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11/05/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006945446

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0175, 11 mai 2004, JURITEXT000006945446


COUR D'APPEL DE PARIS 1è chambre, section H ARRET DU 11 MAI 2004

(N , 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2003/20473 Décision déférée à la Cour : décision rendue le 23 octobre 2003 par la Commission de régulation de l'énergie DEMANDERESSES AU RECOURS : S.A.R.L. SOCIETE DU PARC EOLIEN DE MONTJOYER prise en la personne de son gérant M. Jean Y... ayant son siège ... représentée par la SCP VARIN-PETIT, avoué à la Cour assisté de Maître MICHEL Z..., avocat au Barreau de PARIS, ..., Toque T03, S.A.R.L. SOCIETE DU PARC EOLIEN DE ROCHEFORT EN VALD

AINE prise en la personne de son gérant M. Jean Y... ayant son siège ... représe...

COUR D'APPEL DE PARIS 1è chambre, section H ARRET DU 11 MAI 2004

(N , 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2003/20473 Décision déférée à la Cour : décision rendue le 23 octobre 2003 par la Commission de régulation de l'énergie DEMANDERESSES AU RECOURS : S.A.R.L. SOCIETE DU PARC EOLIEN DE MONTJOYER prise en la personne de son gérant M. Jean Y... ayant son siège ... représentée par la SCP VARIN-PETIT, avoué à la Cour assisté de Maître MICHEL Z..., avocat au Barreau de PARIS, ..., Toque T03, S.A.R.L. SOCIETE DU PARC EOLIEN DE ROCHEFORT EN VALDAINE prise en la personne de son gérant M. Jean Y... ayant son siège ... représentée par la SCP VARIN-PETIT, avoué à la Cour, assisté de Me MICHEL Z..., avocat au Barreau de PARIS, Cabinet Gide Loyrette Nouel, ..., Toque T03, DEFENDERESSES AU RECOURS : ELECTRICITE DE FRANCE (EDF), établissement public à caractère industriel et commercial, prise en la personne de son Directeur M. Robert X... ayant son siège ... représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué à la Cour assisté de Me C... PINTAT, avocat au Barreau de PARIS, Cabinet Matharan Pintat,12 boulevard de Courcelles, 75017 PARIS, Toque R272 RTE GESTIONNAIRE DU RESEAU PUBLIC DE TRANSPORT prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège ... représenté par la SCP MONIN, avoué à la Cour assisté de Me E... Joseph, avocat au Barreau de PARIS, ..., Toque P151 EN PRESENCE DE : LA COMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE, ayant son siège ..., représentée par son Président, M. Jean D..., assistée de Me Pierre-Alain A..., avocat au Barreau de PARIS, Cabinet Veil Jourde La Garanderie, ..., Toque T06 COMPOSITION DE

LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 avril 2004, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame RIFFAULT-SILK, présidente

Monsieur LE DAUPHIN, conseiller

Monsieur MAUNAND, conseiller

qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Madame DALMAS B... public :

représenté lors des débats par Monsieur F..., substitut général , qui a fait connaître son avis ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur LE DAUPHIN, conseiller.

- signé par Madame RIFFAULT-SILK, présidente et par Monsieur TRUET-CALLU, greffier présent lors du prononcé. * * *

Après avoir, à l'audience publique du 6 avril 2004, entendu les conseils des parties et de la Commission de la régulation de l'énergie et les observations du ministère public, les conseils des parties ayant eu la parole en dernier ; *

* *

En 1999, la société Cegelec Sud-Ouest a décidé de réaliser, sur le territoire de la commune de Montjoyer (Drôme) une centrale éolienne de production d'électricité d'une puissance maximale de 20,25 MW et a demandé à EDF, puis à Réseau de Transport d'Electricité (RTE) à la suite de la création au sein d'EDF du service gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, de lui fournir un devis pour le raccordement de sa future centrale au réseau public de transport.

Le 8 février 2001, RTE a adressé à la société Cegelec, qui l'a signée le 26 avril 2001, une proposition technique et financière prévoyant la réalisation d'un nouveau poste sur le réseau d'alimentation

générale (RAG) en coupure sur le tronçon de la ligne 63 kV reliant Châteauneuf du Rhône à Fugerolles.

