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12/06/2017 | FRANCE | N°14/06973

France | France, Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 12 juin 2017, 14/06973


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54B



4e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 JUIN 2017



R.G. N° 14/06973



AFFAIRE :



Société EBENISTERIE MENUISERIE OCEANNE





C/

Société ENTREPRISE LEON GROSSE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 1ère

N° RG : 2013F02643



Expédi

tions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Claire RICARD



Me Christophe DEBRAY











REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE DOUZE JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt su...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54B

4e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 JUIN 2017

R.G. N° 14/06973

AFFAIRE :

Société EBENISTERIE MENUISERIE OCEANNE

C/

Société ENTREPRISE LEON GROSSE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre : 1ère

N° RG : 2013F02643

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD

Me Christophe DEBRAY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DOUZE JUIN DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société EBENISTERIE MENUISERIE OCEANNE

Ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 1]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Claire RICARD, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 2014414 vestiaire : 622

Représentant : Maître Lionel MIMOUN, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : C 1450

APPELANTE

****************

Société ENTREPRISE LEON GROSSE 'E.G.L.G.'

N° Siret : 745 420 653 R.C.S. CHAMBERY

Ayant son siège [Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Christophe DEBRAY, avocat postulant du barreau de VERSAILLES, N° du dossier 14391 vestiaire : 627

Représentant : Maître Carmen DEL RIO de la SELARL RODAS DEL RIO, avocat plaidant du barreau de PARIS, vestiaire : R 126

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mars 2017, Madame Anna MANES, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président,

Madame Isabelle BROGLY, Président,

Madame Anna MANES, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie MULOT

FAITS ET PROCEDURE,

La ville de [Localité 3], en qualité de maître d'ouvrage, a fait intervenir la société Léon Grosse en qualité d'entreprise générale dans le cadre de la restructuration et de l'extension d'une école publique.

Suivant contrat du 28 juin 2010, la société Léon Grosse a sous-traité le lot 'menuiseries intérieures' à la société Ébénisterie Menuiserie Océanne pour une somme globale et forfaitaire de 100.468,06 euros hors taxes, soit 120.159,80 euros toutes taxes comprises.

Par trois avenants signés entre les parties, en dernier lieu le 18 juillet 2012, le montant du marché était porté à la somme de 119.440,72 euros hors taxes.

La dernière situation mensuelle produite au 20 décembre 2012 pour un montant de 29.270,11 euros hors taxes, soit 35.007,06 euros toutes taxes comprises, et le décompte définitif en date du 20 février 2013 pour un montant global hors taxe de 30.541,92 euros, soit 36.528,14 euros toutes taxes comprises, sont contestés par la société Entreprise Léon Grosse en raison, selon elle, de diverses non réalisations et non-conformités.

Après avoir, par lettres recommandées des 10 octobre 2012 et 20 mars 2013, mis en demeure, en vain, la société Léon Grosse de régler le solde du marché, par acte d'huissier de justice du 10 juin 2013, la société Ébénisterie Menuiserie Océanne a fait assigner celle-ci devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de paiement de diverses sommes.

Par jugement contradictoire du 3 septembre 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit irrecevable l'action formée par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne et débouté cette dernière de sa demande en paiement dirigée contre la société Entreprise Léon Grosse.

- Débouté la société Ébénisterie Menuiserie Océanne de ses plus amples demandes.

- Débouté la société Entreprise Léon Grosse de sa demande reconventionelle.

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné la société Ébénisterie Menuiserie Océanne aux entiers dépens.

Par déclaration du 22 septembre 2014, la société Ébénisterie Menuiserie Océanne a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de la société Enteprise Léon Grosse.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 10 juillet 2015, la société Ébénisterie Menuiserie Océanne, appelante, demande à la cour, au fondement des articles 32-1 et 1134 du code civil, de la loi du 16 juillet 1971 n°71-584, de :

- La déclarer recevable et bien fondé en son appel ainsi qu'en ses demandes, fins et prétentions.

Par conséquent,

- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle rejette la demande de condamnation de la société Léon Grosse à lui payer la somme de 64.031,24 euros.

Y ajoutant,

- Condamner la société Léon Grosse à lui verser les sommes de :

1) 64.031,24 euros, détaillée comme suit :

Marché global : 119 440,72 euros

* 3.689,47 euros au titre de la révision de prix,

* 4.195,99 euros au titre de l'actualisation de prix (coefficient 1.035),

* à déduire 63.294,87 euros jusqu'à fin décembre,

2) 50.000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive et anticipée du contrat,

3) 12.000 euros pour résistance abusive, conformément à l'article 32-1 du code civil ainsi que celle de 10.000 euros pour les intérêts de retard et moratoires,

4) 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Léon Grosse aux entiers dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 février 2015, la société Entreprise Léon Grosse, intimée, demande à la cour, au fondement des articles 115 du code des marchés publics, 1792-6 et suivants du code civil et de la loi du 31 décembre 1975 n° 75-1334, relative à la sous-traitance, de :

A titre principal :

- Déclarer irrecevable en tout cas mal fondé la société Ébénisterie Menuiserie Océanne en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Confirmer le jugement rendu le 3 septembre 2014 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a déclaré la société Ébénisterie Menuiserie Océanne irrecevable, à agir à son encontre.

- Réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté au titre de sa demande reconventionnelle et,

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Ébénisterie Menuiserie Océanne au paiement de la somme de 26.972,39 euros TTC au titre des travaux rendus nécessaires par la carence et défaillance de cette dernière dans l'exécution de ses travaux.

A titre subsidiaire et en toute hypothèse :

- Dire et juger les demandes de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne mal fondées.

- La débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à son encontre.

- Condamner la société Ébénisterie Menuiserie Océanne au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 octobre 2016.

'''''

SUR CE,

A titre liminaire

Conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, les prétentions des parties formulées dans les conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées dans celui-ci.

Force est de constater que la société Ébénisterie Menuiserie Océanne qui sollicite en pages 9 et 10 de ses écritures que la retenue de garantie soit libérée à son profit, ne reprend pas cette demande dans le dispositif de ses dernières écritures de sorte que cette cour ne saurait statuer sur elle.

Sur la recevabilité de l'action en paiement de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne à l'encontre de la société Entreprise Léon Grosse

La société Ébénisterie Menuiserie Océanne reproche au jugement de la déclarer irrecevable en son action dirigée contre la société Entreprise Léon Grosse aux motifs que 'seul le maître d'ouvrage public peut payer le sous-traitant' alors qu'aux termes des articles 5 et 29.1.3 du contrat la liant à cette dernière il est expressément prévu, en premier lieu, que la société Entreprise Léon Grosse doit régler 10% du marché à son sous-traitant, en second lieu, que l'entrepreneur principal peut verser 'avances et acomptes ... au sous-traitant' détenteur des situations adéquates. En outre, la loi de 1975 sur la sous-traitance prévoit seulement que le maître d'ouvrage 'peut' payer directement le sous-traitant au titre des travaux exécutés, ce qui ne signifie pas qu'il est le seul à pouvoir le faire.

L'appelante affirme qu'alors que le maître d'ouvrage lui a versé la somme de 63.294,67 euros hors taxes, la société Entreprise Léon Grosse, qui a pourtant été intégralement payée par le maître d'ouvrage, ne lui a rien réglé alors que le contrat de sous-traitance prévoyait expressément, en particulier, que 10% du marché devait être réglé par l'entreprise principale.

La société Entreprise Léon Grosse demande la confirmation du jugement de ce chef et soutient qu'aux termes des dispositions d'ordre public de l'article 115 du code des marchés publics et de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, le sous-traitant bénéficie du paiement direct de ses travaux par le maître d'ouvrage public. Ce principe est expressément rappelé à l'article 30.2.1 des conditions générales du contrat.

Il en résulte, selon elle, que seul le maître d'ouvrage public peut payer directement le sous-traitant au titre des travaux exécutés par ce dernier et sans aucune possibilité de dérogation ou d'exception conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi sur la sous-traitance.

C'est à ce titre, selon elle, que la société Ébénisterie Menuiserie Océanne a été réglée par la Ville de [Localité 3] des sommes considérées comme dues, après validation de la maîtrise d'oeuvre, en exécution du marché. Elle en conclut qu'il revient au sous-traitant de se retourner contre le maître d'ouvrage public s'il conteste le montant des sommes qui lui sont dues.

'''''

L'article 6, alinéas 1er et 4, de la loi du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance, applicable aux marchés passés par l'Etat, les collectivités locales, les établissements et entreprises publics, dispose que 'Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution.

Ce paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.'

Selon l'article 7 de cette même loi, 'Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite.'

Ces dispositions protectrices des intérêts du sous-traitant ne peuvent être lues comme lui interdisant d'agir contre l'entrepreneur principal en paiement des sommes qui lui sont dues. En effet, l'institution dans les marchés publics d'un paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage ne fait pas disparaître le contrat de sous-traitance et laisse au sous-traitant la faculté d'agir en paiement contre l'entrepreneur principal ou de solliciter la fixation de sa créance, sans être contraint d'épuiser auparavant les voies de recours contre le maître de l'ouvrage.

La société Entreprise Léon Grosse, dont l'analyse a été suivie par les premiers juges, prétend que les stipulations du contrat, à savoir son article 30.2.1, obligent le maître d'ouvrage à régler directement le sous-traitant au titre des travaux exécutés. Selon elle, dès lors qu'un tel paiement a été opéré par le maître d'ouvrage, toute possibilité d'une action en paiement contre l'entrepreneur principal est exclue.

En revanche, l'appelante soutient que le contrat de sous-traitance n'interdit pas la possibilité pour le sous-traitant d'agir en paiement contre l'entreprise principale.

Il revient dès lors à cette cour d'analyser les termes du contrat de sous-traitance litigieux et de dire si ceux-ci excluent la possibilité d'une action en paiement contre l'entrepreneur principal.

En l'espèce, le contrat de sous traitance stipule en son article 5 des conditions particulières que 'les paiements seront effectués aux conditions mentionnées aux articles 29 et 30 des conditions générales et à celle suivantes :

Paiement direct à 90% à 45 jours à réception de facture par le maître d'ouvrage ...

Paiement par la société Entreprise Léon Grosse à 10% ...'.

L'article 29 des conditions générales du contrat concerne la procédure à suivre pour l'établissement des situations mensuelles, leur présentation, leur vérification ainsi que celui du décompte final.

Son article 29.1.3 précise que l'entrepreneur principal peut, dans certaines conditions, être amené à verser au sous-traitant des avance et acomptes sur approvisionnements.

L'article 30 des conditions générales du contrat de sous-traitance, intitulé 'Règlements', stipule ce qui suit :

* article 30.2, Paiement du sous-traitant :

- 30.2.1 Paiement par le maître d'ouvrage public 'Conformément au titre II de la loi du 31 décembre 1975, le sous-traitant direct du titulaire du marché conclu avec l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements ou entreprises publics bénéficie du paiement direct par le maître d'ouvrage pour la part du marché dont il assure l'exécution.

Dans la mesure où le sous-traitant satisfait à ses obligations contractuelles, l'entrepreneur principal établit une proposition de paiement et la transmet au maître d'ouvrage.

Les délais de paiement du marché principal s'applique au sous-traitant.

Le sous-traitant informe l'entrepreneur principal de chacun des règlements effectués directement par le maître d'ouvrage dans les huit jours de leur réception.

La transmission de la proposition de paiement rend la délégation parfaite. L'entreprise principal est dégagé de toute responsabilité en cas de retard de paiement par le maître d'ouvrage.'

- 30.2.2 Paiement par le maître d'ouvrage privé 'Lorsqu'une délégation de paiement est consentie par le maître d'ouvrage et acceptée par l'entrepreneur principal, le sous-traitant peut en bénéficier.

Le cas échéant, les modalités de mise en oeuvre de la délégation de paiement et ses effets sont identiques à ceux énoncés ci-dessus.'

- 30.2.3 Paiement par l'entrepreneur principal 'Dans les autres cas, le sous-traitant est payé par l'entrepreneur principal.'

- 30.2.4 'Lorsque, avant paiement, l'entrepreneur principal constate un manquement du sous-traitant justifiant une retenue, le paiement peut être suspendu à hauteur du montant de cette retenue.'

Il résulte ainsi des termes mêmes du contrat de sous-traitance que la possibilité pour le sous-traitant d'obtenir le paiement des sommes qui lui sont dues de l'entrepreneur principal avec lequel il est lié par un contrat de sous-traitance n'est pas exclue et est même prévue sous certaines conditions.

Il découle de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont déclaré la société Ébénisterie Menuiserie Océanne irrecevable en son action.

Le jugement sera par voie de conséquence infirmé de ce chef.

Sur le bien-fondé des demandes en paiement de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne

* Les sommes réclamées au titre du solde du marché

Selon la société Ébénisterie Menuiserie Océanne, tant la facture du 20 décembre 2012 pour un montant hors taxes de 29.270,11 euros que le décompte définitif du 20 février 2013 sont fondés et ne peuvent plus être remis en cause par la société Entreprise Léon Grosse par application de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975.

En effet, selon elle, la société Entreprise Léon Grosse disposait d'un délai de 15 jours à compter de la réception de sa réclamation pour signifier son désaccord à son sous-traitant à défaut de quoi elle était privée de la possibilité de critiquer les demandes formées contre elle et devait les honorer. De plus fort, elle soutient que la société Entreprise Léon Grosse ne peut plus se prévaloir des dispositions de l'article 19 du contrat faute pour elle d'avoir adressé en temps utile sa lettre de contestation.

Au surplus, elle soutient que les griefs tenant à l'existence de malfaçons ou de non-façons ne sont pas justifiées par les productions de la société Entreprise Léon Grosse et que les pièces versées aux débats démontrent le contraire. En particulier, elle fait valoir que les situations produites attestent que les prestations ont été validées de sorte qu'aucun grief ne saurait sérieusement prospérer.

Elle sollicite par conséquent le paiement d'une somme de 64.031,24 euros détaillée comme suit : 'Marché global : 119.440,72 euros

1. 3.689,47 euros au titre de la révision du prix

2. 4.195,99 euros au titre de l'actualisation de prix (coefficient 1 035)

3. A déduire 63.294,87 euros jusqu'à fin décembre (pièce 32).'

La société Entreprise Léon Grosse prétend avoir contesté les sommes réclamées au titre de la situation de travaux du 20 décembre 2012 de manière motivée en faisant valoir que certaines prestations n'avaient pas été honorées quant aux autres, elles faisaient l'objet de réserves non levées. Elle précise que, contrairement à ce que prétend la société Ébénisterie Menuiserie Océanne, l'article 8 de la loi de 1975 ne s'applique pas, mais au contraire, c'est l'article 29 des stipulations contractuelles qui fait la loi des parties. Or, conformément à cette disposition, l'entreprise principale n'est enfermée dans aucun délai pour contester les décomptes mensuels.

Elle ajoute avoir dû faire intervenir des entreprises tierces pour réparer les travaux non conformes exécutés par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne et ce pour un montant total de 25.566,25 euros hors taxes soit 26.972,39 euros toutes taxes comprises de sorte que toute réclamation de ce sous-traitant est injustifiée.

S'agissant du décompte définitif invoqué par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne, l'intimée souligne qu'il n'est pas dû puisque le marché de sous-traitance n'était pas achevé au jour de la saisine du tribunal et qu'il n'a pris fin que le 28 octobre 2014 à son initiative et ce, aux torts exclusifs du sous-traitant.

En effet, elle soutient qu'après plusieurs mises en demeure adressées à la société Ébénisterie Menuiserie Océanne d'avoir à reprendre l'exécution des travaux suspendus à l'initiative de la commune de [Localité 3], cette dernière a subordonné la poursuite du marché au paiement de diverses sommes injustifiées de sorte qu'elle a été contrainte de résilier le contrat à ses torts exclusifs et de confier la fin des travaux à une tierce entreprise.

Elle fait valoir que, selon l'article 29 du contrat, le décompte final ne peut être rédigé qu'à compter de la réception des travaux. Or, selon elle, puisque les travaux n'ont pas été achevés, aucun décompte final n'a pu lui être adressé.

Au demeurant, elle ajoute que la somme figurant sur le décompte final produit aux débats s'élève à la somme de 30.541,92 euros hors taxes, soit 36.528,14 euros toutes taxes comprises (pièce 25 des productions de l'appelante). Or, il est patent que la société Ébénisterie Menuiserie Océanne réclame le paiement de la somme de 64.031,24 euros hors taxes. Ce montant non justifié par les productions de l'appelante suffit selon elle à démontrer le peu de sérieux de ses prétentions.

'''''

Il convient de rappeler que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits (article 1103 du code civil dans sa rédaction en vigueur au 1er octobre 2016) et qu'ils doivent être exécutés de bonne foi (article 1104 du code civil).

En outre, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er octobre 2016, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, il résulte des productions que le prix du marché convenu entre les parties s'élève à la somme de 119.440,72 euros hors taxes. Il est en outre démontré par les pièces produites que la ville de [Localité 3] s'est acquittée entre les mains de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne de la somme de 75.700,67 euros toutes taxes comprises soit 60.863,34 euros hors taxes. Le solde du marché pourrait correspondre au montant de 58.577,38 euros hors taxes (119.440,72 euros - 60.863,34 euros).

La société Entreprise Léon Grosse admet n'avoir réglé aucune somme à son sous-traitant puisqu'elle prétend à titre principal qu'elle n'est pas tenue de régler ces sommes et, à titre subsidiaire, que les malfaçons et non façons alléguées justifient le non paiement du solde.

Comme indiqué précédemment c'est à tort qu'elle soutient que seul le maître d'ouvrage est seul tenu de payer le marché à son sous-traitant.

En outre, il lui revient de démontrer l'existence de malfaçons et de non façons l'autorisant à ne pas régler le solde du marché réclamé par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne. Il est patent que l'intimée ne démontre pas l'existence de malfaçons imputables à l'appelante.

En revanche, force est de constater que les parties admettent que l'ensemble des travaux convenus n'ont pas été exécutés, ceux-ci ayant été suspendus à la suite de l'expertise judiciaire initiée par le maître d'ouvrage et faute d'accord sur les modalités de la reprise de leur exécution par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne celle-ci n'est pas intervenue. Il s'en déduit que la société Ébénisterie Menuiserie Océanne n'est pas fondée à réclamer l'intégralité du solde.

Il revient dans ces conditions à la société Ébénisterie Menuiserie Océanne de démontrer le bien-fondé des sommes réclamées au titre des travaux exécutés restés impayés.

La société Ébénisterie Menuiserie Océanne soutient avoir transmis par lettre recommandée un devis de réactualisation pour les travaux au R-1. Elle invoque à cet égard une pièce 33 des productions. Cependant, force est de constater que son bordereau des pièces communiquées ne fait état que de 27 pièces et aucune d'entre elle ne correspond à cette production. Ne sont en effet versées aux débats par l'appelante que deux lettres recommandées avec accusé de réception qui ne font nullement état de l'envoi d'un devis de réactualisation qui, en tout état de cause, n'est pas produit à cette cour.

Par ailleurs, la société Entreprise Léon Grosse produit une lettre datée du 28 octobre 2014 (pièce 9) qui répond à celle du 1er octobre 2014 émanant de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne et qui indique que le sous-traitant conditionnait la poursuite du chantier et l'achèvement des travaux au paiement de certaines sommes et de dommages et intérêts.

Il est également mentionné dans cette lettre que le décalage du planning et la suspension des travaux ont été décidés par le maître d'ouvrage.

Compte tenu des éléments versés aux débats, force est de constater que l'appelante ne justifie pas du bien-fondé de ses prétentions puisqu'elle ne démontre pas quel était le stade d'avancement des travaux qui lui ont été commandés au moment de la suspension de celui-ci.

Il découle de ce qui précède que la société Ébénisterie Menuiserie Océanne, défaillante dans l'administration de la preuve du montant qui lui est dû au titre du solde des travaux, sera déboutée de cette demande.

* Les sommes réclamées au titre de la révision du prix et de son actualisation du contrat de sous traitance

S'agissant des sommes réclamées par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne au titre de la révision du prix et de son actualisation, il convient d'observer que le prix du marché a été conclu 'FERME, non révisable et non actualisable' (article 4.2 des conditions particulières du contrat de sous-traitance) de sorte que, en principe, le sous-traitant ne peut réclamer le paiement de telles sommes supplémentaires.

Pour obtenir la révision du prix du marché, la société Ébénisterie Menuiserie Océanne évoque une jurisprudence qui lui permettrait, en présence de circonstances économiques particulières, de renégocier le prix du marché lorsque, comme en l'espèce, le chantier a été arrêté pendant une période supérieure à 6 mois (pièces 3 et 4 de ses productions). Cependant, l'existence de telles circonstances ne sont pas suffisantes pour justifier pareille demande, ce d'autant plus que l'article 22.2.4 du contrat de sous-traitance stipule non seulement que les délais peuvent être suspendus du fait du maître d'ouvrage, mais en outre que le sous-traitant ne peut pas refuser l'exécution des travaux ajournés pour une durée inférieure à un an.

En l'espèce, la cour ne dispose d'aucun élément lui permettant d'apprécier avec précision les circonstances qui ont justifié la suspension du chantier ni la durée de celle-ci de sorte que les sommes réclamées par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne au titre de la révision du prix du marché et de son actualisation sont de plus fort infondées.

Il s'infère de ce qui précède que la demande de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne ne saurait être accueillie.

Sur les dommages et intérêts réclamés par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne au titre de la rupture anticipée du contrat

La société Ébénisterie Menuiserie Océanne soutient avoir répondu à la première lettre de la société Entreprise Léon Grosse le 24 mai 2014 en produisant un devis actualisé tout en lui rappelant qu'elle restait redevable de certaines sommes. Elle ajoute que, par deux lettres en date des 30 septembre et 3 novembre 2014, elle rappelait à l'entreprise principale que le chantier accusait trois années de retard et que la rupture du contrat décidée unilatéralement par elle était fautive. Elle sollicite en conséquence l'allocation de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée et abusive du contrat de sous-traitance.

Force est de constater que la société Ébénisterie Menuiserie Océanne ne verse aux débats aucun élément de nature à permettre à cette cour ni de vérifier quelle a été la durée de suspension des travaux comme les raisons de cette suspension, ni de retenir l'existence d'une faute commise par la société Entreprise Léon Grosse à l'origine de la rupture du contrat en lien avec le préjudice qu'elle allègue.

Il découle de ce qui précède que la demande de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne au titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée et abusive du contrat ne saurait prospérer.

Sur les dommages et intérêts réclamés par la société Ébénisterie Menuiserie Océanne au fondement de l'article 32-1 du code civil

Conformément aux dispositions de l'article 32-1 du code civil, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l'espèce, la société Ébénisterie Menuiserie Océanne ne rapporte nullement la preuve d'une faute commise par la société Entreprise Léon Grosse faisant dégénérer en abus son droit d'agir en justice. Au demeurant, il convient de rappeler que la partie qui voit ses demandes accueillies favorablement même de façon partielle, comme en l'espèce, ne peut être condamnée à payer des dommages et intérêts à la partie adverse pour procédure abusive ou dilatoire.

Par voie de conséquence, la demande de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne sera rejetée.

Sur la demande liée aux intérêts de retard et intérêts moratoires

Force est de constater que la société Ébénisterie Menuiserie Océanne ne justifie pas, par les éléments versés aux débats, le bien-fondé de sa demande en paiement de la somme de 10.000 euros au titre des intérêts de retard à compter des situations émises.

Cette demande sera par conséquent également rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de la société Entreprise Léon Grosse

C'est par d'exacts motifs que la cour adopte que les premiers juges ont rejeté les demandes de la société Entreprise Léon Grosse au titre du remboursement des sommes qu'elle dit avoir payé pour l'achèvement des travaux dus au titre du marché.

Il convient juste d'ajouter qu'en cause d'appel, l'intimée ne démontre pas davantage que les factures dont elle réclame le remboursement correspondent à des travaux d'achèvement et de reprise des malfaçons imputables à la société Ébénisterie Menuiserie Océanne.

Le jugement sera par voie de conséquence confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Le jugement étant infirmé en ses dispositions principales, celles relatives à l'article 700 du code de procédure civile et les dépens le seront également.

Il apparaît équitable d'allouer des sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la seule société Entreprise Léon Grosse.

La société Ébénisterie Menuiserie Océanne sera dès lors condamnée à lui verser la somme de 6.000 euros au titre des frais exposés, en première instance et en appel, non compris dans les dépens.

La société Ébénisterie Menuiserie Océanne qui succombe en la majeure partie de ses prétentions sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il déboute la société Entreprise Léon Grosse de sa demande reconventionnelle.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable la société Ébénisterie Menuiserie Océanne en son action dirigée contre la société Entreprise Léon Grosse.

Rejette les demandes de la société Ébénisterie Menuiserie Océanne.

Condamne la société Ébénisterie Menuiserie Océanne à verser à la société Entreprise Léon Grosse la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

Condamne la société Ébénisterie Menuiserie Océanne aux dépens de première instance et d'appel.

Dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Brigitte AZOGUI-CHOKRON, Président et par Madame MULOT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 14/06973
Date de la décision : 12/06/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 04, arrêt n°14/06973 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-12;14.06973 ?
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