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24/09/2012 | FRANCE | N°10/06992

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 24 septembre 2012, 10/06992


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2012



(n° , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06992



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007036116





APPELANT



Monsieur [S] [N]

[Adresse 7]

P.O. Box 1170 OLIVER BC

[Localité 14]

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représenté et assisté de la SCP GALLAND - VIGNES (Me Marie-catherine VIGNES) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0010)

et de Me Michel PEZET et de Me Emilie LOMBARD, avocats au barreau de MARSEILLE





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Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2012

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/06992

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Février 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007036116

APPELANT

Monsieur [S] [N]

[Adresse 7]

P.O. Box 1170 OLIVER BC

[Localité 14]

représenté et assisté de la SCP GALLAND - VIGNES (Me Marie-catherine VIGNES) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0010)

et de Me Michel PEZET et de Me Emilie LOMBARD, avocats au barreau de MARSEILLE

INTIMES

SA D'EXPANSION DU SPECTACLE

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Jean-marie BURGUBURU (avocat au barreau de PARIS, toque : J016), de Me Jean Michel LUCHEUX (avocat au barreau de PARIS, toque : T0605), et de Me Bertrand CHABENAT (avocat au barreau de PARIS, toque : K056)

COMPAGNIE MEDITERRANEENNE CINEMATOGRAPHIQUE

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Jean-marie BURGUBURU (avocat au barreau de PARIS, toque : J016), de Me Jean Michel LUCHEUX (avocat au barreau de PARIS, toque : T0605), et de Me Bertrand CHABENAT (avocat au barreau de PARIS, toque : K056)

Société EURO VIDEO INTERNATIONAL

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Jean-marie BURGUBURU (avocat au barreau de PARIS, toque : J016), de Me Jean Michel LUCHEUX (avocat au barreau de PARIS, toque : T0605), et de Me Bertrand CHABENAT (avocat au barreau de PARIS, toque : K056)

SA LUMIERE

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Jean-marie BURGUBURU (avocat au barreau de PARIS, toque : J016), de Me Jean Michel LUCHEUX (avocat au barreau de PARIS, toque : T0605), et de Me Bertrand CHABENAT (avocat au barreau de PARIS, toque : K056)

Madame [G] [N] épouse [P]

[Adresse 3]

[Localité 11]

représentée et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Jean-marie BURGUBURU (avocat au barreau de PARIS, toque : J016), de Me Jean Michel LUCHEUX (avocat au barreau de PARIS, toque : T0605), et de Me Bertrand CHABENAT (avocat au barreau de PARIS, toque : K056)

Monsieur [T] [P]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

représenté et assisté de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Jean-marie BURGUBURU (avocat au barreau de PARIS, toque : J016), de Me Jean Michel LUCHEUX (avocat au barreau de PARIS, toque : T0605), et de Me Bertrand CHABENAT (avocat au barreau de PARIS, toque : K056)

Monsieur [I] [P]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représenté et assisté de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Jean-marie BURGUBURU (avocat au barreau de PARIS, toque : J016), de Me Jean Michel LUCHEUX (avocat au barreau de PARIS, toque : T0605), et de Me Bertrand CHABENAT (avocat au barreau de PARIS, toque : K056)

Madame [R] [P] épouse [Y]

[Adresse 15]

[Adresse 2]

représentée et assistée de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0044)

et de Me Jean-marie BURGUBURU (avocat au barreau de PARIS, toque : J016), de Me Jean Michel LUCHEUX (avocat au barreau de PARIS, toque : T0605), et de Me Bertrand CHABENAT (avocat au barreau de PARIS, toque : K056)

Madame [K] [J] en sa qualité de commissaire aux comptes

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée et assistée de la SCP MONIN - D'AURIAC (Me Patrice MONIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J071)

et de Me Maxime DELHOMME de la SCP DELHOMME BREGOU & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0094)

Monsieur [O] [M] en sa qualité de commissaire aux comptes

[Adresse 9]

[Localité 10]

représenté et assisté de la SCP MONIN - D'AURIAC (Me Patrice MONIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J071)

et de Me Maxime DELHOMME de la SCP DELHOMME BREGOU & ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0094)

PAIONIA SETTLEMENT

[Adresse 12]

SW1Y 6AW LONDRES

00000 ROYAUME UNI

représenté et assisté de Me Patricia HARDOUIN (avocat au barreau de PARIS, toque : L0056)

et de Me Sandrine RICHER (avocat au barreau de PARIS, toque : B0076)

Société VERFIDES TRUST SERVICE prise ès qualités de Trustee du Trust PAIONIA SETTLEMENT

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 12]

SW1Y 6AW LONDRES

ROYAUME UNI

représentée et assistée de Me Patricia HARDOUIN (avocat au barreau de PARIS, toque : L0056)

et de Me Sandrine RICHER (avocat au barreau de PARIS, toque : B0076)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie HIRIGOYEN, Présidente

Madame Evelyne DELBES, Conseillère

Monsieur Joël BOYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie HIRIGOYEN, présidente et par Mme Catherine CURT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le groupe [N] a été fondé, après la Seconde Guerre mondiale, par M.[C] [N], décédé en 1988 et ayant laissé pour héritiers, son épouse [H] [N] et deux enfants, M. [S] [N] et Mme [G] [N] épouse [T] [P].

