COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 63B
1ère chambre
1ère section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 31 MARS 2017
R.G. N° 16/00634
AFFAIRE :
[W] [T] épouse [H]
C/
SCP [I] [J] ET [M] [O] [C]
SA [O]-[A]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Février 2013 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS
N° RG : 10/16652
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
SCP GUEILHERS & ASSOCIES
SCP COURTAIGNE AVOCATS
SELARL LM AVOCATS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [W] [T] épouse [H]
née le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 1] (CHINE)
de nationalité
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandre OPSOMER de la SCP GUEILHERS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269, et Me Gwenaël SAINTILAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 2015 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS (pôle 2, chambre 1) le 29 octobre 2014
****************
SCP [I] [J] ET [M] [O] [C], titulaire d'un office notarial
N° SIRET : [J]1
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 018393, et Me Valérie DE HAUTECLOCQUE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
SA [O]-[A]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20160053, et Me Karine LE STRAT de l'ASSOCIATION L & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Février 2017 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain PALAU, président chargé du rapport, et Madame Nathalie LAUER, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Alain PALAU, président,
Madame Anne LELIEVRE, conseiller,
Madame Nathalie LAUER, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
[L] [Y], épouse [F], née le [Date naissance 2] 1920 à Shangai (Chine), est décédée le [Date décès 1] 2007 à [Localité 5] (94).
M. [X], notaire chargé de la succession au sein de la SCP [X] [J] [C], ayant eu connaissance de l'existence d'une fille naturelle de la défunte, Mme [T], épouse [H], a mandaté la société [O] [A], généalogiste, par lettre du 5 mars 2008 rédigée en ces termes':
« Je dispose de nombreux éléments. Toutefois, d'après les renseignements qui m 'ont été indiqués, madame [L] [F] aurait eu une fille préalablement à son union avec monsieur [C] [F], en la personne de madame [W] [T], épouse de monsieur [U] [H], demeurant à [Adresse 1] née environ en 1938 et, reconnue par son père, monsieur [M] [T]. Toutefois, aucune trace de filiation entre la défunte et sa fille n 'a été trouvée au domicile des époux [F] ».
Le 11 juillet 2008, la société [O]-[A] a transmis son rapport à Maître [X] en l'informant qu'il résultait des recherches effectuées dans l'état-civil des Français à l'étranger que Mme [T] avait été reconnue par son père, par acte inscrit au registre de l'état-civil du consulat de France à [Localité 1] le 7 novembre 1939 et qu'elle s'était mariée à Lanester avec M. [H] le 16 avril 1960. Toutefois, ses actes de naissance et de mariage ne mentionnant que sa filiation paternelle et le lien de filiation n'étant pas établi à l'égard de sa mère, le rapport concluait ainsi : « Donc, sous réserve de l'établissement d'une possession d'état ou d'une reconnaissance faite par la défunte, postérieurement au mariage de sa fille, il apparaît que le lien de filiation n 'est pas établi vis-à-vis de sa mère ».
Ce rapport indiquait que le fils de Mme [T], M. [P] [H], avait fait savoir par téléphone que sa mère ne souhaitait pas d'intervention de la société [O] [A] et que son propre notaire s'occupait de ce problème de filiation.
Le 4 décembre 2008, Maître [X] a établi l'acte de notoriété de la succession dont le paragraphe "Dévolution successorale" est rédigé en ces termes :
« Madame [L] [Y], épouse [F] n'avait plus ses père et mère. Par ailleurs, il n 'est pas connu d'enfant légitime ou naturel avec lesquels la défunte aurait établi un lien de filiation, ni d'enfant adoptif ni de descendant d'eux.
Le notaire soussigné a cependant été informé de l'existence d'une fille naturelle de la défunte, dénommée [W], [B] [T], née à [Localité 1] (Chine) le [Date naissance 1] 1939, de Monsieur [Q] [T], né à [Localité 6] (Morbihan) le [Date naissance 3] 1917, lequel l'a reconnu le 7 novembre 1939 au Consulat de France à [Localité 1] (Chine). Le notaire soussigné a donc demandé au Cabinet de Généalogie de Monsieur. [V] [A], situé à [Adresse 4], de procéder à la recherche de tout acte permettant d'établir un lien de filiation entre la défunte et cette enfant. Aucun acte de naissance de l 'enfant [W], [B] [T] n'a été établi, ainsi qu'il ressort de l'acte de reconnaissance du 7 novembre 1939, visé ci-avant. De plus, aucune trace de la reconnaissance de cette enfant par Madame [L] [Y] n 'a été trouvée : Elle n 'est notamment pas évoquée dans l 'acte de mariage.
Par conséquent, il n'y a aucun lien de filiation établi entre cette enfant, et la défunte.
La défunte laisse donc pour seul et unique héritier son conjoint survivant M. [C] [F] ».
Le 31 mai et le 20 juillet 2010, Mme [T], par l'intermédiaire de Maître [B], son notaire, est intervenue auprès de Maître [X] en lui communiquant un certificat de vie signé de [L] [Y] établi le 30 août 1950 et un acte de notoriété établi le 30 mai 2008 par le juge du tribunal d'instance de Lorient.
Le 7 octobre 2010, le tribunal de grande instance de Lorient, saisi par requête du procureur de la République du ler juillet 2010, a établi un jugement supplétif de naissance concernant Mme [T].
Par courriers des 1er septembre et 6 octobre 2010, Maître [B] puis le conseil de Mme [T] ont «'relancé'» le notaire et la société [O] [A].
Par actes du 27 octobre 2010, Mme [T] a assigné Maître [X] et la société [O]-[A] devant le tribunal de grande instance de Paris afin, en principal, que ceux-ci soient condamnés à lui payer une somme représentant 75 % de la valeur de la succession de [L] [Y] soit 70.846,50 euros.
Par jugement du 27 février 2013, le tribunal a rejeté ses demandes et l'a condamnée à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 4.000 euros à la SCP [X] [J] [C] et une somme de 4.000 euros à la société [O] [A].
Par arrêt du 29 octobre 2014, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné Mme [T] à payer une somme de 4.000 euros à la SCP [X] [J] [C] et une somme de 4.000 euros à la société [O] [A].
Statuant à nouveau, elle a':
- dit n'y avoir lieu à examen de l'appel en garantie formé par la SCP [X] [J] [C] à l'encontre de la société [O] [A],
- rejeté la demande des parties présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
Par arrêt du 25 novembre 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt prononcé par la cour d'appel de Paris.
Elle a relevé que, pour rejeter les demandes de Mme [T] tendant à voir condamner le notaire et le généalogiste, jugés fautifs pour avoir été négligents dans l'accomplissement de leur mission, à réparer son préjudice causé par le fait de n'avoir pas été appelée à la succession de sa mère, l'arrêt retient qu'elle dispose encore d'une action en revendication de ses droits à l'encontre de M. [F].
Elle a jugé qu'en statuant ainsi, alors que la responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire, et qu'est certain le dommage subi par une personne par l'effet de la faute d'un professionnel du droit, quand bien même la victime disposerait, contre un tiers, d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction alors applicable.
Par déclaration du 27 janvier 2016, Mme [T] épouse [H] a saisi la cour d'appel de Versailles, cour de renvoi.
Dans ses dernières conclusions portant le numéro 4 en date du 22 novembre 2016, Mme [T] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement.
Elle lui demande de':
- condamner in solidum la société [O] [A] et la société civile [I] [J] et [M] [C], notaires associés, à lui payer la somme représentant 75 % de la valeur de la succession de Mme [L] [Y] épouse [F] soit 70.846,50 euros, au regard de la déclaration de succession établie le 04 décembre 2008, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de dépôt de cette déclaration le 12 décembre 2008 ;
- dire que la condamnation aux intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2008 se capitalisera au sens de l'article 1154 du code civil,
- condamner in solidum la société [O] [A] et la société civile [I] [J] et [M] [C], notaires associés, à lui payer la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice moral subi,
- condamner in solidum la société [O] [A] et la société civile [I] [J] et [M] [C], notaires associés, à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [T] rappelle les courriers et actes précités.
Elle souligne que la cour d'appel a reconnu que les intimés avaient commis une faute en s'abstenant de tout contact direct avec elle alors qu'ils avaient ses coordonnées.
Elle détaille cette faute.
Elle fait grief à la société [O] [A] de ne pas l'avoir contactée alors qu'elle détenait ses coordonnées.
Elle invoque l'absence de tout contact téléphonique alors que sa gérante de tutelle avait communiqué au notaire en février 2008 son adresse et que son numéro de téléphone figurait sur les annuaires. Elle souligne que la société aurait donc pu aisément lui demander si elle était bien la fille de [L] [Y] et si elle pouvait en justifier.
Elle relève que la société se contredit en prétendant qu'elle a tenté de la joindre à plusieurs reprises - mention supprimée dans ses dernières conclusions - puisqu'elle était sur la liste rouge en 2008 ce qu'elle ne prouve pas.
Elle invoque l'absence de tout contact épistolaire.
Elle invoque l'absence de vérification de l'identité de la personne qu'elle a contactée téléphoniquement et de ses liens avec elle.
Elle précise qu'elle a ainsi contacté M. [P] [H] qui réside dans un autre département, qui est sur liste rouge et qui est son fils mais qui n'est pas son tuteur ou curateur et avec lequel elle est fâchée. Elle souligne qu'à défaut de mandat il ne pouvait parler en son nom.
Elle déclare qu'elle ignorait l'existence du notaire qui ne s'est pas manifesté auprès d'elle et ajoute qu'elle ignorait, compte tenu de son absence de relation avec sa mère, en 2008 l'ouverture de la succession.
Elle rappelle que la société [O] [A] est un professionnel.
Elle fait grief à la SCP notariale de ne pas avoir, à réception du rapport du généalogiste, approfondi ses recherches alors qu'il résulte du rapport de celui-ci l'absence de tout contact direct entre celui-ci et elle.
Elle lui reproche de n'avoir contacté que son fils qui, sans mandat de représentation, ne pouvait l'engager.
Elle indique qu'elle ne démontre pas, par des relevés téléphoniques, avoir tenté de la joindre.
Elle soutient qu'elle pouvait justifier le 11 juillet 2008, date de l'acte de notoriété, d'actes établissant sa filiation ou, à tout le moins, justifiant qu'elle soit contactée afin d'obtenir un complément d'information.
Elle estime que le certificat de vie du 30 août 1950 rédigé par le consulat qui déclare qu'elle est «'accompagnée de sa mère, Mme [L] [Y]'», établit la filiation ou justifie des recherches complémentaires. Elle rappelle qu'il émane du consul, officier de l'état-civil, en mesure de dresser des actes d'état-civil qui ont le caractère d'un acte authentique. Elle considère donc que ce certificat contient acte de reconnaissance de filiation maternelle et, en tout état de cause, apporte une interrogation devant être purgée. Elle s'étonne par ailleurs que la société [O]-[A] n'ait pas trouvé trace de ce document officiel.
Elle estime que l'acte de notoriété établi par le tribunal d'instance de Lorient établit, contrairement à ce qu'a jugé la cour d'appel, une filiation.
Elle se prévaut de l'article 317 du code civil aux termes duquel l'acte de notoriété fait foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire et la filiation établie par cette possession d'état est mentionnée en marge de l'acte de naissance de l'enfant. Elle excipe également de circulaires ministérielles.
Elle déclare que cet acte de notoriété était aisément accessible car ne pouvant être établi que par le juge d'instance du lieu de naissance ou du domicile.
Elle souligne la compétence vantée par elle de la société [O]-[A] et l'absence d'interrogation par le notaire du tribunal de Lorient ce qui ne lui a pas permis de suppléer la carence du généalogiste.
Elle fait valoir que les intimés auraient pu s'adresser à elle pour obtenir copie de cet acte, l'absence de mention de celui-ci au service de l'Etat-civil de [Localité 7] étant alors sans incidence.
Elle distingue la procédure applicable à l'acte de notoriété de celle applicable pour pallier l'impossibilité de se procurer un acte d'état-civil et rappelle qu'en l'espèce, elle a obtenu un jugement supplétif d'acte de naissance.
Elle estime actuellement sans consistance la loi du 20 juin 1920 et soutient que, quelle que soit sa finalité, l'acte de notoriété établit juridiquement la filiation au même titre qu'un acte de naissance.
L'appelante soutient que ces fautes l'ont empêchée de se présenter au rendez-vous du 4 décembre 2008 fixé par le notaire et, donc, de faire valoir sa qualité d'héritière alors qu'elle disposait des deux éléments probants ci-dessus.
En réponse à la société [O]-[A], elle lui reproche de ne pas l'avoir avisée de ses investigations ce qui ne lui a pas permis de connaître le décès de sa mère par son intermédiaire et de lui adresser les documents précités. Elle précise qu'elle n'a appris le décès de sa mère que par sa curatrice.
Elle indique réclamer 75 % de la succession conformément à l'article 757 du code civil soit 70.846,50 euros, l'actif net s'élevant à 94.462 euros.
Elle rappelle qu'elle n'est nullement tenue à agir préalablement contre M. [F] ou ses ayants-droit, la responsabilité des intimés n'étant pas subsidiaire.
Elle excipe d'un préjudice moral causé par sa spoliation et fait état de son âge lors du début de la procédure, 72 ans, et le la durée de celle-ci.
Dans ses dernières écritures portant le numéro 2 en date du 2 novembre 2016, la SCP [I] [J] et [M] [C] sollicite la confirmation du jugement.
Subsidiairement, elle demande la condamnation de la société [O] [A] à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.
Elle réclame la condamnation de tout succombant à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP rappelle les diligences accomplies. Elle précise que Mme [T] lui a écrit le 31 mai 2009 soit 17 mois après l'établissement de l'acte de notoriété pour se voir reconnaître la qualité d'héritière de sa mère et qu'elle lui a adressé un certificat de vie et une reconnaissance de paternité.
Elle conteste toute faute.
Elle déclare qu'elle n'avait pas à remettre en cause les conclusions des généalogistes établies le 11 juillet 2008 expressément mandatés par elle. Elle ajoute qu'elle a cherché à contacter téléphoniquement l'appelante et que son fils lui a confirmé que celle-ci ne voulait pas de son intervention.
Elle ajoute qu'à l'époque, Mme [T] ne disposait pas d'élément lui permettant de justifier de sa filiation avec la défunte et fait donc valoir qu'en la contactant, elle n'aurait pas obtenu davantage d'éléments sur cette filiation.
Enfin, sur ce point, elle lui reproche de ne pas avoir pris contact avec elle.
Elle soutient également qu'elle ne pouvait, quelles que soient ses investigations, disposer de document établissant sa filiation en l'absence d'acte de naissance. Elle en conclut qu'il appartenait à Mme [T] de mener une action en constatation de sa possession d'état ce qu'elle a fait ultérieurement en saisissant le tribunal de grande instance de Lorient.
Enfin, elle indique qu'elle n'était pas en possession d'actes établissant la filiation.
Elle affirme que le certificat de vie, non publié et donc non opposable aux tiers, n'est qu'un certificat de recensement et non un acte authentique susceptible de justifier d'une filiation.
Elle affirme que l'acte de notoriété, non publié et donc ne pouvant être révélé aux tiers, n'établit pas cette filiation car uniquement destiné, conformément à la loi du 20 juin 1920, à suppléer l'impossibilité de se procurer la copie d'un acte d'état-civil dont l'original a disparu.
Elle ajoute que le jugement déclaratif du 7 octobre 2010 est postérieur à l'acte de Maître [X] et en infère qu'il ne peut lui être opposé.
L'intimée conteste tout lien de causalité.
Elle soutient qu'il appartenait à Mme [T] d'entamer, au décès de sa mère, une action tendant à voir constater sa possession d'état conformément aux articles 310-1 et suivants et 330 et suivants du code civil et estime que cette action a été introduite tardivement.
En ce qui concerne le préjudice, elle fait valoir qu'à la date de l'acte incriminé, jour où celui-ci doit être apprécié, Mme [T] ne justifiait pas d'un lien de filiation. Elle en conclut qu'elle ne pouvait être appelée à la succession et obtenir 75 % de celle-ci.
Elle estime en outre qu'il lui appartenait d'agir préalablement contre M. [F] ou ses ayants-droit, sa demande étant une action en revendication des droits successoraux qui ne peut prospérer contre le notaire.
Elle ajoute que la somme réclamée ne tient pas compte des frais afférents au règlement de la succession, des frais funéraires et divers dus par les héritiers et des impôts fonciers qu'elle aurait dû supporter.
Elle considère enfin qu'elle ne peut prétendre avoir été spoliée de la succession de sa mère tant qu'elle n'a pas fait reconnaître ses droits à l'égard de M. [F].
Elle justifie son appel en garantie par un manquement de la société [O] [A] dans l'exécution du mandat, précis, de recherche de filiation qu'elle lui a donné.
Dans ses dernières écritures portant le numéro 3 en date du 29 novembre 2016, la SA [O] [A] sollicite la confirmation du jugement et le rejet de toutes les demandes formées à son encontre.
Elle réclame le paiement par Mme [T] de la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société déclare avoir procédé aux investigations demandées par Maître [X] et que la tutrice de M. [F] lui a indiqué que Mme [T] était sur liste rouge ce qui justifie qu'elle ait contacté le 11 septembre 2008 son fils qui a attesté en avoir avisé ses parents.
Elle ajoute que l'appelante ne s'est manifestée auprès du notaire que le 3 mai 2010 soit plus de deux ans après le décès de sa mère.
Elle rappelle les termes du jugement et de l'arrêt.
La société conteste toute faute.
Elle affirme avoir parfaitement exécuté la mission confiée par Maître [X] de «'procéder à une vérification généalogique'» et déclare qu'elle n'a pu recueillir que des éléments insuffisants pour certifier un lien de filiation maternelle.
Elle indique que, pour parfaire sa mission, elle a tenté de joindre l'appelante mais que celle-ci était sur liste rouge ainsi que le confirme un courrier de Mme [N], curatrice de M. [F], du 26 février 2008. Elle ajoute que Mme [T] ne rapporte pas la preuve contraire, la date d'impression des annuaires produits étant de septembre 2011.
Elle indique qu'elle a joint téléphoniquement M. [P] [H] qui lui a déclaré que sa mère ne souhaitait pas son intervention et qui a attesté avoir avisé celle-ci de ce contact.
Elle reproche à Mme [T] de jouer sur les mots en ce qui concerne ses tentatives pour la joindre.
Elle lui fait également grief de son mutisme alors qu'elle savait que des tiers tentaient de prendre contact avec elle.
Elle conteste qu'un contact direct avec elle ait permis de certifier, au 11 juillet 2008, l'existence d'un lien de filiation maternelle.
Elle rappelle les actes d'état civil mentionnés à l'article 34 du code civil et relève que le certificat de vie et que l'acte de notoriété ne constatant pas une possession d'état n'en font pas partie.
Elle soutient, visant un arrêt, que le certificat de vie a pour seul objet de constater qu'une personne est vivante et non de reconnaître une filiation.
Elle précise qu'elle ne pouvait avoir connaissance auprès du greffe de l'acte de notoriété, non publié, et soutient qu'il est un document par lequel l'officier public recueille des témoignages en vue d'établir une circonstance ou un fait matériel qu'un grand nombre de personnes ont pu constater. Elle en infère qu'il n'a pas nécessairement pour objet de reconnaître une possession d'état.
Elle considère que tel est le cas et qu'il constate seulement que Mme [T] ne peut obtenir son acte de naissance en raison de faits de guerre.
Elle souligne qu'il ne vérifie pas que les conditions de la possession d'état requises par l'article 311-1 du code civil sont réunies. Elle se prévaut des termes du jugement et de l'arrêt et observe que ce jugement n'a pas été retranscrit sur l'acte de naissance de l'intéressée ce qui aurait été le cas s'il avait attesté de l'existence d'une possession d'état.
Elle rappelle qu'elle a achevé sa mission le 11 juillet 2008 et considère que la filiation maternelle de l'appelante n'a été reconnue que le 7 octobre 2010.
Elle invoque, subsidiairement, l'absence de lien de causalité entre ses agissements et le dommage.
Elle fait état de l'inaction de Mme [T] qui ne voulait pas de la succession de sa mère, qui ne pouvait prétendre à aucun droit avant l'établissement de sa filiation le 7 octobre 2010 et qui a été avisée de son intervention ce qui lui a permis de tout mettre en 'uvre pour faire reconnaître sa filiation. Elle ajoute que les éléments recueillis par elle ne pouvaient établir ce lien. Elle affirme enfin que son absence de convocation au rendez-vous du 4 décembre 2008 lui est imputable dans la mesure où elle avait connaissance, grâce à son intervention, de l'ouverture de la succession de sa mère.
A titre infiniment subsidiaire, elle réfute tout préjudice.
Elle indique qu'elle ne prend pas en compte les frais qui auraient fait diminuer sa part et conteste toute responsabilité dans un prétendu préjudice moral.
Elle soutient qu'il lui appartient de mettre en 'uvre une action en revendication de succession.
Elle s'oppose à l'appel en garantie de la SCP notariale.
Elle fait valoir qu'elle a, dans sa lettre du 11 juillet 2008, fait part à Maître [X] des difficultés rencontrées, que celui-ci a repris ses conclusions dans l'acte de notoriété et qu'il en a tiré les conséquences. Elle ajoute qu'il n'a soulevé aucune réserve durant la période litigieuse sur la qualité de sa mission.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 décembre 2016.
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Considérant qu'il résulte de la lettre adressée par le notaire à la société [O]-[A] le 5 mars 2008 que celui-ci disposait de renseignements aux termes desquels la défunte aurait eu une fille, «'Mme [W] [T] épouse de M. [H], demeurant à [Adresse 1]'»';
Considérant que, dans sa réponse du 11 juillet 2008, le cabinet indique que, «'sous réserve de l'établissement d'une possession d'état ou d'une reconnaissance faite par la défunte postérieurement au mariage de sa fille'», le lien de filiation n'est pas établi'; qu'il précise qu'il a pu déterminer que Mme [T] est domiciliée à [Adresse 1]'; qu'il ajoute qu'il a eu une conversation téléphonique avec le fils de l'intéressée qui lui a fait savoir que sa mère ne souhaitait pas son intervention';
Considérant qu'il résulte d'une mention manuscrite apposée sur ce courrier que l'office notarial a téléphoné à M. [P] [H], le fils de Mme [T], le 11 septembre 2008 et que celui-ci a confirmé que sa mère ne souhaitait rien de la succession et ne pas être contactée';
Considérant que ni le notaire ni la société n'ont pris directement contact avec Mme [T]'soit avec l'éventuelle héritière ;
Considérant que Mme [T] demeurait effectivement [Adresse 1]'; que les intimés connaissaient donc son adresse réelle';
Considérant que, nonobstant la prétendue impossibilité de joindre téléphoniquement Mme [T], ils étaient donc en mesure de lui écrire'afin de solliciter des informations complémentaires';
Considérant qu'en s'abstenant de tout contact direct avec Mme [T], soit avec une héritière éventuelle, alors qu'ils disposaient de ses coordonnées le notaire et le généalogiste ont commis une faute';
Considérant que les communications avec son fils ou les affirmations de celui-ci aux termes desquelles il a informé sa mère de ses contacts avec le notaire ou avec le généalogiste ne peuvent les exonérer des conséquences de leurs manquements';
Considérant que ces fautes ont empêché l'intéressée de fournir des précisions sur sa filiation';
Considérant que Mme [T] soutient que ces fautes l'ont empêchée «'de se présenter auprès de la SCP [J] en 2008 et faire valoir ses droits dans la succession'»'; qu'elle précise qu'elles ne lui ont pas permis «'de faire valoir sa qualité d'héritier le 4 décembre 2008'»';
Considérant que, compte tenu du préjudice qu'elle invoque, il lui appartient de démontrer qu'elle disposait de documents permettant de justifier, le 4 décembre 2008, de sa qualité d'héritière';
Considérant qu'elle détenait alors un «'certificat de vie'» établi le 30 août 1950 par le consul de France à Tientsin';
Considérant qu'aux termes de ce certificat, le consul atteste que «'Mme [T] née à [Localité 1] le [Date naissance 1] 1939 est vivante pour s'être présentée ce jour devant nous accompagnée de sa mère, Mme [L] [Y]'»';
Considérant que ce document est un certificat dont l'objet est d'établir que Mme [T] est vivante'; que, même s'il précise qu'elle était accompagnée de sa mère, il n'a pas pour objet d'établir la filiation de Mme [T]'; qu'il ne contient aucune précision sur les éventuelles pièces remises par elle'; qu'il ne démontre pas la filiation maternelle de Mme [T] et, donc, sa qualité d'héritière';
Considérant que Mme [T] verse aux débats un document en date du 30 mai 2008 délivré par le tribunal d'instance de Lorient intitulé «'acte de notoriété'»';
Considérant qu'il indique qu'ont comparu trois témoins qui ont «'déclaré, certifié et attesté, pour rendre hommage à la vérité, parfaitement connaître et savoir comme étant de notoriété publique que'» Mme [T] ... «'est née le ..., qu'elle a été reconnue par son père ... que sa mère Mme [L] [Y] est née à [Localité 8] (Chine) (sans connaissance précise de sa date de naissance)'»';
Considérant que cet acte mentionne qu'à la connaissance de ces témoins, Mme [T] «'ne peut obtenir la délivrance de son acte de naissance en raison qu'il ne figure pas dans les archives du service central d'état-civil de [Localité 7] ...'»';
Considérant que l'acte énonce in fine qu'il sera transmis au procureur de la République «'conformément à l'article 4 de la loi du 20 juin 1920'»';
Considérant que cet acte se réfère donc expressément à la loi du 20 juin 1920, nullement abrogée';
Considérant que celle-ci a pour «'objet de suppléer par des actes de notoriété à l'impossibilité de se procurer des expéditions des actes d'état-civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de guerre'»';
Considérant que son article 4 prescrit au juge «'qui aura reçu un acte de notoriété'» de le transmettre au procureur de la République';
Considérant que les témoins font expressément référence à l'impossibilité pour Mme [T] de se procurer un acte de naissance';
Considérant que la portée de cet acte de notoriété est donc précisée';
Considérant que l'article 317 du code civil permet à l'enfant de demander la délivrance d'un «'acte de notoriété qui fera foi de la possession d'état'»';
Considérant que l'article 311-1 du code civil énonce les principaux faits établissant la possession d'état soit que la personne concernée a été traitée comme son enfant et l'a traitée comme son parent, que le parent prétendu a pourvu à son éducation, son entretien ou son installation, que la personne a été reconnue comme son enfant dans la société et par la famille, qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ou qu'elle porte le nom de celui dont on l'a dit issue, la réunion de l'intégralité de ces faits n'étant pas nécessaire';
Considérant que les témoins doivent donc faire état de l'un de ces éléments';
Considérant qu'aucune des mentions contenues dans l'acte du 30 mai 2008 ne relate un tel élément';
Considérant que l'acte de notoriété détenu par Mme [T] ne constitue donc pas l'acte de notoriété visé par l'article 317 du code civil qui, au surplus, doit être transmis au procureur de la République en application de l'article 1157-1 du code de procédure civile et être publié';
Considérant qu'il n'établit dès lors pas le lien de filiation maternelle de Mme [T]';
Considérant, par conséquent, que Mme [T] ne pouvait justifier à la date du 4 décembre 2008 d'un lien de filiation avec Mme [F] et donc de sa qualité d'héritière';
Considérant qu'elle ne rapporte ainsi pas la preuve du préjudice invoqué causé par la faute des intimés';
Considérant que ses demandes seront dès lors rejetées'; que le jugement sera confirmé de ce chef';
Considérant que l'équité justifie de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance'; que le jugement sera infirmé de ce chef';
Considérant que la demande aux mêmes fins formée par Mme [T] en cause d'appel sera rejetée compte tenu du sens de la présente décision'; que l'équité justifie également de rejeter les demandes d'indemnisation de leurs frais irrépétibles présentées par les intimés';
Considérant que Mme [T], dont les demandes sont rejetées, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel';
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné Mme [T] au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant de nouveau de ces chefs':
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant':
Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne Mme [T] aux dépens,
Autorise Maître Delorme-Muniglia à recouvrer directement à son encontre les dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,