ARRET No du 06 avril 2009
R. G : 08 / 00194
S. A. CAVE S. A. SERVICES PRESTATIONS VIGNES CHAMPAGNE
c /
S. A. R. L. AIR CHAMPAGNE
Formule exécutoire le : à : COUR D'APPEL DE REIMS CHAMBRE CIVILE- 1o SECTION ARRET DU 06 AVRIL 2009
APPELANTES : d'un jugement rendu le 11 Décembre 2007 par le Tribunal de Commerce de EPERNAY,
S. A. CAVE ZI de Mardeuil BP 122-8 Rue du Pré Bréda 51204 EPERNAY CEDEX S. A. SERVICES PRESTATIONS VIGNES CHAMPAGNE 8 rue du Pré Bréda-ZI Mardeuil BP 122 51204 EPERNAY CEDEX
COMPARANT, concluant par la SCP DELVINCOURT-JACQUEMET-CAULIER-RICHARD avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SELAFA FIDAL, avocats au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE
INTIMEE :
S. A. R. L. AIR CHAMPAGNE 08360 SAINT-FERGEUX
COMPARANT, concluant par la SCP GENET-BRAIBANT, avoués à la Cour, et ayant pour conseil la SELARL SIMON PIERRARD, avocats au barreau de REIMS.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Monsieur MAUNAND, Président de Chambre Madame SOUCIET, Conseiller Madame HUSSENET, Conseiller
GREFFIER :
Madame Maryline THOMAS, Greffier lors des débats et du prononcé.
DEBATS :
A l'audience publique du 03 Mars 2009, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Avril 2009,
ARRET :
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2009 et signé par Monsieur Yves MAUNAND, Président de Chambre, et Madame THOMAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
La SARL AIR CHAMPAGNE, qui a pour activité la prestation de services par hélicoptère, et notamment le traitement aérien des vignes par épandage de produits phytosanitaires, a travaillé durant plusieurs années pour le compte de la société SERVICES PRESTATIONS VIGNES CHAMPAGNE, ci après SPVC.
Pour la saison de mai à août 2001, AIR CHAMPAGNE a facturé à SPVC un total de 1 504 954 €, sur lequel cette dernière n'a pas réglé les deux dernières factures, émises le 31 août 2001, soit 74 681, 60 €.
Le 26 septembre 2001, AIR CHAMPAGNE l'a mise en demeure d'acquitter ce solde, vainement.
Par exploit du 12 novembre 2001, elle l'a assignée devant le juge des référés du tribunal de commerce d'EPERNAY. La société SPVC a à son tour saisi le juge des référés par acte du 14 novembre 2001, sur quoi ce dernier a rendu le 28 mars 2002 une ordonnance joignant les deux instances et constatant que l'affaire relevait de la compétence de la juridiction du fond.
Le 29 mai 2006, la SA CAVE, associée unique de la SA SPVC, a décidé de sa dissolution sans liquidation, en application de l'article 1844-5 du code civil.
L'avis de dissolution de la société SPVC a été régulièrement publié dans un journal d'annonces légales, et le 15 septembre 2006, SPVC a été radiée du registre du commerce et des sociétés d'EPERNAY.
C'est dans ces conditions que par exploit du 20 septembre 2006, faisant suite à une assignation du 24 août qui n'avait pas été enrôlée, la SARL AIR CHAMPAGNE a assigné la SA SERVICES PRESTATIONS VIGNES CHAMPAGNE et la SA CAVE par-devant le tribunal de commerce d'EPERNAY, à l'effet, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de voir constater sa qualité de créancière à l'égard de la société SPVC, de voir condamner cette dernière à lui payer la somme de 74 681, 60 €, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, et de voir déclarer son opposition à la dissolution de SPVC recevable et fondée. Elle sollicitait encore l'allocation d'une indemnité de procédure de 2500 €, que le jugement à intervenir soit déclaré commun et opposable à la SA CAVE, et la condamnation de SPVC aux dépens.