Ce groupe, qui exploite des salles de cinéma et s'est par ailleurs développé dans le domaine de l'immobilier, est constitué de deux sociétés holding : la SA Société d'Expansion du Spectacle (SES) et la SA Eurovidéo International (EVI), lesquelles contrôlent diverses sociétés parmi lesquelles la Compagnie Méditerranéenne Cinématographique (COMECI) et la SA Lumière.

Au décès de leur fondateur, le capital social, essentiellement familial, a été réparti entre héritiers, M. [S] [N] étant à ce jour, et sous réserves de multiples contestations qui font l'objet d'instances distinctes, détenteur de 18,70% du capital de SES, de 31,24 % du capital d'EVI, de 29,94% du capital de COMECI et de 0,1% du capital de la société Lumière.

Le 4 décembre 1998, Mme [G] [N] épouse [P] a été nommée à la présidence des sociétés SES et EVI.

Le 18 juin 2004, Mme [G] [P], M. [T] [P], son époux, et leur fille Mlle [R] [P] ont constitué un trust intitulé Paionia Settlement, dont les bénéficiaires sont, outre les fondateurs, M. [I] [P], frère d'[R], ainsi que les descendants et futurs descendants de [I] et [R] [P].

Le 17 août 2004, les constituants ont confié à ce trust leur participation majoritaire dans le groupe [N].

De nombreux contentieux tant en France qu'à l'étranger ont opposé M. [S] [N] à sa soeur [G], liés, d'une part, à la succession, d'autre part, à la constitution par les consorts [P] du trust auquel a été confié le bloc de contrôle du groupe.

Il sera rappelé pour l'essentiel :

- que M. [S] [N], notamment, avait le 26 décembre 2000 porté plainte en se constituant partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Grasse du chef de diverses infractions à la législation sur les sociétés par actions, abus de confiance, faux et usage, relativement à la répartition du capital social des sociétés SES et EVI, l'information judiciaire s'étant conclue par une ordonnance de non-lieu en date du 12 février 2003, confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction en date du 26 février 2004, à ce jour définitif ensuite du rejet d'un pourvoi en cassation,

- qu'une instance civile a opposé les parties devant le tribunal de grande instance de Grasse en liquidation-partage de la succession, à l'issue de laquelle Mmes [H] [N] et [G] [N] épouse [P] ont été déclarées coupables de recel successoral, relativement à un compte en suisse, le tribunal ayant ordonné le rapport à la masse successorale de la somme de 3 389 788,51 euros par jugement en date du 28 août 2007, frappé d'appel, l'instance d'appel étant à ce jour en cours,

- que M. [S] [N] a assigné en référé devant le président du tribunal de commerce de Paris les consorts [P] et les sociétés concernées aux fins de se voir communiquer les pièces relatives à la constitution du trust Paionia Settlement, demande qui a été rejetée par ordonnance du 15 décembre 2005, laquelle a été confirmée par arrêt du 13 septembre 2006, ensuite rétracté par arrêt du 8 avril 2009, la cour d'appel de Paris (14ème chambre, section A) ayant considéré, au vu des éléments nouveaux allégués, qu'il y avait lieu de condamner la société Verfides Trust Services VTS, trustee, à communiquer à M. [S] [N], notamment, 'une copie certifiée conforme- selon les règles de la loi anglaise- des actes conclus entre le trust et les trustee' ainsi que 'les procurations données par les trustee successifs, [notamment] pour les assemblées générales 2005 et 2006",

- que parallèlement et par arrêt du 17 décembre 2004, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, avait débouté M. [S] [N] de ses demandes de séquestration des actions des quatre sociétés du groupe et de désignation d'un expert aux fins de faire la lumière sur la répartition exacte du capital de ces sociétés, mais désigné un mandataire chargé d'exercer les droits de vote attachés aux actions de la société SES qui étaient détenues en indivision par [S] [N] et [G] [P] en nue-propriété, cet arrêt ayant été partiellement rétracté par arrêt du 5 octobre 2007 par lequel la cour a estimé, au vu des éléments nouveaux qui lui étaient soumis, qu'il y avait lieu de désigner un administrateur provisoire pour chacune des quatre sociétés, en la personne de Maître [Z] [X],

- que cependant la Cour de cassation, par arrêt du 10 novembre 2009, a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 5 octobre 2007 en ce qu'il avait désigné un administrateur provisoire pour chacune des sociétés et, par arrêt du 23 juin 2011, annulé, 'par voie de conséquence' l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 avril 2009 qui avait fait droit à la demande de production de pièces de M. [S] [N], après avoir relevé que la cour s'était exclusivement fondée sur le rapport du mandataire judiciaire dressé en exécution de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, dont la cassation avait été précédemment prononcée.

