COUR D'APPEL DE TOULOUSE2eme Chambre Section 1
02/03/2011
ARRÊT No 47
No RG: 09/03343
Décision déférée du 21 Mars 2006 - Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER - 03/06156Sylvie X...Décision déférée du 12 Juin 2007 - Cour d'Appel de MONTPELLIER - 06/02098
Jack Y...représenté par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI
C/
SA NEUFLIZE VIEreprésentée par la SCP MALET
DEMANDEUR SUR RENVOI APRES CASSATION
Monsieur Jack Y......42000 ST ETIENNEreprésenté par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la Courassisté de Me Hélène FERON POLONI, SELARL LECOQ VALLON et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
DEFENDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION
SA NEUFLIZE VIE,anciennement dénommée NEUFLIZE SCHLUMBERGER MALLET VIE - NSM VIE3 avenue HOCHE75008 PARISreprésentée par la SCP MALET, avoués à la Courassistée de Me Philippe BIARD, Me Claire BOUSCATEL, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2011 en audience publique, devant la Cour composée de :
G. COUSTEAUX, présidentA. ROGER, conseillerP. DELMOTTE, conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : A. THOMAS
ARRET :
- contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties- signé par G. COUSTEAUX, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur Jack Y... a adhéré le 3 novembre 1999 à un contrat d'assurance vie intitulé HOCHE PATRIMOINE DEUXIEME GENERATION auprès de la Société d'assurance NSM VIE devenue NEUFLIZE VIE. Il a investi sur ce contrat la somme totale de 343.010,29 euros (soit 2.250.000 francs).
Considérant que la Société NSM VIE, puisqu'elle ne lui avait pas remis la note d'information prévue par l'article L 132-5-1 du code des assurances, n'avait pas correctement respecté son obligation pré-contractuelle d'information à son égard, Monsieur Jack Y... avait renoncé au contrat par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 novembre 2003 et demandé en conséquence la restitution des primes versées sur celui-ci, augmentées des intérêts au taux légal majoré, tel que prévu par l'article L.132-5-1 du code des assurances. L'assureur a refusé cette renonciation.
Jacques Y... a alors fait citer la SA NEUFLIZE VIE devant le tribunal de grande instance de Montpellier. Il a été débouté de sa demande et a interjeté appel.
Par arrêt en date du 12 juin 2007, la Cour d'appel de Montpellier, confirmant le jugement rendu par le tribunal de grande instance de MONTPELLIER le 21 mars 2006, a débouté Monsieur Jack Y... de sa demande de condamnation, au motif, notamment que le document «conditions générales note d'information» qui lui avait été remis rendait inutile la délivrance d'une note d'information distincte.
Le 27 mai 2008, Monsieur Y... a formé un pourvoi en cassation.
Par arrêt en date du 28 mai 2009, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, affirmant l'obligation pour l'assureur de remettre une note d'information distincte, a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 10 janvier 2011, Jacques Y... soutient d'abord que son action n'est pas prescrite puisque ayant été engagée dans les deux ans du refus de l'assureur d'accepter la renonciation. A titre subsidiaire, la fin de non recevoir étant soulevée de manière tardive, il sollicite l'allocation de dommages et intérêts.Il soutient au principal pouvoir bénéficier de la prorogation du délai de renonciation au delà de 30 jours édictée par l'article L 132-5-5 du code des assurances en cas de défaut d'infirmation, pour n'avoir pas reçu la note d'information prévue par l'article L. 132-5-1 du code des assurances. La note d'information est un document spécifique pour les contrats d'assurance vie et de capitalisation. Ce document visé à l'article L. 132-5-1 est un document distinct des conditions générales du contrat. Son contenu est défini par les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances. La note d'information prévue par le législateur a pour objet de permettre au candidat à l'adhésion de s'engager en étant informé des seules dispositions essentielles du contrat, elle contient l'information pré-contractuelle qui doit être donnée, à défaut le délai pour renoncer au contrat est prorogé. Alors que les conditions générales contiennent l'information contractuelle due (articles L. 132-5 et R. 132-3 notamment), à défaut les éléments non stipulés au contrat seront déclarés inopposables à l'assuré.
Jacques Y... affirme de plus que les conditions générales qui lui ont été remises ne comportent pas toutes les informations exigées par l'article A. 132-4 du code des assurances, et notamment : 1. l'indication des valeurs de rachat au terme de chacune des huit premières années au moins, 2. le sort de la garantie décès en cas d'exercice de la faculté de renonciation, 3. les frais et indemnités de rachat prélevés par l'entreprise d'assurance,4. l'énumération des valeurs de référence et la nature des actifs entrant dans leur composition,5. formalités de résiliation et transfert,6. indications générales sur le régime fiscal.Les dispositions de l'article A.132-4, considérées comme étant essentielles par le législateur, sont noyées au milieu des autres stipulations ajoutées par l'assureur (qui n'auraient pas dû y figurer) sans être mises en évidence et distinguées des autres informations.
Monsieur Y... invoque le caractère discrétionnaire de la faculté de renonciation qui interdit d'invoquer la mauvaise foi dans le cadre de l'exercice de la faculté de renonciation.Il prétend n'avoir jamais renoncé à exercer sa faculté de renonciation, qu'il est impossible de renoncer à la faculté de renonciation et que la renonciation à l'exercice de la faculté de renonciation ne pourrait intervenir qu'après le premier versement et lorsque tous les documents et informations prévus par l'article L. 132-5-1 du Code des assurances ont été communiqués au souscripteur, ce qui n'a pas été le cas. Il rappelle que la renonciation à un droit d'ordre public ne se présume pas.
Jacques Y... demande à la Cour de :- Infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions défavorables à Monsieur Y...,- débouter la société NEUFLIZE VIE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,A titre liminaire- Dire et juger que l'action de Monsieur Y... n'est pas prescrite,A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour considérait que l'action est prescrite, - Condamner la société NEUFLIZE VIE à payer des dommages et intérêts d'un montant de 151.837,38 euros à Monsieur Y... pour avoir soulevé très tardivement de façon dilatoire cette fin de non-recevoir,Au fond,- Débouter la Société NEUFLIZE VIE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,- Dire et juger que c'est à bon droit que Monsieur Jack Y... a renoncé au contrat HOCHE PATRIMOINE DEUXIEME GENERATION par courrier recommandé avec accusé réception en date du 5 novembre 2003 réceptionné le 7 novembre 2003,- Condamner la Société NEUFLIZE VIE à payer à Monsieur Jack Y... :- la somme principale de 156 765,29 euros, déduction ayant été faite des rachats partiels opérés sur le contrat,- les intérêts de retard au taux majoré tels que prévus par l'article L.132-5-1 du Code des assurances :- ayant couru sur la somme de 266 765,29 euros au taux légal majoré de moitié du 8 décembre 2003 jusqu'au 8 février 2004, puis au double du taux légal du 9 février 2004 jusqu'au 27 juillet 2005,- ayant couru sur la somme de 151 765,29 euros, au double du taux légal à compter du 28 juillet 2005 jusqu'au 12 novembre 2009,- ayant couru sur la somme de 156 765,29 euros, au double du taux légal à compter du 13 novembre 2009 jusqu'à parfait paiement,- Dire que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,- Condamner la Société NEUFLIZE VIE à payer Monsieur Jack Y... la somme de 65 000 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et réparation du préjudice moral,- Condamner la Société NEUFLIZE VIE à payer à Monsieur Jack Y... la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- Ordonner à la Société NEUFLIZE VIE de rembourser à Monsieur Jack Y... la somme de 3 000 euros perçue au titre de l'article 700 qui lui avait été accordé par l'arrêt cassé de la Cour d'appel de MONTPELLIER du 12 juin 2007,- Condamner la Société NEUFLIZE VIE aux entiers dépens afférent à la procédure ayant eu lieu devant le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, devant la Cour d'appel de MONTPELLIER, et ceux exposés dans la présente instance.