La SA CAVE, venant aux droits de la SA SPVC, concluait à l'irrecevabilité de l'opposition à dissolution formée par la demanderesse, l'assignation du 24 août 2006 n'ayant jamais été enrôlée. Subsidiairement, elle soulevait l'irrecevabilité des demandes en paiement, motif pris de ce que la SARL AIR CHAMPAGNE n'aurait pas respecté son engagement de maintenir pour la campagne 2001 les prix de l'année antérieure. La SA CAVE demandait sa mise hors de cause et la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 11 décembre 2007, revêtu de l'exécution provisoire, le tribunal a déclaré l'opposition de la SARL AIR CHAMPAGNE recevable, condamné la SA SPVC à lui verser la somme de 74 681, 60 € produisant intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 septembre 2001, déclaré le jugement commun et opposable à la SA CAVE et condamné cette dernière au paiement de la même somme à la SARL AIR CHAMPAGNE, outre 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La SA CAVE et la SA SERVICES PRESTATIONS VIGNES CHAMPAGNE-SPVC ont relevé appel de cette décision par déclaration du 23 janvier 2008.
Au terme de leurs dernières conclusions, notifiées le 27 janvier 2009, elles poursuivent l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demandent à la Cour, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
dire et juger que la société AIR CHAMPAGNE est irrecevable en son opposition à la dissolution de la société SPVC, l'assignation délivrée le 23 août 2006 n'ayant jamais été enrôlée et n'ayant pu, dès lors, interrompre le délai de prescription de 30 jours,
Subsidiairement,
vu l'acte de dissolution de la société SPVC et sa radiation du registre du commerce et des sociétés en date du 15 septembre 2006, déclarer la société AIR CHAMPAGNE irrecevable ou à tout le moins mal fondée en sa demande en paiement, dire n'y avoir lieu à déclarer l'arrêt commun et opposable à la SA CAVE, et prononcer la mise hors de cause de cette dernière,
En tout état de cause,
débouter la société AIR CHAMPAGNE de l'ensemble de ses demandes et la condamner à payer à la SA CAVE la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers, faculté de recouvrement direct accordée à la SCP DELVINCOURT JACQUEMET CAULIER-RICHARD, avoués.
Les sociétés appelantes soutiennent qu'un accord a été passé entre AIR CHAMPAGNE et la société SPVC, représentées respectivement par Monsieur J-P X... et Monsieur J-P Y..., à l'issue d'un entretien tenu le 5 janvier 2001, dont il a résulté que la première s'engageait à maintenir pour la campagne 2001 un coût à l'hectare identique à celui de l'année précédente.
Surtout, elles font valoir qu'aucune opposition à dissolution n'a été régulièrement formée dans le délai d'un mois instauré par l'article 1844-5 du code civil, et que l'acte du 24 août 2006, non enrôlé, n'a pu interrompre ce délai et faire courir une nouvelle période de 30 jours, non prévue par les textes, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. Elles rappellent à cet égard les termes du décret no 2005-1678 du 28 décembre 2005 applicable au 1er mars 2006, donc à l'espèce, qui dans son article 21 dispose que la remise de l'assignation aux fins d'enrôlement doit être effectuée au plus tard huit jours avant la date de l'audience à peine de caducité, constatée d'office ou à la requête de l'une des parties.
Subsidiairement, elles exposent que dès le mois d'octobre 2001 elles ont contesté le nouveau tarif pratiqué par AIR CHAMPAGNE, et considèrent que le but de la société intimée était manifestement de provoquer une rupture des relations commerciales, ayant déjà négocié avec d'autres partenaires.
Par dernières écritures notifiées le 17 février 2009, la SARL AIR CHAMPAGNE conclut de son côté à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement dont appel et demande à la Cour de condamner au surplus la SA CAVE et la SA SPVC au paiement d'une indemnité complémentaire de 2500 € au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens d'appel, avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP GENETet BRAIBANT, avoués.
Elle affirme en premier lieu que l'assignation délivrée le 24 août 2006, même non enrôlée, a valablement interrompu le délai de 30 jours prévu par l'article 1844-5 du code civil, rappelant que la caducité n'avait jamais été constatée.
Elle considère qu'en tout état de cause, rien ne l'empêcherait, à supposer son opposition à dissolution irrecevable, de réclamer le paiement de sa créance à la SA CAVE, vu la transmission universelle de patrimoine engendrée par cette dissolution.
Sur le fond, elle rappelle qu'elle a fourni, outre la prestation d'épandage par hélicoptère, un service au sol de camions et produits, chauffeurs compris, ajoute qu'elle ne s'est jamais engagée sur un prix pour la campagne 2001, et que SPVC lui avait demandé de nouvelles prestations pour 2001, ce qui explique la différence de coût global ramené à l'hectare par rapport aux années antérieures.
