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29/11/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006947478

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 29 novembre 2005, JURITEXT000006947478


EXPOSE DU LITIGE :

La SCP LE DORTZ et BODELET a relevé appel du jugement rendu le 10 juin 2004 par le Tribunal de Grande Instance de VANNES, qui après avoir déclaré irrecevables les demandes formées contre Maître Bernard LE DORTZ, a condamné la SCP (LE DORTZ et BODELET) à payer à la société FIGEST, représentée par Maître DUPONT, une somme de 130 000 çà titre de dommages et intérêts, et de 3 000 ç sur la base de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La SCP LE DORTZ-BODELET demande à la Cour de :

"- déclarer recevable l'appel ;

- constater que Maître DUPONT, ès qualité de liquidateur judiciaire, se prévaut à l'encontre ...

EXPOSE DU LITIGE :

La SCP LE DORTZ et BODELET a relevé appel du jugement rendu le 10 juin 2004 par le Tribunal de Grande Instance de VANNES, qui après avoir déclaré irrecevables les demandes formées contre Maître Bernard LE DORTZ, a condamné la SCP (LE DORTZ et BODELET) à payer à la société FIGEST, représentée par Maître DUPONT, une somme de 130 000 çà titre de dommages et intérêts, et de 3 000 ç sur la base de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La SCP LE DORTZ-BODELET demande à la Cour de :

"- déclarer recevable l'appel ;

- constater que Maître DUPONT, ès qualité de liquidateur judiciaire, se prévaut à l'encontre de la SCP LE DORTZ et BODELET, non d'un préjudice distinct de celui causé à l'ensemble des créanciers de la liquidation judiciaire LE GARAGE, mais d'un éventuel préjudice collectif de l'ensemble des créanciers de ladite liquidation judiciaire dans la mesure où il est expressément invoqué le défaut de conservation des actifs de ladite liquidation et l'absence de diligence aux fins de rechercher un repreneur ;

- constater, de même, que le Tribunal de Grande Instance de VANNES, dans sa décision en date du 8 juin 2004, a retenu la responsabilité de la SCP LE DORTZ et BODELET, pour défaut de surveillance, de protection des locaux et défaut de chauffage de ceux-ci ;

- constater que le Tribunal de Grande Instance de VANNES n'a pas mis en évidence un préjudice propre à la liquidation judiciaire de la société FIGEST, mais, au contraire souligné que celle-ci avait subi un préjudice du fait qu'elle ne touchait plus de loyers et qu'elle a éprouvé une perte de 800 000 francs, voire même qu'elle aurait perdu la chance de réaliser un profit d'au moins 1 800 000 francs ;

- constater, en tout état de cause, que le préjudice invoqué n'a pas pu naître indépendamment de toute procédure collective ;

- en conséquence, déclarer irrecevable l'action engagée par la société FIGEST, et reprise par Maître DUPONT, ès qualité de liquidateur judiciaire de ladite société, à l'encontre de la SCP LE DORTZ et BODELET et condamner Maître DUPONT, ès qualité, à payer à la SCP LE DORTZ et BODELET la somme de 5 000 ç au titre de l'article 700, outre les dépens de première instance et d'appel ;

- subsidiairement et au fond, débouter Maître DUPONT, ès qualité de liquidateur de la société FIGEST, de son action en responsabilité à l'encontre de la SCP LE DORTZ et BODELET, après avoir constaté que celle-ci n'a commis aucune faute et, qu'en tout cas, Maître DUPONT, es qualité, ne fait pas la preuve de l'existence d'un préjudice en lien avec cette faute ;

- condamner Maître DUPONT, ès qualité de liquidateur de la société FIGEST, à payer à la SCP LE DORTZ et BODELET la somme de 5 000 ç au titre de l'article 700, outre les dépens de première instance et d'appel."

Maître DUPONT, ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SA FIGEST conclut ainsi :

"- déclarer nul l'appel en application de l'article 117 du nouveau code de procédure civile ;

Subsidiairement,

- rejeter les moyens d'irrecevabilité de la SCP LE DORTZ ;

- lui enjoindre de faire connaître les références de son assureur au besoin sous astreinte ;

- déclarer Me DUPONT es qualité de mandataire de la société FIGEST recevable en son appel incident ;

- déclarer la SCP LE DORTZ responsable du préjudice et la condamner à indemniser le préjudice subi avec intérêts au taux légal qui seront capitalisés en application des articles 1153-1 et 1154 du code civil à compter de l'assignation ;

Vu notamment les articles 1382, 1147 et 1604,

- la condamner au paiement de 163.140,40 ç avec intérêts à compter de la date à laquelle les locaux ont été restitués qui seront capitalisés conformément à l'article 1154 du Code Civil à compter de l'assignation délivrée à Maître LE DORTZ ;

- condamner la SCP LE DORTZ-BODELET et Maître LE DORTZ conjointement et solidairement ou l'un à défaut de l'autre au paiement d'une somme de 3 500 ç au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel ;

- autoriser la SCP D'ABOVILLE-DE MONCUIT-SAINT HILAIRE et LE CALLONNEC à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile."

Le dossier de la procédure a été transmis au Ministère Public, qui en a donné visa ;

Pour un plus ample exposé du litige, il est fait référence à la décision attaquée et aux dernières écritures des parties. MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant que le défaut de désignation de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte d'appel ne constitue qu'un vice de forme (Cass. Civ. 2ème 18.09.2003) ;

Qu'il ne s'agit pas d'une nullité de fond insusceptible d'être couverte ;

Qu'en l'espèce, Maître DUPONT n'allègue ni ne justifie d'aucun grief ; que Maîtres LE DORTZ et BODELET sont cogérants de la SCP ;

Que l'appel sera déclaré recevable ; * * *

Considérant que Maître DUPONT, es qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA FIGEST, sollicite la condamnation de la SCP LE DORTZ et BODELET au paiement, à titre forfaitaire et de dommages et intérêts d'une somme de 152 449,02 ç pour perte de chance, augmentée de celle de 10 691,40 ç correspondant à la taxe

professionnelle de l'année 1999 ;

Considérant que le liquidateur a seul qualité à agir au nom et dans l'intérêts collectif des créanciers ;

Que l'action individuelle intentée par un créancier, afin de solliciter la réparation d'un préjudice qui n'est pas indépendant de celui occasionné aux autres créanciers, se trouve irrecevable, l'exception d'irrecevabilité pouvant être soulevée à toute hauteur de la procédure ;

Considérant que seul est indemnisable un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers et non un préjudice inhérent à la procédure collective ; qu'il est nécessaire que le demandeur à l'action en responsabilité civile démontre l'existence d'un intérêt personnel, et d'un préjudice distinct de celui de la procédure collective (Cass. Com. 4 mars 2003 - Assemblée Plénière Cass. 9 juillet 1993) ;

Considérant qu'en particulier, dans le cas où un créancier a engagé une action en responsabilité à l'encontre du liquidateur pour ne pas avoir préservé les actifs de la société en les assurant, l'action se trouve irrecevable dès lors qu'elle tend à demander au liquidateur la réparation de la fraction personnelle du préjudice subi par l'ensemble des créanciers et qu'il appartient au dit créancier de solliciter la désignation d'un nouveau liquidateur, à même d'intenter une action en responsabilité contre le précédent (Cass. Com. 4 mars 2003 : - Traité de Droit Commercial de Messieurs X... de Juglart et Benjamin Ippolito :

"Procédures collectives de paiement") ;

Que si l'action en responsabilité contre le liquidateur est toujours possible, sa recevabilité est subordonnée à la désignation du nouveau liquidateur, entamant l'action pour le compte de l'ensemble des créanciers qui subissent eux-mêmes un préjudice collectif dès lors qu'il est reproché au liquidateur en place d'avoir omis de préserver

les actifs ;

