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24/02/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006943621

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0175, 24 février 2004, JURITEXT000006943621


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 24 FÉVRIER 2004

(N , 13 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2003/10671 Décision déférée à la Cour : Décision rendue le 06 mai 2003 par la Commission de Régulation de l'Energie. DEMANDERESSE AU RECOURS : ELECTRICITE DE FRANCE ( E.D.F.) prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 22-30, avenue de Wagram 75008 PARIS représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué à la Cour d'appel de PARIS assisté de Me P. TOISON, avocat au barreau de Paris, Toque R 87 DEFENDERESSE

AU RECOURS : LA SOCIETE SINERG prise en la personne de ses représentants légaux...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 24 FÉVRIER 2004

(N , 13 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2003/10671 Décision déférée à la Cour : Décision rendue le 06 mai 2003 par la Commission de Régulation de l'Energie. DEMANDERESSE AU RECOURS : ELECTRICITE DE FRANCE ( E.D.F.) prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 22-30, avenue de Wagram 75008 PARIS représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué à la Cour d'appel de PARIS assisté de Me P. TOISON, avocat au barreau de Paris, Toque R 87 DEFENDERESSE AU RECOURS : LA SOCIETE SINERG prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 8 bis, rue Escudier 92652 BOULOGNE BILLANCOURT représentée par la SCP VARIN-PETIT, avoué à la Cour d'appel de PARIS assistée de Me LITTY Olivier, avocat au barreau de Paris, cabinet CONFINO, Toque B 459 EN PRESENCE DE : LA COMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE, ayant son siège 2 rue du quatre septembre, 75084 PARIS CEDEX 02, représentée par son Président, M. Jean X..., assistée par Me L.Xavier SIMONEL et Me Virginie DELANNOY, avocats au barreau de Paris, T K110 COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 9 décembre 2003, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. ALBERTINI, président

M. LE DAUPHIN, conseiller

Mme PENICHON, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme DALMAS Y... public :

représenté lors des débats par M. Z..., substitut général, qui a fait connaître son avis. ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Monsieur ALBERTINI, président.

- signé par Monsieur ALBERTINI, président et par Madame DALMAS, greffier présent lors du prononcé. [*

Après avoir, à l'audience publique du 9 décembre 2003, entendu les conseils des parties et de la Commission de la régulation de l'énergie et les observations du ministère public, les conseils des parties ayant eu la parole en dernier ; *]

Au cours de l'année 1997 la Ville de Fresnes a décidé de créer un réseau de chaleur pour son quartier Nord, de concéder le service public de distribution de l'énergie calorifique et d'autoriser la société Fresnoise de chaleur "Sofrechal", société d'économie mixte à laquelle elle avait confié en affermage le réseau de chaleur de son quartier sud, à moderniser les installations du réseau existant en leur adjoignant une installation de cogénération destinée à fournir la chaleur au réseau nord, en parallèle à la centrale de géothermie. A cette fin la société Sofrechal a lancé, le 1 er août 1997, une procédure de consultation destinée à la réalisation, l'exploitation et la gestion de cette installation de cogénération.

Il était stipulé, notamment que celle-ci serait mise en service le 1er octobre 1998 et que l'énergie électrique produite par cette installation de cogénération devait être en totalité mise à la disposition du réseau d'Electricité de France "E.D.F.".

La société d'investissement en énergie "Sinerg", envisageant de répondre à cet appel d'offres, a demandé à E.D.F. d'évaluer les travaux de raccordement au réseau public de distribution de l'installation de cogénération.

Par télécopie et lettre du 4 septembre 1997, rappelant que le projet était celui de l'installation d'une centrale de cogénération de 5X8,120MW Electrique, et les hypothèses envisagées celles d'une tension de raccordement de 20.000 V, d'une puissance de raccordement

de 8,120 MW et d'un lieu de raccordement désigné comme étant le poste de transformation du client actuel "FR Géothermie" sur artère "Aphrodite 21 " après mise en conformité de l'arrêté technique du 14 avril 1995 ; E.D.F. a fait connaître à Sinerg les "conditions de raccordement". Il était précisé que les travaux induits par ce raccordement seraient réalisés en partie par E.D.F. et en partie par le producteur.

