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26/09/2002 | FRANCE | N°2002/07520

France | France, Cour d'appel de Paris, 26 septembre 2002, 2002/07520


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2002

(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/07520 Pas de jonction Décision dont appel sous forme de contredit (art. 1457 du NCPC) : Ordonnance rendue en la forme de référé le 21 mars 2002 par le délégataire du Président du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (F. LEVON-GUERIN ) RG n : 2002/53127 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : ANNULE L'ORDONNANCE APPELANT SOUS FORME DE CONTREDIT :

Monsieur Henri X...

demeurant 120, rue de Courcelles
>75017 PARIS

Ayant pour avoué la S.C.P. DUBOSCQ - PELLERIN

et pour avocat Maître Olivie...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2002

(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/07520 Pas de jonction Décision dont appel sous forme de contredit (art. 1457 du NCPC) : Ordonnance rendue en la forme de référé le 21 mars 2002 par le délégataire du Président du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (F. LEVON-GUERIN ) RG n : 2002/53127 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : ANNULE L'ORDONNANCE APPELANT SOUS FORME DE CONTREDIT :

Monsieur Henri X...

demeurant 120, rue de Courcelles

75017 PARIS

Ayant pour avoué la S.C.P. DUBOSCQ - PELLERIN

et pour avocat Maître Olivier HILLEL

du barreau de PARIS (E 257) INTIMES SOUS FORME DE CONTREDIT :

Monsieur Salomon Y...

demeurant 110, rue de la Faisanderie

75116 PARIS

La S.A. CONSULTAUDIT

dont le siège social est

8, rue Copernic

75116 PARIS

Ayant pour avoué Maître TEYTAUD

et pour avocat Maître Maurice DAHAN

du barreau de PARIS (P 195)

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats et du délibéré

Président : Madame Z...

Conseiller : Monsieur A...

Conseiller : Monsieur B...

GREFFIER

lors des débats et du prononcé

de l'arrêt : Mlle C...

MINISTERE PUBLIC

Représenté aux débats par Monsieur D...,

Avocat Général.

DEBATS

à l'audience publique du 2 juillet 2002

ARRET - CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par Madame Z...,

Président, qui a signé la minute avec Mlle C..., Greffier. * * *

Aux termes d'un protocole d'accord du 16 novembre 1998, M. Henri E... dit X..., agissant pour son compte et celui de ses associés, s'est

engagé à céder les 6000 actions composant le capital social de la société d'expertise comptable FEGEC à M. Salomon Y..., celui-ci agissant tant pour son compte personnel qu'en sa qualité de président de la société d'expertise comptable Consultaudit. Suivant convention annexe du même jour, les parties prévoyaient la faculté pour M. Henri X... de reprendre tout ou partie de la clientèle d'expertise comptable de la société FEGEC. L'exécution de cette option de rétrocession de clientèle ayant soulevé des difficultés, M. Salomon Y... et la société Consultaudit ont, sur la base de la clause compromissoire du protocole d'accord, saisi un tribunal arbitral, composé de MM. Leclercq, président, Schirer et Nahum, arbitres, qui, le 23 juin 2000 a rendu à Paris une sentence où le tribunal, statuant en amiable composition, - constate l'abandon de la demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision dans la procédure pénale ouverte à l'initiative de M. Henri X... pour faux et usage de faux, - se reconnaît compétent pour connaître de demandes relatives aux conventions indivisibles du 16 novembre 1998, - constate l'absence dans l'instance arbitrale des cessionnaires autres que Salomon Y... et la société Consultaudit respectivement porteurs de 1311 et 4681 actions de la société FEGEC, - prononce la résolution des conventions du 16 novembre 1998 et de leurs actes d'exécution dans les seuls rapports entre Henri X... d'une part et Salomon Y... et la société Consultaudit d'autre part, aux torts d'Henri X... et condamne ce dernier à rembourser à Salomon Y... et à la société Consultaudit respectivement les sommes de 4.391.850 F et 15.681.350 F, en échange des 5 992 actions FEGEC qu'ils détiennent, - ordonne l'exécution provisoire de ces condamnations sous réserve d'exequatur de la sentence, - se déclare incompétent pour ordonner l'exécution des ordonnances du juge de l'exécution produites, - rejette les autres demandes de Salomon Y... et de la société Consultaudit faute de

