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23/05/2016 | FRANCE | N°14/02512

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 23 mai 2016, 14/02512


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1



ARRÊT DU 23 Mai 2016

(n° 126-2016, 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02512



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F12/07509





APPELANT

Monsieur [N] [T]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]
>comparant en personne, assisté de Me Fatima MEKHETTECHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0978





INTIMEE

SNC EUROPE NEWS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 343 508 750

représ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRÊT DU 23 Mai 2016

(n° 126-2016, 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02512

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F12/07509

APPELANT

Monsieur [N] [T]

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Fatima MEKHETTECHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0978

INTIMEE

SNC EUROPE NEWS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 343 508 750

représentée par Me Sébastien LEROY, ( SELARL ACTANCE )

avocat au barreau de PARIS, toque : K 168

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Irène CARBONNIER, Président,

Madame Martine VEZANT, Conseiller,

Madame Florence PERRET, Conseiller,

Greffier : Mme Emmanuelle MAMPOUYA, lors des débats et Mme Marine CARION lors de la mise à disposition.

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Irène CARBONNIER, président et par Mme Marine CARION, greffier à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

Vu le jugement prononcé le 21 octobre 2013 par le conseil de prud'hommes de Paris ayant débouté M. [T] [N] de l'ensemble de ses demandes tendant à requalifier la prise d'acte intervenue le 31 mai 2012 en licenciement nul à raison de son statut de salarié protégé, constater l'irrégularité de l'accord de réduction du temps de travail de la SNC EUROPE NEWS ainsi que la nullité de la convention de forfait imposée au salarié, en conséquence condamner l'employeur au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de licenciement, de préavis, pour violation du statut protecteur, licenciement nul, harcèlement moral, discrimination syndicale, droit individuel à la formation, ainsi que de rappel d'heures supplémentaires et de primes d'ancienneté, d'une indemnité pour travail dissimulé et de frais de procédure,

Vu l'appel interjeté par M. [T] [N] et ses conclusions aux fins de requalification de sa prise d'acte intervenue le 31 mai 2012 en licenciement nul à raison de son statut de salarié protégé, de constatation de l'irrégularité de l'accord de réduction du temps de travail de la SNC EUROPE NEWS, de reconnaissance de l'existence d'un harcèlement moral et d'une discrimination syndicale, de constatation de la nullité de la convention de forfait imposée au salarié et de condamnation d'EUROPE NEWS à lui payer les sommes suivantes:

- 114 333, 96 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement des journalistes,

- 17 934, 47 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 793, 47 euros bruts correspondant aux congés payés afférents,

- 269 021 euros bruts au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur (jusqu'au terme de la période de protection, soit 30 mois de salaire),

- 116 575 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (13 mois de salaire),

- 53 804 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral (6 mois de salaire),

- 53 804 euros nets à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale (6 mois de salaire)

- 3 054 euros nets à titre d'indemnité de droit individuel à la formation,

- 58 473 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires du 1er juin au 31 décembre 2007, outre 5 847 euros bruts pour les congés payés afférents, subsidiairement 54 342,38 euros bruts outre 5 432 euros bruts,

- 112 642, 51 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour l'année 2008, outre 11 264 euros bruts pour les congés payés afférents, subsidiairement, 115 583,81 euros, bruts outre 11 558 euros bruts,

- 101 989, 53 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour 2009, outre 10 198 euros bruts pour les congés payés afférents, subsidiairement 85 567 euros bruts, outre

8 556 euros,

- 101 922, 55 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour 2010, outre 10 192 euros bruts, subsidiairement, 85 426,86 euros outre 8 542 euros bruts,

- 92 157, 60 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour 2011, outre 9 215 euros bruts pour les congés payés afférents, subsidiairement, 72 771,68 euros bruts outre 7 271 euros bruts,

- 28 183, 08 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires pour 2012, outre 2 818 euros bruts pour les congés payés afférents, subsidiairement, 19 904, 97 euros bruts outre 1 990 euros bruts,

- 53 804 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 9 397, 63 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté pour 2007-2008,

- 8 777, 74 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté pour 2008-2009,

- 9 753,30 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté pour 2009-2010,

- 10 728, 35 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté pour 2010-2011,

- 7 802, 43 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté pour 2011-2012,

- 7 500 euros au titre de ses frais de procédure,

Vu les conclusions de la SNC EUROPE NEWS tendant à voir juger que la prise d'acte de M. [N] prend les effets d'une démission, débouter l'appelant de toutes ses demandes, subsidiairement, les limiter, et le condamner à lui payer 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Considérant que [T] [N] a été engagé suivant contrat à durée indéterminée signé avec l'agence de presse EUROPE NEWS en qualité de chroniqueur pour la radio EUROPE 1 sur les sujets de Justice et de Société à compter du 1er septembre 1999 ; que le contrat, soumis à la Convention collective nationale du travail des journalistes complétée par l'Accord d'entreprise du 8 avril 1997, précisait que le salarié, rémunéré à hauteur de 595 000 francs bruts (90 707€) versés en treize mensualités pour l'ensemble de ses activités exécutées pour le compte de la société, était placé sous l'autorité du directeur de la rédaction et devait demander à la direction générale son accord écrit et préalable pour avoir une autre occupation professionnelle, rémunérée ou non, de quelque nature qu'elle soit ;

Que, par avenant du 8 novembre 2000, la rémunération de M. [N] a été portée à 624 000 francs bruts (95 125€), primes d'ancienneté incluses, précision étant donnée que, conformément à la politique salariale de l'employeur, cette rémunération ne fera l'objet d'aucune indexation mais sera examinée annuellement au cours d'un entretien avec la direction de la rédaction ;

Que, par un nouvel avenant du 2 janvier 2001, M. [N] a été informé de l'application de l'article 10-1 de l'accord d'entreprise du 22 décembre 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail le concernant en tant que collaborateur d'encadrement bénéficiant de l'autonomie correspondante dans l'organisation de son activité, dont la durée de travail ne peut être mesurée précisément ; qu'il y était contractuellement prévu que la rémunération de M. [N], maintenue en l'état, présentait un caractère forfaitaire indépendamment du nombre d'heures effectuées ;

Que la rémunération de M. [N] a été portée à 103 058 euros bruts à compter du 1er janvier 2004 puis à 105 658 euros à compter du 1er janvier 2008 ;

Qu'une prime mensuelle expressément liée à la présentation de l'émission hebdomadaire « Paroles d'accusés » a été versée au salarié à hauteur de 350 euros du 1er septembre 2005 au 30 juin 2006 puis à hauteur de 800 euros du 1er septembre 2006 au 30 juin 2007, l'intéressé l'ayant expressément accepté le 2 novembre 2005 et le 9 octobre 2006 ;

Considérant que, dans le cadre d'une réorganisation de l'agence de presse, [T] [N] a rejoint le grand service « Faits divers » incluant le service Police-Justice dont M. [G] [Q], comme lui élu du personnel au comité d'entreprise, a été nommé chef de service ; que, parallèlement, au printemps 2009, la rédaction d'EUROPE 1 a fait l'objet d'un réaménagement d'ensemble du plateau de la rédaction ayant donné lieu à de nombreuses réunions avec le CHSCT et à l'intervention de l'inspection du travail et du médecin du travail ; que [T] [N] a dès lors intégré « la table de travail » de six bureaux en vis-à-vis implantée dans un vaste « openspace », face à la spécialiste Justice, [P] [W], avec laquelle il était amené à travailler au quotidien ;

Considérant que les parties ont produit l'entretien d'évaluation de [T] [N] pour l'année 2008-2009 auquel l'intéressé n'avait pas souhaité répondre et celui de 2010 faisant état de son souhait d'une chronique ou émission quotidienne ou hebdomadaire sur la justice, les faits divers et les questions de société, ainsi que d'une amélioration de l'environnement de son poste de travail tandis que lui était fixé l'objectif d'apprendre à envoyer le son du palais de justice pour être au même niveau technique que les chroniqueurs judiciaires des autres radios ; qu'il a également été communiqué une annexe à un entretien annuel d'activité 2011, établie par [T] [N] et portant la mention « Vu avec [G] [Q] le 29 mars 2012 », en réalité remis en main propre à ce dernier dans la semaine ayant suivi l'entretien annuel du 29 mars 2012 auquel l'intéressé n'avait pas souhaité répondre, annexe aux termes de laquelle le salarié « dresse un bilan très sombre des récentes évolutions de sa fonction au sein d'EUROPE 1 », relevant que son intégration au sein du service dont M. [Q] est responsable s'est accompagnée d'une dégradation de ses conditions de travail et qu'il exécute désormais ses missions en ayant le sentiment de ne plus avoir d'indépendance fonctionnelle, ayant au surplus été écarté des réunions de direction et n'ayant bénéficié d'aucune augmentation individuelle de salaire ;

