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12/05/2005 | FRANCE | N°04/04224

France | France, Cour d'appel de Rennes, Première chambre, 12 mai 2005, 04/04224


Première Chambre B R. G : 04/ 04224 Mme Jeannine X... divorcée Y... C/ M. Noùl Y... Infirme la décision déférée RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 12 MAI 2005
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Monique BOIVIN, Président, Madame Rosine NIVELLE, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller, GREFFIER : Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 03 Mars 2005 devant Madame Monique BOIVIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des

parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Par déf...

Première Chambre B R. G : 04/ 04224 Mme Jeannine X... divorcée Y... C/ M. Noùl Y... Infirme la décision déférée RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 12 MAI 2005
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Monique BOIVIN, Président, Madame Rosine NIVELLE, Conseiller, Monsieur Jean-Malo BOHUON, conseiller, GREFFIER : Patricia IBARA, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 03 Mars 2005 devant Madame Monique BOIVIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial ARRÊT : Par défaut, prononcé par Madame Monique BOIVIN, Président, à l'audience publique du 12 Mai 2005.
APPELANTE : Madame Jeannine X... ...44000 NANTES représentée par la SCP BAZILLE J. J., GENICON P., GENICON S., avoués assistée de Me BERNIER, avocat
INTIMÉ : Monsieur Noùl Y... ... 44000 NANTES Régulièrement assigné et réassigné en mairie par exploits en date des 13 septembre 2004 et 3 novembre 2004.
Par requête du 29 septembre 2003 Madame X... divorcée Y... a sollicité du tribunal d'instance de NANTES une procédure de saisie des rémunérations de Monsieur Y... pour obtenir paiement des sommes suivantes :-3 048, 01 euros en vertu d'un arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 18 mars 1999.-888, 10 euros en vertu d'un jugement du juge de l'exécution de NANTES du 31 mars 2003.-65 939, 53 euros en vertu d'un arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 4 juillet 1995.-5 286, 16 euros en vertu d'un arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 16 février 1995.
Par jugement du 24 mai 2004 Madame X... a été déboutée de sa demande de saisie des rémunérations, pensions insaisissables.
Madame X... a interjeté appel ; elle sollicite la réformation du jugement, l'autorisation de saisie des rémunérations du travail de Monsieur Y... à hauteur de :-3 125, 43 euros outre les intérêts légaux à compter du 14 novembre 2003 en exécution de l'arrêt du 18 mars 1999.-924, 18 euros outre les intérêts légaux à compter du 14 novembre 2003 en exécution du jugement du juge de l'exécution de NANTES en date du 31 mars 2003.-66 337, 41 euros outre les intérêts légaux à compter du 14 novembre 2003 en exécution de l'arrêt du 4 juillet 1995.-5 375, 71 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 16 février 1995.
Elle sollicite à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive la somme de 3000 euros, outre 2500 euros au titre des frais irrépétibles.
Elle se prévaut des dispositions de la convention européenne des Droits de l'Homme qui ont un effet direct en droit interne, le juge national étant compétent pour écarter une disposition de l'ordre juridique interne qui lui apparaît non conforme aux dispositions de la convention européenne des Droits de l'Homme, et dénonce le régime discriminatoire d'insaisissabilité de l'article 30 alinéa 2 du code des pensions de retraite des marins qui porte atteinte aux dispositions de l'article 6 de la CEDH et de l'article 1 du protocole additionnel.
Ainsi elle rappelle que l'article 30 du code des pensions des marins empêche l'interdiction d'exécuter une décision de justice à caractère définitif et porte atteinte aux intérêts économiques ayant valeur patrimoniale.
Elle ajoute que la Cour a déjà eu l'occasion, dans le cadre d'un litige opposant les mêmes parties de considérer que les dispositions de l'article L30 du code des pensions n'étaient pas conformes à la CEDH.
Monsieur Y... régulièrement assigné n'a pas comparu ; il sera statué par décision réputée contradictoire.
DISCUSSION :
Attendu que l'article L30 du code des pensions de retraite des marins dispose que les pensions ne sont saisissables qu'à concurrence d'un montant fixé par voie réglementaire qui diffère selon qu'il s'agit de créances de l'Etat, de l'établissement national des Invalides de la Marine, des créances privilégiées de l'article 2101 du code civil des créances d'éléments prévus par les articles 203, 205 à 207, et 214 du code civil ;
Que les créances sollicitées par Madame X... entrent pour partie (les deux premières condamnations) dans les catégories d'exception à l'insaisissabilité (frais de justice) ; que pour le reste les créances sollicitées se heurtent au principe de l'insaisissabilité des pensions de retraite des marins qui n'a pas été modifiée par la loi du 21 août 2003, modifiant l'article 56 du code des pensions civiles et militaires ;