Sur ces bases il était proposé :

" Travaux exécutés par E.D.F.

Asservissement des disjoncteurs "départ EDF" et "cellule producteur" par téléaction (protection contre les défauts EDF ou Client). Côté départ EDF et côté poste producteur, la prestation est réalisée pour un prix net et forfaitaire facturé au producteur de 120.000 F HT (matériel et mise en oeuvre)". (...)

Travaux exécutés par le producteur.

Les travaux de raccordement du poste de production au poste de transformation "FR GEOTHERMIE" sont à la charge du producteur et ne sont pas mentionnés dans ce document.".

En cet état, Sinerg a répondu à l'appel d'offres le 5 septembre 1997. Par lettre en date du 2 octobre 1997, la société Sofrechal a fait part à E.D.F. de sa décision de confier la réalisation du marché à la société Sinerg, en précisant qu'avait été retenue " la variante de quatre moteurs à gaz pour une puissance électrique de 7,5 MW et une puissance thermique de 8,9 MW ".

Le 30 avril 1998 la société Sinerg a passé commande à E.D.F. et s'est acquittée d'un acompte de 60.000 francs, soit 50% du montant HT mentionné dans le courrier du 4 septembre 1997.

Le 30 juin 1998, E.D.F. a informé Sinerg que " le montant des travaux

exécutés par E.D.F. initialement estimé à 120.000 francs HT, s'élèvera en réalité à 3.291.563,91 F. HT.", a retourné à Sinerg l'acompte reçu et lui a demandé un nouvel acompte représentant 50% de ce dernier montant, soit la somme de 1.665.781,95 F.

Sinerg a réglé cette somme ; les travaux ont été réalisés, un raccordement provisoire a été effectué le 15 octobre 1998 et la mise en service industrielle le 16 décembre 1998.

E.D.F. a finalement facturé les travaux de raccordement à la somme de 2.450.448, 89 F HT., expliquant que l'enfouissement d'un câble dans un talus avait permis de diminuer les coûts.

Le 3 décembre 1999 elle a demandé à Sinerg le paiement du solde de sa nouvelle facture, soit la somme de 1.298.459,41 F. TTC. Malgré un rappel en date du 4 avril 2000, celle-ci n'a pas été acquittée.

Le 25 juin 2002, E.D.F. a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande en paiement.

Le 30 janvier 2003 la société Sinerg a saisi la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement de différend visant à voir :

- déclarer nulles et de nul effet les conditions financières "imposées" par EDF à Sinerg le 26 juin 1998,

- ordonner à E.D.F. de lui rembourser la somme de 253.946,85 ç HT correspondant à l'acompte qu'elle a été "contrainte" de verser, diminué de la somme de 18.293,88 ç correspondant "au devis initial" outre intérêts au taux légal. À défaut à voir :

- ordonner à E.D.F. de lui payer, à titre de dommages et intérêts, une somme de 355.274,63 ç HT., augmentée des intérêts au taux légal, - ordonner la compensation entre cette indemnité et les sommes réclamées à Sinerg par EDF.

Par décision en date du 6 mai 2003 la Commission de régulation de l'énergie a décidé :

- article 1er - Le raccordement de l'installation de cogénération de Sinerg sera mis à sa charge pour un montant égal à celui proposé par E.D.F. dans son courrier du 4 septembre 1997.

- article 2 - Le surplus de la demande est rejeté.

