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14/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948347

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0115, 14 février 2006, JURITEXT000006948347


RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 14 février 2006

(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/03777 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 janvier 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris section activités diverses RG no 03/08416

APPELANTE CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIELLESSE 110-112, avenue de Flandre 75019 PARIS représentée par Me Tiphaine LE BIHAN du cabinet CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE INTIMES Ma

dame Marie-Claude X... 40, allée de la herse d'or 77230 DAMMARTIN EN GOELE comparante en personne,...

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 14 février 2006

(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/03777 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 janvier 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris section activités diverses RG no 03/08416

APPELANTE CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIELLESSE 110-112, avenue de Flandre 75019 PARIS représentée par Me Tiphaine LE BIHAN du cabinet CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE INTIMES Madame Marie-Claude X... 40, allée de la herse d'or 77230 DAMMARTIN EN GOELE comparante en personne, assistée de Me Jean-Charles MARQUENET, avocat au barreau de PARIS, toque E136 Monsieur Jean-Luc Y... 19, rue Cahen d'Anvers 77420 CHAMPS SUR MARNE Mademoiselle Françoise Z... 7, avenue du Général de Gaulle 77600 BUSSY SAINT-GEORGES Madame Maryse A... 3, rue Honoré de Balzac 95140 GARGES LES GONESSE Monsieur Christian B... 7, rue des Quinconces 93110 ROSNY SOUS BOIS Madame Micheline C... 2, rue Fernand Léger 78500 SARTROUVILLE Madame Rose Marie D... 7, avenue Edouard Vaillant Appartement 52 93500 PANTIN représentés par Me Jean-Charles MARQUENET, avocat au barreau de PARIS, toque E136 Madame Catherine E... 24, rue Villebois Mareuil 93300 AUBERVILLIERS Madame Madeleine F... 125, avenue du Général Leclerc Les Galitrais 94500 CHAMPIGNY SUR MARNE représentés par Me Jean-Charles MARQUENET, avocat au barreau de PARIS, toque E136 PARTIES INTERVENANTES : SYNDICAT CGT DE LA CAISSE NATIONALE

D'ASSURANCE VIELLESSE 110-112, avenue de Flandre 75019 PARIS représentée par Me Jean-Charles MARQUENET, avocat au barreau de PARIS, toque : E 136 SYNDICAT UGICT-CGT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIELLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIES 110-112, avenue de Flandre 75019 PARIS représentée par Me Jean-Charles MARQUENET, avocat au barreau de PARIS, toque : E 136 COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 3 janvier 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Alexandre LINDEN, président

Mme Michèle G..., conseillère

Mme Annick H..., conseillère

qui en ont délibéré Greffier : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Michèle G..., conseillère

- signé par Mme Michèle G..., conseillère, et par Mlle Chloé FOUGEARD, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE Mmes Françoise I..., Maryse A..., Marie-Claude X..., Micheline C..., Rose-Marie D..., Catherine E..., Madeleine F... et MM. Jean-Luc Y... et Christian B... ont été ou sont salariés de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV). Ils ont tous été ou sont militants syndicaux, titulaires de mandats syndicaux ou de représentants du personnel à plein temps ou quasi-plein temps. Le 14 mai 1992, l'Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) et les organisations syndicales représentatives ont signé un protocole

d'accord relatif à la classification des emplois applicable à tous les organismes de sécurité sociale, dont la CNAV. Ce protocole, qui a entraîné pour tous les salariés de la Caisse une modification du niveau de qualification corrélative au changement de classification, a instauré, au sein de chaque niveau de classification, des degrés de développement professionnel, dont l'acquisition était fondée sur la validation des compétences. En décembre 1995, la CNAV a adressé aux organisations syndicales présentes dans l'entreprise un courrier en ces termes : "Depuis le changement de classification, les agents qui exercent un mandat syndical à temps complet ou qui sont détachés en permanence auprès d'organisations syndicales n'ont pu bénéficier d'échelons supplémentaires ou de degrés. En effet, ne travaillant pas effectivement dans un service de la CNAV, aucune appréciation de leur travail n'est réalisable. Pour qu'ils bénéficient des avantages conventionnels dans des conditions similaires aux autres agents, la direction a décidé de leur accorder des échelons supplémentaires et des degrés, en dehors de la procédure normalement applicable. Des crédits d'échelons et de degrés supplémentaires ont donc été calculés, pour chaque syndicat, en appliquant aux bénéficiaires protentiels le même pourcentage que dans toutes les branches. Ces crédits concernent les années 1994 et 1995. Vous trouverez en annexe la dotation globale faite à votre organisation syndicale ainsi que la liste nominative des bénéficiaires potentiels. Je vous remercie de vous en tenir à cette liste qui rassemble les agents exerçant à temps complet des fonctions pour votre organisation syndicale. Il ne revient pas à la direction de désigner elle-même les agents bénéficiaires, j'attends donc que vous y procédiez...". Le syndicat CGT a refusé ce système et la dotation offerte estimant que l'attribution d'un avantage conventionnel n'était pas du ressort de dirigeants syndicaux. Il a également refusé ce système pour chacune