SUR CE, LA COUR,
Sur la recevabilité de l'opposition à dissolution formée par la SARL AIR CHAMPAGNE :
Attendu que l'article 1844-5 du code civil prévoit en son troisième alinéa que la dissolution d'une société dont toutes les parts sociales sont réunies en une seule main entraîne la transmission universelle du patrimoine de la dite société à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation ; que les créanciers peuvent toutefois faire opposition à la dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci ; qu'une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes ; que la transmission du patrimoine n'est réalisée et qu'il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée ou que le remboursement des créances a été effectué ;
Attendu ensuite que l'article 857 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que le tribunal de commerce est saisi par la remise au greffe d'une copie de l'assignation, laquelle doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l'audience, sous peine de caducité de l'assignation, constatée d'office par ordonnance ou à défaut à la requête de l'une des parties ;
Attendu par ailleurs que l'article 2244 ancien du code civil prévoit qu'une citation en justice signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompt la prescription ainsi que les délais pour agir ; que l'exception instaurée par l'article 2247 ancien du même code, notamment dans l'hypothèse d'une assignation caduque faute d'avoir été remise au greffe dans les délais légaux, suppose que cette caducité ait été constatée par décision de justice ;
Or attendu qu'en l'espèce, l'assignation délivrée le 24 août 2006, soit dans le délai de 30 jours après publication de l'avis de dissolution en date du 31 juillet 2006, n'a fait l'objet d'aucune décision de caducité, de sorte qu'elle a valablement interrompu la forclusion et qu'à bon droit les premiers juges ont retenu que cette opposition était recevable ;
Attendu qu'il s'ensuit que la transmission du patrimoine de la société SPVC à la SA CAVE n'a pu valablement avoir lieu en l'absence de décision sur l'opposition et, s'il y a lieu, de paiement de la créance revendiquée par AIR CHAMPAGNE ;
Que seule la société SPVC doit répondre de sa dette éventuelle, de sorte que la SA CAVE sera mise hors de cause ;
Sur le fond :
Attendu en premier lieu que la société SPVC ne justifie nullement de l'accord prétendument intervenu entre les parties pour un maintien, pour la campagne 2001, des tarifs pratiqués l'année précédente, et ce, sur une base forfaitaire à l'hectare traité ;
Attendu par ailleurs que la réalité comme la qualité des prestations facturées pour 2001 ne sont pas contestées, pas plus que le fait que SPVC ait commandé de nouvelles prestations en 2001, consistant notamment à faire intervenir au sol, au mois de juin, des camions et camionnettes avec chauffeur ;
Qu'il résulte au surplus des pièces produites que la superficie sur laquelle AIR CHAMPAGNE a dû intervenir en 2001 était de 27 % inférieure à celle de 2000, (15 878ha au lieu de 21 776ha) et que les heures de vol ont été diminuées quant à elles de 31, 4 %, soit une économie de temps de 4, 4 % à l'hectare ; que l'augmentation du coût global ramené à l'hectare a finalement été de 4, 22 %, alors même que l'inflation était de 1, 6 % et que la diminution de la surface traitée n'a pas permis les mêmes économies d'échelle que pour l'exercice précédent ;
Que cette augmentation, eu égard aux conditions nouvelles d'intervention et aux prestations complémentaires sollicitées, n'apparaît pas démesurée et par suite critiquable, en l'absence de preuve d'un accord préalable qu'elle aurait méconnu ;
Qu'à bon droit les premiers juges ont par suite condamné la société SPVC au paiement du solde de factures ;
Attendu que la société SPVC, qui succombe, sera tenue aux entiers dépens de l'instance, et versera à la société AIR CHAMPAGNE la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant elle-même prétendre à une telle indemnité, et aucune considération d'équité ne commandant par ailleurs de faire application de l'article susvisé au bénéfice de la SA CAVE ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement rendu le 11 décembre 2007 par le tribunal de commerce D'EPERNAY en ce qu'il a déclaré recevable et fondée l'opposition formée par la SARL AIR CHAMPAGNE à la dissolution de la SA SPVC, et condamné la SA SPVC à payer à la SARL AIR CHAMPAGNE la somme de 74 681, 60 € outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 septembre 2001 ;
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Déboute la SARL AIR CHAMPAGNE de ses demandes dirigées contre la SA CAVE et met cette dernière hors de cause ;
Condamne la SA SPVC à payer à la SARL AIR CHAMPAGNE la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa propre demande du même chef ;
Déboute la SA CAVE de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SA SPVC aux entiers dépens de l'instance, et admet, pour leur recouvrement, la SCP GENETet BRAIBANT au bénéfice de l'article 699 du code précité.