A la fin de l'année 2001, cette société a décidé, afin de bénéficier des tarifs avantageux qui résultent du régime de l'obligation d'achat institué par l'article 10 de la loi no2000-1196 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et qui sont réservés aux installations dont la puissance ne dépasse pas 12 MW, de créer deux sites de production et de constituer deux sociétés d'exploitation, la société du Parc Eolien de Montjoyer et la société du Parc Eolien de Rochefort en Valdaine.

La centrale éolienne de Montjoyer, d'une capacité de production de 9,75 MW, et la centrale éolienne de Rochefort en Valdaine, d'une capacité de production de 10,5 MW, ont toutes deux obtenu, en février et mars 2002, les titres administratifs ouvrant droit à leur exploitation et à l'obligation d'achat de l'énergie produite.

Après qu'EDF, agissant en sa qualité d'acheteur soumis à l'obligation d'achat de l'électricité produite par les sites éoliens, eut, par lettre du 2 août 2002, fait savoir à la société Cegelec qu'il y avait lieu, pour bénéficier du régime de l'obligation d'achat, de créer un point de livraison au réseau public de distribution pour chaque centrale éolienne, Cegelec a, par lettre du 4 septembre 2002, demandé à EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, de lui faire parvenir une proposition technique et financière.

Le 2 décembre 2002, EDF, gestionnaire du réseau public de distribution, a établi deux projets de proposition technique et financière, l'un pour le site de Montjoyer, l'autre pour celui de Rochefort en Valdaine. Ces documents indiquaient un prix de raccordement de 1.021.800,87 euros pour la centrale de Montjoyer et de 7.800,87 euros pour la centrale de Rochefort en Valdaine soit au total 1.020.601,74 euros.

Par lettre du 20 janvier 2003, EDF a adressé à la société Cegelec une proposition technique et financière relative au site de Montjoyer, datée du 13 janvier 2003. Ce document précise que le montant indiqué (491.689,87 euros) est valable uniquement à condition que l'autre proposition technique et financière (Rochefort en Valdaine) soit signée en même temps par le producteur et fait mention d'un coût global de raccordement des deux installations de production en 20 kV de 1.020.601 euros, analogue à celui indiqué aux termes de la proposition technique et financière du 2 décembre 2002.

Le 22 janvier 2003, la société du Parc Eolien de Montjoyer et la société du Parc Eolien de Rochefort en Valdaine ont adressé à EDF deux courriers par lesquels elles donnaient leur accord sur cette proposition technique et financière.

Le 14 février 2003, EDF a établi une proposition technique et financière relative à la centrale de Rochefort en Valdaine pour un montant de 2.080.926,48 euros incluant, à hauteur de 1.551.000 euros, le coût des travaux d'infrastructure du poste source issu de la proposition technique et financière élaborée par RTE.

Les Sociétés d'exploitation ayant, lors d'une réunion tenue le 13 mars 2003, fait part à EDF de leur désaccord sur le montant du raccordement des deux installations résultant de la proposition technique et financière du 14 février 2003, soit 2.572.616 euros, le gestionnaire du réseau public de distribution les a informées, par lettre du 26 mars 2003, que cette proposition technique et financière respectait, selon lui, les règles applicables en la matière mais que toute interprétation contraire de la Commission de régulation de l'énergie - dont la saisine avait été décidée par les parties - le conduirait à revoir immédiatement ladite proposition.

Le 24 juin 2003, les deux Sociétés d'exploitation ont signé les conventions fixant les modalités techniques et financières de

raccordement au réseau public de distribution HTA, le coût du raccordement étant de 1.237.985,87 euros pour le parc éolien de Montjoyer et de 1.334.630,48 euros pour le parc éolien de Rochefort en Valdaine.