des années suivantes. En définitive, la CNAV a attribué aux salariés concernés les cinq points de garantie prévus par l'accord en cas de mise en validation non concluante. Le 27 juin 2003, les neufs salariés précités ont saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant principalement au paiement de rappels de salaires calculés sur la base du degré le plus élevé de leur catégorie professionnelle (degré 4, 34 points) depuis cinq ans et congés payés afférents. Ils sollicitaient en outre un repositionnement en ce sens pour l'avenir, et des dommages-intérêts pour discrimination syndicale et une allocation de procédure. Le protocole d'accord du 14 mai 1992 a été abrogé à compter du 1er février 2005, lors de l'entrée en vigueur du nouveau protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif à la rémunération et à la classification des emplois, lequel n'a pas repris le système des degrés. Par jugement du 27 juin 2005, le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a fait droit aux demandes des salariés. La CNAV a interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour : - à titre principal, d'infirmer le jugement, de débouter les salariés ainsi que les syndicats CGT et UGICT-CGT, intervenants volontaires, de toutes leurs demandes et d'ordonner la restitution des sommes qu'elle a versées aux salariés en exécution du jugement. et de condamner chaque salarié à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - subsidiairement, d'infirmer le jugement en ce qu'il a admis un cumul des rappels de salaire et des dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.412-2 du Code du travail et de limiter le quantum des dommages-intérêts sur la base de la moyenne des degrés octroyés aux salariés placés à leur niveau de coefficient et non sur celle du degré le plus élevé, - encore plus subsidiairement, de constater que les rappels de salaire ne peuvent tenir compte des échelons liés à l'avancement conventionnel et se

calculent sur la base d'un degré (7 points) en 1998 et 1999 puis de deux degrés (soit 15 points) en 2000, 2002 et 2002 et en conséquence de limiter les rappels de salaires dans les proportions qu'elle indique. Mmes I..., A..., X..., C..., D..., E..., F... et MM. Y... et B... concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu la discrimination syndicale, actualisent leurs demandes de rappels de salaire et portent leurs demandes de dommages-intérêts à 20 000 euros chacun. Ils réclament 1 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Le syndicat CGT de la CNAV et le syndicat UGICT-CGT de la CNAVTS sont intervenus volontairement en cause d'appel. Ils sollicitent chacun 10 000 euros à titre de dommages-intérêts et 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que la publication de l'arrêt. Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 3 janvier 2006, dont elles ont repris les termes lors de l'audience. Motifs de la décision Aux termes de l'article L.412-2 du Code du travail, il est interdit à tout employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions notamment en ce qui concerne l'avancement et la rémunération. La CNAV a entendu instaurer unilatéralement, pour les salariés exerçant des activités syndicales à plein temps ou quasi-plein temps, un système d'avancement spécifique prévoyant l'octroi d'échelons "supplémentaires" ou de degrés en fonction du choix des organisation syndicales dans les limites d'une enveloppe forfaitaire attribuée à chaque syndicat. Ce système n'était pas celui prévu par le protocole d'accord du 14 mai 1992, appliqué à l'ensemble des autres salariés et exigeant une "mise en validation" préalable pour l'obtention de degrés et "l'appréciation portée annuellement par

la hiérarchie" pour l'octroi d'échelons "supplémentaires". Il s'ensuit que le système d'avancement propre aux salariés exerçant des activités syndicales à plein temps ou quasi-plein temps faisait de l'appartenance syndicale un critère d'application d'un régime d'avancement différent de celui des autres salariés. Un tel système était par conséquent contraire aux dispositions de l'article L.412-2 du Code du travail. L'alinéa 4 de l'article L.412-2 édicte que toute mesure prise par l'employeur contrairement aux dispositions des alinéas précédents est abusive et donne lieu à dommages-intérêts.