Par conclusions déposées le 12 janvier 2011, la SA NEUFLIZE VIE demande de révoquer l'ordonnance de clôture vu les conclusions de M. Y... signifiées le 10 janvier 2011, la veille de l'ordonnance de clôture;Elle estime que Monsieur Y..., qui est un investisseur averti, a adhéré en toute connaissance de cause à un contrat d'assurance-vie à capital variable en donnant expressément instructions à l'assureur d'adopter un objectif de gestion «DYNAMIQUE», à long terme, majoritairement orienté vers les marchés actions, ce qu'il feint a posteriori d'oublier. Sur la demande de renonciation, elle soutient que la demande de renonciation formulée par Monsieur Y... est d'une part irrecevable, et au surplus mal fondée. La demande est irrecevable puisque prescrite en application de l'article L 114-1 du code des assurances et compte tenu des actes de renonciation qu'il a accomplis postérieurement à la demande, pour avoir opéré un rachat quasi-total le 17 juillet 2005, effectué un versement complémentaire le 13 novembre 2009 et demandé une modification du contrat le 13 novembre 2009. Elle est mal fondée car Monsieur Y... a reçu les conditions générales du contrat valant note d'information comportant notamment les indications relatives à l'exercice de la faculté de renonciation, ainsi qu'aux valeurs de rachat, ainsi que le certificat d'adhésion et une nouvelle notice reprenant les conditions générales par courrier du 24 décembre 2003, et ce document, validé par le Ministère de l'économie, répond aux conditions de l'article L 132-5-1 du Code des assurances.
La SA NEUFLIZE VIE demande à la Cour de :Confirmer le jugement dont appel en ce qu' il a rejeté l'ensemble des demandes formées par Monsieur Y..., - Dire et juger Monsieur Y... irrecevable en ses demandes au regard de la prescription biennale, - Débouter Monsieur Y... de sa demande en dommages et intérêts au titre de la prescription,- Dire et juger Monsieur Y... d'autant plus irrecevable, et à tout le moins mal fondé, au regard du rachat quasi-total, du versement complémentaire et de la demande de modification du contrat effectués postérieurement à la demande de renonciation, A titre subsidiaire,- Dire et juger que Monsieur Y... a reçu les informations légales, - Dire et juger que Monsieur Y... ne démontre pas être en droit ni de proroger le délai de renonciation, - Dire et juger Monsieur Y... également mal fondé en sa demande de dommages et intérêts, Le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions. Y ajoutant, - Condamner Monsieur Y... à payer à la société NEUFLIZE VIE la somme de 10.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, - Condamner Monsieur Y... à payer à la Société NEUFLIZE VIE la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront directement recouvrés par la SCP MALET conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture.
Afin d'assurer le respect du contradictoire et au vu des conclusions de M. Y... déposées la veille de l'ordonnance de clôture et contenant une nouvelle demande de dommages et intérêts, la cour a décidé de reporter l'ordonnance de clôture au jour de l'audience et de recevoir les dernières conclusions de l'intimée.
Sur la prescription biennale.
L'article L.114-1 alinéa 1, dispose que «Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance». Pour soutenir que la prescription est acquise, la société NEUFLIZE VIE s'appuie sur un arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 juin 2010 selon lequel «l'action engagée par le souscripteur d'un contrat d'assurance sur la vie ayant renoncé au contrat (...) aux fins d'obtenir la restitution des sommes versées, dérive du contrat d'assurance.» Cependant, Monsieur Y... fait justement remarquer que l'arrêt rendu le 24 juin 2010 par la Cour de cassation censure un arrêt qui avait jugé que la prescription biennale ne s'appliquait pas du tout, mais il n'affirme pas que le point de départ de la prescription biennale est la date d'adhésion au contrat.
C'est à juste titre, en revanche, que Monsieur Y... fait valoir que le point de départ de l'action aux fins de restitution des sommes versées ne peut être que le refus de l'assureur de restituer les sommes versées à la suite de l'exercice de la renonciation, et non le seul manquement par l'assureur à son obligation d'information, car ce seul fait ne génère pas en lui-même de créance de restitution de primes au profit de l'assuré. C'est le silence pendant trente jours ou le refus opposé par l'assureur à un assuré qui a renoncé au contrat qui constitue l'événement donnant naissance à l'action en justice aux fins d'obtenir la restitution des sommes versées. L'article L.114-1 alinéa 1 évoque comme point de départ du délai de prescription biennale «l'événement qui (y) donne naissance». En l'espèce, «l'événement qui donne naissance» à l'action en restitution est le refus de la renonciation opposé par l'Assureur. Le point de départ de prescription de l'action en justice de Monsieur Y... doit donc se placer au 8 décembre 2003, soit trente jours après la la réception par l'assureur de son courrier de renonciation. Or Monsieur Y... a assigné la société NEUFLIZE VIE dès le 13 novembre 2003. Son action n'est donc pas prescrite.
Sur le défaut d'information susceptible de proroger le délai de renonciation.
La note d'information prévue par l'article L 132-5-1 est un document spécifique distinct des conditions générales du contrat d'assurance dont le contenu est défini par les articles L. 132-5-1 et A. 132-4 du code des assurances. A défaut de remise de cette note d'information, le délai pour renoncer au contrat est prorogé. Il n'est pas contesté que cette note n'a jamais été remise. Le délai de 30 jours pour renoncer au contrat s'est donc trouvé prorogé.
Sur la renonciation à la renonciation
S'il est exact que le souscripteur d'un contrat d'assurance sur la vie qui a exercé son droit de renonciation au contrat en application de l'article susvisé, peut y renoncer en poursuivant l'exécution du contrat, encore faut-il qu'il s'agisse d'une démarche dépourvue de toute équivoque et incompatible avec la faculté de renonciation. En l'espèce, la société NEUFLIZE VIE fait état de ce que Monsieur Y... aurait renoncé au bénéfice de l'exercice de la faculté de renonciation en raison d'un rachat partiel sollicité le 17 juillet 2005 et d'un versement complémentaire le 13 novembre 2009 accompagné d'une demande de mettre fin à la garantie décès. Mais le rachat partiel a été justifié par des raisons financières et familiales et le versement complémentaire était accompagné d'un courrier manifestant clairement l'intention de maintien de la procédure et l'absence de renonciation à la renonciation notifiée le 5 novembre 2003. Ces actes ne sauraient être interprétés comme manifestant une volonté tacite dépourvue de toute équivoque de renoncer aux dispositions de l'article L. 132-5-1 du code des assurances. La demande de M. Y... est donc recevable et bien fondée. Le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER le 21 mars 2006 doit être infirmé.
M. Y... qui connaissait les aléas de l'investissement en actions n'établit pas en quoi le droit de l'assureur de se défendre en justice aurait dégénéré en abus du droit et causé un préjudice particulier. Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et réparation du préjudice moral.
Sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire de l'arrêt cassé, il convient de rappeler que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en vertu des décisions infirmées, qui porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de cette décision valant mise en demeure, en vertu de l'article 1153 du code civil.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'appelant contraint d'exposer des frais devant la cour.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER le 21 mars 2006,
Condamne la Société NEUFLIZE VIE à payer à Monsieur Jack Y... :- la somme principale de 156 765,29 euros, déduction ayant été faite des rachats partiels opérés sur le contrat,- les intérêts de retard au taux majoré tels que prévus par l'article L.132-5-1 du code des assurances :- Ayant couru sur la somme de 266 765,29 euros au taux légal majoré de moitié du 8 décembre 2003 jusqu'au 8 février 2004, puis au double du taux légal du 9 février 2004 jusqu'au 27 juillet 2005,- Ayant couru sur la somme de 151 765,29 euros, au double du taux légal à compter du 28 juillet 2005 jusqu'au 12 novembre 2009,- Ayant couru sur la somme de 156 765,29 euros, au double du taux légal à compter du 13 novembre 2009 jusqu'à parfait paiement,
Dit que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil,
Condamne la Société NEUFLIZE VIE aux entiers dépens afférent à la procédure ayant eu lieu devant le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, devant la Cour d'appel de MONTPELLIER, et ceux exposés dans la présente instance.
Déboute Monsieur Y... de sa demande en dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement les dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu de provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,