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28/08/2018 | FRANCE | N°14/08653

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 28 août 2018, 14/08653


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 28 Août 2018

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/08653 - N° Portalis 35L7-V-B66-BUNGM



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/06009





APPELANTE

L'ASSOCIATION CEPROC (CENTRE EUROPÉEN DES PROFESSIONS CULINAIRES)

[...]

représent

ée par Me Jérôme X..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0097



INTIMÉE

Madame Y... Z...

[...]

représentée par Me Edith A..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0371

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 28 Août 2018

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 14/08653 - N° Portalis 35L7-V-B66-BUNGM

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/06009

APPELANTE

L'ASSOCIATION CEPROC (CENTRE EUROPÉEN DES PROFESSIONS CULINAIRES)

[...]

représentée par Me Jérôme X..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0097

INTIMÉE

Madame Y... Z...

[...]

représentée par Me Edith A..., avocat au barreau de PARIS, toque : G0371

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BEZIO, Président de chambre

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Greffier : Madame Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé ce jour.

- signé pour le Président empêché par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, et par Madame Anna TCHADJA ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme Z... Y... a été engagée par l'association CEPROC (Centre Européen des Professions Culinaires) selon contrat à durée indéterminée du 25 octobre 2011 en qualité de directrice à raison de 39 heures par semaine avec une rémunération brute annuelle de 65 000 euros sur 13 mois.

L'association a pour objet la formation dans les métiers de bouche.

Selon avenant en date du 14 mars 2012, les parties ont convenu que 'Mme Z... effectuait son travail dans le cadre d'un temps plein selon les modalités d'organisation du temps de travail en vigueur au sein du CEPROC présentes ou à venir qui résultent de l'accord relatif à l'organisation du temps de travail du 5 janvier 2012 applicable à la catégorie d'emploi à laquelle appartient Mme Y... Z... ou de tout autre accord ou modalité d'organisation mise en place au sein du CEPROC et qui s'y substituerait' et qu'elle 'percevrait au jour de la signature de l'avenant une rémunération mensuelle brute de cinq mille euros correspondant à un travail à temps partiel de 80% selon les modalités d'organisation du temps de travail résultant de l'accord d'entreprise du 5 janvier 2012 ou de tout autre accord qui s'y substituerait à l'avenir'.

Mme Z... a été placée en arrêt de travail à compter de mai 2012.

Lors de sa visite de reprise, le 7 janvier 2013, elle a été déclarée apte à temps partiel thérapeutique.

Un nouvel arrêt de travail lui a toutefois été délivré jusqu'au 24 mars 2013.

Le 19 février 2013, Mme Z... a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée avec avis de réception, adressée le 27 mars 2013, l'association CEPROC, prise en la personne de son président, a notifié à Mme Z... son licenciement pour désorganisation de l'association consécutive à l'absence prolongée de celle-ci.

Mme Z... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 7 mai 2013.

Par jugement en date du 8 juillet 2014, le conseil a jugé le licenciement de Mme Z... sans cause réelle et sérieuse, a condamné l'association à lui payer la somme de 35 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts à compter du prononcé du jugement, et la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné l'association CEPROC aux dépens.

L'association a interjeté appel le 25 juillet 2014.

Par conclusions visées par le greffier le 26 mars 2018 et exposées oralement à l'audience, l'association CEPROC demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de débouter Mme Z... de l'ensemble de ses demandes, et à titre subsidiaire, si la cour jugeait que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de fixer à une plus juste valeur la demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L1235-3, de confirmer le jugement quant aux demandes relatives à la protection de la santé, et en tout état de cause, de débouter Mme Z... de ses demandes incidentes et de la condamner au paiement de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions visées par le greffier le 26 mars 2018 et exposées oralement à l'audience, Mme Z... demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en nullité de son licenciement, statuant à nouveau, de juger que son licenciement est nul, de condamner l'association à lui payer la somme de 97 500 euros d'indemnité pour licenciement nul, à titre subsidiaire de confirmer en ce qu'il a condamné le CEPROC au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'association à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 97 500 euros, en tout état de cause de juger que le CEPROC a violé son obligation relative à la santé et à la sécurité, en ne respectant pas les dispositions relatives au congé maladie, de condamner l'association à lui verser la somme de 10 833,33 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, d'assortir les condamnations des intérêts légaux, de condamner le CEPROC à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS :

Sur le licenciement :

L'association appelante fait valoir que le poste de directrice, au regard de ses fonctions, devait être occupé en permanence, que la suspension de son contrat de travail a conduit à une réorganisation temporaire du CEPROC dans l'attente de son retour aux termes de laquelle le président de l'association assurait la gestion globale de l' établissement notamment les relations avec les instances représentatives du personnel et le contrôle de la gestion financière en relation avec le directeur financier, la directrice des ressources humaines des relations de travail, le directeur de la formation assurant la gestion quotidienne et pédagogique du CEPROC. L'employeur fait valoir que la présence d'un directeur de façon constante se faisait 'cruellement' ressentir.

