COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C ARRET DU 17 DECEMBRE 1999 (N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1997/09863 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 14/03/1997 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS è Ch. RG n : / 0 Date ordonnance de clôture : 4 Novembre 1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANT : S.A. RADIO NOSTALGIE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège ... représentée par Maître BOLLING, avoué assistée de Maître X..., Toque D699, Avocat au Barreau de PARIS INTIME :
S.A.R.L. CORREZE FM prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège ... représentée par la SCP TAZE-BERNARD-BELFAYOL-BROQUET, avoué assistée de Maître Y..., Toque P437, Avocat au Barreau de PARIS, SCP NICHOLAS LEFEVRE COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Président : Madame DESGRANGE Conseiller : Monsieur BOUCHE Conseiller : Monsieur SAVATIER DEBATS : A l'audience publique du 5 novembre 1999 GREFFIER : Lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt Greffier : Madame BAUDUIN, ARRET : Prononcé publiquement par Madame le Président DESGRANGE, qui a signé la minute avec Madame BAUDUIN, Greffier.
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Par acte du 18 juin 1991, la société RADIO NOSTALGIE, qui déclarait organiser un réseau de radio FM, a consenti à la société CORREZE FM une licence de sa marque RADIO NOSTALGIE, moyennant une redevance mensuelle de 3 000 F, et a défini les relations dans lesquelles cette dernière l'exploiterait. La société RADIO NOSTALGIE s'engageait à fournir son programme, tandis que la société CORREZE FM s'engageait à réaliser et à diffuser, dans les emplacements horaires mis à sa disposition, des programmes propres d'intérêt local dans le respect du cahier des charges de l'autorisation d'émettre délivrée par l'autorité adminsitrative compétente. Il était aussi prévu par la convention que la société CORREZE FM pourrait diffuser de la publicité locale collectée par elle-même et à son seul profit.
Le 11 juin 1992, la société CORREZE FM signait avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel une convention ayant pour objet de fixer les règles applicables au service pour l'exploitation duquel une autorisation a été donnée à celle-ci le 8 septembre 1992.
Par lettre du 26 septembre 1994, confirmée le 30 septembre 1994, la société RADIO NOSTALGIE a informé ses partenaires, dont la société CORREZE FM, de ce qu'elle modifiait la grille de programmes et redécoupait les tranches horaires. Elle a renouvelé cette modification à la fin du mois d'août 1995.
Dés le 30 septembre 1994, par l'intermédiaire de son avocat, la société CORREZE FM a protesté contre ces changements au motif qu'ils réduisaient, selon elle, de manière très sensible, le temps de décrochage local ce qui présentait des répercussions d'une exceptionnelle gravité sur l'activité de la société.
Le 26 juin 1996, elle a assigné la société RADIO NOSTALGIE en résiliation du contrat du 18 juin 1991 en lui imputant des fautes contractuelles, notamment, en ce que ces modifications ont réduit la durée des plages de publicité locale.
Par jugement du 14 mars 1997, le tribunal de commerce de PARIS a prononcé la résolution du contrat, à compter du 14 décembre 1996, aux torts exclusifs de la société RADIO NOSTALGIE et a condamné celle-ci à payer à la société CORREZE FM la somme de 500 000 F de dommages intérêts, outre 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, déposées le 28 octobre 1999, auxquelles il est renvoyé, la société RADIO NOSTALGIE fait valoir à l'appui de son appel qu'aux termes du contrat elle conservait la maîtrise de la grille des programmes, que les modifications n'interdisaient pas à la société CORREZE FM de diffuser d'autres messages publicitaires et n'avaient pas placé celle-ci en infraction à ses engagements envers le Conseil supérieur de l'audiovisuel ou aux dispositions réglementaires applicables. Elle conteste le préjudice allégué.
La société RADIO NOSTALGIE prétend que c'est la société CORREZE FM qui n'a pas respecté les prescriptions contractuelles et a agi dans le but de rejoindre un réseau concurrent, ce pourquoi elle a demandé l'autorisation au Conseil supérieur de l'audiovisuel dès le 12 juin 1996.
Elle demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société CORREZE FM à lui payer la somme de 500 000 F de dommages intérêts, outre celle de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, déposées le 4 novembre 1999, auxquelles il est renvoyé, la société CORREZE FM soutient que la société RADIO NOSTALGIE n'a pas respecté le contrat, notamment, en agissant sans aucune concertation, et qu'elle a cherché à la placer dans un état de dépendance économique en abusant de sa situation de fournisseur exclusif de programmes. Elle prétend que dans ces conditions elle a été contrainte d'envisager un changement de partenaire. Elle indique
que la réduction de moitié du temps laissé à la publicité locale a entraîné pour elle une perte de 2 339 730 F.