Qu'alors qu'[G] [Q] atteste que si la réorganisation a fait perdre une part de son autonomie à [T] [N], ce dernier bénéficiait d'un régime privilégié et que ses horaires de travail étaient les mêmes que ceux de ses collègues « justice » et inférieurs à ceux des collègues « police », une attestation de [S] [C], directeur de la rédaction d'EUROPE 1, communiquée par l'employeur confirme qu'une rubrique quotidienne judiciaire consistant en un rendez-vous spécifique de six à huit minutes permettant de diffuser 'un sonore'sur un sujet déjà traité en apportant un éclairage à travers l'interview d'un magistrat ou avocat a été proposée à [T] [N] sur la grille d'été 2012 et que ce dernier avait commencé à travailler sur cette quotidienne devant être diffusée après le journal de 13 heures ;

Considérant qu'il ressort d'un courrier remis le 31 mai 2012 en main propre à la directrice des ressources humaines d'EUROPE NEWS, son employeur, que [T] [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'agence de presse

- en observant que son activité syndicale limitée à la défense des droits de ses collègues et à l'amélioration du statut collectif a seule stoppé l'ascension professionnelle qui lui était promise au sein d'EUROPE 1, ses émissions étant successivement supprimées et ses propositions et projets, malgré leur intérêt, écartés,

- en notant qu'il a subi une politique de déstabilisation puis d'isolement violente et sournoise par éviction de l'antenne, refus de participation aux réunions d'encadrement, suppression de son bureau pour un emplacement dans un lieu de passage bruyant et mal éclairé, dégradation de son statut avec modification de son contrat de travail sans son accord et relégation à des tâches ingrates de « reporter tout terrain » et de prises de son au palais de justice ou de montage des bandes sonores, de déplacement en tout lieu, à première demande, ce qui le contraignait à « mendier » des minutes d'antenne épisodiques, à accepter de rédiger des chroniques pour « boucher les trous de la grille d'été » sous la houlette d'un responsable de service lui dictant son programme journalier sans la moindre concertation,

- en faisant valoir que cette rétrogradation s'était accompagnée d'une absence de valorisation de son statut et du non paiement des nombreuses heures supplémentaires qu'il effectuait ;

qu'il concluait que ces faits, assimilables à du harcèlement et à de la discrimination à l'encontre d'un représentant du personnel, lui avaient fait prendre conscience du but poursuivi par une entreprise sourde à ses alertes, consistant à l'isoler et à le détruire pour l'exclure plus facilement, ce qui l'amenait en conséquence, afin de protéger sa santé physique et mentale, à quitter EUROPE 1 ;

Qu'en réponse au message adressé le 2 juin 2012 par M. [N] [G] lui proposant une rencontre, M. [N] a répondu qu'il devait en priorité mobiliser ce qui lui restait d'énergie pour trouver rapidement un autre job et laissait son avocat prendre contact avec lui pour évoquer sa situation ;

Qu'un communiqué de la chancellerie en date du 4 juin 2012 a annoncé la nomination de [T] [N] au poste de porte-parole du ministère de la justice à la suite du départ de son prédécesseur, nommé à d'autres fonctions judiciaires par décret du 3 mai 2012 ;

Considérant qu'il appartient au salarié prenant acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur de rapporter la preuve de manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat, à défaut de quoi la prise d'acte produit les effets d'une démission ; l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, le juge étant tenu d'examiner les manquements invoqués devant lui par le salarié ;

