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09/04/2003 | FRANCE | N°01/06358

France | France, Cour d'appel de Rennes, 09 avril 2003, 01/06358


Septième Chambre ARRÊT R.G : 01/06358 S.A.R.L. L AVENTURINE M. Bernard X... Mme Françoise Y... épouse X... Z.../ M. Patrick Denis A... S.A. SECOVEC BLIN ET ASSOCIES B... du jugement RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 09 AVRIL 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

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Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER : Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 19 Février 2003 ARRÊT

: Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, à...

Septième Chambre ARRÊT R.G : 01/06358 S.A.R.L. L AVENTURINE M. Bernard X... Mme Françoise Y... épouse X... Z.../ M. Patrick Denis A... S.A. SECOVEC BLIN ET ASSOCIES B... du jugement RÉPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 09 AVRIL 2003 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

:

Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, Monsieur Patrick GARREC, Conseiller, Madame Agnès LAFAY, Conseiller, GREFFIER : Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS : A l'audience publique du 19 Février 2003 ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Madame Marie-Gabrielle LAURENT, Président, à l'audience publique du 09 Avril 2003, date indiquée à l'issue des débats.

APPELANTS : S.A.R.L. L AVENTURINE 2 rue Scribe 44000 NANTES représentée par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT etamp; LE CALLONNEC, avoués assistée de Me Jean-Michel CALVAR, avocat Monsieur Bernard X... 2 boulevard Albert Thomas 44000 NANTES représenté par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT etamp; LE CALLONNEC, avoués assisté de Me Jean-Michel CALVAR, avocat Madame Françoise Y... épouse X... 2 boulevard Albert Thomas 44000 NANTES représentée par la SCP D'ABOVILLE, DE MONCUIT etamp; LE CALLONNEC, avoués assistée de Me Jean-Michel CALVAR, avocat INTIMES :

Monsieur Patrick Denis A... 91 boulevard des Américains 44000 NANTES représenté par la SCP CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoués assisté de Me VILLATTE, avocat S.A. SECOVEC BLIN ET ASSOCIES 91 boulevard des Américains 44000 NANTES représentée par la SCP CASTRES COLLEU etamp; PEROT, avoués assistée de

Me VILLATTE, avocat

En 1989 la société l'Aventurine, représentée par sa gérante Mme X..., a pris à bail deux locaux commerciaux dans la galerie commerciale Espace François André à La Baule moyennant d'une part un loyer annuel d'autre part un droit d'entrée ou pas de porte constituant, de convention expresse des parties, un complément de loyer réparti sur les neuf premières années de jouissance.

Le montant des droits d'entrée a été dans un premier temps comptabilisé dans les immobilisations au sein du compte droit au bail puis, à compter de fin 1992, en charges à étaler sur une période de neuf années conformément aux termes des baux commerciaux.

Le nouvel expert comptable de la société l'Aventurine pour les comptes de l'année 1994, la société SAGEC devenue SECOVEC, a validé le choix de son prédécesseur.

Au cours de l'année 1996, la société l'Aventurine a fait l'objet d'un contrôle fiscal et d'un redressement , l'administration estimant que le droit d'entrée devait être comptabilisé dans les immobilisations et non dans les charges à étaler ce qui aboutissait à des loyers excessifs par rapport à la valeur locative réelle. La société n'étant pas assujettie à l'impôt sur les sociétés, ce sont les époux X... qui ont personnellement réglé l'imposition et les pénalités. Ils ont recherché avec la société l'Aventurine la responsabilité de la société SECOVEC et de M. A... pour faute professionnelle.

Par jugement du 17 septembre 2001 le tribunal de commerce de Nantes les a déboutés de leurs demandes.

La société l'Aventurine et les époux X... ont fait appel de ce jugement.

Ils soutiennent en premier lieu que le tribunal de commerce s'est fondé sur des faits et des arguments qui n'étaient pas dans la cause, a violé le principe de la contradiction et statué extra petita. Analysant la nature du droit d'entrée, ils exposent que la valeur locative moyenne du prix au mètre carré ne permettait pas en l'espèce de les comptabiliser en supplément de loyers. Ils en concluent à l'existence d'une faute de SECOVEC et de M. A... qui se sont fondés exclusivement sur la volonté contractuelle et non sur la jurisprudence et la pratique administrative.

En réparation du préjudice ils demandent pour la société l'Aventurine la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 2

238,10 euros représentant les pénalités, pour les époux X... la somme de 60 000 euros.

La société SECOVEC Blin et associés et M. A... soutiennent qu'il n'y pas extra petita dès lors que le tribunal a statué dans les limites de sa saisine.

En ce qui concerne la responsabilité ils font valoir que l'expert comptable n'est tenu que d'une obligation de moyens ; qu'en cas d'incertitude ou de désaccord avec le client il établit un rapport

avec observations ; que c'est la démarche qu'ils ont suivie ; que le choix de porter les pas de porte en charges constatées d'avance est conforme à la doctrine. Ils estiment donc n'avoir commis aucune faute.

Subsidiairement ils exposent qu'il n'y a pas eu de contestation du redressement par les époux X... qui auraient dû verser l'impôt qui leur a été réclamé. Enfin ils soutiennent que les difficultés de la société l'Aventurine ne sont pas la conséquence du redressement fiscal mais de résultats désastreux.

