COUR D'APPEL DE PARIS 14è chambre, section B X... DU 11 OCTOBRE 2002 (N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/09099 jonction 2002/11146 Décision dont appel : Ordonnance de référé rendue le 15/01/2002 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS. RG n :
2001/59366 (Jean-Jacques GOMEZ) Date ordonnance de clôture : 12 Septembre 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision :
CONFIRMATION APPELANT : Monsieur Paul Y... dit Paul Z... ... par la SCP VARIN-PETIT, avoué assisté de Maître GUY DUPAIGNE, avocat au Barreau de EVRY, AIDE JURIDICTIONNELLE : TOTALE du 22/05/2002 n 200215194 INTIMÉES :
Société FREE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 24 rue Emile Meunier 75116 PARIS représentée par la SCP MONIN, avoué assistée de Maître YVES COURSIN, Toque M.1611 Société LIBERTY SURF prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 10 rue Fructidor 75834 PARIS CEDEX 17 représentée par la SCP GIBOU-PIGNOT-GRAPPOTTE-BENETREAU, avoué assistée de Maître VIRGINIE BENMAYOR, Toque E.748, avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR, Lors des débats : M. A..., magistrat rapporteur, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposé, puis il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré. Lors du délibéré :
Président : M. CUINAT, Conseillers : M. A..., Mme B.... DÉBATS : à l'audience publique du 12 septembre 2002 GREFFIER : lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Mme C... X... : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par M. CUINAT, Président, lequel a signé la minute de l'arrêt avec Mme C..., Greffier.
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Statuant sur l'appel relevé par Monsieur Paul Z... (ce nom étant le pseudonyme de M. Paul Y...) à l'encontre d'une ordonnance
de référé rendue le 15 janvier 2002 par le président du Tribunal de grande instance de Paris qui, le déboutant de ses demandes, a déclaré justifiées et fondées les décisions des sociétés LIBERTY SURF et FREE qui, à titre de sanction de l'utilisation par l'appelant de la pratique dite du "spamming" -envoi de messages non sollicités par les destinataires- ont supprimé les accès à Internet qu'elles lui avaient accordés, et l'a condamné à payer à chacune d'elles les sommes de 1.524,49 euros à titre de provision sur dommages et intérêts pour procédure abusive et de 762,25 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Aux termes de ses dernières écritures, alors que l'appel a été relevé au nom de Paul Z..., celui-ci précise que son patronyme véritable est Y... ; il sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et demande à la Cour d'ordonner aux sociétés intimées de restaurer son accès à Internet sous astreinte, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et de les condamner, chacune, au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle ;
Il fait valoir que les conditions générales contractuelles ne lui sont pas opposables, que les sociétés intimées ne rapportent pas la preuve des violations lui étant reprochées et que la liberté d'expression ne peut avoir d'autres limites que celles qui résulteraient d'un abus de sorte qu'il soutient n'avoir usé d'aucune pratique abusive ;
La société FREE demande à la Cour d'ordonner le rejet des pièces n° 22 à n° 32, produites par M. Y... le matin même de l'audience du 12 septembre 2002 ;
Aux termes de leurs écritures, la société FREE et la société TISCALI ACCES, venant aux droits de la société LIBERTY SURF, sollicitent,
chacune, la confirmation de l'ordonnance entreprise, la condamnation de M. Y... au paiement d'une somme de 1.500 euros pour procédure abusive, l'autorisation de faire publier cet arrêt dans deux journaux de leur choix, sa condamnation au paiement d'une somme de 3.500 euros à ce titre ; chacune demande enfin l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile à hauteur de 1.500 euros ; elles font valoir que les dispositions de leurs conditions générales, du "code de bonne conduite" (société FREE) et de la "charte de bonne conduite" (LIBERTY SURF) sont opposables à M. Y..., et que la pratique du "spam" utilisée par ce dernier est incompatible avec ses engagements ; SUR CE, LA COUR,