C'est dans ce contexte que M. [S] [N] a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris par actes en date des 29 mai, 1er et 4 juin 2007:

- les sociétés SES, EVI, COMECI et SA Euro Vidéo,

- Mmes [H] et [G] [N], M. [T] [P] et ses enfants [I] et [R] [P],

- Mme [K] [J] et M. [O] [M], commissaires aux comptes des sociétés en cause,

- 'la société Paionia Settlement' et la société Verfides Trust Services LTD, anciennement dénommée Meespierson Intertrust, prise en sa qualité de trustee du trust Piaonia Settlement,

en annulation des assemblées générales tenues à compter du 25 juin 2004, abus de majorité, nullité de la cession du bloc de contrôle des sociétés sous forme de trust et paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 11 février 2010, le tribunal de commerce de Paris a dit éteinte l'action à l'encontre de Mme [H] [N], décédée, a débouté M. [S] [N] de l'ensemble de ses demandes, a débouté les parties défenderesses de leurs demandes en dommages et intérêts, a condamné M. [N] à payer à Mme [K] [J] et à M. [O] [M], ès qualités de commissaires aux comptes, 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a dit n'y avoir lieu à faire d'autre application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard des autres parties, et a condamné M. [S] [N] aux dépens.

M. [S] [N] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 26 mars 2010.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 juin 2011, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les intimés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et, statuant à nouveau:

- de prononcer la nullité des assemblées générales des sociétés SES, EVI, COMECI et Lumière, en toutes leurs résolutions, à compter de l'assemblée générale du 25 juin 2004 et jusqu'à l'arrêt à intervenir, et, en conséquence, de constater le défaut de mandat des administrateurs depuis cette date, et d'annuler tous les conseils d'administration tenus depuis lors,

- de constater l'abus de majorité et la fraude à ses droits d'actionnaires et de condamner, en conséquence, les consorts [P] et la société Verfides Trust Service, au paiement de la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

- de constater le défaut de personnalité juridique du cessionnaire, le trust Paionia Settlement, le défaut de mention d'une personne ou entité disposant de la personnalité juridique tant sur les ordres de mouvements que dans les registres de mouvements de titres, de dire et juger que les mouvements de titres produits par les consorts [P] ont été falsifiés par l'adjonction de la mention 'et pour son compte le trustee', de constater la violation de l'article 12 des statuts des quatre sociétés, et de prononcer, en conséquence, la nullité de l'agrément donné par les conseils d'administration tenus le 20 juillet 2004 et, partant, celle de la cession du bloc de contrôle des sociétés du groupe [N] au profit du trust Paionia Settlement, de désigner un administrateur provisoire jusqu'à la désignation régulière des organes exécutifs avec mission d'administrer et gérer les sociétés ainsi que de 'veiller à faire nommer un commissaire aux comptes expert pour auditer les rapports des commissaires aux comptes des exercices 2003 à 2009" inclus, à titre subsidiaire, de nommer un contrôleur de gestion pour assister à toutes les assemblées générales et réunions du conseil d'administration, vérifier l'identité et la qualité de tous les participants et signataires et vérifier que les règles légales de convocation et de tenue des assemblées soient respectées,

- de condamner solidairement pour faute Mme [K] [J] et M. [O] [M], commissaires aux comptes, à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- en tout état de cause, de débouter les intimés de toutes leurs demandes, de condamner la société Verfides Trust Services au paiement de la somme de 50 000 euros pour procédure abusive, et les consorts [P] solidairement à lui payer, du même chef, une même somme de 50 000 euros, de condamner enfin les parties intimées à lui payer, chacune, la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.

Dans leurs dernières écritures signifiées le 18 octobre 2011, les sociétés SES, EVI, COMECI, Lumière, Mme [G] [N], épouse [P], M. [T] [P], M. [I] [P] et Mme [R] [P], épouse [Y], demandent à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive, de débouter M. [S] [N] de toutes ses demandes, de le condamner à payer aux sociétés SES, EVI, COMECI et Lumière la somme globale de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire et appel abusif, ainsi qu'aux consorts [P], du même chef, une somme globale de 100 000 euros, outre, à chacun des concluants, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et de le condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 28 juin 2011, la société Verfides Trust Services LTD demande à la cour de débouter M. [S] [N] de ses demandes, de le condamner à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions en date du 1er février 2011, Mme [K] [J] et M. [O] [M] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter M. [S] [N] de ses prétentions et de le condamner à leur payer, à chacun, une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts à raison du caractère abusif et téméraire de son appel, outre la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

1. Sur la demande de nullité des assemblées générales tirée des irrégularités ayant affecté les modalités de vote

M. [S] [N] invoque trois griefs distincts au soutien de ses demandes, qui seront successivement examinés.

1.1- Sur le renouvellement par les assemblées générales du 25 juin 2004 de Mme [H] [N], atteinte par la limite d'âge, dans ses fonctions d'administrateur

