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07/11/2018 | FRANCE | N°15/02614

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 07 novembre 2018, 15/02614


07/11/2018








ARRÊT N°353





N° RG 15/02614 - N° Portalis DBVI-V-B67-KLN2


MS/CT





Décision déférée du 07 Mai 2015 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2011J01438


M.X...


























SARL BEIBI








C/





SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE




























































































CONFIRMATION











Grosse délivrée





le





à


REPUBLIQUE FRANCAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


***


COUR D'APPEL DE TOULOUSE


2ème chambre


***


ARRÊT DU SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT


***





APPELANTE





SARL BEIBI Représentée par ses mandataires sta...

07/11/2018

ARRÊT N°353

N° RG 15/02614 - N° Portalis DBVI-V-B67-KLN2

MS/CT

Décision déférée du 07 Mai 2015 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 2011J01438

M.X...

SARL BEIBI

C/

SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANTE

SARL BEIBI Représentée par ses mandataires statutaires et légaux domiciliés en cette qualité au siège social [...]

Représentée par Me Pascal Y... de la SCP BOYER & Y..., avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me François B... , avocat au barreau de BEZIERS

INTIMEE

SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social [...]

Représentée par Me Olivier Z... de la SCP Z... & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 11 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

F. PENAVAYRE, président

M. SONNEVILLE, conseiller, chargé du rapport

S. TRUCHE, conseiller

Greffier, lors des débats : J. BARBANCE- DURAND

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par F. PENAVAYRE, président, et par C. OULIE , greffier de chambre

FAITS ET PROCEDURE

Depuis la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, la société EDF et, de façon marginale, les entreprises locales de distribution, ont l'obligation d'acheter l'électricité produite par les installations utilisant des énergies renouvelables, mais seulement dès lors que les installations de production sont reliées aux réseaux publics de distribution qu'ils exploitent (article 5 du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001, aujourd'hui articles L. 314-1 et suivants du code de l'énergie).

L'électricité devait, par principe, être achetée à un prix supérieur à celui du marché, tenant compte de l'importance de l'investissement initial pour les unités de production à base d'énergies renouvelables. Cependant, les surcoûts supportés de ce fait par EDF devaient être compensés par une partie de la 'contribution au service public de l'électricité', (ou CSPE), payée par chaque consommateur.

En 2006, les tarifs d'achat de l'énergie photovoltaïque ont connu une augmentation conséquente (+ 260%); la Commission de Régulation de l'Energie, dans son rapport pour l'année 2010, a considéré que 'les tarifs définis en 2006 se sont révélés exagérément incitatifs à partir de 2009 en raison de la baisse importante des coûts de production, ce qui a entraîné une explosion des demandes de contrats d'achat au second semestre 2009".

Pour pouvoir bénéficier de l'obligation d'achat et conclure une convention avec EDF, tout candidat à la production d'électricité doit préalablement déposer une demande de raccordement au réseau public de distribution d'électricité, qui vaut depuis 2010 demande de convention d'achat par EDF; elle est adressée à ERDF, devenue Enedis, filiale d'EDF en charge de la gestion et de l'entretien du réseau et le pétitionnaire doit conclure une convention de raccordement.

Une délibération de la Commission de Régulation de l'Energie du 11 juin 2009 porte décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement de ces demandes et un référentiel pris en application de cette délibération vient définir la procédure conduisant à la conclusion d'un contrat entre ERDF et un candidat à la production d'électricité, qui prévoit qu'ERDF a l'obligation de transmettre au pétitionnaire une offre de raccordement, sous forme de proposition technique et financière (dite et ci-après désignée PTF) dans les trois mois de la réception de la demande de raccordement complétée.

Par arrêté en date du 12 janvier 2010, les tarifs d'achat de l'électricité produite à partir d'unités de production basées sur l'énergie photovoltaïque ont été revus à la baisse et il a été prévu que la date de demande complète de raccordement au réseau de distribution déterminait les tarifs applicables à une installation.

Une étude menée entre avril et juillet 2010 par une mission nommée à cette fin (dite mission Charpin) a préconisé la baisse immédiate des tarifs d'achat, ce qui a donné lieu à une annonce publique par le gouvernement le 23 août 2010, puis à un arrêté du 31 août 2010 prévoyant une nouvelle baisse de ces tarifs de 12% à compter du lendemain de sa promulgation, soit le 2 septembre 2010.

Le 9 décembre 2010, après la dénonciation publique le 2 décembre 2010 par le premier ministre de l'existence d'une 'bulle spéculative' générée par l'exploitation de ce mode de production, un moratoire a été fixé par décret du 9 décembre 2010, suspendant pour une durée de trois mois l'obligation d'achat de l'électricité ainsi produite et prévoyant :

- une application rétroactive, s'appliquant aux installations supérieures à 3 kW c dont le producteur n'avait pas notifié au gestionnaire de réseau son acceptation de la PTF, pour le raccordement au réseau avant le 2 décembre 2010,

- la subordination au bénéfice du tarif d'achat en vigueur avant le moratoire à la mise en service de l'installation dans un délai de 18 mois à compter de la notification de la PTF, ou lorsque cette notification était antérieure de plus de 9 mois à la date d'entrée en vigueur du décret, à la mise en service de l'installation dans les 9 mois suivants cette date,

- la prolongation de ces délais lorsque la mise en service de l'installation était retardée du fait de la réalisation des travaux nécessaires au raccordement et à condition que l'installation ait été achevée dans les délais.