- article 3 - La présente décision sera notifiée à Sinerg et à E.D.F. et publiée au Journal officiel de la République française. SUR CE,

Vu le recours formé par E.D.F. le 10 juin 2003 suivant déclaration contenant l'exposé sommaire des moyens par laquelle cette partie demande à la cour de :

- à titre principal :

- d'annuler la décision déférée et de se déclarer incompétente au profit du tribunal administratif de Melun,

- à titre subsidiaire de :

réformer la décision en ce qu'elle a décidé que le raccordement de l'installation de cogénération de Sinerg sera mis à sa charge pour un montant égal à celui proposé par E.D.F. dans son courrier du 4 septembre 1997 (article 1er),

en conséquence, de :

condamner Sinerg à payer à E.D.F. la somme de 196.578,80 ç TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2002, au titre des frais de raccordement de la Centrale de cogénération restant dues par Sinerg,

condamner Sinerg à verser à E.D.F. la somme de 5.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

enjoindre à Sinerg de signer la convention de raccordement ou, à défaut la condamner à réparer l'entier préjudice d'EDF résultant de cette absence de signature, en se fondant sur les moyens suivants :

- violation du principe d'ordre public de non-rétroactivité des lois, - violation de la loi de l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII,

- incompétence de la juridiction judiciaire,

- violation des droits de la défense,

- dénaturation des pièces et des faits,

- contradiction manifeste,

- contradiction de motifs,

- méconnaissance des pouvoirs de la Commission de régulation de l'énergie,

- violation de l'article 8.3 du cahier des charges de la concession d'alimentation générale,

- impossibilité d'exécuter la décision,

- omission de statuer ;

Vu le mémoire complémentaire contenant l'exposé complet des moyens d'E.D.F. déposé le 10 juillet 2003, dans le délai de l'article 9 du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en réponse de la société Sinerg déposé le 15 septembre 2003 par lequel cette partie demande à la cour de :

- confirmer la décision en ce que la Commission de régulation de l'énergie sest déclarée compétente pour connaître du litige,

- se déclarer également compétente pour en connaître, quant au fond, - débouter E.D.F. de l'ensemble des ses demandes,

- confirmer la décision en ce qu'elle dit que le raccordement de l'installation de cogénération de Sinerg sera mis à sa charge pour un

montant égal à celui proposé par E.D.F. dans son courrier du 4 septembre 1997,

- la réformer en ce qu'elle a débouté la société Sinerg de sa demande pour le surplus, et statuant à nouveau sur ce point,

- condamner E.D.F. à rembourser à la société Sinerg la somme de 253.946,85 ç HT, correspondant à l'acompte de 50% que celle-ci a été contrainte de lui verser, diminuée de la somme de 18.293,88 ç HT, correspondant à l'estimation acceptée le 4 septembre 1997 et augmentée des intérêts au taux légal à compter du paiement soit le 28 juillet 1998,

- ordonner la capitalisation des intérêts, à titre subsidiaire :

- condamner E.D.F. à payer à la société Sinerg la somme de 355.274,63 ç HT, augmentée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice subi par cette dernière,

- ordonner la capitalisation des intérêts à titre de dommages et intérêts supplémentaires,

- ordonner la compensation entre ladite indemnité et les sommes réclamées à la société Sinerg par E.D.F., en tout état de cause,

- condamner E.D.F. à verser à la société Sinerg la somme de 5.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Vu les observations écrites de la Commission de régulation de l'énergie déposée au greffe le 14 octobre 2003 ;

Vu le mémoire en réplique d'E.D.F. déposé au greffe le 17 novembre 2003 ;

Vu les observations en duplique de la Commission de régulation de l'énergie déposées au greffe le 28 novembre 2003 ;

Vu le mémoire "en réponse et récapitulatif" de la société Sinerg

déposé au greffe le 1er décembre 2003 ;

Vu les conclusions du ministère public tendant à l'admission du recours ; LA COUR, Sur le moyen relevé de la rupture de l'égalité des armes et de la violation du droit à un procès équitable Sur le moyen relevé de la rupture de l'égalité des armes et de la violation du droit à un procès équitable