M. [S] [N] se prévaut des dispositions de l'article L 225-19 du code de commerce et de l'article 15 de chacun des statuts des sociétés SES et COMECI, aux termes duquel les personnes âgées de plus de 75 ans ne peuvent être administrateurs et sont réputées démissionnaires lorsqu'elles dépassent cet âge en cours de mandat, pour soutenir que les assemblées générales du 25 juin 2004 ayant renouvelé les mandats, venant à échéance, de quatre des cinq administrateurs des sociétés SES et COMECI, parmi lesquels, sa mère, Mme [H] [N], alors âgée de 93 ans, seraient entachées de nullité, de sorte que les décisions prises par les conseils d'administration subséquents seraient elle-mêmes nulles, en particulier celles ayant agréé la cession de la majorité des actions sous la forme du trust Paionia Settlement.

Mais l'irrégularité ayant affecté la désignation de Mme [H] [N] en qualité d'administrateur alors que celle-ci avait dépassé la limite d'âge statutaire, date à laquelle elle aurait dû être déclarée démissionnaire d'office, est sans incidence sur la régularité de la désignation des autres administrateurs.

La régularité des décisions ultérieures des conseils d'administration ne s'en trouve pas plus affectée, dès lors qu'il était satisfait, même en réputant Mme [N] démissionnaire d'office, au nombre minimum d'administrateurs requis par les statuts -de 3 à 12, en l'espèce quatre, outre Mme [H] [N]- et que les décisions prises l'ont été à l'unanimité, les intimés ajoutant au demeurant sans être contredits que cette dernière n'a plus jamais siégé aux conseils d'administration après le renouvellement de son mandat par les assemblées générales du 25 juin 2004.

Dès lors le moyen de nullité des délibérations des assemblées générales du 25 juin 2004 et des décisions ultérieures des conseils d'administration des sociétés SES ET COMECI, tiré de l'âge de Mme [H] [N], sera rejeté.

1.2 - Sur l'abus de droit allégué quant au délai de convocation des actionnaires aux assemblées générales

M. [S] [N] invoque l'abus de droit au motif que les convocations à lui adressées, alors qu'il réside dans l'Etat canadien de Colombie Britannique, le sont systématiquement dans le strict délai de quinze jours prévu par la loi et les statuts, de sorte qu'il se trouve empêché, compte tenu du délai d'acheminement et de réception des courriers, de voter à distance, la demande de formulaire de vote à distance devant parvenir au siège social au plus tard six jours avant la date de la réunion selon l'article R 225-75 du code de commerce, de voter par procuration, ou encore de solliciter la communication des documents sociaux, laquelle doit être formée, aux termes de l'article R 225-88 du code de commerce, jusqu'au cinquième jour inclusivement avant la réunion.

Il soutient que, compte tenu des liens familiaux entre administrateurs et des relations conflictuelles entre eux, de telles pratiques manifestent l'intention délibérée et frauduleuse de l'évincer de la prise de décision, alors même que son numéro de télécopie est connu et que les moyens électroniques pourraient être aisément utilisés, de sorte que l'abus de droit se trouve caractérisé.

Il sera relevé, au préalable, que l'appelant n'excipe d'aucune méconnaissance des délais légaux et statutaires de convocation des actionnaires aux assemblée générales (15 jours) , de sorte que l'arrêt de cassation invoqué (Cass, ch. commerciale, 6 juillet 1983) dans une espèce dans laquelle ce délai n'avait pas été respecté, un refus d'admission ayant de surcroît été opposé à l'actionnaire concerné, est inopérant.

S'agissant de l'abus de droit invoqué, il sera souligné, après les premiers juges, que l'article R 225-69 du code de commerce qui ménage un délai minimum de quinze jours entre l'avis ou la lettre de convocation et la date de l'assemblée est de portée générale et ne distingue pas selon que l'actionnaire réside en France ou à l'étranger, que M. [N] ne justifie d'aucune protestation ou suggestion, antérieurement à la présente instance, à propos du délai dans lequel il était convoqué, qu'il ne justifie pas davantage avoir fait usage de la faculté dont il disposait, dans les termes de l'article R 225-72 du code de commerce, de demander à la société de l'aviser, notamment par lettre recommandée, à une adresse indiquée par lui, de la date prévue pour la réunion des assemblées ou de certaines d'entre elles, faculté qui lui aurait permis de disposer de l'avis de réunion bien antérieurement au délai minimum de convocation de quinze jours.

Il ne saurait pas plus faire grief aux sociétés en cause de n'avoir pas mis en oeuvre les moyens électroniques prévus par l'article R 225-63 du même code, alors qu'il ne justifie pas en avoir fait la demande, étant souligné que l'usage de la voie électronique en lieu et place de l'envoi postal, est facultatif et exige l'accord écrit préalable des actionnaires intéressés. Il ne peut enfin leur faire le reproche de ne pas l'avoir convoqué par simple télécopie, un tel mode de communication n'étant pas prévu par la loi.

Les intimés justifient, enfin, sans réplique ni contradiction de M. [S] [N], de délais d'acheminement des courriers depuis l'Etat de Colombie Britannique, au Canada, beaucoup plus courts qu'allégué - de l'ordre de trois jours ouvrables- ce qu'accréditent les initiatives que l'appelant a été en mesure de prendre en faisant désigner à plusieurs reprises par ordonnance sur requête un huissier appelé à assister aux assemblées générales auxquelles il avait été régulièrement convoqué, notamment celles des 14 juin 2005, 30 juin 2005 et 30 juin 2008.

Enfin, c'est vainement, à cet égard, que l'appelant invoque le refus qui a été opposé le 14 juin 2006 à un huissier de justice mandaté par ses soins pour prendre communication et copie des feuilles de présence, procurations et procès-verbaux d'assemblées générales des trois derniers exercices ainsi que des annexes du bilan au 31 décembre 2004 des quatre sociétés concernées, quand que se trouvait alors en cause non le droit de communication préalable à une assemblée, prévu par l'article L 225-115 du code de commerce, mais le droit de communication permanent que tout actionnaire tient de l'article L 225-117 du code de commerce, dont la méconnaissance n'est pas sanctionnée de nullité par l'article L 225-121 du même code.

1.3- Sur l'irrégularité des procurations de vote émises au nom du [Adresse 23]

M. [S] [N] expose que lors des assemblées générales des 14 juin 2005 (sociétés COMECI, EVI et Lumière) et 30 juin 2005 (société SES), M. [T] [P] a disposé d'une procuration de vote établie au nom du trust Paionia Settlement.

Il fait grief aux procès-verbaux d'assemblée générale de ne pas faire mention des procurations de vote, fait valoir qu'il n'est pas justifié que les formulaires de procuration adressés à Paionia Settlement aient été conformes aux exigences des articles R 225-81 et suivants du code de commerce, et soutient enfin que ces procurations étaient elles-mêmes irrégulières pour avoir été établies au nom du trust, lequel est dépourvu de personnalité morale, sans indication de l'identité du trustee, et revêtues de deux signatures dont les scripteurs, qui varient pour l'un d'eux, ne s'identifient ni en nom, ni en qualité.

Il sollicite à ce motif la nullité des délibérations des assemblées générales en cause, celle des assemblées générales subséquentes ainsi que celle des décisions des conseils d'administration ultérieurs.

Il sera relevé, sur le premier point, qu'aucune disposition légale ou statutaire ne fait obligation de mentionner sur le procès verbal d'assemblée générale les procurations de vote dont sont porteurs certains actionnaires, de telles mentions étant appelées à être portées sur la feuille de présence, comme il est dit à l'article L 225-95 du code de commerce. Il n'est pas contesté, en l'espèce, que M. [T] [P] a émargé, comme il devait le faire, les feuilles de présence tant à son nom qu'au nom du mandant lui ayant délivré procuration.

S'agissant des formules de procuration adressées par les sociétés en cause aux actionnaires susceptibles d'y avoir recours, et contrairement aux affirmations de M. [N], chacune de celles-ci rappelle la règle édictée par l'article L 225-106 du code de commerce en ces termes: 'Si le présent pouvoir est retourné sans indication de mandataire, il sera émis au nom du signataire un vote favorable à l'adoption des résolutions proposées' et comporte une référence explicite à l'ordre du jour de l'assemblée générale, de sorte que M. [N] est mal fondé à invoquer, à le supposer même recevable à le faire, un manquement aux dispositions de l'article R 225-81 qui énumère les documents et mentions d'information obligatoires devant être portés à la connaissance des actionnaires entendant utiliser cette modalité de vote.

S'agissant des procurations elles-mêmes, il n'est pas contesté qu'elles ont été établies au nom de Pianioa Settlement, le trust, mentionné comme étant 'propriétaire' de tel nombre d'actions déterminé pour chaque société.

Il sera rappelé que le trust constitue un démembrement de propriété sans équivalent en droit français, résultant d'un acte par lequel le constituant (settlor) se dessaisit de la propriété de certains biens ou droits, de manière irrévocable ou non, à charge pour un trustee d'administrer ces derniers pour le compte d'un ou de plusieurs bénéficiaires.

Le trust qui constitue un patrimoine affecté est dépourvu de personnalité morale, le trustee ayant seul capacité juridique pour gérer et administrer les biens constitués en trust.

S'il est vrai que les procurations litigieuses auraient dû, au regard des termes de l'article R 225-79 du code de commerce qui dispose que la procuration donnée par un actionnaire indique ses noms, prénom usuel et domicile, être établies au nom du trustee, en l'espèce la société de droit anglais, Verfides Trust Services LTD, et non sous la seule dénomination du trust Paionia Settlement, aucune équivoque sur l'identité du titulaire des actions et des droits de vote à elles attachées ne pouvait résulter d'une telle présentation, dès lors que les biens du trust constituent une masse distincte du patrimoine du trustee, et que la masse était en l'espèce parfaitement identifiée sur chaque feuille de présence sous la dénomination du trust et par le nombre d'actions et de droits de vote s'y rattachant.

