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17/06/2009 | FRANCE | N°09/01859

France | France, Cour d'appel de Nancy, DeuxiÈme chambre commerciale, 17 juin 2009, 09/01859


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT No09/01859 DU 17 JUIN 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/01241 et 08/02593

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de Nancy, R.G.no 200804297, en date du 29 avril 2008,

APPELANTE :

Société DNP PHOTO IMAGING EUROPE, anciennement dénommée KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité au siège, sis 305 rue de la Belle Etoile - ZI Paris Nord II - BP 50077 - 95948 ROISSY CHARLES DE GAULLE C...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT No09/01859 DU 17 JUIN 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/01241 et 08/02593

Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal de Commerce de Nancy, R.G.no 200804297, en date du 29 avril 2008,

APPELANTE :

Société DNP PHOTO IMAGING EUROPE, anciennement dénommée KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, sis 305 rue de la Belle Etoile - ZI Paris Nord II - BP 50077 - 95948 ROISSY CHARLES DE GAULLE CEDEX

représentée par la SCP VASSEUR, avoués à la Cour

assistée de Me Hervé BONNARD substituant Me Marc BARBÉ, avocat au barreau de Paris

INTIMÉES :

S.C.P. PIERRE BRUART, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, ès qualités de représentant des créanciers de PHOTO STATION et commissaire à l'exécution du plan, demeurant 6 Allée de la Forêt de la Reine - 54500 VANDOEUVRE LES NANCY

représentée par la SCP CHARDON et NAVREZ, avoués à la Cour

S.A. PHOTO STATION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, bénéficiant d'un plan de continuation depuis le 25.04.2006, demeurant 77 avenue de la Libération - 54520 LAXOU

représentée par la SCP CHARDON et NAVREZ, avoués à la Cour

S.A. GENERALE DE TELEPHONE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce, domiciliés audit siège., demeurant 5 rue Royale - 75008 PARIS 08

représentée par la SCP CHARDON et NAVREZ, avoués à la Cour

assistée de Me Philippe DUBOIS, avocat au barreau de Paris

S.C.P. BAYLE ET GEOFFROY, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domiciliés audit siège, ès qualités d'administrateurs judiciaires de PHOTO STATION, demeurant 13 allée de Longchamp - 54500 VANDOEUVRE LES NANCY

n'ayant pas constitué avoué

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er Avril 2009, en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Francis MOUREU, Président de Chambre, qui a fait le rapport,

Madame Patricia POMONTI, Conseiller,

Madame Marie-Hélène DELTORT, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, Isabelle GRASSER, lors des débats ;

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au Ministère Public et représenté lors des débats par Monsieur SANTARELLI, Substitut Général, qui a fait connaître son avis ;

A l'issue des débats, le Président a annoncé que le délibéré serait prononcé le 17 Juin 2009

ARRÊT : réputé contradictoire, prononcé par Monsieur MOUREU, Président, à l'audience publique du 17 Juin 2009, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur MOUREU, Président, et par Madame Odile ANTOINE, Adjoint administratif ayant prêté serment de greffier, présente lors du prononcé ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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BASES CONTRACTUELLES DU LITIGE

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

La S.A. PHOTO STATION avait comme activité " la distribution de produits et services ayant un rapport avec la photographie et avec l'image en général, développement, travaux photos, vente de pellicules et accessoires, distribution de produits et de service dans le domaine de la téléphonie ".

En vertu d'un contrat " entré en vigueur le 19 avril 2004, pour une durée de 4 ans à compter du 1er septembre 2004 " (sic), ayant pour objet la " Fourniture d'une solution de tirages rapides - traités sur place au click ", la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE mettait à la disposition des magasins de la chaîne PHOTO STATION 197 " minilabs " numériques assurant le tirage de films 135 et APS ainsi que le tirage des fichiers numériques sur site.

Les matériels étaient financés en crédit bail par la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE qui prenait en charge les loyers dus aux crédit-bailleurs, assurait l'installation, la maintenance et l'assistance technique du matériel ainsi que la formation du personnel utilisateur et la fourniture des consommables.

En contrepartie, la S.A. PHOTO STATION devait payer :

- une redevance en fonction du nombre de " clicks ", avec un minimum contractuel,

- un forfait mensuel de maintenance du matériel,

- les éventuels écarts entre les consommables effectivement livrés et les quantités de " clicks " effectivement facturés.