La société CORREZE FM conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a statué sur la résiliation et demande que le montant des dommages intérêts soit porté à la somme de 2 339 730 F. Elle sollicite la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. SUR CE, LA COUR :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article III-2-2 de l'acte du 18 juin 1991, les parties étaient convenues que "le temps de diffusion des messages publicitaires ne pourra excéder 14 minutes par heure, attendu que sur ces 14 minutes, 6 minutes au maximum par heure sont à la disposition de la société CORREZE FM pour la diffusion de la publicité locale, à l'intérieur des emplacements tels que choisis et planifiés à l'annexe 1, sous réserve de conformité avec les dispositions de la convention signée entre la société CORREZE FM et le CSA" ;
Qu'elles étaient également convenues, aux termes de l'article III-2-4, "que les emplacements publicitaires destinés à la diffusion des programmes locaux et de publicité locale pourront faire l'objet de modifications à l'initiative de RADIO NOSTALGIE, sans toutefois que les programmes dont la diffusion est obligatoire puissent réduire les possibilités de programmation propres de la société CORREZE FM à un total inférieur à ses obligations au regard de la réglementation et des autorisations réglementaires et administratives" ;
Considérant qu'il en ressort que le seul fait pour la société RADIO NOSTALGIE d'avoir modifié les emplacements publicitaires ne constitue pas une faute contractuelle ;
Considérant que la société CORREZE FM ne rapporte pas la preuve de ce que les nouvelles grilles contreviendraient aux obligations qui étaient les siennes au regard des conditions dans lesquelles elle
avait reçu son autorisation de diffusion du Conseil supérieur de l'audio-visuel, ou au regard des dispositions du décret n° 94-972 du 9 novembre 1994, après l'entrée en vigueur de ce texte ; que ses allégations à cet égard restent vagues ; qu'elles ne sont pas confortées par la lettre que le Comité technique radiophonique des régions AUVERGNE ET LIMOUSIN du Conseil supérieur de l'audiovisuel lui a adressée le 25 novembre 1994 ; qu'il ressort de cette lettre que les manquements à la convention signée avec cette autorité ne sont pas caractérisés et que s'ils se produisaient, et s'ils étaient limités, il ne serait pas tenu rigueur à la société CORREZE FM d'éventuelles adaptations mineures dans la grille du programme local ; que pourtant cet organisme connaissait la situation puisqu'elle lui avait été dénoncée par deux lettres des 13 octobre et 15 novembre 1994, et que, le 14 novembre 1994, il avait reçu la société CORREZE FM pour audition ;
Considérant que la société CORREZE FM prétend que les modifications ont réduit la durée de la publicité locale de 6 minutes, initialement, à 3 minutes par heure, après la modification ;
Que, cependant, elle n'apporte aucun élément de nature à contredire l'affirmation de la société RADIO NOSTALGIE selon laquelle il lui demeurait possible d'insérer un second écran de publicité dans les programmes, ce qui lui avait été indiqué dès le 30 septembre 1994, avec la marche à suivre au plan technique ; que si elle fait exactement remarquer que le contrat ne lui imposait pas l'acquisition du matériel nécessaire pour lui permettre de décrocher du programme national, le contrat se bornant à conseiller son utilisation, il n'en reste pas moins que cela lui était possible et dépendait d'elle seule ;
Considérant qu'elle ne saurait soutenir que cette solution aurait eu l'inconvénient de détourner les auditeurs lassés par un excès de
publicité, alors que toute son argumentation repose sur l'idée opposée, puisqu'elle reproche à la société RADIO NOSTALGIE d'avoir réduit la durée de la publicité ;
Considérant qu'il en ressort que la durée de la publicité locale pouvait, si la société CORREZE FM le souhaitait, atteindre la durée maximum prévue par le contrat de 6 minutes par heure ; qu'elle n'apporte d'ailleurs pas la preuve de ce qu'il en était ainsi avant les modifications litigieuses ;
Considérant que les allégations de la société CORREZE FM selon lesquelles la société RADIO NOSTALGIE avait la volonté de la placer en situation de dépendance économique ou de lui enlever les moyens de rester maître de son entreprise ne sont pas sérieuses ; qu'en effet, il est constant que les modifications n'ont pas été décidées au regard de la situation particulière de la société CORREZE FM, mais qu'elles s'appliquaient à l'ensemble du réseau ; que ces décisions s'inscrivent dans une politique générale puisque, comme la société CORREZE FM le souligne elle même dans ses conclusions, "toutes les sociétés radiophoniques tentent actuellement d'augmenter la qualité des programmes en diminuant la durée de la publicité" ;
Considérant que loin d'avoir souffert de la modification intervenue en 1994, la société CORREZE FM en a profité, comme en témoigne les relevés d'audience produits qui révèlent une augmentation de celle-ci, et surtout les conditions dans lesquelles sont intervenues les cessions de parts de cette société ; qu'en effet, alors que jusqu'à la fin de l'année 1993, ces parts étaient négociées entre associés au prix nominal de 500 F, alors que la société avait été constituée en 1986, dès le 13 mars 1996, les parts représentant 49 % du capital social étaient cédées, sous condition suspensive, au prix de 20 408 F l'une, à la société RFM ;
Considérant qu'il n'est pas plus établi que les modifications