Considérant qu'en l'espèce, s'agissant des émissions successivement supprimées et des propositions et projets écartés malgré leur intérêt, [T] [N] invoque son rôle actif lors de l'assemblée générale de l'UES et des négociations sur l'organisation et les effectifs de l'entreprise au premier semestre 2007 pour démontrer que le brutal retrait à compter de septembre 2007 de son émission « Paroles d'accusés » initiée à l'été 2005 serait une mesure de rétorsion ; qu'il fait valoir que le refus de sa proposition d'une émission « Justice » en juillet 2008 puis d'une chronique consacrée aux affaires de justice et en particulier de victimes au printemps 2009 a été la conséquence de son élection comme délégué du personnel Force Ouvrière (FO) en janvier 2008 et de sa désignation comme représentant syndical au Comité d'entreprise (CE) en juin 2008 ; qu'il met enfin en rapport son élection sur la liste FO comme membre titulaire du comité d'entreprise en mars 2010 avec la critique de certains de ses papiers fin 2010 et avec le nouvel objectif qui lui a été assigné lors de son entretien annuel de maîtriser le rapatriement d'enregistrements depuis le palais de justice;

Mais considérant, alors que le rôle de M. [N] dans les événements de 2007 puis dans le cadre de ses fonctions électives n'apparaît pas déterminant mais conforme à ses attributions d'élu du personnel, que les faits dont il arguë, caractérisant selon lui du harcèlement ou une discrimination syndicale, ne lui sont pas apparus suffisamment graves pour empêcher la poursuite de son contrat jusqu'en 2012 ;

Considérant, sur ses conditions de travail, que [T] [N] fait également état du retrait du bureau vitré dont il disposait avec un seul collègue jusqu'au printemps 2009 pour lui faire intégrer un openspace avec ses cinq collègues du service « Faits divers » ;

Mais considérant que cette décision de l'employeur, régulièrement soumise au CHSCT, à l'inspection du travail et à la médecine du travail qui ont exercé leurs missions respectives en faisant part de leurs remarques notamment sur le plan acoustique, a été prise trois ans auparavant dans le cadre de la réorganisation de l'ensemble de la rédaction ; qu'il apparaît que la réorganisation des services a eu des conséquences sur l'ensemble de la rédaction, seuls les directeurs ayant bénéficié de bureaux individuels nécessaires au regard de leurs fonctions, et non sur le seul [T] [N] ;

Considérant, sur la perte d'autonomie invoquée par [T] [N], que ce dernier reproche au directeur de la rédaction de lui avoir rappelé en février 2011 que les passages des journalistes d'EUROPE 1 sur les plateaux de télévision ne devaient pas se faire au détriment de leurs missions pour la station ;

Considérant cependant que ce rappel des termes mêmes de son contrat de travail adressé à M. [N] pour éviter qu'il ne privilégie ses interventions dans l'émission « C dans l'air » relève indiscutablement du pouvoir de direction de l'employeur impliquant un nécessaire contrôle des salariés dès lors que celui-ci l'a mis en oeuvre pour assurer les intérêts légitimes de l'entreprise et qu'aucun abus de l'employeur n'est établi ;

Considérant, s'agissant des événements proches de la date du courrier de prise d'acte, que [T] [N] invoque l'absence de réaction de la direction à la réception de « l'annexe jointe à l'entretien annuel d'évaluation » par le responsable du service « police justice » le 5 avril 2012 ; que ce document émanant du seul M. [N] ne peut naturellement faire preuve de la vérité des reproches qu'il formule à l'encontre de son employeur quant à son exclusion de l'encadrement et, en particulier, des réunions avec la direction sur les projets rédactionnels et à son cantonnement « à des tâches de simple exécutant chargé de ci, de là de recueillir des témoignages sonores en faisant des prises de son » ;

Que M. [N] fait également état d'une altercation avec le responsable du service « police justice » en mai 20012 à la suite d'une note qu'il avait rédigée et diffusée au CE sur les liens politiques entretenus par EUROPE 1 avec [R] [B] pour démontrer qu'il serait de plus en plus difficile pour les journalistes d'y faire leur travail ;

Mais considérant qu'outre la date de ces derniers événements, extrêmement proche de la nomination de M. [N] en qualité de porte-parole du ministère de la justice impliquant de nécessaires négociations avec la chancellerie dès avant celle de son prédécesseur dans ses nouvelles fonctions, il ressort de l'échange de mails produit par le salarié à l'appui de l'incident de mai 2012 que les parties elles-mêmes l'ont jugé suffisamment anodin pour le tenir tous deux pour « clos » dans les heures qui ont suivi ;

Considérant que le médecin traitant de M. [N] en date du 16 avril 2012, qui fait état d'un syndrôme anxio-dépressif « depuis quelques mois », que l'intéressé rattacherait à des conditions de travail devenues conflictuelles et difficiles, ne peut suppléer l'absence de preuve des manquements de l'employeur en sorte qu'il y a lieu de rejeter les demandes du salarié au titre du harcèlement moral ;

Considérant que [T] [N] conclut également à une discrimination salariale à raison de sa qualité de représentant du personnel et de ses activités syndicales à compter de 2007 en imputant à l'employeur le non respect de ses obligations contractuelles de revoir annuellement son salaire et de distribuer des augmentations individuelles en sorte que sa rémunération aurait baissé de 1,32 % entre 2000 et 2012 tandis que celle des collègues figurant sur le panel produit par EUROPE 1 aurait augmenté de 50 % entre ces deux dates;

Que le salarié fait plus généralement état du fait que sa rétrogradation se serait accompagnée d'une absence de valorisation de son statut et du non paiement, à compter de 2007, de nombreuses heures supplémentaires et primes dont il demande le paiement ;

Mais considérant que la direction de la société a répondu lors d'une réunion du 21 mai 2012 aux inquiétudes des délégués du personnel exprimées le 28 février précédent en contestant énergiquement l'existence de discriminations professionnelles et salariales dont seraient victimes certains représentants du personnel tels [Z] [R] et [U] [D], sans que les partenaires n'aient à aucun moment même évoqué la situation de M. [N] ;

Considérant qu'il y a surtout lieu d'observer qu'il s'établit des pièces produites par l'intéressé que son salaire annuel fixe a régulièrement augmenté depuis son embauche pour se stabiliser à 105 658 euros par an à compter de mars 2008 ; que le fait de n'avoir pas bénéficié des augmentations de salaire dans le cadre de la NAO depuis 2006 a été justifié par la situation de M. [N] dans l'entreprise et par son niveau de rémunération ; que le statut de cadre autonome de ce dernier résultant de la convention individuelle de forfait qu'il a signée le 2 janvier 2001 conformément à l'accord d'entreprise du 22 décembre 2000 pris en application de l'article L. 3121-39 du code du travail prévoyait 206 jours de travail par an et l'organisation d'entretiens annuels d'évaluation ; que le statut de M. [N], qui n'était pas tenu au respect d'un horaire collectif et organisait son travail sans recevoir de consigne d'exécution, était indiscutablement en adéquation avec l'autonomie dont disposait le chroniqueur judiciaire dans le cadre de l'organisation générale de l'entreprise ; que la participation de M. [N] aux conférence de rédaction de 9 heures et 15 heures, dont il n'est nullement justifié qu'elles fussent une obligation, est au contraire un attribut de sa qualité de cadre autonome d'EUROPE 1 ;

Considérant, s'agissant du rappel des primes d'ancienneté, que [T] [N] ne relève pas, en sa qualité de journaliste 'statut cadre' et au regard de son niveau de rémunération, de la Convention collective du 29 octobre 2005 destinée aux employés, techniciens, agents de maîtrise et cadres hors journalistes, mais de la Convention collective nationale des journalistes et de l'annexe 2 de la convention collective d'entreprise spécifique aux journalistes (version 2005) ne prévoyant de primes d'ancienneté que pour majorer les barèmes des minimas conventionnels ; qu'alors que [T] [N] se borne à produire un bulletin de salaire anonyme pouvant correspondre à ce cas de figure, il ne démontre par ailleurs pas que la différence de traitement entre deux catégories de personnel qu'il invoque serait étrangère à des considérations d'ordre professionnel ; que cette demande de M. [N] sera dès lors également rejetée ;

Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société EUROPE NEWS et de condamner [T] [N] à lui payer à ce titre de la somme de 2 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

confirme le jugement en toutes ses dispositions,

condamne [T] [N] aux dépens et à payer à la société EUROPE NEWS la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/02512
Date de la décision : 23/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°14/02512 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-23;14.02512 ?
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