Considérant que, le 12 septembre 2002, jour même du prononcé de l'ordonnance de clôture et de l'audience des plaidoiries, M. Y... a produit onze nouvelles pièces n° 22 à n° 32 ;
Que, compte tenu de la date -4 avril 2002- à laquelle M. Y... a relevé appel, cette production est tardive au sens de l'article 15 du nouveau code de procédure civile, d'autant que, en cours de procédure, il a conclu à trois reprises de sorte qu'il y a lieu d'accueillir la demande de la société FREE tendant à ce que ces pièces soient écartées des débats ; *
Considérant que la société FREE et la société TISCALI ACCES, venant aux droits de la société LIBERTY SURF, ont notamment pour activité la fourniture d'accès Internet ;
Que, sous le pseudonyme "Z...", M. Y... s'est abonné auprès de chacune de ces deux sociétés ;
Considérant que, si ces dernières ne peuvent produire aucun contrat écrit et signé, il n'est pas sérieusement contestable que les abonnements aux services FREE et LIBERTY SURF supposent nécessairement que l'intéressé se soit soumis à des processus d'inscription "en ligne", de sorte qu'il a pris connaissance des
conditions contractuelles en visualisant chacun des sites "Free.fr" et "Libertysurf.fr", qu'il les a acceptées et qu'il s'est engagé à s'y soumettre ;
Considérant que, au demeurant, M. Y... produit lui-même ces conditions générales dactylographiées figurant au verso de la lettre aux termes de laquelle la société FREE lui a indiqué que sa demande d'inscription avait été enregistrée avec succès en même temps qu'elle lui a fourni son nom d'utilisateur ("login"), son adresse ("e-mail") et son mot de passe ("password") ;
Que, s'agissant de la société FREE, aux termes de ses conditions générales, il est indiqué que la communauté des utilisateurs d'Internet a développé un "code de bonne conduite" que l'utilisateur déclare bien connaître et dont la transgression peut avoir pour effet d'exclure le contrevenant de l'accès à INTERNET, la société se réservant le droit de résilier ou de suspendre de plein droit le contrat notamment pour non respect de ce code de bonne conduite ;
Que, s'agissant de la société LIBERTY SURF devenue TISCALI ACCES, il est établi que l'abonné est considéré comme ayant accepté sans réserve les conditions générales lorsqu'il aura cliqué sur la case "Valider" qui lui est proposée sur une page écran lors de sa demande d'abonnement, que ces conditions générales sont suivies, en annexe, d'une "charte de bonne conduite" interdisant notamment l'envoi en nombre de messages non sollicités et d'autres faits de type "spamming", et que la société se réserve le droit de suspendre tout abonnement en cas de violation des conditions générales ;
Considérant que M. Y... ne peut sérieusement soutenir qu'il n'a pas connu ces conditions générales qui, au seul motif qu'il n'y a apposé aucune signature, ne lui seraient pas opposables ;
Que, au demeurant, notamment par la société LIBERTY SURF le 3 juillet 2001, M. Y... a été alerté sur les conséquences qui pouvaient être
tirées de sa pratique critiquée du spamming ;
Considérant que l'exercice de ladite pratique par M. Y..., au demeurant non sérieusement contestée, est établi tant par la société FREE que par la société TISCALI ACCES qui produisent de nombreuses plaintes qu'elles ont reçues sur leur site "Abuse" ;
Qu'elles produisent également de nombreux exemples de messages envoyés par M. Y... à des destinataires, qui ne les ont pas demandés, dont il n'appartient pas à la Cour, statuant en référé, d'apprécier dans quelle mesure leur auteur aurait satisfait ses soucis affirmés de "liberté d'expression" et de "diffusion de la pensée", et dont elle n'a pas qualité pour apprécier les caractères violent, pervers ou ordurier qui lui sont également reprochés ;
