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07/03/2002 | FRANCE | N°2001/14358

France | France, Cour d'appel de Paris, 07 mars 2002, 2001/14358


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 7 MARS 2002

(N , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/14358 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 6 avril 2001 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (1ère chambre, 2ème section) - RG n : 1999/06072 Date ordonnance de clôture : 10 janvier 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANTE :

Madame Fatima X...

née le 14 février 1970 à Dimadjou-Itsandra (Comores)

demeurant 10, Allée du Père Julien d'Huit

75020 PARIS


Représentée par la S.C.P. BOMMART - FORSTER, avoué

Assistée de Maître Valérie PAULHAC,

avoc...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 7 MARS 2002

(N , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/14358 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 6 avril 2001 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (1ère chambre, 2ème section) - RG n : 1999/06072 Date ordonnance de clôture : 10 janvier 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANTE :

Madame Fatima X...

née le 14 février 1970 à Dimadjou-Itsandra (Comores)

demeurant 10, Allée du Père Julien d'Huit

75020 PARIS

Représentée par la S.C.P. BOMMART - FORSTER, avoué

Assistée de Maître Valérie PAULHAC,

avocat à la Cour (R 127) INTIME :

Le MINISTERE PUBLIC

pris en la personne de

Monsieur le PROCUREUR GENERAL

près la Cour d'Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet

au Palais de Justice

4, Boulevard du Palais

75001 PARIS

Représenté par Monsieur PEROL, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR :

lors du délibéré

Président : Madame PASCAL

Conseiller : Monsieur MATET

Conseiller : Monsieur HASCHER

GREFFIER

lors des débats et du prononcé

de l'arrêt : Mlle FERRIE

MINISTERE PUBLIC

Monsieur PEROL, Avocat Général

qui a développé oralement ses conclusions écrites

DEBATS

à l'audience publique du 8 février 2002,

Madame PASCAL, Magistrat chargé du rapport,

a entendu la plaidoirie de l'avocat de l'appelante

et Monsieur l'Avocat Général en ses explications,

ceux-ci ne s'y étant pas opposés. Elle en a rendu

compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET - CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par Madame PASCAL,

Président, qui a signé la minute avec

Mlle FERRIE, Greffier. [*

A la suite d'un refus de délivrance de certificat de nationalité française, Fatima X..., née le 14 février 1970 à Dimadjou-Itsandra (Comores), a engagé une action déclaratoire de nationalité devant le tribunal de grande instance de Paris, se disant française par filiation paternelle, son père, Abdou X..., ayant souscrit une déclaration en vue de conserver cette nationalité alors qu'elle était encore mineure.

Par jugement du 6 avril 2001 pris au motif que la filiation de l'intéressée à l'égard d'Abdou X... n'était pas établie, le tribunal a - rejeté la demande, - constaté l'extranéité de Fatima X... - ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil.

*]

Appelante de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, Fatima X... demande à la cour de : - vu l'article 18 du code civil, - constater que sa filiation a été établie avant sa majorité, - constater qu'elle est française comme fille légitime d'un père français - ordonner qu'un certificat de nationalité française lui soit délivré, - ordonner mention de la décision sur les actes d'état civil.

Elle rappelle que la nationalité française d'Abdou X... n'est pas contestée.

Elle dit prouver sa filiation par plusieurs extraits ou copies d'acte de naissance, par un jugement supplétif du 16 juin 1997 ainsi que par la production des textes comoriens sur la reconstitution des actes d'état civil et un courrier du 11 mars 2000 de la Préfecture du Centre.

Elle soutient en particulier que l'extrait d'acte de naissance du 31 décembre 1985, dressé pendant sa minorité, porte une mention marginale selon laquelle la déclaration de naissance a été faite par le père de l'enfant. Elle indique que la plupart des documents d'état civil ont été détruits après l'indépendance et que la République Fédérale Islamique des Comores a promulgué la loi 84.11 relative notamment à la reconstitution de l'état civil, permettant de rétablir les actes de naissance sans jugement supplétif préalable, la justification de l'identité et de la filiation par la production de documents divers (copie d'acte de naissance, inscription scolaire...) étant suffisante. Elle ajoute qu'entre la date de la promulgation de la loi 84-11 et le 31 décembre 1986, tout comorien a pu déclarer sa naissance sans jugement supplétif préalable.

Elle conteste l'exigence du ministère public relative à la production d'une copie intégrale d'acte de naissance, prétendant qu'y figurent les mêmes indications que dans l'extrait et que la mention du nom des témoins dans l'acte n'est pas obligatoire.