L'association souligne qu'un plan de fermeture de classes 'service vente' avait été mis en oeuvre avant l'absence de Mme Z... et qu'un second plan de fermeture de classes DIMA avait été préparé par Mme Z... avant son départ, qu'il a été revu par le président dans le sens de son abandon et que la situation économique dégradée de l'association rendait nécessaire un suivi budgétaire précis et étroit, des relations étroites avec les autorités de tutelle et la présentation à celles-ci d'un projet d'établissement, que dans ce contexte l'absence de Mme Z... créait une perturbation forte de l'association et que son remplacement était indispensable.

Elle soutient qu'en mars 2013, date de son licenciement, Mme Z... ne faisait qu'envisager son retour et que celui-ci n'était nullement prévu.

Mme Z... expose que l'association ne démontre pas l'existence de perturbations consécutives à son absence et que les difficultés économiques invoquées par son employeur sont antérieures à son embauche.

Elle fait valoir qu'elle a établi le projet d'établissement pendant son arrêt maladie, que celui-ci n'existait pas avant son embauche et qu'il ne peut lui être reproché de ne pas l'avoir soumis aux représentants du personnel dans la mesure ou une directrice des ressources humaines avait été recrutée, de sorte qu'elle-même était déchargée des relations avec les représentants du personnel.

Elle souligne qu'il n'entrait pas plus dans ses fonctions d'encadrer le service comptable mais uniquement de participer à la préparation du budget en liaison avec le contrôleur de gestion et de suivre l'exécution du budget.

Elle considère qu'en l'absence de perturbation dans le fonctionnement de l'association en raison de son absence pour maladie, il n'y avait pas de nécessité de la remplacer définitivement et en conclut avoir été licenciée en raison de sa maladie et que son licenciement est nul.

A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'au moment de son licenciement, son employeur avait connaissance de son intention de reprendre à temps plein après le 14 avril 2013 et qu'elle était disponible pour passer une visite de reprise à compter 15 avril 2013 et souligne qu'elle n'était pas remplacée à sa date prévisible de retour. Elle ajoute que son remplacement est intervenu plusieurs mois après son licenciement, qu'elle n'était pas remplacée au jour de son licenciement de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En vertu de l'article L1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé.

Cette interdiction ne s'oppose cependant pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié

Il appartient à l'employeur d'établir à la fois la perturbation engendrée par le prolongement de l'absence du salarié ou ses absences répétées et la nécessité de son remplacement définitif ;

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est libellée en ces termes : 'nous sommes amenés à constater du fait de votre absence prolongée une désorganisation de l'association qui nous conduit à procéder à votre remplacement définitif au poste de Directrice du CEPROC et par la même à votre licenciement . (..) Nous constatons une désorganisation résultant des points suivants :

- nos effectifs d'apprentis ont fortement chuté lors de la dernière rentrée ce qui a engendré des conséquences financières lourdes avec le reversement à notre autorité de tutelle la Région de subventions précédemment perçues et une baisse des subventions 2013.(..)

- la gestion de l'établissement n'est pas assurée dans des conditions satisfaisantes faute de tableaux de bord précis, de procédures de contrôle et d'une réelle gestion analytique. (...)

- les relations avec l'autorité de tutelle, le s partenaires institutionnels ne sont plus assurées de manière régulière et satisfaisante. Il en résulte une distance, un manque de connaissance de la vie de notre établissement qui lui porte préjudice dans son développement et ses projets.

- du point de vue pédagogique, des dossiers en cours comme le projet d'établissement su lequel les institutions représentatives du personnel doivent être consultés sont gelés depuis plusieurs mois faite de directeur présent.'

L'examen des pièces produites révèle tout d'abord que Mme Z... a été engagée en octobre 2011 alors que l'association CEPROC connaissait déjà une situation de crise caractérisée par une baisse de ses effectifs et que sa mission consistait à redresser cette situation. Elle a ainsi pris des mesures de restructuration au cours des sept mois compris entre son embauche et son arrêt de travail pour maladie, consistant notamment dans la suppression d'une classe et des postes y afférents après avoir mené les concertations avec les institutions représentatives du personnel.