Le 26 juin 2003, ces sociétés ont saisi la Commission de régulation de l'énergie et lui ont demandé :

- à titre principal, de dire que le raccordement des sites de Montjoyer et de Rochefort en Valdaine doit être mis à la charge des Sociétés d'exploitation pour un montant global correspondant à celui prévu par les propositions techniques et financières du 2 décembre 2002, soit 1.020.602 euros,

- à défaut et à titre subsidiaire, si la Commission considérait que les propositions techniques et financières du 14 février 2003 devaient être prises en compte,

. de dire qu'EDF a manqué à son obligation de transparence dans le traitement de la demande des Sociétés d'exploitation,

. de dire que le montant du raccordement mis à leur charge ne saurait comprendre la somme de 1.550.000 euros, correspondant aux travaux réalisés par RTE sur le poste source dans les projets de convention de raccordement, et que ce montant doit donc être limité à 1.022.616 euros,

- en tout état de cause, de dire qu'EDF doit rembourser aux Sociétés d'exploitation les frais engagés par ces dernières au titre de la procédure devant la CRE, à hauteur de 6.000 euros.

Par décision du 23 octobre 2003 la Commission de régulation de l'énergie a rejeté les demandes de la société du Parc Eolien de Montjoyer et de la société du Parc Eolien de Rochefort en Valdaine.

La cour ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation formé, dans le délai fixé à l'article 38 de la loi no 2000-108 du 10 février

2000, par la société du Parc Eolien de Montjoyer et la société du Parc Eolien de Rochefort en Valdaine suivant déclaration du 1er décembre 2003, contenant un exposé des moyens, par lequel les requérantes demandent à la cour :

- à titre principal, d'annuler la décision de la Commission de régulation de l'énergie en date du 23 octobre 2003,

- à titre subsidiaire, de réformer ladite décision,

- en tout état de cause, de dire que le raccordement des sites de Montjoyer et de Rochefort en Valdaine doit être mis à la charge des Sociétés d'exploitation pour un montant global correspondant à celui prévu par les propositions techniques et financières du 2 décembre 2002, soit 1.020.602 euros,

- à défaut et à titre subsidiaire, si la cour considérait que les propositions techniques et financières du 14 février 2003 devaient être prises en compte,

. de dire qu'EDF a manqué à son obligation de transparence dans le traitement de la demande des Sociétés d'exploitation,

. de dire que le montant du raccordement mis à leur charge ne saurait comprendre la somme de 1.550.000 euros, correspondant aux travaux réalisés par RTE sur le poste source dans les projets de convention de raccordement, et que ce montant doit donc être limité à 1.022.616 euros,

- de dire qu'EDF doit rembourser aux Sociétés d'exploitation les frais engagés par ces dernières au titre de la procédure devant la CRE, à hauteur de 6.000 euros,

- de condamner EDF à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire des requérantes en date du 26 décembre 2003 contenant l'exposé complet de leurs moyens ;

Vu le mémoire en date du 27 février 2004 par lequel EDF, agissant en

qualité de gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, demande à la cour de rejeter le recours et de condamner les Sociétés d'exploitation à lui payer la somme de 7.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire déposé le 11 mars 2004 par RTE ;

Vu les observations déposées par la Commission de régulation de l'énergie, le 15 mars 2004, en application des dispositions de l'article 11 du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 31 mars 2004 par les sociétés requérantes ;

Le ministère public entendu en ses conclusions, mises à la disposition des parties, tendant au rejet du recours, les requérantes ayant eu la parole en dernier ;

Sur ce :

Considérant que les Sociétés d'exploitation font en premier lieu valoir qu'au cours de la séance de la CRE du 23 octobre 2003, EDF a présenté, sous forme de diapositives, un document nouveau qui n'avait pas été préalablement porté à leur connaissance ; que contrairement à ce qu'indique la Commission, ces diapositives apportaient des éléments nouveaux par rapport aux observations présentées par les parties durant l'instruction, qu'il s'agisse de la répartition des travaux entre la maîtrise d'ouvrage de RTE et celle d'EDF-ARD, ou de la ventilation des coûts associés à ces travaux ; que ce document, auquel les Sociétés d'exploitation n'ont pu répondre, était, dès lors, susceptible de modifier la perception des données de l'affaire par la CRE et d'influer sur sa décision de sorte qu'en ne l'écartant pas des débats la Commission a méconnu le principe du contradictoire ;