Considérant que le fait que, selon M. Y..., le destinataire d'un message non souhaité peut, au plan de la technique informatique, demander à être retiré de la liste de diffusion est indifférent dans la mesure où ce destinataire a été contraint, préalablement, de prendre connaissance, contre son gré, du dit message et que cette pratique est naturellement coûteuse pour les "internautes" qui supportent les frais de réception de ces messages par la récupération de ces courriers non sollicités encombrant leur boîte à lettres électronique ;
Considérant que M. Y..., même s'il conteste avoir utilisé la pratique du "spamming", a fait un usage reconnu et répétitif de la technique qu'il revendique, dont il est observé en tant que de besoin qu'elle est contraire au "code" ou à la "charte de bonne conduite ;
Que, M. Y... ne s'étant pas conformé à ses engagements contractuels, l'interruption de ses accès à Internet était la conséquence naturelle de ses agissements ;
Considérant que les considérations exprimées par M. Y..., relatives à la liberté de penser et son corollaire la liberté d'expression, à
la diffusion de la pensée à laquelle concourt le réseau Internet sont inopérantes en référé ;
Considérant que, en conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté sa demande de voir ses accès internets rétablis ;
Considérant que la Cour observe que la société FREE n'est pas démentie lorsqu'elle expose que, si le compte de l'appelant ouvert sous son pseudonyme "Z..." a été fermé, M. Y... est toujours titulaire d'un autre compte sous son nom réel ;
Que la Cour observe encore que, dans un e-mail envoyé à la société LIBERTY SURF le 11 juillet 2001, M. Y... écrivait : "Vous pouvez nous couper l'accès à votre site, cela ne nous importe peu, nous pouvons communiquer par Internet à partir de n'importe quel endroit de la planète et nous avons suffisamment de correspondants (comme vous pouvez le voir à nos nombreux courriers) pour n'en pâtir d'aucune sorte" ; *
Considérant que l'attitude procédurière de M. Y..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale et titulaire d'un contrat à durée indéterminée lui procurant un revenu annuel brut de 170.000 francs, est manifestement abusive, étant observé notamment, que, le 4 septembre 2001, il s'est adressé en ces termes à la société FREE :
"Garde ta salive pour le Tribunal, Ducon" et que, par lettre du 12 septembre 2001, il s'est ainsi adressé à la société LIBERTY SURF :
"J'ai l'honneur de vous informer par la présente que je constitue partie civile contre chacun des membres du personnel du service "Abuse" de Libertysurf en vue d'obtenir contre chacun d'entre eux une peine de vingt ans de réclusion criminelle ainsi que le versement de cinq millions de francs de dommages-intérêts de la part de chacun d'entre eux pour crimes contre les libertés publiques ..." ;
Qu'il convient de faire droit aux demandes de dommages et intérêts formées par les deux sociétés intimées dès lors qu'en l'absence
d'argument valable, l'appel formé par M. Y... a dégénéré en abus et leur a causé un préjudice manifeste en prolongeant inutilement les tracas de la procédure ;
Considérant que la Cour estime d'autant moins pertinent en l'espèce d'organiser la publication judiciaire du présent arrêt qu'elle statue en référé, non au fond ;
Considérant que l'équité conduit à faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit des deux sociétés intimées ;
Considérant que le sens de cet arrêt conduit au rejet des demandes de M. Y... ;
PAR CES MOTIFS
Ecarte des débats les pièces produites par M. Paul Y..., numérotées de 22 à 32 ;
Déclare M. Y... recevable mais mal fondé en son appel relevé sous son pseudonyme "Z..." ;
Confirme l'ordonnance déférée ;
Condamne M. Y... à payer à chacune des société FREE et TISCALI ACCES une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Condamne M. Y... aux dépens et admet la SCP MONIN et la SCP GIBOU-PIGNOT etamp; GRAPPOTTE-BÉNÉTREAU au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT