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06/12/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006944887

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 06 décembre 2005, JURITEXT000006944887


EXPOSE DU LITIGE

La société VITALITEC est une société française qui produit des agrafes à usage médical pour les vendre en France et dans le reste du monde, par le biais de distributeurs.

En Allemagne, les société DUFNER, BAXTER X... et FUMEDICA étaient déjà distributeurs de ces produits sur le marché.

La société MEDIMEX, société allemande spécialisée dans la distribution de matériel médical, et la société VITALITEC signent, le 14 décembre 1999, un contrat de distribution exclusive définissant leurs engagements respectifs, leur mode de collabora

tion, la liste et les tarifications des produits concernés, le quota de ventes à réaliser....

EXPOSE DU LITIGE

La société VITALITEC est une société française qui produit des agrafes à usage médical pour les vendre en France et dans le reste du monde, par le biais de distributeurs.

En Allemagne, les société DUFNER, BAXTER X... et FUMEDICA étaient déjà distributeurs de ces produits sur le marché.

La société MEDIMEX, société allemande spécialisée dans la distribution de matériel médical, et la société VITALITEC signent, le 14 décembre 1999, un contrat de distribution exclusive définissant leurs engagements respectifs, leur mode de collaboration, la liste et les tarifications des produits concernés, le quota de ventes à réaliser. L'article 16 de l'accord prévoit qu'il doit être interprété conformément au droit allemand.

Des difficultés surgissent en raison de la distribution des produits par la société FUMEDICA.

Par ailleurs, la société MEDIMEX transfère ses obligations nées du contrat de distribution à une société TYCO GmbH qui en assumera les droits et obligations.

Le 24 janvier 2001, la société VITALITEC refuse le transfert du contrat, dénonce le non respect par l'autre partie de l'engagement de quota, et y met fin avec effet immédiat.

Selon jugement du 5 février 2004, le tribunal de commerce de RENNES a :

dit que l'accord est rompu aux torts de la société VITALITEC,

débouté cette dernière de toutes ses demandes,

condamné la société VITALITEC à payer à MEDIMEX la somme de 30000 DM ( ou équivalent Euros) et celle de 244486,55 Euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné la société VITALITEC à payer à la société MEDIMEX la somme de 3500 Euros à titre d' indemnité pour frais irrépétibles,

condamné la société VITALITEC aux dépens.

La société VITALITEC a interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour :

de réformer la décision,

dire et juger fondée la résiliation de l'accord de distribution du 14 décembre 1999 prononcée aux torts et griefs exclusifs de la société MEDIMEX,

débouter la société MEDIMEX de ses demandes tendant à voir la société VITALITEC condamnée à lui payer une indemnité en réparation de la résiliation prétendument abusive de l'accord de distribution,

subsidiairement, débouter la société MEDIMEX de cette demande mal fondée et injustifiée dans son quantum,

dire et juger fondé le grief de l'absence de respect des quotas de vente,

faire injonction à la société MEDIMEX de verser aux débats :

une copie de l'intégralité de l'accord conclu entre les sociétés MEDIMEX et TYCO,

la liste du personnel et les fonctions correspondantes au 31/12/2000, la liste du personnel et les fonctions correspondantes au 15/04/2001,

Subsidiairement, confier la traduction de l'accord conclu entre les sociétés MEDIMEX et TYCO à un traducteur assermenté,

Débouter 1a société MEDIMEX de sa demande tendant à voir la société VITALITEC condamnée à lui payer une indemnité en réparation du prétendu non respect de l'exclusivité sur l'année 2000,

subsidiairement, débouter la société MEDIMEX de cette demande mal fondée et injustifiée dans son quantum,

en tout état de cause,

accueillir la société VITALITEC en sa demande reconventionnelle de condamnation de la société MEDIMEX ;

condamner la société MEDIMEX à lui verser la somme de 200.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour violation du contrat de distribution ainsi que la somme de 20.000 Euros pour procédure abusive,

condamner la société MEDIMEX à payer à la société VITALITEC la somme de 10.000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ,

Condamner la société MEDIMEX en tous les dépens d'instance.

Elle explique :

que le transfert du contrat de distribution à la société TYCO qui est une société concurrente de la société VITALITEC dès le 9 janvier 2001, sans l' en informer et malgré son opposition, constitue une faute justifiant la rupture du contrat et ce, conformément au droit allemand applicable à l'espèce, qui exige l'accord express, en cas de transfert, de la partie à laquelle on oppose le transfert, et qui permet à cette partie de mettre fin au contrat en raison du comportement fautif de l'autre partie,

que le non respect des quota justifie également la résiliation, dès lors que les quota ont pris en compte les ventes de la société FUMICA et la reprise du stock de la société BAXTER,

qu'enfin, le préjudice dont fait état la société MEDIMEX n'est justifié par aucune pièce.

La société MEDIMEX demande à la cour :

de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a prononcé la résiliation du contrat du 14 décembre 1999 aux torts exclusifs de la société VITALITEC INTERNATIONAL,

le réformer en ce qu'il a fixé le préjudice de la société MEDIMEX la somme de 244.486,55 ç,

condamner en conséquence la société VITALITEC INTERNATIONAL à lui payer sur le fondement des sections OE 241, 305, 326 et 252 du code civil allemand, la somme de 946609,61 Euros,

confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de RENNES pour le surplus,

débouter purement et simplement la société VlTALITEC INTERNATIONAL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

condamner la société VITALITEC INTERNATIONAL à payer à la société MEDIMEX la somme de 20.000 ç au titre de l'article 100 du Nouveau Code de procédure civile,

de condamner la société VITALITEC INTERNATIONAL à supporter tous les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.

Elle expose :

que la société VITALITEC a violé gravement et de façon répétée l'obligation d'exclusivité insérée dans le contrat de distribution, continuant à approvisionner la société FUMEDICA,

que le quota n'a pas été fixé en prenant compte les ventes de FUMEDICA et le rachat du stock BAXTER,

que le transfert à la société TYCO n'a pas été effectif compter du 9 janvier 2001, que le contrat passé avec la société TYCO ne concerne pas seulement le contrat qu'elle a signé avec la société VITALITEC,

que cette dernière lui a fait part de son accord de principe lors d'une réunion, que, par ailleurs, elle n'a pas sous-traité avec la société TYCO, qu'enfin les sociétés TYCO et VITALITEC ne sont pas concurrentes,

que son préjudice établi sur trois années est important et doit être réévalué.

DISCUSSION

L'article 16 du contrat de distribution signé entre VITALITEC INTERNATIONAL et MEDIMEX GmbHetCo.KG le 14 décembre 1999 précise : " Le présent accord doit être interprété et les relations légales entre les parties prenantes déterminées conformément aux lois de l'Etat d' Allemagne".

A la suite de la rupture du contrat de distribution exclusive consentie par la société VITALITEC à la société MEDIMEX , les parties s'opposent sur plusieurs points, en invoquant l'application du droit allemand toutefois sur deux thèmes, la violation par la société VITALEC de l'obligation d'exclusivité, et la cession de la société MEDIMEX à la société TYCO, sans l'approbation par la société VITALITEC de cette cession.

En ce qui concerne la violation de la clause d'exclusivité, la société VITALITEC indique : " Le droit allemand distingue dans les contrats de distribution les obligations mineures des obligations dites majeures. A ce titre, les obligations majeures et essentielles mises à la charge du fournisseur résident dans l'approvisionnement des son distributeur et dans la détermination du prix de vente des produits. Les autres obligations sont au contraire des obligations dites mineures au nombre desquelles figurent l'exclusivité, dont la

légalité est en outre admise de manière limitative" et indique que le non respect d'une telle clause ne peut justifier la demande de résiliation du contrat faite par la société MEDIMEX.. La société MEDIMEX invoque les termes du contrat et soutenant que cette clause d'exclusivité n'a pas été respectée, demande la résiliation de la convention. La société VITALITEC verse aux débats une jurisprudence de la Cour Suprême allemande mais ne rapporte pas, selon la Cour de céans, la preuve du contenu de la loi allemande : les textes de droit allemand applicables à cette matière doivent être versés aux débats et le sens et la portée qui leur sont donnés doivent être connus de la présente juridiction.