Sa fonction était donc centrale dans la mise en oeuvre de mesures de sortie de crise.

Au jour de son arrêt de travail, demeurait à réaliser la rédaction du projet d'établissement réclamé par les financeurs lequel devait définir les mesures à prendre pour recentrer l'activité de formation afin de la rendre rentable et déterminer les axes de développement de cette activité. La mission du directeur consistait à mettre en oeuvre ce projet et à représenter l'association auprès des financeurs. Son absence prolongée a perturbé le fonctionnement de l'association, qui a dû mettre en place une organisation temporaire avec la répartition des attributions de Mme Z... entre le président, le directeur administratif et financier et la directrice des ressources humaines mais cette organisation s'est révélée insuffisante pour faire face aux défis auxquels était confrontée l'association, à savoir un défaut de trésorerie du fait de la non atteinte des objectifs en terme de nombre d'élèves et de l'obligation consécutive de rembourser 330 000 euros à la Région Ile de France.

Seule la présence à temps complet d'un directeur et donc son remplacement pouvait permettre de prendre des mesures pérennes, la fonction d'un directeur étant centrale et indispensable au bon fonctionnement d'une association de cette nature employant plus de 50 salariés et exerçant une mission de service public de formation financée par les fonds publics sous le contrôle d'une autorité de tutelle, en l'espèce la Région Ile de France et concernant 900 élèves.

Mme Z... avait certes envisagé de reprendre une activité à mi-temps thérapeutique le 7 janvier 2013 mais le 8 janvier, son état de santé ne lui permettait plus de le faire selon certificat médical produit par celle-ci.

Dès lors, son remplacement définitif était rendu nécessaire afin de mettre fin aux perturbations dans le fonctionnement normal de l'association nées de l'absence prolongée de la directrice.

Le 15 mars soit après sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, elle informait son employeur qu'elle pourrait effectuer une visite de reprise à compter du 15 avril 2013. L'employeur avait donc déjà engagé la procédure de licenciement lorsqu'il a été informé de la reprise hypothétique de Mme Z..., cette dernière ne démontrant pas dans le cadre de la présente instance que son arrêt maladie a effectivement pris fin en avril 2013. Or, le 15 mars 2013, l'absence depuis plus de dix mois de celle-ci avait fortement perturbé le fonctionnement de l'association rendant nécessaire le recrutement définitif d'un directeur à temps plein.

La procédure de recrutement d'un nouveau directeur a été engagée en avril 2013, les candidatures ont été reçues à compter du 9 avril, les entretiens se sont tenus jusqu'en juillet 2013 et M. B... a pris ses fonctions en septembre 2013. Au regard de l'importance du poste de directeur, le délai de remplacement définitif de Mme Z... à savoir six mois -de mars à septembre 2013 - demeure raisonnable.

Dès lors, le licenciement de Mme Z... est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité et infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de

sécurité :

Mme Z... expose avoir travaillé pendant son arrêt maladie au profit du CEPROC et ce en connaissance de la présidence de l'association et considère qu'en la laissant travailler pendant une période de suspension de son contrat de travail, son employeur a manqué à son obligation d'assurer sa sécurité et de protéger sa santé physique comme le lui impose l'article L4121-1 du code du travail et l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

L'association CEPROC réfute avoir commis la moindre faute, fait valoir que c'est Mme Z... qui avait sollicité la possibilité d'obtenir des nouvelles du CEPROC et que le président de l'association avait dû lui demander de cesser d'intervenir à distance dans la gestion de l'association.

Les échanges de courriers et de messages électroniques produits établissent que Mme Z... était en demande de rester informée de la situation du CEPROC et travaillait au début de son arrêt maladie en établissant des fiches de poste puis en rédigeant un projet d'établissement.

En la laissant travailler de mai 2012 au 17 septembre 2012, l'association employeur n'a pas respecté la suspension du contrat de travail et partant n'a pas pris les mesures nécessaires pour protéger la santé de sa salariée.

Le préjudice moral causé par ce manquement sera réparé par l'allocation de la somme de 2000 euros de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

L'association CEPROC est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du licenciement,

statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Juge que le licenciement de Mme Z... est justifié par une cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association CEPROC à payer à Mme Z... la somme de 2000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité,

Condamne l'association CEPROC à payer à Mme Z... la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'association CEPROC aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE CONSEILLER

P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/08653
Date de la décision : 28/08/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/08653 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-08-28;14.08653 ?
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