Elle estime que le ministère public ne prouve pas que les extraits

produits sont des faux. Elle ajoute que le jugement supplétif du 16 juin 1997, postérieur à sa majorité, ne produit aucun effet en matière de nationalité et qu'il est donc inutile d'en discuter, d'autant qu'il n'a pu être transcrit dans la mesure où elle bénéficiait déjà par ailleurs d'un acte de naissance.

Elle indique enfin que l'Ambassade a confirmé dans un courrier les éléments de fait.

Elle dit que les déclarations d'Abdou X..., lors de l'enquête d'assimilation ayant suivi la souscription de la déclaration recognitive ne suffisent pas à l'écarter du bénéfice des dispositions de l'article 18 du code de la nationalité.

*

* *

Le ministère public demande que l'extranéité de l'appelante soit constatée et que la mention prévue à l'article 28 du code civil soit ordonnée.

Ne contestant pas la nationalité française d'Abdou X..., il prétend que l'appelante doit justifier d'une filiation établie du temps de sa minorité par des actes fiables et probants au sens de l'article 47 du code civil.

Il estime que les actes produits ne comportent pas certaines mentions exigées par les articles 16 et 90 de la loi comorienne du 19 octobre 1984 et affirme que l'état civil complet et certain d'une personne ne peut être prouvé que par la production d'une copie intégrale d'acte de naissance , une telle copie étant exigée pour la délivrance de

certificats de nationalité ;

Il ajoute que, si l'appelante était en possession d'un extrait d'acte de naissance délivré en 1985, il était incohérent de sa part de demander, en 1997, l'établissement d'un jugement supplétif d'acte de naissance. Il souligne que, si la filiation à l'égard d'Abdou X... est réelle, il est alors démontré que la déclaration de nationalité souscrite le 14 septembre 1977 par celui-ci n'était pas sincère. Sur ce, la Cour,

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 10 et 11 de la loi du 3 juillet 1975 et 8 de la loi du 31 décembre 1975 d'une part que les français de statut civil de droit local originaires du territoire des Comores ont pu, dans les deux ans suivant l'indépendance, lorsqu'ils avaient leur domicile en France, se faire reconnaître la nationalité française par déclaration et d'autre part que ces déclarations produisaient effet à l'égard des enfants mineurs de dix huit ans du déclarant dans les conditions prévues à l'article 84 du code de la nationalité ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'Abdou X... a souscrit la déclaration de reconnaissance de la nationalité française ; que, pour bénéficier de l'effet collectif de cette déclaration, Fatima X..., née le 14 février 1970, doit prouver que sa filiation paternelle a été établie avant sa majorité ;

Considérant qu'aux termes de l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des français ou des étrangers, fait en pays étranger, fait foi, s'il est rédigé dans les formes usitées dans ledit pays ;

Considérant en l'espèce que l'appelante produit : - un extrait délivré le 20 novembre 1997 et légalisé de l'acte de naissance n° 3105 du 31 décembre 1985 selon lequel le 14 février 1970 à Dimadjou Itsandra est née Mdahoma Fatima du sexe féminin de Abdou X..., né vers 1943 à Dimadjou (Comores) demeurant à Paris et de Y... Ali, née vers 1945 à Dimadjou Itsandra, demeurant à Dimadjou Itsandra portant la mention marginale suivante : déclaration faite par le père de l'enfant (loi 84-11, art. 88 à 93) déclaration reçue par nous Ibrahim Mhoudini chef du centre d'état civil d'Itsandra, - une copie intégrale d'acte de naissance délivrée le 16 octobre 2000 et légalisée portant les mêmes mentions que l'extrait visé ci-dessus, - un extrait délivré le 14 octobre 2000 de l'acte de naissance n° 3105 du 31 décembre 1985 selon lequel le 14 février 1970 à Dimadjou Itsandra est née X... Fatima du sexe féminin de Abdou X..., demeurant à Paris et de Y... Ali, demeurant à Dimadjou Itsandra portant à côté de la signature de l'officier d'état civil la mention suivante : déclaration faite par le père de l'enfant (loi 84-11, art. 88 à 93) - une copie légalisée d'un jugement supplétif n° 410 rendu le 16 juin 1997 par le tribunal de Cadi de Moroni Préfecture du Centre subdivision de Ngazidja, sur la requête de Mmadi Ali exposant que la naissance de Fatima X... le 14 février 1970 de Abdou X... né en 1943 demeurant à Paris et de Y... Ali, née en 1945, demeurant à Dimadjou Itsandra n'avait pas été déclarée et disant, après audition des témoins Ali Youssouf et Ali Soilihi, que Fatima X... de sexe féminin est née à Dimadjou Itsandra le 14 février 1970 ;