Mais considérant que contrairement à ce que soutiennent les

requérantes, les informations apparaissant dans les diapositives présentées lors de la séance de la Commission figuraient déjà dans les pièces versées au dossier de la procédure par EDF ou RTE, y compris celles relatives à la répartition des travaux entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité et celles relatives à la ventilation des coûts associés à ces travaux ; que les Sociétés d'exploitation ne sont donc pas fondées à soutenir qu'en refusant d'écarter des débats ces éléments - auxquels elle ne fait au demeurant aucune référence et qui n'ont pas exercé d'influence sur sa décision - la CRE a violé le principe de la contradiction ;

Considérant que les Sociétés d'exploitation font valoir, en deuxième lieu, que la décision déférée encourt l'annulation pour défaut de réponse au moyen tiré du manque de transparence d'EDF dans le traitement de leur demande de raccordement ; qu'en effet, tandis qu'elles développaient, à cet égard, trois arguments, le premier reposant sur le fait qu'EDF n'avait fourni que des indications trèselles développaient, à cet égard, trois arguments, le premier reposant sur le fait qu'EDF n'avait fourni que des indications très générales dans ses propositions techniques et financières du 14 février 2003 pour justifier le surcoût de 1.551.000 euros et le deuxième étant lié à la circonstance que les Sociétés d'exploitation n'avaient en aucune façon eu la garantie que le coût demandé était le plus bas possible, la CRE n'a pris en compte que le troisième argument selon lequel EDF avait négligé d'informer les Sociétés d'exploitation de l'existence de coûts supplémentaires, sans toutefois tirer de conséquences de ce constat ; que les requérantes font aussi grief à la Commission d'avoir laissé sans réponse le moyen tendant à contester la conformité aux règles applicables en matière de raccordement et notamment au principe du shallow cost de

l'imputation aux Sociétés d'exploitation du coût des infrastructures du poste source réalisées par RTE ;

Mais considérant que la décision du 23 octobre 2003 contient l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et qui permettent à la cour d'appel de Paris d'en contrôler la légalité ; que ladite décision ne saurait, dès lors, être annulée pour inobservation de l'obligation de motivation à laquelle est tenue la Commission de régulation de l'énergie, étant au demeurant observé que cette autorité administrative, qui n'est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, n'encourt pas le grief de défaut de réponse aux moyens invoqués par les requérantes ;

Considérant, en effet, d'une part, que loin de délaisser le moyen tiré du manquement du gestionnaire du réseau public de distribution à son obligation de transparence, envisagé sous les différents aspects mentionnés par les requérantes, la Commission, après avoir reconnu la pertinence de ce moyen en constatant qu'EDF avait négligé d'informer les Sociétés d'exploitation de l'existence de coûts supplémentaires liés aux infrastructures du poste source réalisées par RTE, tout en relevant que les requérantes n'avaient pu ignorer pour autant que les dépenses correspondantes seraient à leur charge, a constaté, au vu des pièces produites, que la solution retenue par EDF, gestionnaire du réseau public de distribution , était "la solution de moindre coût", répondant ainsi à l'argument selon lequel les Sociétés d'exploitation n'avaient pas eu la garantie que le coût demandé était le plus bas possible ;

Considérant, d'autre part, qu'après avoir rappelé que la participation financière du producteur aux dépenses engagées par les gestionnaires de réseaux publics pour réaliser son raccordement au réseau public d'électricité devait, pour être conforme aux principes

mentionnés au 4ème alinéa de l'article 1er de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, être calculée sur la base d'un schéma de raccordement de moindre coût réalisable pour satisfaire sa demande, dans le respect de la réglementation technique applicable à ce type de raccordement, la Commission a estimé que tel était bien le cas en l'espèce de sorte qu'il y avait lieu d'imputer aux Sociétés d'exploitation les prix spécifiés dans les conventions de raccordement conclues entre celles-ci et EDF ; que la Commission a ainsi répondu, en l'écartant, au moyen invoqué ;

Considérant que les Sociétés d'exploitation exposent, en troisième lieu, que la CRE a méconnu les dispositions de l'article 8 du cahier des charges type de la concession à EDF du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, relatif au traitement de la demande de raccordement d'une installation de production d'électricité ; qu'en effet, EDF-ARD était, en vertu de ces dispositions, soumis à l'obligation, dans un délai de trois mois à compter de la demande du 4 septembre 2002 formulée par Cegelec Sud-Ouest, de fournir une proposition pour le raccordement des installations de Montjoyer et Rochefort en Valdaine, que les seules propositions techniques et financières intervenues dans ce délai sont celles du 2 décembre 2002 et qu'il s'ensuit que les Sociétés d'exploitation sont bien fondées à demander que le raccordement de leurs installations soit réalisé sur la base du montant, soit 1.020.602 euros, fixé par ces propositions lesquelles liaient EDF ;