Considérant qu'en l'espèce, il est bien reproché à la SCP LE DORTZ-BODELET de ne pas avoir préservé les actifs, en lui imputant une prétendue vendalisation de l'immeuble, un défaut d'assurance de cet immeuble , et même un défaut de chauffage ;

Considérant que ces différentes fautes, à les supposer établies, ne peuvent, en tout état de cause, que concourir à une dépréciation des actifs, dépréciation qui cause un préjudice non à la seule société FIGEST mais à l'ensemble des créanciers ;

Considérant que, de même, le préjudice résultant de l'absence de paiement des loyers, et de l'absence de remboursement par la liquidation du crédit-vendeur, concerne la procédure collective, les sommes en question ayant été déclarées au passif de la liquidation judiciaire de la société FIGEST ;

Considérant que pour ce qui est du préjudice lié à l'impossibilité de continuer l'exploitation, Maître DUPONT prétend qu'il recherche "la responsabilité du mandataire, qui a causé un préjudice, non à la liquidation, mais à la société FIGEST qui a racheté le fonds et a subi un préjudice personnel".

Que cependant, la société FIGEST n'a pas racheté le fonds, la transaction passée portant sur la résiliation du bail et le versement d'une indemnité de 100.000 F accompagnée en outre de l'abandon des loyers dus par la liquidation judiciaire depuis le jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Que par ailleurs, dans la mesure où Maître DUPONT, ès qualité, reproche à la SCP LE DORTZ et BODELET de ne pas avoir préservé les actifs durant la liquidation judiciaire et de ne pas avoir recherché un acquéreur susceptible de désintéresser la société FIGEST, force est de constater que le préjudice en résultant est bien lié à la liquidation judiciaire elle-même et n'a pu naître indépendamment de

la procédure collective ;

Considérant qu'ainsi, l'action intentée par la société FIGEST et reprise par son liquidateur se trouve irrecevable, s'agissant d'une action individuelle introduite par un créancier afin de solliciter la réparation d'un préjudice non indépendant de celui des autres créanciers ;

Considérant que le jugement déféré sera, dès lors, réformé, dans les limites de l'appel, (la disposition ayant jugé irrecevables les demandes formées contre Maître LE DORTZ n'étant pas remise en cause) ; que celui-ci n'a pas été intimé à la présente instance d'appel ;

Qu'à tort, la décision entreprise a admis en faveur de l'intimé le principe d'un préjudice constitué d'une perte de chance d'exploitation, de location ou de vente du fonds par suite d'un défaut de conservation de cet actif, s'agissant d'un préjudice collectif à tous les créanciers de la liquidation judiciaire, et inhérent à la procédure collective ;

Considérant que Maître DUPONT, qui succombe, supportera les dépens et se verra débouté de sa réclamation au titre des frais non répétibles de procédure ;

Qu'il n'apparaît pas inéquitable, au regard notamment de la situation économique de la Société FIGEST, que la société appelante conserve la charge de ses frais non répétibles d'instance ; PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel recevable ;

Réformant le jugement entrepris,

Déclare l'action et les demandes de Maître DUPONT, ès qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société FIGEST, irrecevables ;

Condamne Maître DUPONT, ès qualité, aux entiers dépens ;

Rejette toute prétention autre ou contraire. LE GREFFIER.- LE PRÉSIDENT.-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947478
Date de la décision : 29/11/2005
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Liquidateur judiciaire - Responsabilité

Si l'action en responsabilité contre le liquidateur judiciaire est toujours possible, sa recevabilité est subordonnée à la désignation du nouveau liquidateur, entamant l'action pour le compte de l'ensemble des créanciers qui subissent eux-mêmes un préjudice collectif dès lors qu'il est reproché au liquidateur en place d'avoir omis de préserver les actifs


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2005-11-29;juritext000006947478 ?
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