Considérant que E.D.F. sollicite l'annulation de la procédure suivie devant la cour et de celle suivie devant la Commission, motif pris de ce que cette autorité se serait comportée, devant la cour, comme une véritable partie en formulant dans ses observations écrites des demandes et des fins de non-recevoir et de ce qu'elle aurait introduit dans le débat des éléments n'y figurant pas ou formulé des demandes, de sorte qu'elle aurait ainsi méconnu le principe de l'égalité des armes entre les parties et celui du droit à un procès équitable, en violation de l'article VI de la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte l'article 11 du décret no2000-894 du 11 septembre 2000 que la Commission a la faculté, dont elle a usé, de présenter des observations devant la cour d'appel de Paris lorsque celle-ci est saisie d'un recours contre ses décisions ; que toutefois ces dispositions ne confèrent pas à la Commission, autorité administrative indépendante dont émane la décision critiquée et qui n'est pas partie au procès, le droit de se substituer aux parties pour formuler dans le débat judiciaire qui les oppose, et elles seules, des demandes ou fins de non-recevoir qu'elles n'y ont pas introduites ;

Considérant qu'en l'espèce la Commission soutient que l'exception d'incompétence soulevée par E.D.F. rend irrecevable l'entier recours de celui-ci, dans la mesure où le lien d'instance ne se serait pas

créé devant la cour ; qu'elle ajoute que le simple fait pour EDF d'avoir soulevé la question de l'incompétence empêcherait la cour de pouvoir se prononcer sur les arguments formulés par EDF à titre subsidiaire ; qu'elle fait en outre remarquer qu'un certain nombre de moyens développés par EDF dans ses écritures seraient irrecevables comme n'ayant pas été soulevés dans l'exposé des moyens joints à la déclaration de recours ; qu'elle estime que si la cour choisissait néanmoins de statuer, "le moyen tiré de l'incompétence de la cour d'appel (serait) irrecevable et (rendrait) irrecevable, en toute hypothèse, le moyen d'E.D.F. tiré de l'incompétence ratione materiae de la commission." ;

Considérant certes que ces prétentions sont en toute hypothèse irrecevables comme n'émanant pas d'une partie à la procédure ; qu'il ne saurait pour autant, être utilement soutenu que leur expression a eu pour effet de rompre l'égalité des armes et de porter atteinte au droit à un procès équitable au détriment d'E.D.F dès lors que la cour ne peut en connaître et que celui-ci a pu user de la faculté de répliquer, par écrit et oralement, aux observations de cette autorité administrative ; que dès lors la procédure suivie devant la cour et celle suivie devant la Commission, moins encore, n'ont pu se trouver viciée de nullité ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur la compétence ratione temporis

Considérant que l'article 38-I de la loi du 10 février 2000 dispose :

" En cas de différend entre les gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité(...) lié à l'accés aux dits réseaux (...) ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats et protocoles visés au III de l'article 15 et à l'article 23 de la présente loi (...), la Commission de régulation de l'énergie peut être saisie par l'une ou

l'autre des parties. ";

Considérant qu'E.D.F. soutient que la compétence de la Commission en matière de règlement des différends est indissociablement liée à la création du droit d'accès et d'utilisation des réseaux consacré par l'article 23 de la loi du 10 février 2000 en conséquence directe de l'ouverture du marché de la production et de la fourniture d'électricité ; qu'elle en déduit qu'à défaut d'une disposition prévoyant expressément sa rétroactivité, l'article 38 ne peut s'appliquer qu'à des situations nées postérieurement à sa promulgation ; qu'elle ajoute que le différend s'étant au cas présent cristallisé en 1998, antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi, la Commission a fait rétroagir les dispositions de fond de cette loi, ce qui a eu pour effet d'appliquer à une situation née sous un régime de monopole les règles d'un marché ouvert à la concurrence ;

Mais considérant que la loi nouvelle régit immédiatement les effets des situations juridiques non définitivement réalisées ayant pris naissance avant son entrée en vigueur, non en vertu d'un contrat mais en raison des seules dispositions légales alors applicables ; que si le litige est né avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 février 2000, sous l'empire de la législation alors applicable, E.D.F. ne justifie d'aucune situation juridique définitivement réalisée à cette date sous l'empire de la loi ancienne ; d'où il suit que le moyen manque en droit ; Sur la compétence ratione materiae

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 38 I de la loi du 10 février 2000 ci-dessus reproduites que les différends dont la Commission de régulation de l'énergie peut connaître sont ceux opposant les gestionnaires et utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution liés à l'accès auxdits réseaux ou à leur utilisation ;

Considérant qu'E.D.F. reproche à la décision déférée de retenir que

la circonstance que la saisine soit intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi du 20 février 2000, ne fait pas obstacle à ce que la Commission en connaisse, alors qu'en application de la loi du 28 pluviôse an VIII le juge administratif est exclusivement compétent pour connaître de ce différend ;

Mais considérant que si cette loi confère au juge administratif une compétence exclusive pour connaître du contentieux contractuel et extra-contractuel en matière de travaux publics, celle modifiée du 20 juillet 2000, organisant une compétence complémentaire, a institué une autorité administrative indépendante, la Commission de régulation de l'énergie, ayant pour attribution de préciser les conditions d'ordre technique et financier du règlement des différends entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz, liés à l'accès auxdits réseaux ou à leur utilisation ;

Considérant qu'il s'ensuit que l'instance pendante devant le Tribunal administratif de Melun ne faisait pas obstacle à ce que la Commission usât des pouvoirs qu'elle tient des dispositions susvisées ;

Considérant que la requérante soutient en outre que le présent différend n'oppose pas un gestionnaire de réseau à un utilisateur de réseau dès lors qu'elle n'avait pas, au jour du 26 juin 1998, la qualité de gestionnaire et Sinerg celle d'utilisateur ;

Mais considérant que l'opération à l'occasion de laquelle a surgi le différend, a notamment pour objet la production par Sinerg d'électricité devant alimenter le réseau de transport et de distribution exploité par E.D.F. ;

Et considérant qu'E.D.F., établissement public national de caractère industriel, s'étant vu confier par la loi du 8 avril 1946 la "gestion de la distribution de l'électricité" avait la qualité de gestionnaire du réseau de transport dès avant l'entrée en vigueur de la loi du 10

février 2000 ;

Considérant enfin que le différend opposant Sinerg à E.D.F., est relatif aux conditions financières de raccordement d'une installation de production (cogénération) au réseau public de distribution dont E.D.F. est le gestionnaire ; que la réalisation d'un raccordement d'une telle installation au réseau public de production se rapporte nécessairement à l'accès à ce réseau de sorte que le différend d'ordre financier survenu à cette occasion est un différend lié à l'accès qui oppose un gestionnaire à un utilisateur ;

Considérant que la Cour ne peut dès lors que retenir sa propre compétence pour connaître du recours d'E.D.F. ; Sur la violation des droits de la défense

Considérant que, concluant à l'annulation de la décision, E.D.F. fait valoir que la Commission a relevé d'office le moyen tiré de la méconnaissance (par E.D.F.) de l'article 8 du cahier des charges de la concession du réseau d'alimentation générale, sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations à cet égard ;

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 3 et 4 du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 que l'instruction et l'examen des demandes doivent se dérouler dans le respect du principe de la contradiction ;

Considérant que la décision déférée retient en substance qu'E.D.F. était engagée par son seul courrier du 4 septembre 1997, dès lors que ce document avait été envoyé, à l'exclusion de tout autre, dans le délai de trois mois à compter de la demande, instauré par l'article 8 du cahier des charges de la concession du réseau d'alimentation générale aux termes duquel E.D.F. est tenu de faire une proposition concernant les modalités techniques et financières de raccordement et qu'il y était précisé qu'il s'agissait des "conditions de

raccordement au site de production" ;

Considérant qu'en faisant valoir que "le motif relevé de l'article 8 du cahier des charges n'est pas le seul à avoir conduit la Commission à retenir la décision attaquée", Sinerg admet implicitement mais nécessairement que les parties n'avaient pas été invitées à faire valoir leurs observations sur ce moyen de droit relevé d'office par la décision dont il est le soutien nécessaire ; qu'il est établi que le principe de la contradiction n'a pas été respecté et que cette seule violation affecte la validité de la décision, laquelle doit être annulée, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur le bien fondé des autres causes de nullité alléguées ; Sur les conditions d'ordre financier de règlement du différend

Considérant qu'ayant annulé la décision déférée, la cour tient de l'article 38 I alinéa 2 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 le pouvoir de préciser les conditions d'ordre financier de règlement du différend opposant la société Sinerg à E.D.F. ; que dès lors il ne lui appartient pas de prononcer des condamnations tendant à l'exécution d'obligations contractuelles ou à la réparation d'un préjudice né de leur inexécution et pas davantage d'enjoindre la signature d'un contrat ;

Considérant que sont en conséquence irrecevables :

- la demande d'E.D.F. tendant à voir condamner Sinerg à lui payer la somme de 196.578,80 ç au titre des frais de raccordement, celle subsidiaire, celle tendant à ce qu'il soit enjoint à Sinerg de signer la convention de raccordement, celle enfin visant à la voir condamner à réparer l'entier préjudice résultant de l'absence de signature de cette convention ;

- la demande de Sinerg visant à voir condamner E.D.F. à rembourser la somme de 253.946,85 ç HT, correspondant à l'acompte de 50% versé sous déduction de la somme de 18.293,88 ç HT augmentée des intérêts au taux légal capitalisés et celles subsidiaires visant à voir condamner E.D.F. à payer à Sinerg la somme de 355.274,63 ç HT augmentée des intérêts au taux légal en réparation de son préjudice, avec capitalisation et à voir ordonner la compensation entre ladite indemnité et les sommes réclamées à la société Sinerg par E.D.F. ;

Considérant que, dans sa lettre du 4 septembre 1997 ci-dessus reproduite, E.D.F. a pris le soin de distinguer les frais relatifs aux "travaux exécutés par E.D.F. de ceux exécutés par le producteur ; que les premiers travaux concernant l'asservissement des disjoncteurs "départ EDF" et de la "cellule producteur par téléaction" côté départ E.D.F. et côté poste producteur, sont seuls chiffrés au prix forfaitaire de 120.000 francs HT (matériel et main d'oeuvre); qu'il est précisé que les travaux exécutés par le producteur, c'est à dire ceux de raccordement du poste de production au poste de transformation "FR GÉOTHERMIE", sont à la charge du producteur et qu'ils ne sont ni mentionnés ni estimés ;

Considérant que Sofrechal a fait connaître à E.D.F., le 2 octobre 1997, qu'avait été retenue l'offre de Sinerg dans "sa variante de quatre moteurs à gaz pour une puissance électrique de 7,5 Mwe et une puissance thermique de 8,9 MW.", au lieu de cinq comme initialement prévu ;

Considérant qu'il résulte du compte-rendu de réunion du 11 février 1998, du courrier de Sinerg du 25 février 1998 (Réf. MP/Fv/98083) du courrier d'E.D.F. du 15 mai 1998 que celui-ci ne disposait pas alors de l'ensemble des éléments techniques indispensables à l'établissement d'une proposition technique et financière relativement au raccordement du poste de production au poste de

transformation, lesquels n'avaient pas été chiffrés ni même déterminés dans la lettre du 4 septembre 1997 ;

Considérant que Sinerg ne peut prétendre l'avoir ignoré, qui a retourné à E.D.F., le 25 février 1998, après l'avoir complété, le document destiné à réunir les éléments de "collecte préparatoire" à "l'étude du raccordement" de l'autoproducteur ; que par une autre lettre de même date (réf. MP/FVC/98091), Sinerg a demandé à E.D.F. de lui communiquer le "devis des travaux nécessaires au raccordement EDF";

Considérant qu'en outre, par télécopie adressée le 15 mai 1998, E.D.F. demandait un complément d'informations techniques "afin que l'on puisse en fonction des résultats des différents calculs effectués savoir si votre installation de cogénération peut être raccordée sur départ existant ou sur départ dédié";