Considérant cependant que les dispositions de l'article 8 du cahier des charges type de la concession à EDF du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, qui ne font pas peser sur le gestionnaire du réseau public de distribution d'autre obligation que celle de faire au producteur autonome, dans un délai de trois mois à la suite de sa demande, une proposition relative aux modalités

techniques et financières de raccordement de son installation, ne sauraient avoir pour effet de rendre définitive une proposition dès lors qu'elle demeure à l'état de simple projet ;

Or considérant que loin d'indiquer la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation par les Sociétés d'exploitation, les deux propositions techniques et financières établies le 2 décembre 2002 par les services d'EDF, lesquelles prévoyaient la construction d'un poste source commun aux deux sites de production, avec un transformateur HTB/HTA de 36 MVA, énoncent l'une et l'autre, en introduction, que ce document "ne constitue aucunement un engagement d'EDF GDF Services sur la solution choisie et sur le chiffrage de celle-ci", qu'ils précisent que le choix de la solution de raccordement sera réalisé à l'issue d'une présentation dudit document au producteur et que "l'offre technique et financière correspondante sera alors exposée dans la proposition de convention de raccordement adressée au producteur" ; que la lettre d'accompagnement des propositions rappelle, quant à elle, que "certains points techniques sont à définir et valider ensemble" ;

Considérant qu'une réunion ayant été organisée le 18 décembre 2002 entre le producteur, les différents services d'EDF intéressés et RTE, le producteur a fait savoir à EDF et à RTE, par lettre du 23 décembre 2002, qu'il était disposé à signer les propositions techniques et financières au début du mois de janvier "en y intégrant les remarques formulées dans le compte-rendu", ce dont il résulte que les Sociétés d'exploitation ne regardaient pas les propositions du 2 décembre 2002, qu'elles entendaient voir complétées ou modifiées sur des points dont certains n'étaient pas dénués d'importance, comme l'expression de l'accord définitif des parties sur le contenu des conventions de raccordement ;

Considérant qu'EDF a ensuite transmis à la société Cegelec, le 20

janvier 2003, une proposition technique et financière datée du 13 janvier 2003 relative au site de Montjoyer et, par lettre du 18 février 2003, une autre proposition technique et financière datée du 14 février 2003 relative au site de Rochefort en Valdaine ; que le second de ces documents, lequel indique comme le premier qu'il ne constitue pas un engagement d'EDF sur la solution de raccordement choisie et sur le chiffrage de celle-ci, intègre pour un montant de 1.551.000 euros, le coût des travaux d'infrastructure du poste source issu de la proposition technique et financière élaborée par RTE et transmise à EDF le 13 février 2003, étant ici observé, d'une part, que les pièces produites établissent que les termes de cette proposition n'ont été définitivement fixés par RTE qu'en février 2003 et, d'autre part, que s'il est exact que les Sociétés d'exploitation ne connaissaient pas, avant cette date, le montant précis du prix des travaux de réalisation du poste source relevant de RTE inclus dans le coût du raccordement de leurs installations de production d'électricité, elles ne pouvaient en revanche ignorer, comme l'a pertinemment relevé la Commission, que des travaux de cette nature seraient mis à leur charge, même au regard du principe du shallow cost dont elles se prévalent à tort ainsi qu'il sera dit ci-après ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la Commission de régulation de l'énergie a méconnu les dispositions de l'article 8 du cahier des charges type de la concession à EDF du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;