Les procurations litigieuses, établies en vue des assemblées générales des années 2005, 2006 et 2007, sont toutes datées et signées. Il est justifié par de nombreuses pièces (attestations officielles de Maître [D], 'sollicitor à la Supreme Court of Judicature' d'Angleterre et du Pays de Galles, avocat, certifiées par Maître [L] 'notary public') que les signatures sont celles, s'agissant des procurations établies pour les assemblées générales de 2005 et 2006 de MM. [U] [W] et [B] [E], administrateurs du trustee et, s'agissant de la procuration établie pour l'assemblée générale de 2007, de M. [A] [V], également administrateur du trustee à cette date.

Les procurations en cause, établies par le trustee au nom du trust, qui mentionnent l'adresse du trustee et sont signées par des signataires identifiés et ayant qualité, sont dès lors régulières.

Enfin, s'agissant de l'assemblée générale de 2008, c'est vainement que M. [S] [N] fait grief à M. [A] [V], administrateur du trustee qui y a alors participé personnellement, de ne pas avoir justifié de son pouvoir, alors qu'il résulte de l'application combinée de l'article 7 (b) des statuts de la société Verfides Truts Services et de l'article 70 de la Table A du Compagnies Act de 1985, qu'il avait, étant administrateur du trustee, qualité pour représenter ce dernier sans mandat spécial, les écritures de l'appelant relativement au mandat ou au fondé de pouvoir en droit anglais étant dès lors inopérantes.

En définitive, les moyens soulevés par l'appelant relativement à la régularité des procurations de vote ou aux délégations de pouvoir seront rejetés.

2- Sur l'annulation des assemblées générales du chef d'abus de majorité

M. [S] [N] fait valoir qu'aucun dividende n'a jamais été distribué alors que les résultats des quatre sociétés sont largement excédentaires, que ces dernières disposent de liquidités très importantes, aucun projet d'investissement significatif ne justifiant les mises en réserve systématiquement décidées par le bloc majoritaire. Il ajoute qu'aucune information sérieuse n'est délivrée aux actionnaires relativement aux rémunérations des mandataires sociaux, de sorte que ne percevant ni dividende, ni rémunération, il se trouve, de ce fait, seul exclu du fruit de l'activité. Invoquant l'abus de majorité, il sollicite à ce motif l'annulation des assemblées générales des exercices 2004 à 2007, inclus, ainsi que celle, subséquente, des décisions des conseils d'administrations ultérieurs et l'allocation d'une somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les sociétés intimées et les consorts [P] font valoir, pour leur part, que la mise en réserve systématique des bénéfices constitue depuis la fondation du groupe une politique constante de gestion efficace et prudente privilégiant le financement sur fonds propres dans le cadre d'une activité coûteuse en investissement et frais de fonctionnement, soumise depuis plusieurs années à de fortes variations cycliques.

Ils contestent les allégations de l'appelant sur les rémunérations des dirigeants.

Ils se prévalent , enfin, du coût des investissement en cours pour rénover et moderniser les salles de cinéma existantes et développer le parc par la construction de cinémas de type 'multiplexe', en soulignant, à cet égard, que M. [N] est mal fondé à invoquer des manquements d'autrui à l'affectio societatis, alors qu'il n'a pas hésité à saisir les juridictions administratives pour tenter de s'opposer au projet de construction d'un multiplexe à Alès dans le Gard dont la réalisation a été confiée au groupe [N] ou, comme l'avait souligné la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt, à ce jour définitif, du 17 décembre 2004, 'à faire opposition auprès du Centre National de la Cinématographie à tout versement de subventions au profit de sociétés du groupe [N]'.

Il n'y a abus de majorité que lorsque les décisions adoptées par les associés majoritaires sont contraires à l'intérêt social et ont été prises dans l'unique dessein de les favoriser au détriment des autres associés.

L'absence de versement de dividendes ensuite d'une mise en réserve systématique des résultats n'est pas en soi contraire à l'intérêt social ni aux intérêts des actionnaires minoritaires dont la participation se trouve ainsi valorisée, les intimés justifiant en outre, sans être contredits, de projets d'investissement à long terme dans la construction de salles de cinéma multiplexes, auxquels, au demeurant M. [N], s'oppose judiciairement, ce qui, pour le moins, atteste de leur réalité.

Enfin, ce dernier est mal fondé à soutenir que l'abus de majorité s'évincerait de la politique de rémunération des dirigeants, alors que les intimés justifient par la production d'une attestation de l'expert comptable de chacune des sociétés en cause, que les sociétés SES, Lumière et Comeci n'ont versé aucune rémunération aux consorts [P] au cours des exercices 2004 à 2009, la société EVI versant une rémunération annuelle de 3 811 euros à Mme [G] [P], M. [I] [P] percevant, quant à lui, en sa qualité de directeur salarié depuis 2006, une rémunération annuelle, certes en augmentation sur plusieurs exercices, mais se situant à hauteur de 78 000 euros sur le dernier (2008), somme dont il n'est pas soutenu qu'elle caractériserait une rémunération frauduleuse ou de complaisance.