Considérant que les études faites et les exigences de la réglementation (arrêté technique du 14 avril 1995 modifié le 3 juin 1998) ont abouti à retenir la solution technique d'un départ dédié ; Considérant que dans ces conditions E.D.F. a par lettre du 26 juin 1998 fait connaître que le coût des travaux s'élèverait globalement à la somme de 3.291.563,91 francs HT ; qu'elle expliquait notamment que l'achat par E.D.F. de l'énergie produite par la cogénération nécessitait la création d'un départ dédié parce que la tension au point d'injection devenait supérieure à 5% de la tension nominale ; qu'en réponse à la lettre de protestation de Sinerg en date du 1 er juillet 1998, E.D.F. a rappelé, par lettre du 17 juillet 1998 que l'arrêté du 3 juin 1998 publié le 18 juin suivant prévoyait que la tension du réseau HTA devait être maintenue strictement dans la plage - 5% à + 5% par rapport à la tension contractuelle (en l'espèce,

20KV) alors que les dispositions de l'arrêté du 14 avril 1995 permettaient une légère tolérance par rapport à cette marge de fluctuation ; qu'elle ajoutait que le nouvel arrêté prévoyait que la tension du réseau BT devait être maintenue dans la plage - 10% à + 6% par rapport à la tension contractuelle (230/400V) alors que cette condition ne figurait pas dans l'arrêté technique du 14 avril 1995 ; qu'à cette dernière lettre du 17 juillet 1998, E.D.F. joignait "sa proposition définitive" chiffrant le prix de l'ensemble des prestations à la somme de 4.017.866,07 francs TTC , demandant à Sinerg son accord écrit accompagné d'un règlement égal à 50% du montant HT soit 1.665.781,95 francs ; qu'il convient aussi de relever que si le poste de la proposition correspondant aux prestations dont le coût, initialement fixé dans la lettre du 4 septembre 1997, était ramené de 120.000 francs HT à 40.000 francs HT, cette réduction trouvait sa justification dans le fait que Sinerg avait en définitive acquis directement la "TGS", l'installation du coffret au poste source étant seul facturée ;

Considérant que les travaux ont été effectués, Sinerg ayant fait parvenir à E.D.F. l'acompte de 50% qui lui était réclamé par chèque en date du 28 juillet 1998 ; que l'installation a été mise en service ;

Considérant que Sinerg fait valoir que ce versement est intervenu sous l'effet de la contrainte, car elle était prise entre l'obligation de respecter des échéances contractuelles et l'impossibilité de renoncer à un marché pour lequel plus de 90% du montant global de l'opération avait été engagé ;

Mais considérant que Sinerg qui avait discuté les termes de la proposition du 26 juin 1998 n'a exprimé aucune réserve dans la lettre du 27 juillet 1998 qui accompagnait son versement, manifestant de la sorte son acceptation librement consentie à une proposition par elle

abusivement qualifiée de modification unilatérale du prix initialement fixé qui se trouvait parfaitement justifiée comme il a été plus haut démontré ;

Considérant qu'en l'état des éléments précédemment rappelés le différend d'ordre financier opposant E.D.F. à la société Sinerg relativement au raccordement de l'installation de cogénération de cette dernière sera réglé conformément aux conditions énoncées par E.D.F dans sa lettre du 17 juillet 1998 ;

Considérant que l'équité et les circonstances économiques conduisent à exclure toute allocation pour frais non taxables ; PAR CES MOTIFS

Se déclare compétente pour statuer sur la demande de réglement du différend qui oppose E.D.F à la société Sinerg relativement au raccordement de l'installation de cogénération de cette dernière ;

Annule la décision déférée,

Dit que le différend d'ordre financier opposant E.D.F. à la société Sinerg relativement au raccordement de l'installation de cogénération de cette dernière sera réglé conformément aux conditions énoncées par E.D.F dans sa lettre du 17 juillet 1998 ;

Rejette comme irrecevables les autres demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Laisse les dépens d'appel à la charge de la société Sinerg. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0175
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006943621
Date de la décision : 24/02/2004

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2004-02-24;juritext000006943621 ?
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