement de l'article 1792-6 du code civil à reprendre les travaux afin de les rendre parfaitement conformes au contrat.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés propriétaire et locataires de l'action engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

- Sur la garantie contractuelle due par la société Bio Energy :

La société Holding Casimir fait également valoir à titre subsidiaire que la responsabilité contractuelle de la société Bio Energy est engagée pour défaut de conseil.

L'expert a mis en évidence une insuffisance de l'installation proposée et installée par la société Bio Energy sur la péniche appartenant à la société Holding Casimir. En proposant une installation partiellement inadaptée, la société Bio Energy n'a effectivement pas apporté à son cocontractant le conseil opportun pour répondre à la spécificité de ces lieux destinés à accueillir une activité professionnelle. Le défaut de conseil qui engage la responsabilité contractuelle de la société Bio Energy sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction en vigueur au 1er octobre 2016 applicable au litige, est caractérisé et oblige cette société à indemniser les sociétés propriétaire et locataires de leur préjudice.

3) sur le préjudice :

L'expert a proposé pour remédier à l'insuffisance de fonctionnement de l'installation :

- sur le pont supérieur, la modification du principe de diffusion en remplaçant les 3 unités terminales par des unités « haute pression » et à modifier le principe de soufflage,

- sur le pont inférieur, la pose d'un plancher chauffant électrique.

Le coût de la reprise de l'ensemble de l'installation de chauffage et de climatisation est évalué par l'expert à la somme de 56 638 euros HT outre les honoraires de maitrise d''uvre de 3 880 euros HT. Toutefois cette somme comprend 12 499 euros pour l'installation d'un plancher chauffant au niveau inférieur. Cette installation non prévue initialement par les parties et qui valoriserait la péniche, doit être déduite du préjudice matériel qui sera donc fixé à la somme de 44 139 euros HT.

Les sociétés Cabinet [I], Home Expertise Center et Holding Casimir sollicitent la somme de 9 918 euros TTC au titre du préjudice de jouissance. Cette somme comprend 6 755 euros de perte d'exploitation pendant les travaux et le solde correspond à des remboursements de frais.

Le remboursement du surcoût de chauffage (1 024 euros) et des frais d'achat (487 euros) ou de location de radiateurs d'appoint (1 652 euros) ont été justifiées par des factures au nom de M. [I]. Le calcul de la surconsommation a été estimé par l'expert à la somme de 1 044 euros. Cette somme sera ramenée à 1 024 euros, montant de la demande, puisque la cour n'est saisie qu'à hauteur des demandes. Le total des frais directement imputables à la faute contractuelle de la société Bio Energy et qu'il lui appartient de rembourser s'élève à la somme de 2 573 euros.

En revanche, il n'a pas été fourni d'élément dans les conclusions pour fixer une perte d'exploitation.

Ces sommes seront fixées au passif de la société Bio Energy et seront indexées conformément à la demande.

SUR L'APPLICATION DU CONTRAT D'ASSURANCE

La société Bio Energy est assurée au titre de sa responsabilité par la compagnie Axa France aux termes d'une police souscrite le 10 mars 2009.

Selon les conditions particulières, le contrat couvre :

- la responsabilité civile de nature décennale,

- la responsabilité civile, après réception, connexe à celle pour dommages de nature décennale,

- la responsabilité civile du chef d'entreprise avant ou après réception des travaux.

La faute de la société Bio Energy étant de nature contractuelle et ne relevant pas de la responsabilité décennale, le premier volet de la garantie concernant la garantie décennale n'est pas mobilisable.

Les parties s'opposent quant à l'application de la garantie responsabilité civile du chef d'entreprise.

La société AXA soutient que cette garantie prévue à l'article 2.17 ne couvre pas la responsabilité civile contractuelle liée et que les réserves sont expressément exclues par l'article.

Les appelantes soutiennent que les dispositions invoquées par AXA (2.17 et 2.18.17) sont sujettes à interprétation et qu'interpréter ces clauses de manière extensive revient à vider le contrat de sa substance en excluant tout sinistre en rapport avec l'activité de l'assuré. Elles sollicitent qu'elles soient réputées non écrites et inapplicables aux demandes.

Les conditions particulières de l'assurance souscrites par la société Bio Energy mentionnent en page 5 que l'assuré est couvert au titre de la responsabilité civile pour « tous dommages confondus y compris la mise en conformité (art 2.17.3.1)» et ce, « avant réception et après réception ». Le tableau mentionne des limites de garanties concernant les dommages matériels et immatériels avant et après réception. Les garanties souscrites selon les conditions particulières, puisque sont garanties la responsabilité civile décennale ou non décennale, les désordres avant et après réception, les dommages immatériels et matériels.

Les conditions générales BTPlus indiquent aux articles 2.17 et 2.18 des conditions générales des clauses de limitation et d'exclusion de garantie.

Aux termes de l'article L. 113-1 du code des assurances, « les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. »

Il convient de rappeler que cette police d'assurance a été souscrite par le gérant de la société Bio Energy afin de garantir son activité professionnelle ainsi que l'indique clairement l'intitulé de la police « BTPlus » et la mention des activités garanties dans le cadre de cette assurance : « activités travaux réalisés dans le domaine du bâtiment pour l'activité Plomberie, installation sanitaires, thermiques de génie climatique, d'aéraulique et de conditionnement d'air ».