qualité à agir pour les autres cessionnaires et pour la société FEGEC, - déboute Salomon Y..., la société Consultaudit et Henri X... de leurs demandes de dommages-intérêts, - fait masse des honoraires d'arbitrage en ce compris ceux dont les demandeurs ont fait l'avance pour le compte d'Henri X... et les répartit dans la proportion des trois quarts à la charge d'Henri X... et d'un quart à celle de Salomon Y... et de la société Consultaudit.

Sur l'appel interjeté par Henri X..., cette Cour, par arrêt du 18 octobre 2001, a - déclaré l'appel recevable, - confirmé la sentence, - condamné Henri X... à verser à Salomon Y... et à la société Consultaudit la somme globale de 250 000 francs ou 38 112,25 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - rejeté toute autre demande, - condamné Henri X... aux dépens.

*

* *

Par assignation du 22 février 2002, Henri X... a demandé au délégataire du Président du tribunal de grande instance de Paris de compléter le tribunal arbitral ayant statué le 23 juin 2000 sur la résolution de la cession des actions de la société FEGEC intervenue le 16 novembre 1998, afin de le reconstituer pour qu'il statue sur le litige qui l'oppose aux cessionnaires Salomon Y... et la société Consultaudit, relatif à la dépréciation des actions de la société FEGEC, question non soumise au tribunal arbitral pas plus qu'à la Cour d'appel et, par conséquent, de désigner un arbitre au lieu et place de Salomon Y... et de la société Consultaudit.

Par ordonnance du 21 mars 2002 rendue en forme des référés, le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris a -

déclaré Henri X... irrecevable en sa demande de désignation d'arbitre, - débouté les défendeurs de leurs prétentions indemnitaires, - condamné Henri X..., outre aux dépens, à payer à Salomon Y... et à la société Consultaudit la somme de 1 600 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

*

* *

Le 5 avril 2002, Henri X... a formé contre cette ordonnance un appel-nullité sous la forme du contredit demandant à la Cour de l'annuler, le premier juge ayant commis un excès de pouvoir en refusant de désigner un arbitre, et de condamner in solidum Salomon Y... et la société Consultaudit, outre aux dépens, à lui payer la somme de 6 000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par conclusions postérieures, Henri X... demande, après annulation de l'ordonnance, désignation d'un arbitre et propose Monsieur Emile Schirer, président honoraire du tribunal de grande instance de Mulhouse.

Il soutient qu'il n'appartenait pas au juge chargé de désigner un arbitre, en cas de défaillance d'une partie à cet égard, d'apprécier s'il existe ou non un litige mais seulement de s'assurer qu'un litige était né. Il dit qu'en l'espèce le litige portant sur la dépréciation de la valeur des actions et se posant à l'occasion de l'exécution de la sentence du 23 juin 2000 confirmée est bien né. Il conteste le pouvoir du délégataire du Président pour interpréter l'arrêt de la Cour du 18 octobre 2001.

Il ajoute qu'une expertise portant sur la valeur des actions a été ordonnée par le juge des référés par ordonnance du 13 novembre 2001, frappée d'appel.

Il précise que l'appréciation de fins de non recevoir tirées soit du défaut d'intérêt à agir soit de l'autorité de la chose jugée relève, au regard du principe de compétence-compétence, du seul tribunal arbitral.

En réponse aux conclusions de son adversaire, il soutient que la Cour n'a pas le pouvoir d'évoquer le fond du litige opposant les parties sur la dépréciation de la valeur des actions de la société FEGEC.

*

* *

Salomon Y... et la société Consultaudit concluent à l'irrecevabilité des demandes d'Henri X... et à la confirmation de l'ordonnance. Ils réclament une somme de 5 000 ä de dommages-intérêts pour procédure abusive et une somme de 10 000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils soutiennent que la sentence rendue le 23 juin 2000 a épuisé la compétence de la juridiction arbitrale et que la renonciation des parties à retourner devant les arbitres, constatée par la cour dans l'arrêt du 18 octobre 2001, a nécessairement mis fin au différend les opposant.

Ils affirment que le délégataire du président n'a pas interprété l'arrêt de la cour du 18 octobre 2001, se limitant à rappeler un motif décisoire pour en déduire qu'il n'y avait plus matière à

rouvrir l'instance arbitrale.

Ils ajoutent que le différend relatif à l'évaluation des actions de la société FEGEC se situe hors du champ de la compétence arbitrale telle que définie par le procès-verbal de la réunion du 13 janvier 2000.

En fin de procédure, ils demandent à la Cour, dans un souci de bonne administration de la justice, d'évoquer au fond le différend opposant les parties et de dire qu'en contrepartie du versement de la somme de 20 100 000 francs, majorée des intérêts de droit et des dépens, M. X... ne pourra prétendre qu'à la restitution d'actions dépréciées par son fait. Sur ce, la Cour,

Considérant qu'aux termes de l'article 1444 du nouveau code de procédure civile :

"Si, le litige né, la constitution du tribunal arbitral se heurte à une difficulté du fait de l'une des parties ou dans la mise en oeuvre des modalités de désignation, le président du tribunal de grande instance désigne le ou les arbitres.

Toutefois cette désignation est faite par le président du tribunal de commerce si la convention l'a expressément prévu.

Si la clause compromissoire est soit manifestement nulle, soit insuffisante pour permettre de reconstituer le tribunal arbitral, soit pour permettre de constituer le tribunal arbitral, le président le constate et déclare n'y avoir lieu à désignation" ;

Qu'en vertu de l'article 1457 du même code, le président saisi comme en matière de référé, statue par ordonnance non susceptible de recours à l'exception du cas où il a statué par application de

l'article 1444 alinéa 3 ; que, cependant, la jurisprudence a admis la possibilité d'un appel-nullité en cas d'excès de pouvoir du juge d'appui ; que, dans tous les cas l'appel est formé, instruit et jugé comme en matière de contredit de compétence ;

Considérant qu'il appartient à Henri X... de démontrer, pour que son recours soit déclaré recevable, que la décision du délégataire de président du tribunal de grande instance de Paris est entachée d'excès de pouvoir ou de la violation d'un principe fondamental ;

Considérant que l'intervention du juge d'appui en application de l'article 1444 suppose réunies un certain nombre de conditions :

l'existence d'un litige, l'existence d'une convention d'arbitrage non manifestement nulle et une difficulté relative à la constitution ou à la reconstitution du tribunal arbitral ;

Considérant en l'espèce que l'existence d'une clause compromissoire non manifestement nulle n'est pas contestée, pas plus que celle d'une difficulté dans la reconstitution du tribunal arbitral, Salomon Y... et la société Consultaudit refusant de procéder à la désignation d'un arbitre ;

Que les parties s'opposent en réalité sur l'existence d'un litige, Henri X... soutenant que cette existence relève de l'évidence, le tribunal arbitral ayant déjà été saisi et ayant rendu une sentence, confirmée par cette Cour, dont l'exécution soulève des difficultés ; que ses adversaires rétorquent que la clause compromissoire est caduque ou épuisée dans la mesure où une sentence a été rendue sur le litige opposant les parties, que le litige a été intégralement vidé par le tribunal arbitral et la Cour par des décisions ayant

l'autorité de la chose jugée et qu'en toute hypothèse, Henri X... n'a pas qualité pour se plaindre d'une dépréciation des actions, seule la société FEGEC pouvant le faire ;