Considérant qu'il est constant que, postérieurement à l'accession des Comores à l'indépendance, une bonne partie des registres de l'état civil a été détruite ; que, pour remédier à la situation résultant de

ces destructions, la République Fédérale Islamique des Comores a fait insérer, dans la loi 84.11 du 19 octobre 1984, des dispositions concernant "la constatation des naissances non déclarées dans les délais légaux" contenues aux articles 89 à 93 ;

Considérant que, selon cette loi comorienne, jusqu'au 31 décembre 1996 la naissance de tout comorien vivant pouvait être déclarée, nonobstant l'expiration des délais légaux et en l'absence de jugement supplétif régulièrement transcrit, dans les conditions suivantes (seules celles s'appliquant à la situation de l'appelante étant ci-après reproduites) : - déclaration reçue, conformément aux lois et règlements sur l'état civil, - déclaration faite, le mineur présent, par le père, la mère, un ascendant ou à défaut par "la tuteur", - déclaration faite en présence de deux témoins majeurs pouvant en attester la sincérité et, à défaut de témoins, production d'un certificat médical attestant de l'âge physiologique de la personne, ce certificat, paraphé par l'officier d'état civil, devant rester annexé à l'exemplaire du registre déposé au greffe du tribunal ;

Considérant que ces dispositions doivent se combiner, ainsi que le prévoit expressément l'article 90, avec les lois et règlements sur l'état civil et donc avec les articles 16 à 20 de la loi 84.11, communiqués par le ministère public, qui imposent que : - soient précisés dans l'acte : les noms, professions, domiciles et si possible les dates et lieu de naissance des personnes qui y sont dénommées, - les témoins, choisis par les parties, certifient l'identité de celles-ci et la conformité de l'acte avec leurs déclarations, - l'acte établi, l'officier d'état civil en donne lecture aux parties comparantes ou leur fondé de pouvoir -dans le cas où leur représentation par un tel fondé de pouvoir est autorisée,

c'est à dire quand leur comparution personnelle n'est pas exigée - ainsi qu'aux témoins avant de recueillir leurs signatures ;

Considérant que ni les extraits ni la copie intégrale de l'acte dressé le 31 décembre 1985 ne comportent les mentions obligatoirement prévues par la loi comorienne 84.11, notamment en ce qui concerne la présence du mineur et celle des témoins ; qu'en particulier, si la déclaration a été réellement faite par le père, elle aurait dû être intégrée à l'acte et ne pouvait apparaître en mention marginale ; que les actes n'ont donc pas été dressés dans les formes usitées aux Comores et ne font pas foi dans les conditions de l'article 47 du code civil ; que la filiation de l'appelante à l'égard d'Abdou X... n'a donc pas été établie avant sa majorité ;

Qu'il n'est pas inutile de noter qu'à supposer sa régularité internationale établie, le jugement supplétif du 16 juin 1997 est sans incidence sur la nationalité de l'appelante puisque, rendu après sa majorité, sur la requête d'un tiers et ne précisant pas la filiation dans son dispositif ;

Considérant en conséquence que le jugement déféré doit être confirmé ;

Par ces motifs, - confirme le jugement déféré, - ordonne la mention prévue à l'article 28 du code civil, - condamne l'appelante aux dépens. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2001/14358
Date de la décision : 07/03/2002

Analyses

NATIONALITE - Nationalité française - Preuve - Filiation - Acte de naissance

S'il résulte des dispositions combinées des articles 10 et 11 de la loi du 3 juillet 1975 et 8 de la loi du 31 décembre 1975 d'une part que les français de statut civil de droit local originaires du territoire des Comores ont pu, dans les deux ans suivant l'indépendance, lorsqu'ils avaient leur domicile en France, se faire reconnaître la nationalité française par déclaration et d'autre part que ces déclarations produisaient effet à l'égard des enfants mineurs de dix huit ans du déclarant dans les conditions prévues à l'article 84 du code de la nationalité ; encore faut-il, pour bénéficier de l'effet collectif de cette déclaration, que l'enfant prouve que sa filiation a été établie avant sa majorité, à l'égard du déclarant, conformément aux règles applicables dans le pays.Par suite la production d'actes ne comportant pas les mentions exigées par la loi comorienne du 19 octobre 1984, promulguée dans le but de remédier à la destruction des registres de l'état civil postérieurement à l'indépendane, ne fait pas foi dans les conditions de l'article 47 du code civil, et la filiation de l'appelante à l'égard de son père ne peut être considérée comme étabie avant sa majorité.Aussi, ne bénéficiera-t-elle pas de l'effet collectif de la déclaration souscrit par ce dernier.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-03-07;2001.14358 ?
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