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19/11/2002 | FRANCE | N°2002-1241

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19 novembre 2002, 2002-1241


Statuant sur l'appel régulièrement formé par Mme X..., mandataire liquidateur de la SA S2V FRANCE, d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre , section activités diverses, en date du 3 octobre 2001, dans un litige l'opposant à Monsieur Christian Y..., en présence de l'UNEDIC délégation AGS -CGEA Ile de France Ouest et qui, sur la demande de Monsieur Christian Y... en "indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, rappel de salaires ", a : * Fixé la créance de Monsieur Christian Y... au passif de la

SA S2V FRANCE aux sommes de : * 63000 F. ( 9604,29 ) au titre...

Statuant sur l'appel régulièrement formé par Mme X..., mandataire liquidateur de la SA S2V FRANCE, d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre , section activités diverses, en date du 3 octobre 2001, dans un litige l'opposant à Monsieur Christian Y..., en présence de l'UNEDIC délégation AGS -CGEA Ile de France Ouest et qui, sur la demande de Monsieur Christian Y... en "indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, rappel de salaires ", a : * Fixé la créance de Monsieur Christian Y... au passif de la SA S2V FRANCE aux sommes de : * 63000 F. ( 9604,29 ) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse * 267750 F. ( 40818,22 ) à titre d'indemnité compensatrice de salaires * DIT que cette créance n'était pas opposable à l'UNEDIC déléga- tion AGS * DÉBOUTÉ Monsieur Christian Y... du surplus de ses demandes EXPOSE DES FAITS Pour l'exposé des faits la Cour retient pour éléments constants : Monsieur Christian Y... a été engagé par la SA S2V FRANCE, en qualité d'assistant d'agence, suivant contrat à durée indéterminée en date du 27 septembre 1996 ; la SA S2V FRANCE a fait l'objet d'une décision de liquidation judiciaire, prononcée par le tribunal de commerce de Paris le 6 décembre 1999 ; Mme CARRASSET Z... a été désignée en qualité de mandataire liquidateur ; Monsieur Christian Y... a été licencié par lettre du 15 décembre 1999 ; son salaire moyen , au jour du licenciement, était de 10500 F. ( 1600,71 ), outre une prime trimestrielle sur objectif ; l'entreprise comptait plus de onze salariés. PRETENTIONS DES PARTIES La SA S2V FRANCE, représentée par Madame M.CARRASSET Z..., par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience, conclut : * À L'INFIRMATION de la décision attaquée * AU DÉBOUTÉ de l'ensemble des demandes de Monsieur Christian Y... A... expose que tant le chef d'entreprise

que le représentant des salariés ignoraient la qualité de salarié protégé de Monsieur Christian Y... ; elle ajoute qu'en toute hypothèse, si la nullité du licenciement devait être confirmée, Monsieur Christian Y..., qui ne peut invoquer aucun préjudice, ne saurait demander le paiement de salaires pour une période postérieure à la liquidation judiciaire ; elle indique que le licenciement, qui était inévitable, a été prononcé en application de la décision judiciaire de liquidation ; elle en déduit que la lettre est suffisamment motivée et soutient que l'obligation de reclassement a été respectée, une réunion s'étant tenu le 10 décembre 1999, en présence du représentant des créanciers, au cours de laquelle il a été constaté qu'aucune possibilité de reclassement n'existait au sein de la S2V PARTICIPATION, détentrice d'une partie du capital. Monsieur Christian Y..., par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience conclut : 52594,91 à titre d'indemnité compensatrice de salaire 1753,16 au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement à la fixation de sa créance au passif de la SA S2V FRANCE et à la garantie de l'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile de France Ouest Il fait valoir qu'il bénéficie du statut de conseiller prud'homal depuis 1992 et que sa protection court jusqu'au 31 décembre 2002; il soutient que la SA S2V FRANCE, qui n'a respecté ni la procédure de droit commun, ni la procédure spéciale, ne peut lui opposer une ignorance de sa qualité ; Monsieur Christian Y... en tire la conséquence qu'il peut prétendre au paiement de salaires jusqu'à l'expiration de la période de protection et une indemnité

pour non respect de la procédure ; il conteste simultanément la légitimité du licenciement, en expli- quant que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée et que des possibi- lités de reclassement n'ont pas été recherchées ; Monsieur Christian Y... estime que sa créance doit être garantie par l'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile de France Ouest, puisqu'elle résulte d'un contrat de travail qui a été rompu dans le délai légal et qu'au surplus, l'article L.143.11.2 du code du travail prévoit une prise en charge par l'effet de la simple volonté du liquidateur de rompre, lorsqu'elle a été manifestée dans le délai de 15 jours suivant la liquidation. L'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile de France Ouest, par conclusions écrites déposées et visées par le greffier à l'audience, conclut : subsidiairement, À CE QU'IL SOIT JUGÉ que sa garantie ne saurait concerner que les salaires dus jusqu'à l'expiration de la période de quinze jours postérieure au jugement de liquidation judiciaire et qu'en tout état de cause, aucune condamnation ne saurait être prononcée contre elle A... fait valoir que s'il devait être fait droit à la demande de Monsieur Christian Y... tendant à la fixation de sa créance au passif, à titre d'indemnité compensatrice de salaire, le licenciement est frappé de nullité de sorte qu'il n'est pas intervenu dans le délai de quinze jours prévu par l'article L.143.11.1 du code du travail pour que la garantie puisse être mise en oeuvre; elle explique, à titre subsidiaire, que la garantie ne pourrait couvrir que les salaires dus pour cette période de quinze jours suivant le jugement de liquidation et que Monsieur Christian Y... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice ; elle soutient, s'agissant de la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, que toute fixation de créance doit lui être déclarée inopposable, compte tenu de la nullité du licenciement .

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la Cour, conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience ainsi qu'à leurs prétentions orales telles qu'elles sont rappelées ci-dessus .

MOTIFS DE LA DECISION Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles L.514.2 et L.122.14.4 du code du travail que le salarié protégé par le statut de conseiller prud'homme qui ne demande pas la poursuite de contrat de travail illégalement rompu, a le droit d'obtenir, d'une part, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, le montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection, dans la limite de la durée de protection accordée aux représentants du personnel et, d'autre part, COMMENT1non seulement aux indemnités de rupture, mais à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à celle prévue par l'article L.122.14.4 du code du travail ; qu'il est constant que Monsieur Christian Y... avait, au moment de son licenciement, la qualité de conseiller prud'homme et qu'il a été licencié par le mandataire liquidateur en violation des règles protectrices prévues par l'article L. 412.18 du code du travail, le mandataire ne pouvant justifier le non respect de COMMENT2la procédure spéciale de licenciement par son ignorance du statut de l'intéressé, compte tenu de l'opposabilité à tous qui s'attache aux résultats des élections prud'homales, de la possibilité de consulter la liste des conseillers élus en préfecture et de la publication de cette liste au recueil des actes administratifs de la préfecture ; Considérant, en conséquence, que Monsieur Christian Y... peut prétendre, en premier lieu, au paiement du montant de la rémunération qu'il aurait perçue, dans la limite de 30 mois de salaires, la

circonstance que la SA S2V FRANCE ait fait l'objet d'une liquidation COMMENT3judiciaire ne privant pas le salarié protégé de cette créance à l'égard de la société, ainsi qu'à l'indemnité qu'il sollicite en réparation du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement équivalente à six mois de salaires ; que l'indemnisation de la période de protection est une indemnisation forfaitaire qui sanctionne le non respect du statut protecteur et ne constitue ni des dommages intérêts destinés à réparer un préjudice, ni des salaires mais bien une indemnité sanctionnant le non respect du statut protecteur du salarié conseiller prud'homme pour la durée de cette protection, indemnité née à l'occasion de la rupture du contrat de travail par le mandataire liquidateur dans le délai de quinzaine ; que, de même, l'indemnité de licenciement nul, qui occasionne nécessairement un dommage à raison du caractère illicite du licenciement, est une indemnité née de la rupture du contrat de travail intervenue dans les même conditions ; Considérant que l'article L.143.11.2 du code du travail dispose que les créances résultant du licenciement des salariés bénéficiaires d'une protection particulière relative au licenciement sont couvertes par l'assurance dès lors que le liquidateur a manifesté, au cours de la période de quinze jours suivant le jugement de liquidation, son intention de rompre le contrat de travail. COMMENT4; que la notification d'un licenciement, même illicite, est la manifestation d'une intention de rompre en sorte que l'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile de France Ouest doit sa garantie sur les créances de Monsieur Christian Y... à l'encontre de la SA S2V FRANCE, qui seront fixées au passif de la liquidation judiciaire ; Considérant que l'équité commande de mettre à la charge de la SA S2V FRANCE une somme de 1980 en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de Monsieur Christian Y... au titre de ses frais de première

instance et d'appel ; PAR CES MOTIFS : La COUR, STATUANT publiquement par arrêt contradictoire, INFIRME PARTIELLEMENT le jugement et statuant à nouveau : FIXE la créance de Monsieur Christian Y... au passif de la SA S2V FRANCE, par arrêt opposable à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile de France Ouest, aux sommes de : * 52594,91 (CINQUANTE DEUX MILLE CINQ CENT QUATRE VINGT QUATORZE UROS QUATRE VINGT ONZE CENTIMES) au titre du montant de la rémunération qu'aurait dû percevoir le salarié pendant la période de protection * 10518,98 (DIX MILLE CINQ CENT DIX HUIT UROS QUATRE VINGT DIX HUIT CENTIMES) au titre du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement * 1980 (MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT UROS) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile DÉBOUTE Monsieur Christian Y... de sa demande d'in- demnité pour non respect de la procédure de licenciement DIT que l'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile de France Ouest doit sa garantie dans la limite de ses obligations légales, dans la limite du plafond 13 de l'article D.143.2 du code du travail, à l'exclusion de la créance au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile MET les dépens à la charge de la SA S2V FRANCE et ordonne l'emploi des dépens en frais de justice privilégiés. Et ont signé le présent arrêt, Monsieur BALLOUHEY B... et Madame C..., Greffier. LE GREFFIER

LE B...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 2002-1241
Date de la décision : 19/11/2002

Analyses

PRUD'HOMMES - Conseil de prud'hommes - Conseiller - Statut protecteur - Portée - /.

Il résulte de la combinaison des articles L 514-2 et L 122-14-4 du Code du travail que le salarié protégé par le statut de conseiller prud'homme qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, peut prétendre, d'une part, au titre de la méconnaissance de son statut protecteur, au montant de la rémunération qu'il aurait du percevoir entre son éviction et l'expiration de la période de protection, à concurrence de la durée accordée aux représentants du personnel et, d'autre part, outre les indemnités de rupture, à une indemnité destinée à réparer l'intégralité du préjudice causé par le caractère illicite du licenciement, laquelle ne peut etre inférieure aux salaires des six derniers mois , en application de l'article L.122-14-4 du Code du travail

CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Domaine d'application - Créances nées du contrat de travail - Indemnité résultant de la nullité du licenciement d'un salarié protégé - /.

La circonstance qu'un employeur ait fait l'objet d'une liquidation judiciaire après avoir évincé de manière illicite un salarié bénéficiant du statut protecteur attaché à sa qualité de conseiller prud'homme, n'est pas de nature à priver ce salarié du droit de créance conféré par ce statut dès lors que cette indemnisation s'analyse, à l'exclusion de toute notion de salaires ou de dommages-intérêts, en une sanction forfaitaire qui est attachée au non respect du statut protégé, pour la durée de celui-ci, et naît du licenciement que prononce le liquidateur dans les quinze jours de la liquidation ; il en va de même de l'indemnité due au titre du licenciement nul, en ce qu'elle sanctionne le caractère illicite du licenciement

CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Domaine d'application - Créances résultant de la rupture contrat de travail - Condition - /.

Selon l'article L 143-11-2 du Code du travail, les créances résultant des licenciements des salariés protégés sont couvertes par l'assurance dès lors que le liquidateur a manifesté, dans les quinze jours suivant le prononcé de la liquidation, son intention de rompre le contrat de travail.Il suit de là que la notification dans le délai spécifié, d'un licenciement, fut-il illicite, constitue la manifestation d'un intention de rupture qui implique une prise en charge des créances du salarié par l'assurance


Références :

articles L.122-14-4, L.143-11-1 et L.514-2 du Code du travail

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2002-11-19;2002.1241 ?
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