intervenues auraient, comme l'allègue la société CORREZE FM, diminué son chiffre d'affaire ; qu'au contraire, si l'on retient les indications données dans ses conclusions, l'augmentation de ses tarifs a plus que compensé la diminution de la durée des plages de publicité locale ; qu'en effet, la recette quotidienne théorique dans la plage horaire concernée s'établit à 1 800 F début 1994 pour 6 minutes par heure, pour être portée à 3 060 F pour seulement 3 minutes pendant la période de janvier à fin septembre 1995, puis à 3 150 F par la suite; qu'il n'est pas justifié de ce qu'elle n'aurait pu vendre l'intégralité de cet espace publicitaire à raison de l'augmentation des tarifs ;
Considérant qu'il résulte de ces constatations que la société CORREZE FM n'était pas dans la dépendance économique de la société RADIO NOSTALGIE et que les décisions de celle-ci ne lui interdisaient pas de développer une stratégie propre susceptible de lui assurer l'augmentation de ses revenus ;
Considérant que l'affirmation de la société CORREZE FM selon laquelle la modification intervenue avait pour effet de remplacer 3 minutes de publicité locale par 3 minutes de publicité nationale n'est justifiée par aucune pièce ;
Considérant que, toutefois, le contrat prévoyait dans son article III-2-4, second alinéa, que les modifications des emplacements destinés à la diffusion des programmes locaux et de publicité locale s'appliqueront avec un délai de préavis de quinze jours qui, en l'espèce, n'a pas été respecté par la société RADIO NOSTALGIE ;
Que, cependant, la société CORREZE FM ne précise pas en quoi ce manquement aux modalités prévues pour les modifications, lui aurait porté préjudice ; qu'elle n'établit pas plus les conséquences du défaut de concertation qu'elle reproche à la société RADIO NOSTALGIE ; qu'il convient de rappeler que la diffusion était nationale et que
les modifications n'étaient pas propres à la société CORREZE FM mais devaient s'appliquer à l'ensemble du réseau ; qu'enfin, ne justifiant pas avoir demandé la réunion de la commission paritaire de conciliation prévue au contrat, la société CORREZE FM n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence de tentative de conciliation qui, conformément aux stipulations contractuelles, est réputée effectuée ; Considérant qu'il en résulte que, d'une part, la société RADIO NOSTALGIE n'a pas commis de manquements à ses obligations contractuelles d'une gravité telle qu'ils justifieraient la résiliation du contrat à ses torts ; que, d'autre part, la demande de dommages intérêts de la société CORREZE FM n'est pas fondée ; que le jugement sera donc infirmé ;
Considérant que le contrat était conclu pour une durée de 5 ans, à compter de la date d'autorisation d'émettre, avec tacite reconduction d'année en année sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties au moins six mois avant la date d'échéance ; qu'il était prévu à l'article V-10 que : "en considération du fait que la société RADIO NOSTALGIE, en acceptant de renoncer à présenter directement une demande d'attribution de fréquence, a fait preuve de volonté non équivoque de partenariat avec la société CORREZE FM, ainsi que de confiance vis à vis de cette dernière et en considération du fait que la diffusion du programme de RADIO NOSTALGIE sur la fréquence de la société CORREZE FM constitue un élément fondamental et vital de son existence même, il est convenu entre les parties que si la diffusion du programme de RADIO NOSTALGIE prenait fin, qu'elle qu'en soit la cause, du fait de la société CORREZE FM, cette dernière verserait à la société RADIO NOSTALGIE une somme égale à 500 000 F" ;
Considérant qu'il est constant que c'est la société CORREZE FM qui a pris l'initiative de la rupture du contrat ; que, dés la modification
des programmes en 1994, son attitude a été délibérément conflictuelle puisqu'elle a choisi de manifester son désaccord par une lettre recommandée avec accusé de réception de son avocat qui menaçait de tirer toute conséquence du refus de la société RADIO NOSTALGIE de renoncer à cette modification, ce qu'elle savait être impossible, puisqu'il s'agissait d'une mesure applicable à l'ensemble du réseau ; que c'est encore elle qui a assigné en résiliation du contrat le 26 juin 1996 ; qu'à cette date les deux associés de la société CORREZE FM avaient déjà signé un acte de cession d'une partie de leurs parts sociales à un concurrent de la société RADIO NOSTALGIE et avaient demandé, par lettre du 12 juin 1996, à l'autorité compétente l'autorisation de changer de fournisseur de programme au profit de ce dernier ; que cette demande sera acceptée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'autorisation étant publiée au journal officiel du 13 décembre 1996 ; que le changement est intervenu le 1er janvier 1997 ; Considérant qu'il apparaît ainsi que la société CORREZE FM n'a pas respecté ses obligations contractuelles, de sorte que la sanction prévue par le contrat au cas d'abandon de la diffusion du programme fourni par la société RADIO NOSTALGIE doit lui être appliquée ; qu'elle sera donc condamnée à lui verser la somme de 500 000 F au titre de la clause pénale ;
Considérant que la situation des parties et l'équité ne commandent pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS :
Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Condamne la société CORREZE FM à payer à la société RADIO NOSTALGIE la somme de 500 000 F,
Déboutes les parties de toutes autres demandes,
Condamne la société CORREZE FM aux dépens de première instance et d'appel et dit que l'avoué concerné pourra les recouvrer comme il est dit à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT