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08/02/2001 | FRANCE | N°1999-1980

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 février 2001, 1999-1980


FAITS ET PROCEDURE : La société AMBASSADE PACKAGE, entreprise spécialisée dans la vente de matériel informatique, s'est adressée à la société METROLOGIE pour lui demander de lui faire une proposition pour 1.000 disques HP 9 Go (référence D 4289A) et pour 1.000 disques HP 18 Go (référence D 5039). Par télécopie en date du 24 juin 1998, la société METROLOGIE a fait parvenir à la société AMBASSADE PACKAGE une proposition de prix portant sur des disques durs, et ce pour les montants et les quantités ci-dessous : q 1.000 disques durs 18 Go, pour un montant de 19.550.000,00 fran

cs, avec une remise de 50 %, q 1.000 disques durs 9 Go, pour un mont...

FAITS ET PROCEDURE : La société AMBASSADE PACKAGE, entreprise spécialisée dans la vente de matériel informatique, s'est adressée à la société METROLOGIE pour lui demander de lui faire une proposition pour 1.000 disques HP 9 Go (référence D 4289A) et pour 1.000 disques HP 18 Go (référence D 5039). Par télécopie en date du 24 juin 1998, la société METROLOGIE a fait parvenir à la société AMBASSADE PACKAGE une proposition de prix portant sur des disques durs, et ce pour les montants et les quantités ci-dessous : q 1.000 disques durs 18 Go, pour un montant de 19.550.000,00 francs, avec une remise de 50 %, q 1.000 disques durs 9 Go, pour un montant de 10.050.000,00 francs, avec une remise de 50 %. Après que la société CDA DEVELOPPEMENT, client de la société AMBASSADE PACKAGE, eut passé une commande complémentaire de 500 disques HP 9.0, la société METROLOGIE a, le 29 juin 1998, adressé une nouvelle proposition de prix portant sur les mêmes matériels, dans les conditions suivantes : q 1.000 disques 18 Go pour 11.880.000,00 francs, q 1.000 disques 9 Go pour 9.162.000,00 francs, ces prix intégrant une remise de 39,23 %. Estimant que la société METROLOGIE était tenue par l'offre avec remise de 50 % initialement faite par elle, la société AMBASSADE PACKAGE a, dans un premier temps par acte d'huissier du 03 juillet 1998, fait assigner devant le Juge des Référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE la SA METROLOGIE en vue d'obtenir sa condamnation, sous astreinte de 50.000 francs par jour de retard, à livrer le matériel ayant fait l'objet de la première proposition. Par ordonnance en date du 07 juillet 1998, le Président du Tribunal de Commerce de NANTERRE a dit n'y avoir lieu à référé, et a renvoyé les parties à se pourvoir au fond. Les parties se sont présentées volontairement devant le Tribunal statuant au fond, et la société AMBASSADE PACKAGE, modifiant sa demande initiale, a sollicité la condamnation de la société METROLOGIE à lui payer la somme de 1.430.000 francs à titre de dommages-intérêts pour

révocation abusive de l'offre du 24 juin 1998. Par jugement du 21 janvier 1999, cette juridiction a : q débouté la SA AMBASSADE PACKAGE de l'ensemble de ses demandes ; q condamné la SA AMBASSADE PACKAGE à payer à la SA METROLOGIE FRANCE la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; q condamné la SA AMBASSADE PACKAGE aux dépens. La société AMBASSADE PACKAGE SA a interjeté appel de ce jugement. Elle fait valoir que la proposition faite le 24 juin 1998 par la société METROLOGIE, comportant mention d'une remise de 50 %, ne constitue pas une simple invitation aux pourparlers, mais s'analyse en une offre de contracter. Elle soutient également que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, cette offre n'est assortie d'aucune réserve, dans la mesure où la réserve expressément édictée par l'article 3 des conditions générales de vente ne porte que sur la possibilité de remplacer les produits proposés par la partie adverse, sans toutefois permettre une révision des prix commandés. De plus, elle considère que cette première offre a été abusivement révoquée le 29 juin 1998, dès lors que celle-ci était assortie d'un délai de quinze jours à compter de son émission et expirant le 11 juillet 1998, ce qui interdisait à la société intimée d'émettre le 29 juin 1998 une nouvelle offre qui réduisait la remise initialement accordée de 50 % à 37 %. Relevant que la révocation abusive de l'offre du 24 juin 1998 a été à l'origine d'un manque à gagner important pour l'appelante, dans la mesure où celle-ci avait la faculté de vendre au revendeur CDA les matériels litigieux avec une marge commerciale de 1.430.000 francs si elle avait pu bénéficier de la remise de 50 % à l'achat de ces matériels, la société AMBASSADE PACKAGE demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, et de : q constater que la proposition du 24 juin 1998 était une offre ferme de contracter, dont la durée de validité était de 15 jours à compter de son émission ; q constater que l'offre du 29

juin 1998 révoque purement et simplement l'offre du 24 juin 1998 ; q condamner la société METROLOGIE à payer à la société AMBASSADE PACKAGE la somme de 1.430.000 francs, montant du manque à gagner subi. La société appelante conclut également à la condamnation de la société intimée au paiement de la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. La société METROLOGIE réplique qu'il résulte de l'article 3 des conditions générales de vente que, contrairement à ce que soutient la partie adverse, la "proposition de prix" du 24 juin 1998 est, non une offre, mais un simple appel d'offre. Elle explique que, alors que la commande de la société AMBASSADE PACKAGE n'a été formulée que le 29 juin 1998, c'est seulement l'acceptation par l'intimée de la commande faite par l'appelante qui aurait permis la formation du contrat de vente. Elle relève que la partie adverse ne peut sérieusement prétendre que ces conditions générales de vente lui seraient inopposables, alors que celles-ci ont été expressément approuvées le 12 mars 1998 par le Président-Directeur-Général de la société appelante. Elle fait également observer qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas respecté la forme prescrite par l'article 3 des conditions générales à raison du défaut d'envoi de l'accusé de réception de la commande, dans la mesure où l'assignation en référé diligentée par la partie adverse ne lui a pas laissé le temps de réagir à la commande faite par celle-ci. Elle précise que l'affirmation de l'appelante selon laquelle les prix figurant dans l'offre sont garantis et ne sauraient être modifiés procède d'une mauvaise lecture du dernier alinéa de l'article 3 des conditions générales, lequel se contente d'envisager le formalisme requis en cas de modification de la commande par METROLOGIE, ce qui ne concerne donc pas l'hypothèse, propre à la présente espèce, d'une modification du prix. A supposer que la qualification d'offre soit retenue, la

société METROLOGIE indique que, dès lors que la proposition de prix du 24 juin 1998 n'avait pas été acceptée par la société AMBASSADE PACKAGE avant qu'elle reçoive la seconde proposition du 29 juin 1998 (laquelle portait sur des quantités supérieures), cette première proposition ne pouvait valablement engager la société intimée. Elle expose qu'en admettant qu'il puisse être considéré qu'elle a révoqué la première offre alors qu'elle s'était engagée à la maintenir pendant 15 jours, la révocation de la première offre et l'émission d'une seconde offre ne revêtent aucun caractère abusif, dès lors que le constructeur des produits commandés, HEWLETT PACKARD, avait refusé de remiser ces produits au-delà de 37 %, et que la réduction de la remise initialement accordée était donc imposée par un tiers, ce qui mettait l'intimée dans l'obligation de la répercuter sur les acheteurs, sous peine de tomber sous le coup de l'infraction des ventes à perte. Elle ajoute qu'à supposer qu'il soit jugé qu'il y a eu révocation abusive de l'offre faite à la partie adverse, la société intimée conclut au rejet de la demande de dommages-intérêts présentée par la société appelante pour perte de marge commerciale, dès lors que, s'agissant d'une responsabilité de nature délictuelle, la société AMBASSADE PACKAGE ne saurait être indemnisée par le biais de l'action en réparation résultant de l'exécution d'un contrat, et dès lors en outre qu'elle ne produit pas de justificatifs probants sur les éléments constitutifs de son préjudice et de son quantum. Par voie de conséquence, la société METROLOGIE conclut à la confirmation du jugement entrepris, et à la condamnation de la société AMBASSADE PACKAGE au paiement d'une somme de 25.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. " MOTIFS DE LA DECISION : SUR LA NATURE JURIDIQUE DE LA PROPOSITION DU 24 JUIN 1998 : Considérant que, pour conclure que la proposition de la société METROLOGIE en date du 24 juin 1998 doit

s'analyser en une offre de contracter et non en une simple invitation à des pourparlers, la société AMBASSADE PACKAGE fait valoir que cette proposition précise la chose offerte et indique le prix demandé, puisqu'elle identifie le matériel informatique en y adjoignant son prix de vente ; considérant que la société appelante soutient également qu'il ne s'agit pas davantage d'une offre assortie d'une réserve, dès lors que la réserve visée à l'article 3 des conditions générales de vente de la société METROLOGIE ne porte que sur la possibilité pour celle-ci de remplacer les produits proposés, mais ne lui permet nullement de procéder à une révision du prix des produits commandés ; mais considérant que, pour pouvoir être valablement qualifiée d'offre, la proposition doit être ferme, en ce sens qu'elle doit manifester la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, et qu'elle ne doit donc être assortie d'aucune condition ou réserve de nature à priver l'éventuel acceptant de son pouvoir de décision ; or considérant qu'il résulte de l'article 3 de ses conditions générales de vente que la société METROLOGIE accepte les commandes, soit par la livraison des produits dans les conditions figurant sur ses factures, soit par l'émission, dans les huit jours ouvrés de la réception de la commande, d'un accusé de réception de commande par lequel elle indique les termes et conditions de son acceptation ; considérant qu'il s'ensuit que, compte tenu des termes de cette clause, la société intimée a clairement manifesté qu'elle n'entendait pas être liée par l'acceptation de sa proposition par l'acheteur ; considérant que la société appelante soutient vainement que ces conditions générales de vente ne lui seraient pas opposables au motif qu'elles n'accompagnaient pas la proposition de prix du 24 juin 1998, alors que cette proposition contient la mention expresse que les ventes de METROLOGIE : "sont conclues exclusivement en vertu des conditions générales de vente figurant dans le dernier catalogue

de METROLOGIE", et alors que lesdites conditions générales étaient nécessairement connues de la société AMBASSADE PACKAGE, pour avoir été expressément approuvées par son dirigeant le 12 mars 1998 ; considérant qu'elle n'est pas davantage fondée à prétendre que l'article 3 des conditions générales précitées autoriserait la partie adverse à n'apporter des modifications à sa commande qu'en cas d'absence des produits commandés et sous réserve d'en informer le client, alors qu'il n'est nullement précisé que la société intimée se serait formellement engagée à ne pas modifier le prix ; considérant qu'en l'occurrence, il apparaît que, par l'envoi du document établi le 24 juin 1998, la société METROLOGIE s'est contentée d'informer la société AMBASSADE PACKAGE des prix pratiqués sur les produits référencés, en vue de provoquer une éventuelle offre d'achat de la part de son interlocuteur ; considérant qu'il est constant que, alors que la société intimée avait adressé le 29 juin 1998 à 12 h 22 une nouvelle proposition de prix comportant une remise moins avantageuse (d'environ 39 %) que celle figurant sur sa première proposition, la société appelante a passé sa commande valant offre d'achat le 29 juin 1998 à 18 h 58 aux conditions de remise telles que prévues dans cette première proposition ; considérant que, toutefois, il s'avère que la société METROLOGIE n'a pas été en mesure de prendre position sur la commande de la société AMBASSADE PACKAGE, dès lors que, dans le délai de huit jours ayant suivi cette commande, elle a été destinataire d'une assignation en référé tendant à obtenir livraison du matériel commandé en conformité avec les stipulations de la proposition d'origine ; considérant qu'il s'infère de la chronologie des faits ainsi que des conditions générales de vente ci-dessus rappelées qu'en vertu de la proposition de prix qu'elle a adressée le 24 juin 1998 à la partie adverse, la société METROLOGIE s'est réservé une faculté d'agrément, manifestant qu'elle n'avait pas la volonté d'être liée

par l'acceptation de sa proposition par la société AMBASSADE PACKAGE ; considérant que, dès lors, loin de pouvoir être qualifiée d' "offre", cette proposition a constitué seulement une invitation à des pourparlers, dans le cadre desquels la société METROLOGIE pouvait valablement faire une nouvelle proposition de prix comportant une remise d'un montant inférieur à celui initialement prévu ; considérant qu'au surplus, la société intimée ne peut se voir reprocher d'avoir prématurément mis fin à ces pourparlers, dans la mesure où les négociations se seraient normalement poursuivies entre les parties au moins dans le délai de quinze jours prévu dans la proposition du 24 juin 1998 si la société appelante n'avait pas pris l'initiative d'une procédure de référé dès le début du mois de juillet 1998 ; considérant que, cette proposition ne pouvant s'analyser comme une offre ferme de contracter, il s'ensuit que l'envoi en date du 29 juin 1998 par la société METROLOGIE d'une nouvelle proposition comportant une modification du montant de la remise ne revêt pas de caractère fautif ; considérant que le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société AMBASSADE PACKAGE de sa demande de dommages-intérêts pour révocation abusive d'une prétendue offre. SUR LES DEMANDES ANNEXES : Considérant que l'équité ne commande pas d'allouer en cause d'appel à la société METROLOGIE, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, une indemnité venant en complément de la somme de 30.000 francs qui lui a été octroyée de ce chef en première instance ; considérant qu'il n'est pas inéquitable que la société appelante conserve la charge de l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente procédure ; considérant que la société AMBASSADE PACKAGE, qui succombe dans l'exercice de son recours, doit être condamnée aux dépens d'appel. " PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et

en dernier ressort, Ï DECLARE recevable l'appel interjeté par la SA AMBASSADE PACKAGE, LE DIT mal fondé ; Ï CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Ï DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel ; Ï CONDAMNE la société AMBASSADE PACKAGE aux dépens d'appel, et AUTORISE la SCP KEIME etamp; GUTTIN, société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE CONSEILLER QUI A ASSISTE AU PRONONCE

FAISANT FONCTION DE PRESIDENT M. CHRISTINE X...

F. LAPORTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-1980
Date de la décision : 08/02/2001

Analyses

VENTE - OFFRE - Définition

Une proposition de vente ne peut être qualifiée d'offre qu'à condition d'être ferme, c'est-à-dire de manifester la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. Elle exclut toute condition ou réserve de nature à priver l'éventuel acceptant de son pouvoir de décision. Tel n'est pas le cas d'une proposition faite au visa exprès de conditions générales de ventes qui spécifient les modalités d'acceptation des commandes, soit par livraison des marchandises aux conditions de la facture, soit par émission dans les huit jours ouvrés d'un accusé de réception de commande indiquant les termes et conditions de son acceptation. Il suit de là que la succession à moins de huit jours d'intervalle de deux propositions assorties de la même faculté d'agrément ne revêt aucun caractère fautif, dès lors que ces propositions qui ne peuvent être qualifiées d'offres, s'analysent comme de simples invitations à des pourparlers autorisant le vendeur à modifier ses prix et le pourcentage de remise


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2001-02-08;1999.1980 ?
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