En cet état, M. [N] n'établit nullement l'abus de majorité qu'il invoque et ses demandes sur ce fondement seront rejetées

3- Sur la nullité de la cession du bloc de contrôle des quatre sociétés au profit de Paionia Settlement

M. [S] [N] fait valoir :

- que les ordres et mouvements de titres concernés par le trust comportent la seule mention du trust Paionia Settlement, sans référence au trustee, de sorte que la cession opérée au profit d'une entité sans personnalité juridique n'est pas valable et devrait être annulée,

- que l'agrément à la cession délivré lors de l'assemblée générale du 20 juillet 2004 au profit de Pionia Setllement l'a été en violation des statuts, dans la double mesure où la demande en a été faite par le cédant, Mme [G] [P], et non pas par le cessionnaire, lequel n'était pas identifié autrement que par la dénomination du trust,

- qu'en l'absence de tout acte de cession conclu avec le cessionnaire et faute de preuve du paiement, la cession serait encore irrégulière pour avoir été opérée en violation du droit des contrats.

Il sera relevé, au préalable, que M. [S] [N] ne conteste plus en cause d'appel la réalité de l'acte de constitution du trust Paionia Settlement, le 18 juin 2004 à Londres par trois actionnaires des sociétés en cause, en l'espèce, Mme [G] [N], Mlle [R] [P], et M. [T] [P], ni la parfaite identification dans cet acte du trustee en charge de l'administration et de la gestion des biens concernés, la société Messpierson Trust, ni encore la circonstance parfaitement établie, au moins depuis l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 18 septembre 2009, et que les premiers juges ont rappelée, que cette même société trustee a changé de dénomination pour être devenue désormais Verfidies Trust Services.

Il résulte de cet acte constitutif, que, conformément à la loi d'autonomie, les constituants ont librement choisi de lui appliquer la loi anglaise (article 2 'droit applicable'), qui régit seule les conditions de sa validité, sauf si telles de ses dispositions se trouvaient contraires aux principes fondamentaux d'ordre public international français.

L'appelant qui ne le soutient nullement ne saurait dès lors, comme il le fait, invoquer une méconnaissance du droit interne régissant les contrats, aux motifs qu'aucun acte de cession n'a été conclu entre les consorts [P] et le cessionnaire, en l'espèce le trustee, et que la preuve du paiement du prix ne serait pas rapportée.

Le trust qui constitue, comme cela a déjà été souligné, un démembrement sui generis de propriété, résulte en effet, en droit anglo-saxon, d'un acte unilatéral par lequel un constituant (settlor) affecte un patrimoine au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires (cestui), dont une personne physique ou morale de confiance, trustee, sera chargée d'administrer la propriété utile (legal ownership) dans l'intérêt des bénéficiaires désignés, lesquels conservent l'equitable ownership.

Il en résulte que le trust ne repose pas sur un contrat synallagmatique et ne suppose aucun paiement, réalisant de la seule volonté non équivoque des constituants un transfert de patrimoine affecté, sans nécessité de s'assurer du consentement des bénéficiaires, l'absence de désignation d'un trustee dans l'acte n'étant pas même une condition de validité du trust.

Dès lors le moyen de nullité de la cession tiré d'une méconnaissance du droit interne régissant les contrats est inopérant.

M. [N], se fondant sur des observations figurant dans le rapport déposé par l'administrateur judiciaire qui avait été désigné par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 5 octobre 2007, lequel arrêt a fait l'objet d'un arrêt de cassation en date du 10 novembre 2009, soutient de même que l'absence de mention de l'identité du trustee tant sur le registre de mouvements de titres que sur les ordres de mouvement, seule la dénomination du trust Paioni Setllement y figurant, rendrait la cession nulle.

Il sera relevé, ensuite des premiers juges, qu'il est établi par plusieurs attestations notariées que les déclarations de cession de parts au profit de Paionia Setllement datées du 17 août 2004 sont toutes signées par un administrateur identifié du trustee ayant qualité pour accepter les cessions, la signature du cessionnaire étant en outre accompagnée du cachet 'Meespierson Trust Service', dénomination qui était alors celle de la société trustee devenue depuis lors Verfides Trust Services.

Il sera ajouté que, s'agissant des sociétés anonymes, le transfert de propriété résulte de l'inscription des actions au compte de l'acheteur, ce dont il est justifié à suffisance par la production des ordres de mouvements supportant la même date du 17 août 2004 et du registre de mouvements de titres à cette date, sans que la seule l'indication de la dénomination du trust, au demeurant accompagnée de l'adresse du trustee, en lieu et place de ce dernier, soit de nature à affecter la régularité ou la portée de ces documents. A cet égard, le fait que lesdits registres de mouvement aient ultérieurement été complétés par l'adjonction d'une mention manuscrite 'et pour son compte le trustee', pour maladroite et fâcheuse qu'elle puisse paraître, n'est d'aucune effet sur l'authenticité et le caractère probant des mentions qui y figuraient seules initialement.