Ils concluent donc à la confirmation du jugement.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens, la cour renvoie aux dernières écritures déposées par les parties le 4 février 2003. SUR CE

Sur la procédure

Considérant que le tribunal de commerce a statué dans les limites de sa saisine et qu'il n'y a donc pas d'"extra petita" ;

Considérant que l'article 16 du nouveau code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Considérant que l'expert comptable expliquait en première instance que "selon les époux X..., ils avaient acquis deux fonds de

commerce dans une galerie qui devait devenir l'une des premières galeries de France." ; qu'il ne soutenait pas cependant que le redressement fiscal n'était pas justifié ;

Que le premier juge a motivé sa décision en critiquant le redressement fiscal et le choix des loyers de comparaison par l'administration sans provoquer les explications des parties alors que le moyen tiré d'une erreur d'appréciation de l'inspecteur des impôts n'était pas dans la cause ;

Qu'il a ainsi violé le principe de la contradiction ;

Que le jugement doit donc être de ce fait annulé ; qu'en vertu de l'effet dévolutif de l'appel il y a lieu de statuer au fond ;

Au fond

Considérant que l'expert comptable est tenu d'une obligation de moyens ; qu'entre dans ses attributions le devoir d'étudier au profit de son client, dans la légalité, la sincérité et la correction, les mesures susceptibles de lui éviter le paiement des frais, droits, taxes et impôts indus ;

Considérant qu'en matière de bail commercial comme en matière fiscale le pas-de-porte ou droit d'entrée est considéré soit comme un supplément de loyer si le loyer est inférieur à la valeur locative réelle soit comme la contrepartie de l'acquisition de la propriété commerciale lorsque le montant du loyer est conforme à sa valeur locative ou lorsque le montant du loyer augmenté de l'indemnité est

supérieur à la valeur locative réelle par rapport à la moyenne des loyers commerciaux du secteur ;

Considérant qu'il résulte d'une note datée du 5 décembre 1994 signée par M. A... que M. X... l'a interrogé sur le traitement comptable et fiscal du droit d'entrée ; qu'il lui a répondu qu'il s'agissait soit d'un supplément de loyer soit d'une indemnité forfaitaire que les parties doivent qualifier en prenant en compte les intérêts pratiques attachés à la qualification ; qu'au plan fiscal le pas-de-porte peut représenter pour le preneur soit l'acquisition d'un élément incorporel du fonds de commerce soit un supplément de loyer ; que cette note ne donne aucune information sur les raisons qui peuvent militer en faveur du choix de l'une ou de l'autre qualification ; qu'elle n'alerte pas sur les conséquences possibles au plan fiscal d'une erreur de qualification ;

Que dans son attestation du 12 janvier 1995 relative à la présentation des comptes l'observation n°2 de M. A... relative au droit d'entrée consiste en sa constatation en "charges à répartir" alors que

: Compte tenu de la rédaction du bail, ces sommes s'apparentent à un supplément de loyer. Il convenait donc de comptabiliser le complément de loyer par le compte "613 LOCATIONS" et de porter en "CHARGES CONSTATEES D'AVANCE" la partie concernant les annuités de bail postérieures au présent exercice. ;

Qu'il est donc établi que l'expert comptable s'est fixé sur la seule rédaction du bail pour apprécier la qualification du droit d'entrée ; que, s'il ne lui appartenait pas d'évaluer la valeur locative réelle des fonds de commerce, il devait informer sa cliente de la difficulté pour lui permettre de se renseigner ;

Qu'il a donc failli à son obligation de prudence et de diligence ;

Considérant qu'il résulte du contrôle fiscal que le redressement est fondé non seulement sur une appréciation de la valeur locative moyenne des commerces avoisinants mais aussi sur le fait qu'après cession des fonds de commerce, les successeurs de la société l'Aventurine ont payé exactement le même montant de loyer ce qui démontre suffisamment que c'est fictivement que le droit d'entrée a été qualifié de supplément de loyer ;

Considérant qu'il est établi par les pièces du dossier que les commerces ont été déficitaires et que les époux X... étaient endettés au-delà de leurs facultés ; qu'ils ne prouvent donc pas que c'est la présentation des comptes ou le redressement fiscal qui a entraîné leur déconfiture et celle de leur société ; qu'aucun lien de causalité entre l'état de santé de M. X... et la faute de l'expert comptable n'est démontré ;

Considérant que l'imposition aurait été due si les comptes avaient été présentés convenablement

;

Que les époux X... ont cependant nécessairement subi un préjudice moral à avoir été soumis à un redressement fiscal et un préjudice matériel consistant d'une part dans les intérêts de retard d'autre part dans le fait de devoir payer rapidement une imposition qui aurait dû être étalée dans le temps ; qu'il leur sera alloué une somme de 5 000 euros à titre de réparation ;

Considérant que la société l'Aventurine ne fait la preuve d'aucun

préjudice ;

Considérant qu'il y a lieu d'allouer une indemnité de procédure de 1 500 euros aux époux X... ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement, Annule le jugement. Condamne solidairement la société SECOVEC et M. A... à payer aux époux X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts. Déboute la société l'Aventurine de ses demandes. Condamne solidairement les mêmes à payer aux époux X... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne les mêmes aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Numéro d'arrêt : 01/06358
Date de la décision : 09/04/2003

Analyses

EXPERT-COMPTABLE ET COMPTABLE AGREE - Obligation de conseil - Redressement fiscal

L'expert comptable est tenu d'une obligation de conseil envers son client et entre notamment dans ses attributions le devoir d'étudier les mesures susceptibles de lui éviter le paiement des frais, droits, taxes et impôts indus. Engage sa responsabilité l'expert comptable qui, sans attirer l'attention de son client sur les conséquences fiscale de la qulification retenue, qualifie de supplément de loyer la somme exigée par le bailleur de son client lors de la signature d'un bail commercial, alors qu'il s'agissait d' un pas de porte


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2003-04-09;01.06358 ?
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