A l'issue de la période du moratoire, deux arrêtés du 4 mars 2011 ont entendu favoriser la création des unités d'une capacité supérieure à 500 kilowatt crête (kW c) et ont prévu la mise en place de procédures d'appel d'offre pour les unités d'une puissance de plus de 100 kW c, ainsi qu'une baisse très conséquente des tarifs pour les unités d'une puissance inférieure à 100 kW c (entre 15% et 75%), couplée à l'annonce d'une révision trimestrielle des tarifs pour les unités dont la puissance n'atteignait pas 500 kW c.

La société Beibi, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Foix le 17 janvier 2001, exerce une activité de bureau d'étude, de coordination de chantiers, de formation professionnelle et de suivi technique et énergétique dans toutes activités touchant au bâtiment, aux travaux publics et à l'environnement. Elle a entrepris les démarches pour construire une centrale photovoltaïque sur la commune de Miremont, de 247,94 kW crête, dont le coût était prévu pour être de 563.759 €.

La société Beibi a adressé une demande de raccordement datée du 31 août 2010. Le 6 octobre 2010, ERDF en a accusé réception au 31 août 2010 et déclaré le dossier complet.

Par message du 26 novembre 2010, ERDF a dit à la société Beibi que la date de complétude de sa demande était fixée au 25 octobre 2010. La société Beibi avait répondu le 25/10/10 à un message qui n'est pas produit en joignant le plan de masse, le plan cadastral et le point de livraison.

Aucune PTF n'a été reçue par la société Beibi. ERDF, par courrier du 20 janvier 2011 l'a invitée à présenter une nouvelle demande à l'issue du moratoire.

A l'issue de ce moratoire et en considération des arrêtés du 4 mars 2011, la société Beibi n'a pas déposé de nouvelle demande de raccordement.

Soutenant que la société ERDF avait commis des fautes, la société Beibi l'a faite assigner devant le tribunal de commerce de Toulouse suivant exploit d'huissier en date du 10 novembre 2011 en paiement de la somme, en principal, de 1.463.112 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil.

ERDF a appelé en cause son assureur, la compagnie Axa CS; le tribunal de commerce s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes, ce qu'a confirmé la cour d'appel de Toulouse par arrêt en date du 3 septembre 2014.

Par jugement du 7 mai 2015, le tribunal a constaté le désistement d'instance de la société ERDF à l'encontre de Axa, a débouté la société Beibi de ses demandes et l'a condamnée au paiement d'une somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 3 juin 2015, la société Beibi a relevé appel du jugement.

Par ordonnance du 26 juin 2016, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans la présente instance dans l'attente de la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne sur la question préjudicielle dont elle a été saisie par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 décembre 2015.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 26 juin 2018.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.

* Par conclusions notifiées le 25 juin 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Beibi demande à la cour de :

'- Vu la doctrine et la jurisprudence citées,

- Vu la loi n 2000-108 du 10 février 2000, le décret n 2000-877 du 7 septembre 2000, le décret n 2003-229 du 13 mars 2003, l'arrêté du 17 mars 2003, le décret n 2003-588 du 27 juin 2003, le décret n 2006-1731 du 23 décembre 2006, le décret n 2007-1280 du 28 août 2007, le décret n 2007-1826 du 24 décembre 2007, le décret n 2008-386 du 23 avril 2008, la délibération de la CRE du 9 juin 2009 et la décision de l'autorité de la concurrence du 14 février 2013,

- Vu les articles 9 et 668 du CPC,

- Vu l'article 1240 du Code civil, anciennement 1382,

- Vu l'article 1190 du code civil anciennement 1162,

- Vu l'ordonnance de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 15 mars 2017,

- Vu la décision de la Commission de Bruxelles du 10 février 2017 déclarant compatible au droit communautaire le dispositif d'obligation d'achat,

- Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 19 février 2013 et l'arrêt du Conseil d'Etat du 7 juin 2017,

- Vu l'arrêt du Conseil d'Etat du 15 avril 2016,

- Vu l'arrêt de la CJCE du 12 février 2008,

- Vu le règlement CE n 659/1999 du 22 mars 1999,

- Vu la décision du 21 décembre 2009 de la Commission de Bruxelles,

- Vu le règlement européen 800/2008 du 6 août 2008,

- Vu le règlement européen 651/2014 du 17 juin 2014,

- Vu la directive 2009/28/CE lue en combinaison avec les articles 107, 3 b, c et e, et 109 du TFUE,

- Vu l'absence de remise en cause du système d'aide d'Etat constituée par les textes instaurant la CSPE,

- Vu l'arrêté du 12 janvier 2010 fixant uniquement le tarif d'achat sans instaurer le mécanisme de la compensation du surcoût de l'obligation d'achat par l'opérateur obligé,

- Vu l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 validant législativement l'arrêté du 12 janvier 2010 et lui ôtant donc son caractère réglementaire,

- Vu le rapport de la Cour des comptes européenne,

- Vu l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 2012 rejetant le recours contre l'article 88 de la loi du 12 juillet 2010 validant l'arrêté du 12 janvier 2010,

- Vu la jurisprudence unique produite par AXA permettant uniquement la remise en cause d'une disposition réglementaire,

- Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 8 février 2018,

- Jugeant que le propre de la responsabilité civile est de replacer la victime dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise et, par voie de conséquence, en l'absence d'annulation des contrats en cours, que la concluante aurait obtenu un contrat d'achat insusceptible d'être remis en cause,

- Jugeant que par sa validation législative du 12 juillet 2010, l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a plus le caractère réglementaire,

- Jugeant l'impossibilité pour le Tribunal de commerce puis la Cour de céans de remettre en cause une disposition législative,

- Jugeant l'absence de démonstration de la réunion des trois critères de l'aide d'Etat exclus par la Cour de Justice de l'Union Européenne au visa de l'article 9 du CPC,

- Constatant que ERDF comme ses assureurs n'invoquent pas que les contrats en cours soient annulables,

- Jugeant que même une illégalité de l'arrêté ne peut avoir pour effet de remettre les contrats conclus en cause et que le contrat d'achat aurait nécessairement été conclu en 2011 sans difficulté puisque l'arrêté du 12 janvier 2010 ne fait l'objet d'aucun recours et qu'il est définitif,

- Jugeant que même dans l'hypothèse d'une invalidation de l'arrêté du 12 janvier 2010, celle-ci ne peut être rétroactive au vu de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne et du nombre de contrats impactés;

- En tout état de cause, jugeant la conformité avec le droit européen de l'aide d'Etat apportée aux énergies renouvelables et au secteur photovoltaïque en particulier excluant que l'arrêté du 12 janvier 2010 puisse être invalidé, même s'il devait être considéré comme une aide d'Etat et avait organisé la CSPE,

- Jugeant que la notification d'un arrêté vise uniquement à permettre le contrôle de sa compatibilité avec le Droit communautaire mais que seule l'incompatibilité avec ce Droit est susceptible d'entraîner l'illicéité de la demande,

- Constatant que la demande ne consiste pas à obtenir un contrat d'achat en application de l'arrêté du 12 janvier 2010,

- Constatant que si l'arrêté du 12 janvier 2010 devait être écarté, l'arrêté du 10 juillet 2006 s'appliquerait avec un tarif de 60,176 cts/kWh en lieu et place des 42 ou 50 cts revendiqués,

- Jugeant la faute d'ERDF consistant en l'absence de transmission dans le délai réglementaire de trois mois d'une proposition technique et financière et en la violation de l'obligation d'instruction des dossiers de manière non-discriminatoire,

- Jugeant l'existence du lien de causalité aussi bien sur la causalité adéquate que sur l'équivalence des conditions,

- Constatant l'absence d'une quelconque pièce venant démontrer l'augmentation prétendue par la seule ERDF des demandes de raccordements durant la dernière semaine d'août 2010,

- Rappelant que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même et qu'il appartenait donc à ERDF de produire la file d'attente des dossiers de demande de raccordement,

- Jugeant qu'ERDF est soumise à une obligation de résultat par l'absence d'aléa sur la réalisation de sa prestation et que ceci entraine l'existence du lien de causalité,

- Constatant qu'ERDF n'a pas même respecté une obligation de moyen en embauchant uniquement 18 intérimaires à l'automne 2010 alors que la période était prétendument critique,

- Constatant la parfaite connaissance par ERDF du problème des retards dans le traitement des demandes de raccordement excluant toute imprévisibilité et toute extériorité, et par voie de conséquence toute force majeure,

- Constatant la baisse très importante des demandes de raccordement en soutirage et l'application de la même documentation technique aux demandes de raccordement en injection, excluant toute irrésistibilité, et par voie de conséquence toute force majeure,

- Constatant l'aveu d'ERDF devant l'Autorité de la concurrence de ne pas avoir traité les dossiers dans l'ordre chronologique, fait constitutif de discrimination,

- Jugeant qu'il est démontré qu'il était possible de se déplacer dans les locaux d'ERDF pour retourner sa PTF acceptée le mercredi 1er décembre 2010, et confirmant ainsi le lien de causalité,

- Rejeter toute conséquence du défaut de notification de l'arrêté du 12 janvier 2010,

- Rejeter l'argument de l'illégitimité et de l'illicéité de la demande,

- Constatant la pérennité du tarif d'achat et la fiabilité de la technologie photovoltaïque,

- Constatant la fiabilité des prévisions de production d'énergie par la transmission de pièces afférentes à plusieurs dizaines de centrales en fonctionnement,

- Jugeant que la jurisprudence indemnise dans une telle hypothèse (contrat d'achat obligatoire à un tarif connu pour une durée déterminée) la perte de marge sur le contrat perdu,

- Constatant que même l'application de la théorie de la perte de chance aboutit à l'indemnisation de près de 100% de la perte de marge,

- Constatant la complétude du dossier au 31 août 2010,

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- Par voie de conséquence, condamner ERDF devenue ENEDIS à payer à BEIBI une indemnité sur la base de la somme de 1 463 112 € outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- A titre subsidiaire, si la méthode de la VAN devait être retenue, condamner ERDF devenue ENEDIS à payer à BEIBI une indemnité sur la base de la somme de 1 515 914 €,

- Jugeant qu'en tout état de cause, si l'arrêté du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de base au calcul de l'indemnisation, la Cour peut valablement l'évaluer à titre forfaitaire et non plus consécutivement au calcul lié à l'arrêté, à la somme de 1 463 112 € et condamner ENEDIS sur la base de ce montant,

- Condamner en outre ERDF devenue ENEDIS au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du C.P.C. ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de la SCP BOYER ' Y....

Les diverses dispositions reprises intégralement ci-dessus qui demandent de 'constater' ou de 'dire que' ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais les moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, qui se trouvent ainsi suffisamment exposés ici.

* Par conclusions notifiées le 11 juin 2018, auxquelles il convient de se reporter pour le détail des moyens et arguments, la société Enedis, anciennement ERDF, demande à la cour de :

Vu les dispositions du Code de l'énergie, notamment ses articles L121- 1 et suivants, L111-51 et

L111-52

Vu les décrets 2001-410, 2008-386, 2010-1510, 2011-240

Vu les articles 1240 et suivants du Code civil

Vu les articles 107 et 108, paragraphe 3, du TFUE

Vu la jurisprudence

Vu les pièces

SUR LA FAUTE

DIRE ET JUGER qu'Enedis n'a commis aucune faute.

SUR L'ABSENCE DE LIEN DE CAUSALITE

DIRE ET JUGER qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le dépassement de délai reproché à la société Enedis et le préjudice allégué compte tenu de l'impossibilité matérielle d'échapper aux effets du moratoire, dans laquelle se serait trouvée BEIBI si la PTF avait été transmise le 25 janvier 2011

TRES SUBSIDIAIREMENT SUR LE PREJUDICE

DIRE ET JUGER que l'arrêté du 12 janvier 2010, a instauré une aide d'Etat ;

CONSTATER que ledit arrêté n'a pas été notifié préalablement à la Commission européenne en violation de l'article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

DIRE ET JUGER en conséquence que cet arrêté est illégal et que le préjudice allégué, fondé exclusivement sur l'application dudit arrêté, est illicite.

EN CONSEQUENCE :

CONFIRMER le jugement entrepris ;

DEBOUTER BEIBI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires ;

CONDAMNER BEIBI au paiement d'une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Z... ET ASSOCIES.

Les diverses dispositions reprises intégralement ci-dessus qui demandent de 'constater' ou de 'dire que' ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais les moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, qui se trouvent ainsi suffisamment exposés ici.

Il est expressément renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions des parties telles qu'elles les ont formulées et des moyens les soutenant aux conclusions visées plus avant.

MOTIFS DE LA DECISION.

* La commission de régulation de l'énergie (ou CRE), par délibération du 11 juin 2009 (et son annexe 1), ayant valeur de décision sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité et le suivi de leur mise en oeuvre, a considéré que la société ERDF, devenue Enedis, avait l'obligation de transmettre aux demandeurs une PTF dans un délai n'excédant pas trois mois à compter de la réception de sa demande de raccordement complète.

L'article 7.2.3 de la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel d'Enedis applicable à compter du 3 juillet 2010, prévoit qu'à l'issue de cet examen et lorsque le dossier est complet, la demande de raccordement est qualifiée, que la date de qualification de la demande de raccordement est fixée à la date de réception du dossier lorsque celui-ci est complet ou à la date de réception de la dernière pièce manquante, puis qu'ERDF confirme par courrier postal ou électronique au demandeur que son dossier est complet et lui communique également à cette occasion la date de qualification de sa demande de raccordement... ainsi que le délai d'envoi de l'offre de raccordement.

Il est précisé qu'à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement n'excédera pas trois mois quelque soit le domaine de tension de raccordement.

La demande indemnitaire est ici présentée sur un fondement quasi-délictuel et il n'y a pas lieu, comme le fait l'appelante, d'invoquer un manquement d'ERDF à une obligation de résultat à laquelle elle n'est pas tenue à l'égard d'un candidat à un raccordement au réseau; ERDF, devenue Enedis, engage cependant sa responsabilité civile pour commettre une faute à l'égard des pétitionnaires, dès lors qu'elle ne leur répond pas dans le délai de trois mois, dont elle ne vient pas discuter qu'il était contraignant, en leur adressant une PTF.

Ce délai maximum de trois mois se calcule à partir de la date de la réception par la société Enedis du dossier complet de demande de raccordement et s'apprécie à la date de réception de la PTF par le demandeur.

Enedis dit estimer en raison de l'annonce gouvernementale faite le 23 août 2010, le nombre de demandes de raccordements entre les 23 et 31 août à 3 000, alors que la moyenne mensuelle était auparavant de l'ordre de 500, ce qui aurait été la cause d'importantes difficultés dans le traitement de ces demandes, mais ne soutient plus en cause d'appel que cet afflux de dossiers serait venu constituer un cas de force majeure, l'ayant empêché de respecter ce délai.

Cet afflux soudain de demandes ne peut en tout état de cause être qualifié d'imprévisible ni d'irrésistible, puisqu'il est précisément lié selon Enedis à l'anticipation par les pétitionnaires d'une baisse des tarifs et qu'elle était donc elle-même en mesure et en devoir de s'y préparer, se sachant tenue par des délais contraints'.

En l'espèce, le 6 octobre 2010, ERDF a accusé réception au 31 août 2010 de la demande de raccordement et a déclaré le dossier complet, par un message électronique identique à celui adressé aux autres pétitionnaires, sans faire état de pièces manquantes et en indiquant que l'instruction de cette demande serait effectuée dans les six semaines ou dans les trois mois à compter du 31 août 2010 (pièce n° 3 de l'appelante).

Enedis ne peut en conséquence se prévaloir d'une date de complétude qui serait au 25 octobre 2010, au prétexte que la société Beibi avait répondu le 25/10/10 à un message, qu'Enedis ne produit pas, pour joindre le plan de masse, le plan cadastral et le point de livraison (pièce A1 d'ERDF), alors que le point de départ du délai de trois est celui de l'accusé de réception par ERDF indiquant que le dossier est complet, soit de manière indiscutable le 31 août 2010.

La société ERDF n'a pas envoyé de PTF à la société Beibi dans le délai de trois mois ayant commencé à courir à cette date et, en manquant à son obligation d'adresser une PTF à la société Beibi dans le délai de trois mois prévu par les textes, soit le mardi 30 novembre 2010 minuit au plus tard, la société ERDF a commis une faute.

* La décision du 14 février 2013 de l'Autorité de la concurrence, dont se prévaut la société Beibi pour caractériser un traitement discriminatoire (pièce n° 30 de l'appelante) concerne des pratiques reprochées à la société ERDF dans le traitement des demandes de raccordement des installations photovoltaïques et des pratiques de favoritisme de la société ERDF vis à vis de la société EDF EN; au vu des éléments recueillis; elle n'exclut pas que lors de la période ayant précédé le moratoire, les filiales ERDF et RTE qui reçoivent les demandes de raccordement aient pu favoriser le traitement des projets portés par les filiales photovoltaïques du groupe de manière à ce que ces dernières puissent bénéficier des tarifs d'achat pré-moratoire beaucoup plus avantageux au plan économique, pour en conclure que l'instruction au fond devait être poursuivie, mais que la demande de mesures conservatoires devait être rejetée.

Par décision n° 18-D-11 du 4 juillet 2018, l'Autorité de la concurrence a décidé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la procédure, laquelle ne permet donc pas d'établir qu'ERDF aurait créé un désavantage concurrentiel au détriment des producteurs d'électricité photovoltaïque.

La société Beibi ne vient pas plus démontrer qu'à titre particulier elle aurait fait l'objet d'une abstention volontaire de la part d'ERDF dans le traitement de sa demande afin de l'écarter du marché où elle était en concurrence avec des sociétés du groupe EDF.

Aucun traitement discriminatoire n'est ainsi caractérisé.

Il est en outre relevé que la demande indemnitaire présentée par la société Beibi porte exclusivement sur la perte de chance de réaliser une marge conforme aux tarifs antérieurement applicables et qu'à ce titre, la faute d'ERDF étant établie pour n'avoir pas respecté le délai auquel elle était tenue, s'il avait été caractérisé, ce traitement discriminatoire n'aurait pas eu de conséquence sur le principe de la responsabilité et l'importance du préjudice à examiner.

* La faute d'ERDF est constituée par son absence de réponse dans le délai de trois mois; en l'absence de réponse, le pétitionnaire ne pouvait pas notifier son acceptation dans le délai imparti; il lui faut encore démontrer que du fait de cette absence de réponse, il a perdu une chance qui ne soit pas qu'hypothétique de réaliser son projet et de réaliser pendant vingt ans une marge du fait de son exploitation.

Enedis soutient elle-même que les candidats à la production ont déposé entre le 23 et le 31 août, et plus particulièrement le dernier jour, des demandes de raccordement afin de prendre rang, dans l'éventualité devenue plus que probable d'une baisse des prix d'achats qui seraient consentis s'ils ne les adressaient pas immédiatement, même si leur projet n'était pas abouti.

Il doit donc être considéré que ces pétitionnaires étaient attentifs à la réception de la PTF devant leur être adressée dans un délai contraint lorsque ce dernier arrivait à échéance et, dès lors, qu'ils étaient susceptibles d'y répondre dans des délais leur permettant de bénéficier encore de tarifs qu'ils jugeaient avantageux, quelle que soit la distance, toute relative s'agissant de pétitionnaires français, séparant le lieu de réception de la PTF de celui où il leur fallait déposer leur réponse accompagnée d'un chèque d'acompte.

Il devait être répondu à une demande dont la complétude était reconnue au 31 août 2010 avant le 30 novembre 2010 et le pétitionnaire devait, si ERDF avait satisfait à son obligation, répondre dans le cas admissible le plus défavorable avant le 1er décembre à minuit en déposant, ce qu'il pouvait être en mesure de faire puisqu'il savait devoir répondre au plus vite à la PTF pour pouvoir bénéficier des avantages tarifaires qu'il espérait en déposant sa demande avant le 1er septembre.

L'existence d'un lien de causalité direct entre la faute commise par ERDF et le préjudice résultant de l'impossibilité de répondre à la PTF avant le 2 décembre 2010 est ainsi établi.

L'indemnisation demandée correspond à la perte d'une chance de marge brute pendant les vingt ans correspondant à la durée des contrats souscrits avec EDF, sur la base des tarifs dont le producteur ne pouvait plus se prévaloir du fait de la faute d'Endedis et de l'intervention du moratoire, à la suite duquel les nouveaux tarifs applicables auraient dissuadé le pétitionnaire de présenter une nouvelle demande.

Il est fait valoir par Enedis que le projet avait été abandonné et qu'il n'y avait pas de lien entre l'absence de réponse et le préjudice, dont l'origine devait être recherchée dans le décret ayant institué le moratoire; il n'est pas contestable que le pétitionnaire conservait la possibilité de présenter de nouveau une demande de raccordement à l'issue du moratoire de trois mois, après lequel seules les conditions de rachat du kwh, et non celles d'une mise en oeuvre du projet, avaient changé de façon significative, mais qu'en l'espèce il ne l'a pas fait.

Pour se prévaloir de la perte d'une chance de réaliser une opération qui aurait de façon certaine généré des bénéfices, en raison de conditions tarifaires avantageuses auxquelles il ne peut plus prétendre, il appartient au pétitionnaire ayant déposé une demande de raccordement au réseau et, par voie de conséquence, d'achat de l'électricité produite par une unité devant encore être réalisée, de justifier en premier lieu de l'état d'avancement de ce projet dans ses aspects techniques, financiers et fonciers, s'ils supposent pour ces derniers l'accord d'un tiers s'agissant de panneaux photovoltaïques installés sur les toits de bâtiments existants ou à construire, accord qui n'est pas exigé à ce stade de la procédure par Enedis pour déclarer la complétude.

Ce dernier aspect constitue un préalable nécessaire et celui qui se dit producteur doit pouvoir justifier de l'accord du propriétaire du site, lorsqu'il s'agit, comme dans le cas présent, de panneaux photovoltaïques devant être installés sur les toits de bâtiments existants ou à construire,

accord qui n'est pas exigé à ce stade de la procédure par Enedis pour déclarer la complétude.

Les pièces versées aux débats par la société Beibi font apparaître qu'à la date à laquelle elle a présenté sa demande de raccordement et à la date limite à laquelle elle aurait dû recevoir une proposition technique et financière, la société Beibi bénéficiait d'une promesse de bail emphytéotique signée par le propriétaire du terrain et du bâtiment sur lesquels elle serait installée, le 23 novembre 2009 et d'un accord de principe d'un établissement bancaire daté du 23 novembre 2010 pour le financement spécifique de ce projet à concurrence de 400.000 €.

Par contre le seul devis produit pour déterminer le coût de la centrale est en date du 9 décembre 2011, soit plus de quinze mois après la demande de raccordement et mentionne un coût de construction de 505.571 €.

Aucune pièce n'est en outre produite pour justifier d'un financement dont la société Beibi pouvait disposer pour le projet en question et aucune étude de financement n'est versée aux débats, le projet ayant par contre été chiffré pour ce qui concerne le coût de construction du bâtiment et celui de la centrale, dans le courant de l'année 2009.

Lorsque la demande de raccordement a été déposée, le projet était à un stade préliminaire, mais les principales démarches (maîtrise du foncier et du financement) étaient en voie d'être abouties; le début de l'exploitation dépendait encore de la réalisation d'un certain nombre d'aléas, mais le principe d'une chance d'en tirer les bénéfices escomptés peut dans le cas d'espèce être retenu.

* Par ordonnance du 15 mars 2017, la Cour de Justice de l'Union Européenne, saisie sur question préjudicielle sur l'interprétation des articles 107 et 108 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) à l'occasion d'une procédure concernant un autre producteur par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 20 septembre 2016 a répondu que:

- l'article 107 § 1 du TFUE, doit être interprété en ce sens qu'un mécanisme, tel que celui instauré par la réglementation nationale en cause au principal, d'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par le consommateur final d'électricité doit être considéré comme une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État;

- l'article 108 § 3 du TFUE, doit être interprété en ce sens qu'en cas de défaut de notification préalable à la Commission européenne d'une mesure nationale constituant une aide d'État, au sens de l'article 107 §1 du TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure.

Cette cour a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de Justice de l'Union Européenne, sans prendre position sur les autres questions.

La société Enedis soutient que le préjudice allégué ne serait pas licite, pour relever de la perte d'une marge reposant sur des tarifs d'achat fixés par un arrêté illégal, ce qui ne permettrait pas de fonder une demande indemnitaire. Ainsi :

- a) un préjudice trouvant son fondement ou sa source dans un texte illégal ne serait pas réparable,

- b) l'arrêté tarifaire du 12 janvier 2010 constituerait une aide d'Etat; il n'aurait pas été préalablement notifié à la Commission européenne et serait pour cela illégal, alors que l'aide octroyée par le texte serait générale et s'appliquerait à l'ensemble de la filière photovoltaïque,

- c) aucune prétendue validation ne serait efficiente.

Ces propositions sont contestées par la société Beibi, qui prétend que :

- a) l'arrêté du 12 janvier 2010 n'a jamais été attaqué par voie d'action et la demande ne porte pas sur l'obtention d'un contrat, mais tend à replacer le producteur, qui ne s'est pas lui-même placé dans une situation illicite, dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait bénéficié des tarifs fixés par cet arrêté, dès lors l'éventuelle illégalité de l'acte administratif serait sans incidence sur le principe de son droit à indemnisation,

- b) il ne serait pas caractérisé une aide d'Etat, ensuite déclarée illégale et incompatible et, en application de l'article 9 du code de procédure civile, Enedis doit démontrer que les autres critères de l'aide d'Etat sont réunis,

- c) la loi serait venue valider l'arrêté a posteriori,

- d) l'illégalité n'entraînerait pas à elle seule l'illégitimité d'une aide, mais uniquement des intérêts dont les producteurs auraient dû s'acquitter.

* a) incidences d'une illégalité sur le caractère réparable du préjudice.

Le juge doit appliquer le droit de l'Union, par principe d'application directe, et laisser inappliquée toute disposition contraire du droit national, qu'elle soit antérieure ou postérieure à la norme de l'Union, puisque cette dernière le prime; le mécanisme des tarifs d'achat doit donc être écarté en droit interne s'il est incompatible avec elle et le fait que l'arrêté fixant ces tarifs n'ait pas été critiqué par voie d'action est inopérant.

En raison du principe de primauté de la règle européenne sur le droit interne des états membres, l'argument tiré de la validation législative de l'arrêté du 12 janvier 2010 par la loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle II est aussi sans portée.

L'exception d'illégalité au regard du droit communautaire est donc recevable et n'est pas soumise à la prescription édictée en matière de récupération de l'aide par la commission qui est une procédure consécutive à la constatation de l'illégalité d'un texte.

Pour qu'un préjudice soit réparable, il convient qu'il soit non seulement certain, direct, et actuel, mais aussi de surcroît qu'il soit licite. Ainsi, si le préjudice allégué trouve sa source dans une situation illégale ou s'il se fonde sur un texte illégal, le préjudice n'est pas réparable.

L'action n'est pas fondée sur l'application d'une convention et la notion de cause illicite n'a pas vocation à s'y appliquer, mais repose sur ce que personne ne conteste être un avantage, prévu par l'Etat et dont l'appelante aurait été privée par le fait fautif d'Enedis, mais qui lui aurait sinon été accordé par un arrêté dont il est demandé de constater l'illégalité.

* b) les tarifs fixés par l'arrêté du 12/01/2010 sont-ils constitutifs d'une aide d'Etat'

L'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) fonde dans son alinéa premier le principe de l'interdiction des aides d'État, lesquelles doivent remplir quatre critères :

- 1) une intervention de l'État ou au moyen des ressources d'État,

- 2) susceptible d'affecter les échanges entre états membres,

- 3) accordant un avantage à son bénéficiaire,

- 4) de nature à fausser ou menacer de fausser la concurrence.

L'alinéa 2 de cet article 107 du TFUE énonce les aides compatibles avec le marché intérieur, et l'alinéa 3 les exceptions formelles à ce principe d'interdiction. Plus particulièrement, en c) du troisième alinéa sont visées comme exception 'les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun'.

L'article 108 § 1 du TFUE pose le principe du contrôle de la Commission sur les aides d'État déjà autorisées, le § 3 dispose que les projets d'aide d'État doivent lui être soumis préalablement à leur mise en oeuvre; le contrôle exercé porte sur les aides d'État existant déjà, comme sur les nouvelles, mais aussi sur celles qui ne lui ont pas été préalablement dénoncées et dont elle est saisie postérieurement à leur entrée en vigueur, et ce quelle que soit leur forme, légale ou réglementaire. Il s'ensuit que toute aide d'État qui n'a pas été soumise à la Commission, est illégale jusqu'à ce qu'elle ait statué.

la Cour de Justice de l'Union Européenne a précisé dans ses motifs qu'il appartenait à la juridiction de renvoi de déterminer préalablement si la mesure nationale en cause au principal constituait ou non une aide d'État, en vérifiant si les trois autres conditions visées à l'article 107 § 1 étaient remplies dans l'affaire et que, sous cette réserve, au regard des dispositions de l'article 108 § 3 qui institue un contrôle préventif sur les projets d'aide nouvelle, lequel vise à ce que seules les aides compatibles soient mises à exécution, il en résultait :

- qu'une mesure d'aide au sens de l'article 107 § 3 du TFUE, mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l'article 108 § 3, est illégale,

- que la mise en oeuvre du contrôle préventif instauré à l'article 108 § 3 revient d'une part, à la Commission chargée d'apprécier la compatibilité des mesures d'aide avec le marché intérieur et d'autre part, aux juridictions nationales, chargées de veiller à la sauvegarde, jusqu'à la décision finale de la Commission, des droits des justiciables face à une méconnaissance éventuelle, par les autorités étatiques, de l'interdiction visée à l'article 108 - 3 du TFUE,

- qu'il incombe aux juridictions nationales de garantir aux justiciables que toutes les conséquences d'une violation de l'article 108 § 3 seront tirées conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes comportant la mise à exécution des mesures d'aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition ou d'éventuelles mesures provisoires,

- qu'en cas de défaut de notification préalable à la Commission d'une mesure nationale constituant une aide d'État, au sens de l'article 107 § 1 du TFUE, il incombe aux juridictions nationales de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d'exécution de cette mesure.