De son côté, la société MEDIMEX, invoque les termes de l'article 415 du Code civil allemand, qui " permet ... même en l'absence de clause à cet effet, de transférer les droits et obligations inhérents à un contrat au bénéfice d'un tiers sous réserve de l'acceptation du transfert par le cocontractant" et ajoute que " ce principe repose sur l'idée que le cocontractant doit pouvoir décider librement s'il souhaite ou non le transfert et a pour but d'empêcher de substituer un nouveau contractant peu sérieux ou insolvable à l'ancien contractant qui a été librement choisi". Elle estime qu'elle a respecté les textes du code civil allemand, et que la cession au profit de la société TYCO n'est pas réalisée dès lors que la société VITALITEC n'a pas donné son approbation à la cession. La société VITALITEC soutient que cette cession, nonobstant son désaccord, était effective dès le mois de janvier 2001. La société MEDIMEX ne rapporte toutefois pas le sens et la portée de la loi qu'elle invoque.

Les autres points d'opposition des deux parties concernent la violation de l'obligation de respecter les quotas prévus dans le contrat ainsi que la réparation des préjudices éventuellement établis ; la cour s'interroge sur le point de savoir pourquoi ces deux

dernières questions ne sont pas soumises à l'application de la loi allemande au regard des stipulations contractuelles qui ne font pas de distinction, et recueillera les explications des parties ultérieurement.

Afin de statuer en toute connaissance de cause, la Cour demandera des renseignements sur l'état du droit allemand sur ces différents points en se référant aux dispositions de la Convention européenne dans le domaine de l'information sur le droit étranger signée à LONDRES le 7 juin 1968 et applicable en FRANCE depuis le décret no 72-947 du 11 octobre 1972 ; la demande de renseignements faite au service international de la CHANCELLERIE sera portée à la connaissance des parties ; le contenu de la réponse transmise sera porté à la connaissance des parties qui feront valoir leurs observations tout d'abord sur l'application de la loi allemande aux points qu'elles n' ont pas soumis à celle-ci, puis sur les conséquences de l'application du droit allemand aux faits de la cause, tel qu'il est précisé par la réponse faite à la demande de renseignements.

L'affaire sera renvoyée à la mise en état.

Il sera sursis à statuer sur le tout en l'état. DÉCISION PAR CES MOTIFS

La Cour,

Saisit le service international de la CHANCELLERIE pour qu'il donne son concours à l'obtention de la preuve du contenu du droit allemand sur les points suivants :

Quel est l'état du droit positif allemand sur les obligations découlant du contrat de distribution : existe-t-il des obligations majeures et des obligations mineures dans ce type de contrat ä L'obligation de d'exclusivité est elle ou non au sens du droit allemand une obligation majeureä Une obligation mineure ä

L'obligation de respecter les quotas prévues dans la convention est elle une obligation majeure ä Mineure ä

Quelle est alors la sanction prévue par le droit allemand en cas de violation d'une obligation majeure, d'une obligation mineure ä

Quel est le sens et la portée à donner aux termes de l'article 415 du code civil allemand ä Quelle est la sanction prévue par le droit allemand au transfert des droits et obligations inhérents à un contrat au profit d'un tiers alors que ce transfert ne serait pas accepté par le contractant ä

Comment le droit allemand envisage la réparation des préjudices découlant de la violation d'une obligation majeure, d'une obligation mineureä Des préjudices découlant de la violation des dispositions de l'article 415 du Code civil allemand ä

Dit que sont jointes à la demande de renseignements la copie du contrat liant les parties et celles des pièces produites en langue allemande et traduites en français par les parties,

Dit que la réponse à la demande de renseignements sera communiquée aux parties dès sa réception,

Dit que les parties feront valoir leurs observations sur l'application du droit allemand à la violation alléguée des quotas et à la réparation des préjudices pouvant découler de la violation par les parties de leurs obligations, et sur l'application du droit allemand aux autres points litigieux,

Renvoie l'affaire à la mise en état,

Surseoit à statuer sur le tout,

Réserve les dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944887
Date de la décision : 06/12/2005
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Application de la loi étrangère - Preuve de sa teneur - Absence

Devant l'absence de preuve rapportée par les parties sur le contenu, le sens et la portée de la loi allemande applicable à un contrat de distribution exclusive, et en application de la convention européenne dans le domaine de linformation sur le droit étranger du 7 juin 1968, doit être ordonnée une demande de renseignements faite au service international de la Chancellerie, dont la réponse sera portée à la connaissance des parties


Références :

convention européenne dans le domaine de linformation sur le droit étranger du 7 juin 1968

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2005-12-06;juritext000006944887 ?
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