Le redressement judiciaire de la S.A. PHOTO STATION était ouvert par jugement du 2 novembre 2005.

Le plan de continuation de la S.A. PHOTO STATION était adopté le 25 avril 2006, la S.C.P. P. BRUART étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le plan de continuation prévoit le remboursement de 100 % du passif s'élevant à 51.854.897 euros en 9 ans et ne comporte aucune clause d'inaliénabilité des 286 fonds exploités.

Au cours de la période d'observation, par lettre du 4 novembre 2005, la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE mettait en demeure l'administrateur judiciaire de décider s'il poursuivait l'exécution du contrat " Fourniture d'une solution de tirages rapides - traités sur place au click ", conformément à l'article L. 621-28 (ancien) du Code de commerce.

Par courrier du 9 novembre 2005, la S.C.P. BAYLE et CHANEL- GEOFFROY répondait : " je maintiens jusqu'à nouvel ordre pendant la période d'observation ... le contrat de prestations de services entré en vigueur le 19 avril 2004 ".

Par lettre du 27 janvier 2006, la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE annonçait à la S.A. PHOTO STATION que le groupe KONICA MINOLTA " se retirait de l'activité de vente d'appareils photos et de ses autres activités d'imagerie photographique ", que la cessation de ces activités " s'effectuera dans des conditions qui préservent la poursuite de la fourniture des produits et services pendant un délai raisonnable ", et que la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE allait " mettre en place les conditions de la poursuite de ses opérations de service pour les minilabs et pour les appareils photos ".

Par lettre du 24 avril 2006, la S.A. PHOTO STATION et la S.C.P. BAYLE et CHANEL-GEOFFROY, observant que, " compte tenu de la nature du contrat et, notamment des obligations de formation et de mise à jour de la technologie qu'il met à la charge de la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE, la S.A. PHOTO STATION ne saurait se voir imposer un autre contractant que la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE " et que la décision, à échelle mondiale, était nécessairement prise par le groupe KONICA MINOLTA lorsqu'il a sollicité le 4 novembre 2005 la poursuite du contrat, notifiaient que le contrat prendrait fin à l'issue de la période d'observation.

Le 23 mai 2006, la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE, qui avait déjà été admise au passif de la S.A. PHOTO STATION à hauteur de 1.716.903,44 euros à titre chirographaire, adressait une déclaration de créance complémentaire au visa de l'article 66 du décret N 85-1388 du 27 décembre 1985 pour les sommes suivantes :

- 11.004.420 euros HT, au titre des redevances dues pour la période du 25 avril 2006 au 31 août 2008,

- 5.000.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- 242.867 euros HT + 618.334,48 euros HT + 288.566 euros HT au titre des créances impayées contractées pendant la période d'observation.

*

Courant juin 2007, la S.A. PHOTO STATION envisageait de céder 92 magasins peu rentables en sorte de se procurer des liquidités de l'ordre de 12.500.000 euros.

A la demande du commissaire à l'exécution du plan, par jugement du 18 septembre 2007, le Tribunal de commerce de NANCY a considéré que les cessions envisagées ne constituaient pas une modification substantielle des moyens ou des objectifs du plan.

Par requête du 23 janvier 2008, la S.A. PHOTO STATION a saisi le tribunal de commerce d'une demande d'autorisation de céder les fonds de commerce ou les droits au bail de 52 magasins, le cas échéant, en prononçant la mainlevée de l'inaliénabilité.

En outre la S.A. PHOTO STATION demandait l'autorisation de céder, sur 12 sites, les murs dont elle est propriétaire.

La S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE, nouvelle dénomination de la S.A.S. KONICA MINOLTA PHOTO IMAGING FRANCE, ayant sollicité, en tant que créancier, d'être entendue en qualité de " personne intéressée ", au sens de l'article L. 621.69 ancien du Code de commerce, a été entendue comme sachant.