S'il est exact que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le juge fasse, le cas échéant, cesser le dommage causé par la discrimination en ordonnant le "repositionnement" du salarié dans le niveau de classification adéquat, encore faut-il que ce niveau puisse être déterminé avec certitude. En l'espèce les salariés revendiquent un rappel de salaire et un repositionnement professionnel depuis 1998 qui les placerait au degré le plus élevé de leur niveau et leur permettrait d'obtenir la rémunération la plus élevée de leur catégorie professionnelle, alors que rien ne permet d'affirmer avec certitude que, soumis au même régime d'avancement que les salariés travaillant effectivement pour la CNAV, ils auraient atteint ce degré, puisque leur avancement aurait été, dans cette hypothèse, subordonné aux aléas résultant d'une "mise en validation" (degrés) ou d'une "appréciation" annuelle de leur supérieur hiérarchique (échelons "supplémentaires"). Il s'ensuit, d'une part qu'il ne peut donc être fait droit à la demande de repositionnement des salariés et, d'autre part, que seuls peuvent leur être alloués des dommages-intérêts, lesquels prendront en compte la perte de salaire subie. Le jugement sera dès lors infirmé et compte tenu des pièces produites et des débats, la CNAV sera condamnée à payer, à titre de dommages-intérêts réparant l'entier préjudice résultant de la

discrimination, les sommes de : - 11 000 euros à M. Y..., - 22 000 euros à Mme I..., - 13 500 euros à Mme A... - 22 500 euros à M. B..., - 19 500 euros à Mme X..., - 3 000 euros à Mme F..., - 3 000 euros à Mme C..., - 6 000 euros à Mme D..., - 3 000 euros à Mme E... J... à l'article 1153 du Code civil, ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Le système d'avancement discriminatoire mis en place unilatéralement par la CNAV avait pour critère l'appartenance syndicale ; il a porté préjudice en tant que tel aux intérêts collectifs de la profession considérée. Il sera donc alloué à chacun des syndicats intervenants une somme de 600 euros à titre de dommages-intérêts. L'entier préjudice des syndicat étant ainsi indemnisé, leur demande de publication de l'arrêt sera rejetée. Les conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile étaient réunies en première instance ; elle ne le sont en revanche en cause d'appel et les demandes. Le jugement sera confirmé sur ce point et les demandes de ce chef formées en cause d'appel seront rejetées. Par ces motifsPar ces motifs La cour Confirme le jugement déféré en ses dispositions relatives à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens ; L'infirme pour le surplus ; Statuant à nouveau et ajoutant, Condamne la Caisse nationale d'assurance vieillesse à payer, à titre de dommages-intérêts réparant l'entier préjudice résultant de la discrimination syndicale dont ils ont été victimes, les sommes de :

- 11 000 euros (onze mille euros) à M. Y..., - 22 000 euros (vingt-deux mille euros) à Mme I..., - 13 500 euros (treize mille cinq cents euros) à Mme A..., - 22 500 euros (vingt-deux mille cinq cents euros) à M. B..., - 19 500 euros (dix-neuf mille cinq cents euros) à Mme X..., - 3 000 euros (trois mille euros) à Mme

F..., - 3 000 euros (trois mille euros) à Mme C..., - 6 000 euros (six mille euros) à Mme D..., - 3 000 euros (trois mille euros) à Mme E... ; Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Condamne en tant que de besoin Mmes I..., A..., X..., C..., D..., E..., F... et MM. Y... et B..., chacun en ce qui le concerne, à rembourser à la Caisse nationale d'assurance vieillesse les sommes excédant ces condamnations qu'elle leur a versées, le cas échéant, en exécution du jugement déféré ; Rejette toute autre demande ; Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en cause d'appel ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0115
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948347
Date de la décision : 14/02/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-02-14;juritext000006948347 ?
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