Considérant que l'existence d'un litige entre les parties ayant donné lieu à la saisine d'un tribunal arbitral et à une sentence confirmée par la Cour ne peut être déniée ;

Considérant qu'en application de l'article 1466 du nouveau code de procédure civile et en vertu du principe de compétence- compétence, il appartient aux arbitres et non au juge d'appui d'apprécier la sentence arbitrale rendue entre les mêmes parties afin de déterminer si un nouveau litige existe ; qu'en effet plusieurs procédures arbitrales peuvent se concevoir alors qu'elles ont pour origine le même litige ; que l'appréciation des demandes des parties relatives au litige et de la difficulté tirée du fait que le litige a déjà été tranché ne ressortit pas à la compétence du juge étatique ; qu'il appartient à un tribunal arbitral nouvellement saisi de statuer, le cas échéant, sur une fin de non recevoir tirée de l'exception de chose jugée ou du défaut d'intérêt d'une des parties à former une demande ;

Considérant en l'espèce que le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris a, en décidant d'une part que le tribunal arbitral avait vidé sa saisine sur la question litigieuse et d'autre part, à supposer que cette saisine ne soit pas épuisée, qu'Henri X... ne justifiait pas d'un intérêt à agir, seule la société FEGEC, étrangère à l'arbitrage, pouvant poursuivre la réparation de son préjudice, outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 1444 du nouveau code de procédure civile ; que son

ordonnance doit être annulée ;

Considérant que la Cour, par application de l'article 562 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, est tenue de statuer sur la demande de désignation d'arbitre formée par Henri X... ; que les débats oraux n'ont fait apparaître aucune difficulté particulière concernant la désignation de M. Schirer, arbitre proposé par le demandeur et qui avait été désigné, dans le premier arbitrage, par Salomon Y... et la société Consultaudit ; qu'il convient donc de procéder à sa désignation ;

Considérant que l'équité impose de condamner in solidum Salomon Y... et la société Consultaudit à payer à Henri X... une somme de 6 000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par ces motifs, - vu les articles 1444 et 1457 du nouveau code de procédure civile, - annule l'ordonnance rendue le 21 mars 2002 par le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris, - désigne M. Emile Schirer, président honoraire du tribunal de grande instance de Mulhouse, en qualité d'arbitre, - condamne in solidum Salomon Y... et la société Consultaudit à payer à Henri X... une somme de 6 000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - les condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP Duboscq Pellerin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2002/07520
Date de la décision : 26/09/2002

Analyses

ARBITRAGE - Arbitre - Désignation

L'intervention du juge d'appui en vue de la désignation d'arbitres en application de l'article 1444 du nouveau code de procédure civile suppose la réunion de trois conditions : l'existence d'un litige, l'existence d'une convention d'arbitrage non manifestement nulle et une difficulté relative à la constitution ou à la reconstitution du tribunal arbitral.En application de l'article 1466 du nouveau code de procédure civile, il appartient aux arbitres et non au juge d'apprécier la sentence arbitrale rendue entre les mêmes parties afin de déterminer si un nouveau litige existe. En effet, plusieurs procédures arbitrales peuvent se concevoir alors qu'elles ont pour origine le même litige. L'appréciation des demandes des parties relatives au litige et de la difficulté tirée du fait que le litige a déjà été tranché ne ressortit pas à la compétence du juge étatique. Il appartient à un tribunal arbitral nouvellement saisi de statuer, le cas échéant, sur une fin de non recevoir tirée de l'exception de chose jugée ou du défaut d'intérêt d'une des parties à former une demande.Dès lors, en décidant d'une part que le tribunal arbitral avait vidé sa saisine sur la question litigieuse et d'autre part, à supposer que cette saisine ne soit pas épuisée, que l'appelant ne justifiait pas d'un intérêt à agir, le délégataire du Président du tribunal de grande instance de Paris a outrepassé les pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 1444 du nouveau code de procédure civile et son ordonnance doit, en conséquence, être annulée.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-09-26;2002.07520 ?
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