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17/12/2009 | FRANCE | N°09/04772

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 17 décembre 2009, 09/04772


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4A



1ère chambre

1ère section





ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 DECEMBRE 2009



R.G. N° 09/04772

09/04795



AFFAIRE :





S.A. ALSTOM



S.A. ALSTOM TRANSPORT



C/



ASSOCIATION FRANCE-PALESTINE SOLIDARITE (A.F.P.S)

et autres





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Avril 2009 par le Tribunal de Grande Instance

de NANTERRE

N° chambre : 6

N° Section :

N° RG : 07/2902



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- SA ALSTOM

- ALSTOM TRANSPORT

- SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU

- Me Magali THORNE

- Association FRANCE-PALESTIN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4A

1ère chambre

1ère section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 DECEMBRE 2009

R.G. N° 09/04772

09/04795

AFFAIRE :

S.A. ALSTOM

S.A. ALSTOM TRANSPORT

C/

ASSOCIATION FRANCE-PALESTINE SOLIDARITE (A.F.P.S)

et autres

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Avril 2009 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 6

N° Section :

N° RG : 07/2902

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

- SA ALSTOM

- ALSTOM TRANSPORT

- SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU

- Me Magali THORNE

- Association FRANCE-PALESTINE SOLIDARITE (AFPS)

- L'Organisation DE LIBERATION DE LA PALESTINE (OLP)

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

- Me LEVY Alain

- VEOLIA TRANSPORT

- SCP JUPIN & ALGRIN

- Me HAERI Kami

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX SEPT DECEMBRE DEUX MILLE NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. ALSTOM

société anonyme ayant son siège [Adresse 4]

représentée par la SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU - N° du dossier 290330

Rep/assistant : la SCP DUCLOS, THORNE & MOLLET-VIEVILLE représentée par Me Magali THORNE (avocat au barreau de PARIS)

S.A. ALSTOM TRANSPORT

société anonyme ayant son siège [Adresse 4] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP LEFEVRE TARDY & HONGRE BOYELDIEU - N° du dossier 290330

Rep/assistant : la SCP DUCLOS, THORNE & MOLLET-VIEVILLE représentée par Me Magali THORNE (avocat au barreau de PARIS)

DEMANDERESSES AU CONTREDIT

****************

ASSOCIATION FRANCE-PALESTINE SOLIDARITE (A.F.P.S)

ayant son siège social [Adresse 3] prise en la personne de son Président Monsieur [C] [A] domicilié en cette qualité audit siège

représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER - N° du dossier 20090541

Rep/assistant : Me Alain LEVY (avocat au barreau de PARIS)

L'ORGANISATION DE LIBERATION DE LA PALESTINE (O.L.P)

représentée par Monsieur Mahmoud ABBAS, Président du comité exécutif, lui-même représenté par Madame [X] déléguée générale de Palestine et de l'Organisation de Libération de la Palestine faisant élection de domicile au siège de la délégation générale de Palestine en France [Adresse 1]

représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER - N° du dossier 20090541

Rep/assistant : Me Alain LEVY (avocat au barreau de PARIS)

S.A. VEOLIA TRANSPORT

société anonyme inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro 383 607 090 ayant son siège [Adresse 2] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par la SCP JUPIN & ALGRIN - N° du dossier 0025397

Rep/assistant : la SCP AUGUST ET DEBOUZY représentée par Me HAERI Kami (avocat au barreau de PARIS)

DEFENDERESSES AU CONTREDIT

EN PRESENCE de Monsieur CHOLET Avocat Général

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Novembre 2009, Madame Bernadette WALLON, président ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Bernadette WALLON, président,

Madame Evelyne LOUYS, conseiller,

Madame Dominique LONNE, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

En décembre 1999, l'Etat d'Israël a lancé un appel d'offres international pour la construction et l'exploitation d'un métro léger à Jérusalem stipulant que la soumission à cet appel d'offres ne pouvait émaner que d'une société à objet unique, enregistrée et régie par les lois de son Etat, formée pour les besoins de la concession qu'il se proposait de consentir.

Des sociétés de droit israélien, Polar et Ashtrom, et deux sociétés de droit français, Alstom transport et Connex SA ont formé entre elles le 15 juin 2000 une société dénommée Citypass limited répondant aux conditions fixées par l'Etat israélien.. Cette société a été sélectionnée par le comité d'appel d'offres et un contrat de concession de service public (version consolidée) a été signé avec l'Etat d'Israël le 22 septembre 2004 ayant pour finalité la construction et l'exploitation du métro léger de Jérusalem.

Le 19 octobre 2004 la société de droit israélien Harel est devenue actionnaire de la société Citypass. Ainsi le capital social est détenu par la société Polar investments limited à concurrence de 27,5%, la société Ashtrom group limited à concurrence de 27,5%, la société Harel insurance company à concurrence de 20%, la société Alstom transport à concurrence de 20% et la société CGEA Connex devenue Veolia transport à concurrence de 5%.

La société Citypass limited a signé en février 2005 avec les sociétés israéliennes Citadis Israël limited, Ashtrom group limited et la société française Alstom transport SA un contrat pour la fabrication des voitures, la signalisation, l'infrastructure et la maintenance du tramway sous l'intitulé 'engineering, procurement and construction contract for the Jerusalem LRT system' dit 'EPC contract'. La société Veolia était quant à elle chargée de l'exploitation pendant trente ans du réseau du tramway à construire.

Le 17 juillet 2005, le contrat de financement du projet a été signé au cours d'une cérémonie officielle à laquelle la société Alstom transport a été conviée.

Par acte du 22 février 2007, l'association France-Palestine solidarité, ci-après A.F.P.S, prise en la personne de son président M.[Z] [S], a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre les sociétés anonymes Veolia Transport et Alstom, en annulation pour cause illicite, du contrat de concession qui aurait été signé le 17 juillet 2005 entre elles et le gouvernement d'Israël ' dans le cadre du consortium français City Pass' chargé de 'la construction et de l'exploitation d'un tramway en Cisjordanie' et de toute convention subséquente. Elle a demandé qu'interdiction soit faite aux défenderesses, sous astreinte de 100.000 euros par infraction constatée, de poursuivre l'exécution du contrat querellé ainsi que celle de tout service ou tous travaux en découlant. Elle a en outre sollicité l'exécution provisoire, l'insertion du jugement à intervenir, par extraits à déterminer, dans deux journaux de son choix, aux frais des défenderesses, dans la limite de 5.000 euros hors taxe par insertion, la condamnation solidaire des sociétés Alstom et Veolia Transport à lui verser un euro en indemnisation du préjudice subi par le peuple palestinien du fait de la signature de ce contrat et de son début d'exécution ainsi que 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L'Organisation de Libération de la Palestine est intervenue volontairement aux débats par conclusions déposées le 15 octobre 2007, confirmées par conclusions déposées le 22 octobre suivant.

Par jugements avant-dire-droit du 11 janvier 2008 et du 6 juin 2008, le tribunal de grande instance de Nanterre a enjoint aux sociétés défenderesses, au visa des dispositions des articles 8 et 13 du code de procédure civile, d'expliciter et de justifier par tout document approprié le fondement juridique ainsi que le mécanisme de leur participation à l'opération de construction et d'exploitation du tramway litigieux et en outre, de produire un exemplaire des contrats signés ainsi que leur traduction.

Après la production des pièces réclamées et de leur traduction , l'Association France-Palestine solidarité et l'Organisation de Libération de la Palestine ont, par acte du 18 novembre 2008, attrait en intervention forcée la société anonyme Alstom Transport et demandé que celle-ci se voit également interdire de poursuivre l'exécution du contrat signé le 22 septembre 2004 entre la société CityPass Ltd et le Gouvernement d'Israël tendant à la construction et à l'exploitation d'un tramway en Cisjordanie et du contrat d'ingénierie, d'approvisionnement et de construction signé au mois de février 2005 entre la société Alstom Transport et la société concessionnaire.

Par jugement du 15 avril 2009, le tribunal de grande instance de Nanterre, statuant uniquement sur l'exception d'incompétence et sur des fins de non recevoir :

- s'est déclaré compétent pour statuer sur le présent litige,

- a déclaré l'Organisation de Libération de la Palestine irrecevable en sa demande,

- a déclaré l' Association France-Palestine solidarité ( A.F.P.S) recevable en sa propre demande,

- a rejeté la demande de production forcée de pièces complémentaires,

- a renvoyé l'examen de l'affaire à la conférence de l'état des causes du lundi 8 juin 2009 pour conclure et fixer la date des plaidoiries,

- a décidé de surseoir à statuer sur les autres demandes en ce compris les demandes reconventionnelles formées contre l'OLP.

Par actes du 29 avril 2009, les sociétés Alstom et Alstom transport ont chacune formé contredit à l'encontre de ce jugement.

Demanderesse au contredit, la S.A. Alstom, aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2009 soutenues oralement, demande à la cour de :

Vu les articles 4 et 753 du code de procédure civile,

Vu les articles 42 et 46 du code de procédure civile,

Vu les articles 14 et 15 du Code civil,

Vu les articles 3, 6 et 1165 du Code civil,

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

Vu l'article 1842 du Code civil,

Vu l'article L. 211-1 du Code de l'organisation judiciaire,

- la recevoir en son contredit et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement déféré en ce que le tribunal s'est déclaré compétent 'pour le présent litige' en violation de l'article 4 du code de procédure civile, et pour des motifs contestables,

Et statuant à nouveau,

accueillant l'exception d'incompétence soulevée in limine litis,

- constater que le 22 septembre 2004, l'Etat d'Israël représenté par le gouvernement israélien a concédé à la société de droit israélien Citypass Limited une concession de service public, portant sur un transport public étranger,

- constater qu'Alstom est une société dotée de la personnalité morale , et est une entité indépendante qui n'a pas à répondre des actes et/ ou contrats d'autres entités au seul motif des liens capitalistiques et financiers existants avec elles,

- constater que le contrat du 22 septembre 2004 ressortit de l'exercice par l'Etat israélien de sa puissance publique et qu'à ce titre l'immunité de juridiction est attachée tant à ce contrat de service public qu'aux contrats subséquents,

- dire et juger que Alstom n'est pas un défendeur réel et sérieux à l'action introduite par l'A.F.P.S qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, étant tiers au contrat étranger de concession publique sus visé,

- dire et juger qu'elle est bien fondée dans son exception d'incompétence,

- dire et juger qu'aucune situation relevant d'un risque de déni de justice n'est caractérisée justifiant la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre,

- renvoyer les parties demanderesses à mieux se pourvoir et notamment auprès des juridictions compétentes et notamment les tribunaux de Jérusalem,

- condamner l'A.F.P.S et l'O.L.P à 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de l'instance,

Subsidiairement, et sur la demande d'évocation de Veolia Transport,

- dire et juger qu'elle ne se justifie pas compte tenu de la nature et de la complexité de l'instance, et qu'il n'y a pas lieu de priver les parties du double degré de juridiction,

En tout état de cause, et si la cour décidait d'évoquer, inviter les parties à constituer avoué et à conclure au fond.

Egalement demanderesse au contredit, la société Alstom Transport, par conclusions signifiées le 3 novembre 2009 soutenues oralement, demande à la cour de :

Vu les articles 4 et 753 du code de procédure civile,

Vu les articles 42 et 46 du code de procédure civile,

Vu les articles 14 et 15 du Code civil,

Vu les articles 3, 6 et 1165 du Code civil,

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

Vu l'article 1842 du Code civil,

Vu l'article L. 211-1 du Code de l'organisation judiciaire,

- la recevoir en son contredit et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement déféré en ce que le tribunal s'est déclaré compétent 'pour le présent litige' en violation de l'article 4 du code de procédure civile, et pour des motifs contestables,

Et statuant à nouveau,

accueillant l'exception d'incompétence soulevée in limine litis,

- constater que le 22 septembre 2004, l'Etat d'Israël représenté par le gouvernement israélien a concédé à la société de droit israélien Citypass Limited une concession de service public, portant sur un transport public étranger,

- constater qu'Alstom Transport est une société dotée de la personnalité morale , et est une entité indépendante qui n'a pas à répondre des actes et/ ou contrats d'autres entités au seul motif des liens capitalistiques et financiers existants avec elles,

- constater que le contrat du 22 septembre 2004 ressortit de l'exercice par l'Etat israélien de sa puissance publique et qu'à ce titre l'immunité de juridiction est attachée tant à ce contrat de service public qu'aux contrats subséquents,

- dire et juger que Alstom Transport n'est pas un défendeur réel et sérieux à l'action introduite par l'A.F.P.S qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, étant tiers au contrat étranger de concession publique sus visé,

- constater qu'Alstom Transport a été mise en cause comme partie intervenante forcée et qu'en conséquence la compétence du tribunal ne peut être définie et retenue en fonction de sa présence ou non dans ce litige,

- dire et juger qu'elle est bien fondée dans son exception d'incompétence,

- dire et juger qu'aucune situation relevant d'un risque de déni de justice n'est caractérisée justifiant la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre,

- renvoyer les parties demanderesses à mieux se pourvoir et notamment auprès des juridictions compétentes et notamment les tribunaux de Jérusalem,

- condamner l'A.F.P.S et l'O.L.P à 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de l'instance,

Subsidiairement, et sur la demande d'évocation de Veolia Transport,

- dire et juger qu'elle ne se justifie pas compte tenu de la nature et de la complexité de l'instance, et qu'il n'y a pas lieu de priver les parties du double degré de juridiction,

En tout état de cause, et si la cour décidait d'évoquer, inviter les parties à constituer avoué et à conclure au fond.

Elles soutiennent que leurs contredits sont recevables car motivés, qu'elles ne sont pas tenues de désigner précisément la juridiction étrangère compétente puisqu'il s'agit de renvoyer la demanderesse à mieux se pourvoir, que contrairement à ce qu'indique le tribunal dans les prolégomènes la société mère de la société Alstom transport est la société Alstom Holdings et non la SA Alstom, que les deux sociétés sont autonomes et que la société Alstom n'est pas signataire des contrats et ne participe pas à leur exécution de sorte qu'elle ne peut être considérée comme un défendeur réel et sérieux à l'action, qu'il appartient au demandeur à l'action de préciser le fondement de ses demandes et non au tribunal de définir la demande dont il est saisi en recherchant un fondement implicite et en substituant une demande à une autre méconnaissant ainsi l'article 4 du code de procédure civile, qu'en application du principe de l'immunité de juridiction les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour connaître d'un litige concernant un état étranger dans l'exercice de sa puissance publique, que tel est bien le cas puisque l'Etat d'Israël à concédé à la société Citypass un service public de transport, qu'une juridiction judiciaire française ne peut être saisie d'un contentieux intéressant un contrat de concession publique portant sur un service public dont seule une juridiction administrative peut connaître en droit interne, que la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Nanterre ne peut être retenue au motif que les sociétés Alstom et Alstom Transport ont leurs sièges sociaux dans le ressort de cette juridiction car ni l'une ni l'autre ne sont des défendeurs réels et sérieux, Alstom étant étrangère aux contrats et Alstom transport ayant été attraite en la cause par la voie de l'intervention forcée ce qui exclut qu'elle puisse justifier la compétence du tribunal, que l'allégation d'un déni de justice est sans fondement dès lors que les tribunaux de Jérusalem bénéficient d'une clause attributive de compétence et constituent le juge naturel s'agissant de contrats conclus avec une société de droit israélien et s'exécutant en Israël.

Défenderesses au contredit, l'association France-Palestine solidarité (A.F.P.S) et l'Organisation de Libération de la Palestine (O.L.P), aux termes de leurs conclusions en réponse sur contredit signifiées le 21 septembre 2009 soutenues oralement, demandent à la cour de :

- prononcer la jonction entre les affaires n° 09/04772 et 09/04795,

A titre principal,

- déclarer les sociétés Alstom et Alstom Transport irrecevables en leurs contredits,

A titre subsidiaire,

- débouter les sociétés Alstom et Alstom Transport de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent,

En tout état de cause,

- condamner solidairement ou à tout le moins in solidum les sociétés Alstom et Alstom Transport à leur verser, à chacune, la somme de 5.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement ou à tout le moins in solidum les sociétés Alstom et Alstom Transport aux entiers dépens des contredits dont le recouvrement sera effectué, pour ceux la concernant, par la SCP Jullien Lecharny Rol Fertier, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elles soulèvent l'irrecevabilité des contredits sur le fondement de l'article 82 du code de procédure civile pour défaut de motivation, aucun des moyens invoqués ne portant sur la compétence du tribunal de grande instance s'agissant de fins de non recevoir tirées du défaut de défendeurs réels et sérieux, de l'immunité de juridiction, du caractère de concession publique du contrat querellé, d'une demande de mise hors de cause ou de critiques de l'office du juge en ce qui concerne la requalification de la demande. Elles invoquent également l'irrecevabilité des contredits sur le fondement des articles 75 et 82 du même code faute d'indication claire et précise de la juridiction que les sociétés Alstom et Alstom Transport estiment compétente , la demande de renvoi devant les tribunaux de Jérusalem ne répondant pas aux exigences de ces textes.

Subsidiairement, elles font valoir que si leurs écritures de première instance ne visaient pas expressément les dispositions de l'article 1382 du code civil, c'est à bon droit que le tribunal faisant application de l'article 12 du code de procédure civile a qualifié leur action. Elles soutiennent que les sociétés Alstom Transport et Véolia Transport sont des défendeurs réels et sérieux en leur qualité d'actionnaires du concessionnaire dont elles se sont portées garantes pour la construction et l'exploitation du tramway et en leur qualité de fournisseurs et constructeurs, que la société Alstom s'est portée garante en sa qualité de société mère de l'exécution du contrat d'approvisionnement, d'ingénierie et de construction signé par Alstom Transport et que son dirigeant a reconnu expressément la participation directe de la société au contrat litigieux, que les sociétés Alstom et Alstom Transport ne peuvent opposer l'immunité de juridiction, seul l'Etat d'Israël pouvant se prévaloir de cette fin de non recevoir, qu'en tout état de cause il s'agit d'un contrat commercial, que le litige ne peut relever de la compétence des juridictions administratives françaises s'agissant d'un marché public étranger, que dès lors que les sociétés Alstom et Alstom Transport ont leurs sièges sociaux dans le ressort du tribunal de grande instance de Nanterre , cette juridiction est compétente territorialement pour connaître d'une action engagée par un tiers sur le fondement de la responsabilité délictuelle des contractants, qu'en outre la société Veolia Transport qui n'a pas formé de contredit a son siège social à Nanterre ce qui justifie la compétence du tribunal . Enfin elles invoquent le risque de déni de justice, aucune autre juridiction n'étant susceptible de statuer sur le présent litige.

La société Veolia Transport, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 9 septembre 2009 soutenues oralement, demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte expressément sur chacun des deux contredits élevés respectivement par les sociétés Alstom et Alstom Transport le 29 avril 2009 à l'encontre du jugement prononcé le 15 avril 2009 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

Vu l'article 89 du code de procédure civile,

- ordonner l'évocation afin de donner à l'affaire une solution définitive,

Vu l'article 544 du code de procédure civile,

- donner acte à la société Veolia Transport de son rapport à justice sur la recevabilité et le fondement de l'appel interjeté,

- délaisser à toute autre partie que la société Veolia Transport les frais et dépens sur contredits et appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par la S.C.P. Jupin & Algrin en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Les parties ont été invitées en cours de délibéré à faire part de leurs observations sur recevabilité du contredit à l'encontre du jugement déféré qui statue à la fois sur une exception de compétence et sur des fins de non recevoir.

Les sociétés Alstom et Alstom transport ont adressé leurs observations à la cour le 3 décembre 2009.

L'AFPS et l'OLP ont transmis leurs observations le 4 décembre 2009.

MOTIFS

sur la jonction des procédures

Pour une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des dossiers enregistrés sous les numéros 09/4772 et 09/4795 et de dire que l'instance se poursuit sous le numéro 09/4772.

sur la recevabilité du contredit

Par le jugement déféré, le tribunal a statué sur une exception d'incompétence et sur des fins de non recevoir qu'il a écartées sauf celle relative à la qualité pour agir de l'OLP qui a été accueillie. En statuant sur la recevabilité des demandes, il n'a pas tranché une partie du principal.

Selon l'article 544 du code de procédure civile, peuvent être immédiatement frappés d'appel les jugements tranchant dans leur dispositif tout ou partie du principal ainsi que les jugements qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l'instance.

Dès lors que le jugement déféré n'a pas tranché tout ou partie du principal et, rejetant les fins de non recevoir, n'a pas mis fin à l'instance, sauf en ce qui concerne l'OLP, qui seule justifierait d'un intérêt à contester cette décision, le seul recours immédiat ouvert est le contredit conformément à l'article 80 du code de procédure civile qui dispose que lorsque le juge se prononce sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit quand bien même le juge aurait tranché la question de fond dont dépend la compétence.

La recevabilité du contredit est subordonnée au respect de trois conditions cumulatives tenant d'une part au délai de 15 jours à compter du jugement critiqué, d'autre part à sa motivation, enfin à la désignation de la juridiction devant laquelle le demandeur à l'exception sollicite que l'affaire soit portée . Il n'est pas contesté que les sociétés Alstom et Alstom transport ont formé contredit dans le délai. Contrairement à ce que soutiennent l'AFPS et l'OLP les contredits sont motivés en fait et en droit de façon appropriée et sérieuse et font état de nombreux moyens de nature à justifier l'incompétence du tribunal ce qui les rend recevables, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le bien fondé des moyens soulevés pour apprécier la recevabilité, l'exigence de motivation sérieuse étant en l'espèce satisfaite. Dès lors que les sociétés Alstom et Alstom transport ont indiqué qu'elles considèrent que les juridictions de Jérusalem sont compétentes pour connaître du litige, elles ont respecté l'obligation qui leur incombe en application de l'article 75 du code de procédure civile de désigner la juridiction compétente sans avoir, s'agissant d'un tribunal étranger, à préciser sa nature et sa localisation exacte.

sur la compétence matérielle du tribunal de grande instance

Dans leurs dernières conclusions de première instance, l'AFPS et l'OLP ont demandé au tribunal, au visa des articles 49 et 53 de la convention de Genève du 12 août 1949, 6, 1131 et 1133 du code civil, de constater le caractère illicite de la cause et partant de l'ensemble du contrat de concession du 22 septembre 2004 dont les sociétés Alstom et Alstom transport se sont portées garantes de l'exécution, du contrat d'ingénierie, d'approvisionnement et de construction conclu au mois de février 2005 entre la société Citypass et la société Alstom transport, d'interdire aux sociétés Alstom, Alstom transport et Veolia transport de poursuivre l'exécution desdits contrats et de tout contrat subséquent sous astreinte et de condamner solidairement les sociétés Alstom, Alstom transport et Veolia transport à leur verser un euro de dommages-intérêts.

C'est à bon droit que le tribunal, sans dénaturer les demandes qui lui étaient soumises, a, conformément aux dispositions de l'article 12 du code de procédure civile qui lui imposent de donner ou restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification sans s'arrêter à la dénomination que les parties ont proposée, considéré qu'il est finalement saisi d'une action tendant à voir reconnaître la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle de parties à un contrat ou des contrats dont il est soutenu, à tort ou à raison, qu'ils sont susceptibles d'être entachés de nullité absolue pour illicéité

de la cause et de l'objet. Eu égard aux demandes présentées, et en l'absence de fondement juridique clairement énoncé, il a explicité le fondement juridique de la demande dont il est saisi, se contentant de vérifier les règles de droit applicables au litige sans introduire aucun élément nouveau dans le débat.

Il est constant qu'un litige tendant à obtenir la réparation d'un dommage causé à des tiers par des parties à un contrat dont il est prétendu que l' objet ou la cause serait illicite relève de la compétence du tribunal de grande instance selon les règles de procédure françaises.

C'est en vain que les sociétés Alstom et Alstom transport se prévalent de l'immunité de juridiction au motif que le débat porte sur la nullité/illicéité d'un contrat dont le gouvernement d'Israël, au nom de l'Etat d'Israël, est le signataire et qui porte sur la concession d'un service public de transport. En effet, le moyen tiré de l'immunité de juridiction constitue, comme le soutiennent justement l'AFPS et l'OLP, une fin de non recevoir et non une exception de procédure ce qui exclut qu'il puisse être examiné dans le cadre d'un contredit.

Il ne peut pas davantage être valablement soutenu que le litige, parce qu'il intéresse indirectement un contrat de concession de service public israélien, étant précisé que le tribunal n'est pas saisi d'une demande d'annulation de ce contrat mais d'une demande en réparation d'un dommage causé non par les parties à ce contrat mais par les parties à d'autres contrats conclus dans le cadre de l'exécution de ce contrat de concession , relèverait de la compétence de la juridiction administrative alors qu'en droit interne cette juridiction serait incompétente pour statuer sur la responsabilité de parties à un contrat de droit privé à l'égard d'un tiers, personne morale de droit privé. Les demandeurs au contredit ne soutiennent d'ailleurs pas que la juridiction administrative française aurait une quelconque compétence pour statuer sur le présent litige, étant précisé que, dans cette hypothèse, seule la voie de l'appel serait ouverte.

Les sociétés Alstom et Alstom transport font valoir qu'elles ne sont pas des défendeurs sérieux et que dès lors la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre ne peut être fondées sur le fait qu'elles ont leurs sièges sociaux dans le ressort de cette juridiction.

En application de l'article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

Celui dont le domicile justifie la compétence doit être personnellement intéressé au procès et apparaître comme un défendeur sérieux.

La société Veolia, qui n'est pas demandeur au contredit, a son siège social à Nanterre ce qui de facto justifie la compétence territoriale de ce tribunal.

En tout état de cause, contrairement à ce qu'elle fait valoir, la société Alstom était un défendeur réel et sérieux lorsque l'instance a été introduite. En effet, ce n'est qu'après plusieurs mois de procédure et deux jugements avant dire droit ayant ordonné la production des contrats permettant de déterminer la nature et l'étendue des engagements des différentes parties que l'AFPS a eu connaissance du contrat conclu entre la société de droit israélien Citypass et la société Alstom transport et a ainsi appris que la société Alstom n'est pas partie contractante. Lors de la délivrance de l'assignation, elle ne disposait d'aucun des contrats et pouvait légitimement penser, à la lecture de la lettre du 9 janvier 2006 de M.[U], président d'Alstom, que cette société participait directement au contrat litigieux puisque celui-ci reconnaissait que la société Alstom , dans le cadre d'un consortium, est en charge de la fabrication de voitures, de la fourniture de la signalisation , de l'infrastructure nécessaire et de la maintenance en vue de la réalisation d'une nouvelle ligne de Tramway reliant différents quartiers de Jérusalem.

Le fait que la société Alstom justifie désormais qu'elle n'a pas conclu les contrats litigieux et qu'elle n'est pas la société mère de la société Alstom transport est indifférent à sa qualité de défendeur réel et sérieux qui s'apprécie lors de l'introduction de l'instance pour déterminer la compétence de la juridiction saisie.

La cour qui statue sur des contredits ne peut se prononcer sur une demande de mise hors de cause qui relève de l'appréciation du juge du fond et n'est au demeurant pas sollicitée dans le dispositif des conclusions de la société Alstom.

Certes le tribunal ne peut retenir sa compétence territoriale au regard de l'intervenant forcé qu'est la société Alstom transport mais cette circonstance est indifférente en l'espèce puisque la compétence du tribunal de grande instance de Nanterre est déterminée par la situation des sièges sociaux tant de la société Alstom, défendeur réel et sérieux, que de la société Veolia transport qui ne remet pas en cause la compétence. La société Alstom transport, conformément à l'article 333 du code de procédure civile, est tenue de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire sans pouvoir décliner la compétence territoriale de cette juridiction.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le tribunal de grande instance de Nanterre a une compétence d'attribution et territoriale pour connaître de la demande présentée par l'AFPS sans que la cour ait à se prononcer sur un supposé déni de justice inhérent à la nature du litige.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence.

Il n'y a pas lieu d'exercer la faculté d'évocation prévue par l'article 89 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

ORDONNE la jonction des dossiers enregistrés sous les numéros 09/4772 et 09/4795 et de dit que l'instance se poursuit sous le numéro 09/4772,

DÉCLARE les contredits recevables,

STATUANT sur l'exception d'incompétence,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE les sociétés Alstom et Alstom transport aux dépens du contredit et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le ministère d'avoué n'étant pas obligatoire dans la procédure de contredit.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette WALLON, président et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 09/04772
Date de la décision : 17/12/2009

Références :

Cour d'appel de Versailles 1A, arrêt n°09/04772 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-12-17;09.04772 ?
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