M. [N] invoque enfin l'irrégularité de la procédure d'agrément au double motif que la demande en aurait été faite par Mme [G] [P], cessionnaire, et non par le cédant, et que l'identité du trustee n'aurait pas été indiquée, seule la dénomination du trust l'ayant été.

L'article 12 des statuts de chacune des sociétés en cause dispose : 'En cas de cession à un tiers, la demande d'agrément indiquant les nom, prénom et domicile du cessionnaire, le nombre des actions dont la cession est envisagée et le prix offert, est notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception à la société' .

La circonstance que ladite demande d'agrément ait été adressée à la société par Mme [G] [P] plutôt que par le cessionnaire est indifférente, dès lors que la décision d'agrément relevait du conseil d'administration qui en a été saisi, lequel a statué par une décision expresse lors de sa réunion du 20 juillet 2004, Mme [P] ayant précisé le nombre d'actions ainsi que le prix et indiqué que la cession était prévue au profit de Paionia Settlement.

S'il est vrai que ni le domicile ni le nom du trustee n'ont été évoqués, l'absence de ces indications n'étaient pas de nature à créer une équivoque dans l'esprit des administrateurs susceptible d'affecter l'agrément qu'ils ont délivré relativement à l'identité du cessionnaire, dès lors que l'acte constitutif du trust, qui avait été préalablement établi par trois d'entre eux- sur les quatre membres en fonction que comptait le conseil d'administration- mentionnait précisément le siège et l'identité du trustee appelé à administrer les actions transférées.

Aussi, le jugement déféré sera-t-il également confirmé sur ce point et les demandes de nullité de la cession rejetées comme les demandes de dommages et intérêts subséquentes.

Sur les autres demandes

Le rejet des demandes principales de M. [S] [N] rend sans objet ses demandes de désignation d'un administrateur provisoire ou, à titre, subsidiaire, d'un contrôleur de gestion, le fonctionnement des sociétés en cause ne se trouvant nullement compromis, ni ses droits d'actionnaires méconnus.

De même, seront rejetées les demandes que l'appelant dirige à l'encontre des deux commissaires aux comptes à des motifs (manquement au devoir de conseil ou d'information relativement au respect de l'égalité entre actionnaires, à la rémunération des dirigeants, à la répartition du capital social, ou omission de révéler des irrégularités) dont les observations précédentes établissent à suffisance qu'ils ne sont nullement établis.

Pour le surplus, et par motifs adoptés sur ces deux points, la cour ne peut que faire siennes les appréciations des premiers juges.

Il en sera de même, s'agissant des demandes formées par les sociétés du groupe [N], les consorts [P] et la société Verfides Trust International en dommages et intérêts pour procédure abusive, les circonstances de l'espèce, et en particulier le caractère tardif et longtemps lacunaire des informations ou pièces communiquées à M. [N] relativement à la constitution d'un trust, à l'identité du trustee et à ses changements successifs de dénomination, ainsi que l'absence de distribution de tout dividende sur de nombreux exercices, ayant pu de bonne foi le conduire à s'en rapporter à justice pour faire valoir ses prétentions.

Les premiers juges seront dès lors approuvés en ce qu'ils ont débouté ces intimés de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive et, en équité, de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exercice d'une voie de recours ne suffit pas, par ailleurs à caractériser l'abus de droit, et l'équité ne commande pas davantage d'accueillir en cause d'appel leurs demandes d'indemnité sur le fondement de ce dernier texte.

La cour confirmera enfin le jugement déféré en ce qu'il a alloué une indemnité de 3 000 euros chacun aux deux commissaires aux comptes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [K] [J] et M. [O] [M] ne justifient au titre de leur demande en dommages et intérêts au titre de la procédure abusive en cause d'appel d'aucun préjudice distinct ne pouvant être réparé par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il seront dès lors déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts mais se verront allouer une indemnité supplémentaire de 4 000 euros chacun en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette toutes les autres demandes de M. [S] [N],

Déboute les sociétés SA Société d'Expansion du Spectacle, SA Compagnie Méditerranéenne Cinématographique, SA Euro Video International, SA Lumière, Mmes [G] [N], épouse [P], et [R] [P], épouse [Y], MM. [T] [P] et [I] [P] ainsi que la société Verfides Trust Services LTD, de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive et de leurs demandes d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [K] [J] et M. [O] [M] de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne M. [S] [N] à payer à Mme [K] [J] et M. [O] [M] la somme de 4 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Condamne M. [S] [N] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 10/06992
Date de la décision : 24/09/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°10/06992 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-24;10.06992 ?
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