Considérant que les requérantes font en outre valoir que même dans l'hypothèse où la cour considérerait que la CRE n'a pas méconnu l'article 8 du cahier des charges susvisé en ne retenant pas le montant de 1.020.602 euros figurant dans les propositions du 2

décembre 2002, elle devrait constater que la Commission n'a pas fait une juste application des règles applicables en matière de raccordement ; qu'en effet cette dernière, pour valider le montant global de 2.571.602 euros proposé in fine par EDF, se contente de retenir, à tort, que ce montant est la solution de moindre coût qu'il convient d'imputer aux Sociétés d'exploitation ; que ce faisant la CRE méconnaît les règles précitées et notamment le principe du shallow cost mis en oeuvre par le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 pour le calcul des frais de raccordement des utilisateurs aux réseaux publics d'électricité et selon lequel les utilisateurs qui demandent un raccordement ne doivent supporter que les coûts de ce raccordement, les frais de renforcement du réseau lié à ce raccordement restant à la charge des gestionnaires concernés ; que sur la base de ces éléments, les Sociétés d'exploitation sont fondées à soutenir que seul le coût des travaux de création du poste source relevant du niveau de tension HTA, qui correspond à la tension de raccordement de leurs sites, devait leur être facturé, le coût des travaux réalisés sur la partie HTB du poste source, qui sont de la compétence de RTE, ne pouvant leur être imputé dans la mesure où il doit être mutualisé entre l'ensemble des utilisateurs du réseau, à travers les tarifs d'utilisation fixés par le décret no 2002-1014 du 19 juillet 2002 ; qu'il y a lieu en conséquence de retrancher de la somme demandée par EDF-ARD celle de 1.550.000 euros correspondant aux travaux réalisés par RTE sur le poste source, de sorte que le montant du raccordement doit être limité à 1.022.616 euros ;

Considérant que les requérantes relèvent exactement que le principe du shallow cost, lequel conduit à faire supporter les coûts liés au renforcement du réseau public au gestionnaire de ce réseau et non à l'utilisateur qui demande un raccordement, à la différence du principe du deep cost, a été introduit dans la réglementation

française par le décret no 2001-365 du 26 avril 2001 ; qu'en effet l'article 2 dudit décret dispose que les tarifs d'utilisation des réseaux publics sont calculés à partir de l'ensemble des coûts de ces réseaux, tels qu'ils résultent de l'analyse de coûts techniques, de la comptabilité générale des opérateurs, y compris les comptes séparés des activités de transport et de distribution établis en application de l'article 25 de la loi du 10 février 2000 et que ces coûts comprennent en particulier (...) les coûts de maintenance, de sécurisation, de développement et de renforcement des réseaux publics, y compris lorsque ces renforcements sont liés au raccordement de nouveaux utilisateurs ;

Mais considérant que les travaux litigieux, d'un montant de 1.551.000 euros, excluant le raccordement HTB, les cellules HTB et le jeu de barres HTB, ne sont pas des travaux de renforcement du réseau de transport existant qui pourraient être imposés par l'injection sur celui-ci de quantités supplémentaires d'électricité mais sont des travaux de génie civil liés à la réalisation, sous la maîtrise d'ouvrage de RTE, des infrastructures et du bâtiment du poste source et nécessaires au raccordement des sites éoliens de Montjoyer et de Rochefort en Valdaine ;

Qu'il s'ensuit que la Commission n'a fait qu'appliquer les dispositions susvisées en décidant d'imputer aux Sociétés d'exploitation le coût de ces travaux ;

Considérant que les requérantes font enfin valoir que la CRE a méconnu les dispositions de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 en décidant que celles-ci ne lui donnaient pas compétence pour condamner EDF à leur rembourser les frais par elles engagés au titre de la procédure devant la Commission ;

Mais considérant que selon cet article, il appartient à la Commission de régulation de l'énergie, saisie d'un différend entre le

gestionnaire du réseau public de transport ou de distribution d'électricité et un utilisateur de l'un de ces réseaux de préciser les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés ;

Considérant que la Commission de régulation de l'énergie ne tient ni de ce texte, ni d'aucun autre, le pouvoir de condamner l'une des parties à la procédure de règlement du différend au paiement des frais exposés par la partie adverse pour assurer la défense de ses intérêts devant la Commission ;

Qu'ainsi, loin de violer les dispositions susvisées, la Commission en a fait l'exacte application ;

Considérant, en conséquence, que le recours n'est pas fondé ;

Considérant que l'équité commande de rejeter les demandes présentées au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que chaque partie conservera la charge des frais par elle exposés au titre de la présente instance.

LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0175
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945446
Date de la décision : 11/05/2004

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2004-05-11;juritext000006945446 ?
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