Les conditions particulières de l'assurance souscrites par la société Bio Energy mentionnent en page 5 que l'assuré est couvert au titre de la responsabilité civile pour « tous dommages confondus y compris la mise en conformité (art 2.17.3.1)» et ce, « avant réception et après réception », comprenant le préjudice matériel et immatériel. A la lecture de ces conditions particulières, l'assurance souscrite garantit la responsabilité civile pour tous les sinistres consécutifs aux travaux réalisés par l'entreprise.

Toutefois, cette garantie est assortie de très nombreuses clauses d'exclusion et de limitation mentionnées dans les conditions générales qui nécessitent une interprétation complexe pour dessiner les contours des sinistres effectivement garantis dans ce cadre.

Ainsi, l'article 2.17 des conditions générales limite la garantie responsabilité civile aux conséquences pécuniaires de la responsabilité incombant à l'assuré à raison des dommages causés au tiers, ne consistant pas en dommages construction, dommages matériels intermédiaire, dommages matériels ou dommages immatériels par son propre fait ou par le fait notamment de ses travaux de construction, de ses préposés, de ses locaux professionnels ('). Cette clause sujette à interprétation est très large et prive d'effet la garantie souscrite par le chef d'entreprise pour son activité professionnelle dans les conditions particulières.

L'article 2.18 énumère 28 cas d'exclusions de garantie dont les articles 2.18.15, 2.18.16 et 2.18.17 qui excluent de la garantie :

- les dommages affectant les travaux de l'assuré,

- le coût des prestations que l'assuré s'est engagé à fournir,

- « les dommages résultant (') du coût des réparations, remplacement et/ou réalisation des travaux nécessaires pour remédier à des désordres, malfaçons, non conformités ou insuffisances, et aux conséquences de ceux-ci ayant fait l'objet, avant ou lors de la réception, de réserves de la part (') du maître d'ouvrage. »

En faisant référence dans le tableau des conditions particulières (page 5) aux désordres avant et après réception, ce qui se rapporte directement à l'activité des travaux réalisés, alors qu'il exclut les sinistres liés à l'activité de l'entreprise dans les clauses d'exclusions, le contrat contenait une ambiguïté quant au contour de la garantie souscrite.

Une clause qui doit être interprétée ne peut être une clause d'exclusion formelle et limitée.

En l'espèce, la combinaison des clauses des conditions particulières qui prévoient l'assurance de tout sinistre mettant en jeu la responsabilité civile du chef d'entreprise couvrant tous dommages confondus avant réception et après réception, comprenant le préjudice matériel et immatériel, et des clauses des conditions générales excluant la responsabilité civile de son fait ou de celui de ses préposés et à l'activité de construction conduit à constater l'imprécision des clauses d'exclusion et par voie de conséquence, conduit à écarter les articles 2.18.15, 2.18.16 et 2.18.17.

La société AXA France Iard sera donc condamnée à garantir son assuré des condamnations prononcées sur le fondement de l'article 1147 du code civil. Elle pourra toutefois opposer à son assuré le montant de la franchise de 1 597 euros.

SUR LES DEMANDES D'INDEMNITE DE PROCEDURE ET SUR LES DEPENS

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société Bio Energy, partie perdante, supportera les dépens de la procédure qui comprennent les frais d'expertise avancés par les demandeurs.

L'équité conduira à condamner la société AXA France à verser à la société Holding Casimir une indemnité de procédure qu'il convient de fixer à la somme de 5.000 euros.

La société Bio Energy sera garantie de ces sommes en totalité par son assureur s'agissant de frais indispensables liés au sinistre.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant dans les limites de l'appel par arrêt réputé contradictoire,

INFIRME le jugement du 18 décembre 2014 en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Holding Casimir, de la société Home Expertises Center et cabinet [I] à l'encontre de la société Bio Energy,

Statuant à nouveau,

DECLARE recevable l'action de société Holding Casimir, de la société Home Expertises Center et du cabinet [I] à l'encontre de la société Bio Energy,

DIT que la société Bio Energy a commis une faute contractuelle,

FIXE au passif de la société Bio Energy la créance de la société Holding Casimir aux sommes suivantes :

- 44 139 euros HT au titre de la reprise de l'ensemble de l'installation de chauffage et de climatisation, à indexer en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction entre le dépôt du rapport d'expertise, le 11 juillet 2013, et ce jour,

- 2 573 euros TTC au titre du préjudice de jouissance subi,

CONDAMNE la société AXA France Iard à garantir la société Bio Energy à hauteur des sommes allouées à la société Holding Casimir au titre de la réparation des désordres matériels et immatériels, de l'indemnité de procédure et des dépens mis à sa charge dans le cadre de la présente procédure, sous déduction de la franchise,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

DEBOUTE les parties de toute demande plus ample ou contraire,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société SMJ ès qualités de liquidateur de la société Bio Energy, sous la garantie de la société AXA France Iard à verser à la société Holding Casimir la somme complémentaire de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SMJ ès qualités de liquidateur de la société Bio Energy, sous la garantie de la société AXA France Iard au paiement des dépens qui comprennent les frais d'expertise,

ACCORDE aux avocats qui en ont fait la demande le droit de recouvrer les dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision directement contre les personnes condamnées conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Madame MULOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00159
Date de la décision : 13/11/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 04, arrêt n°15/00159 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-13;15.00159 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award