Attendu que toutefois l'article 14 de la convention européenne des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales dispose que la " jouissance des droits et libertés, reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;
Que l'article 6 de la même CEDH relative au procès équitable, s'applique, selon une jurisprudence constante de la Cour Européenne, également à l'exécution des décisions de justice ; qu'en posant le principe d'insaisissabilité des pensions l'article L30 du code des pensions des marins français empêche l'exécution d'une décision de justice ayant cependant un caractère définitif, en ne permettant pas au justiciable d'obtenir l'exécution de cette décision ;
Attendu que l'article 1 du protocole additionnel dispose que " toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international " ;
Que la notion de " biens ", selon une jurisprudence constante s'entend également de " tout intérêt économique qui a une valeur patrimoniale " ;
Que l'article L30 sus-visé porte atteinte aux intérêts économiques de Madame X... au sens de l'article 1 du protocole additionnel ;
Attendu que le régime exceptionnel d'insaisissabilité générale de l'article L30 du code des pensions qui n'est pas justifié par un but légitime, et ne paraît pas nécessaire dans une société démocratique, est une mesure discriminatoire contrevenant aux dispositions de l'article 14 de la convention européenne des Droits de l'Homme ;
Attendu qu'il convient de faire droit à la demande de saisie des rémunérations de Monsieur Y... ;
Attendu que Monsieur Y... fait systématiquement obstacle à l'exécution de toute décision de justice et il en a profité pour organiser son insolvabilité causant ainsi un préjudice certain à Madame X... qui sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 1500 euros pour résistance abusive ;
Qu'il serait inéquitable de laisser à Madame X... la charge de ses frais irrépétibles qui seront indemnisés par la somme de 2000 euros ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Vu l'article L30 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance ;
Vu les articles 6 et 14 de la CEDH en date du 4 novembre 1950 ;
Vu l'article 1 du protocole additionnel en date du 20 mars 1952 ;
Infirme le jugement du 24 mai 2004 ;
Déclare l'article 30 du code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance non conforme à l'article 1 du protocole additionnel, et à l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme combiné à l'article 14 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;
Autorise Madame X... à procéder à la saisie des rémunérations du travail de Monsieur Noùl Y... pour les sommes suivantes :-3 125, 43 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2003 au titre de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de RENNES du 18 mars 1999 ;-924, 18 euros outre les intérêts au taux légal, à compter du 14 novembre 2003, au titre du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NANTES en date du 31 mars 2003 ;-66 337, 91 euros à compter du 14 novembre 2003, outre les intérêts au taux légal, au titre de l'arrêt de la Cour d'Appel de RENNES en date du 4 juillet 1995 ;-5 375, 71 euros outre les intérêts au taux légal, à compter du 14 novembre 2003, au titre de l'arrêt de la Cour d'Appel de RENNES en date du 16 février 1995 ;
Condamne Monsieur Y... à payer à Madame X... la somme de 1500 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive et 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Le condamne aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau
code de procédure civile. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 04/04224
Date de la décision : 12/05/2005

Analyses

STATUTS PROFESSIONNELS PARTICULIERS - Marin - Statut

Est bien fondée la demande de saisie rémunération relative à la pension de retraite d'un marin, malgré le principe d'insaisissabilité des pensions posé à l'article L. 30 du Code des pensions de retraite des marins français, dès lors que ce principe caractérise une mesure discriminatoire contrevenant aux dispositions de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que ce principe n'est par ailleurs pas conforme à l'article 6 de cette même convention relative au procès équitable, qui s'applique également à l'exécution des décisions de justice, et dans la mesure où ce principe porte atteinte aux intérêts économiques de la requérante au sens de l'article 1er du protocole additionnel


Références :

Code des pensions de retraite des marins français du commerce, de pêche ou de plaisance, article L30 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, articles 6, 14
protocole additionnel, article 1er

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2005-05-12;04.04224 ?
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