1) La Cour de justice de l'Union européenne a considéré dans son ordonnance que l'obligation d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par le consommateur final d'électricité est une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État :il est satisfait au premier critère pour qualifier la fixation des tarifs opérée par l'arrêté du 12 janvier 2010 d'aide d'Etat.

2) Ce mécanisme d'aide a été mis en place afin de développer la production d'électricité par des installations utilisant l'énergie radiative solaire; les bénéficiaires opèrent sur un marché de l'électricité libéralisé où sont habituellement pratiqués des échanges entre pays membres et il est satisfait au deuxième critère, dès lors que l'aide est susceptible d'affecter ou de fausser la concurrence.

3) Un avantage sélectif est accordé au bénéficiaire, puisqu'il bénéficie, en fonction du respect ou non des règles fixées par l'Etat d'une rémunération supérieure à celle qu'il aurait obtenue sur le marché : il est satisfait au troisième critère.

4) La concurrence est faussée ou menacée de l'être sur le marché intérieur, ce qui est le cas dès lors que des producteurs bénéficient d'un tarif avantageux dans un marché libéralisé; il est satisfait au quatrième critère.

La qualification d'aide d'Etat doit être retenue.

* c) le droit interne pouvait-il et a-t-il validé l'arrêté illégal'

En raison du principe d'effectivité, la loi du 12 juillet 2010, en ce qu'elle a entendu valider la tarification et ses modalités telles que l'arrêté du 12 janvier 2010 les avait fixées, contredite par la norme européenne, est sans effet sur l'illégalité de l'acte, qui ne peut être appliquée en droit interne par une juridiction nationale.

Dès lors que l'acte instituant une aide d'Etat n'a pas fait l'objet d'une notification préalable, il est par principe incompatible avec le marché intérieur et seule la Commission, sous le contrôle de la Cour de Justice de l'Union Européenne, peut se prononcer sur la compatibilité des mesures d'aides avec les règles de l'Union européenne. La question ne lui a pas été soumise et il est acquis aux dires des parties qu'elle ne le sera jamais; il appartient en tout état de cause aux juridictions nationales de veiller à la sauvegarde des droits des justiciables face à une méconnaissance de l'interdiction visée à l'article 108 §3 du TFUE et l'application de l'arrêté du 12 janvier 2010 ne peut servir de base au principe ou à l'assiette d'un préjudice indemnisable selon les règles du droit interne.

* d) le principe de l'aide est-il remis en cause par l'illégalité de l'arrêté'

Il est soutenu que l'arrêté ministériel du 10 juillet 2006 serait applicable si l'acte du 12 janvier 2010 ne pouvait servir de support à la demande, mais il ne peut être sérieusement contesté que cet arrêté prévoit, de la même façon, l'octroi d'aides d'Etat à des producteurs, qu'il n'a pas été notifié préalablement à la Commission, qu'il est illégal pour les raisons précédemment exposées concernant l'arrêté du 12 janvier 2010 et qu'il revient à la cour d'en écarter l'application aux demandes fondées sur la responsabilité civile d'Enedis.

Par ailleurs le préjudice dont la société Beibi demande l'indemnisation est constitué par la perte d'une chance, appréciée par l'appelante à 100%, de bénéficier d'une marge sur la durée de 20 ans du contrat sur les bases tarifaires prévues par un texte qui n'est pas applicable, pour être nul; la perte de marge ne peut donc pas être reconnue, pas plus que la chance de l'éviter; l'illégalité de l'arrêté a ainsi pour conséquence de priver l'intégralité de la demande indemnitaire d'un support légal et non seulement de la limiter dans son appréciation.

Il en résulte que la perte d'un avantage dont l'obtention aurait été contraire au droit, ne peut caractériser un préjudice réparable.

La société Beibi, si elle démontre l'existence d'une faute de la société ERDF, devenue Enedis, de nature à engager sa responsabilité civile, ne vient pas rapporter la preuve de l'existence d'un préjudice indemnisable. Le jugement soit être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande en dommages et intérêts.

La société Beibi, qui succombe, supportera la charge des dépens de la présente instance et ses propres frais. En outre, l'équité commande de le faire participer aux frais irrépétibles exposés par l'intimée et elle sera condamnés au paiement à la société Enedis d'une indemnité de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement

Condamne la société Beibi à payer à la société Enedis la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société Beibi aux dépens, avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le President

.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15/02614
Date de la décision : 07/11/2018

Références :

Cour d'appel de Toulouse 20, arrêt n°15/02614 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-11-07;15.02614 ?
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