*

VU le jugement rendu par le Tribunal de commerce de NANCY le 29 avril 2008, sous le N 2008 4297, qui a :

- dit pour droit que les 52 cessions de fonds de commerce ou de droit au bail envisagées par la S.A. PHOTO STATION ne constituent pas une modification substantielle du plan de continuation, au sens de l'article L. 621.69 ancien du Code de commerce et qu'à défaut de clause d'inaliénabilité, il n'y a pas lieu à mainlevée,

- autorisé les cessions de ces biens mobiliers pour des valeurs au moins égales à celles figurant dans l'annexe au jugement,

- donné acte à la S.A. PHOTO STATION du retrait de sa demande d'autorisation de cession de biens immobiliers,

- dit pour droit qu'en l'absence de sûreté spéciale, et nonobstant le privilège général du Trésor, conformément à l'article L. 621-80 ancien du Code de commerce, la S.A. PHOTO STATION pourra percevoir le produit de la vente et en disposer exclusivement aux fins de financement des investissements prévus au plan de continuation,

- donné acte à la S.A. PHOTO STATION de son engagement à mettre en place un plan de sauvegarde des emplois en proposant aux salariés des fonds de commerce cédés des mesures de reclassement au sein du groupe,

- dit n'y avoir lieu à autoriser la constitution de nantissements sur les fonds de commerce restant la propriété de la S.A. PHOTO STATION,

VU l'appel de ce jugement interjeté le 9 mai 2008 par la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE,

*

VU la tierce opposition formée contre le même jugement par la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE le 7 mai 2008,

VU les conclusions de la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE tendant en dernier lieu à faire ordonner à la S.A. PHOTO STATION de communiquer, notamment, les documents concernant les ventes de fonds de commerce et toutes informations sur le reclassement des salariés et à donner acte à la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE de ce qu'elle se réserve de présenter toutes conclusions et demandes,

VU les conclusions de la S.A. PHOTO STATION tendant en dernier lieu à l'irrecevabilité de la tierce opposition et à l'allocation de 10.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU les conclusions de la S.C.P. Pierre BRUART, commissaire à l'exécution du plan de continuation de la S.A. PHOTO STATION, tendant à l'irrecevabilité de la tierce opposition, au débouté de la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE et à l'allocation de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU le jugement rendu par le tribunal de commerce de NANCY le 30 septembre 2008 (N 2008 6067) qui a déclaré irrecevable la tierce opposition de la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE contre le jugement rendu par le même tribunal le 29 avril 2008 (N 2008 4297), débouté la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE de ses demandes et condamné la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE à payer à la S.A. PHOTO STATION 5.000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive et 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à payer à la S.C.P. Pierre BRUART 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU l'appel de ce jugement interjeté par la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE le 3 octobre 2008,

VU la jonction des appels par ordonnance du 6 janvier 2009 sous le N 08-1241,

VU les moyens et prétentions de l'appelante exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 11 février 2009 tendant à faire constater son désistement de l'appel interjeté contre le jugement N 2008 4297 du 29 avril 2008 et, sur infirmation du jugement N 2008 6067, à la rétractation de l'autorisation accordée par jugement du 29 avril 2008 et, avant dire droit, à la communication des documents concernant les ventes de fonds de commerce et de toutes informations sur le reclassement des salariés et à donner acte à la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE de ce qu'elle se réserve de présenter toutes conclusions et demandes au fond, subsidiairement, subordonner l'autorisation de cession soit au cautionnement à titre personnel des consorts E... et F..., soit à une garantie à première demande à hauteur d'au moins 75 % du passif total et à leur renonciation à toute créance à l'égard de la S.A. PHOTO STATION ou de son successeur juridique et à l'allocation de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU les moyens et prétentions de la S.A. GENERALE DE TELEPHONE, venant aux droits de la S.A. PHOTO STATION, intimée, exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 9 mars 2009 tendant à la confirmation du jugement N 2008 6067 du 30 septembre 2008 et à l'allocation de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU les moyens et prétentions de la S.A. PHOTO STATION, intimée, et de la S.C.P. Pierre BRUART, représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de continuation de la S.A. PHOTO STATION, exposés dans ses dernières conclusions signifiées le 10 mars 2009 tendant à donner acte à la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE de son désistement d'appel à l'encontre du jugement N 2008 4297 du 29 avril 2008 et la confirmation du jugement N 2008 6067 du 30 septembre 2008 et à l'allocation de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

VU l'avis de la date d'audience communiqué avec la procédure à M. le Procureur Général,

*

MOYENS DES PARTIES

Au soutien de son appel, la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE fait valoir que :

- la S.A. PHOTO STATION et le commissaire à l'exécution du plan se sont bornés à soulever l'irrecevabilité de la tierce opposition, sans en discuter le bien fondé, ni en ce qui concerne l'éviction procédurale de KONICA ni en ce qui concerne l'insuffisance de l'information qui aurait dû éclairer les demandes d'autorisation présentées au tribunal,

- l'appel interjeté à titre conservatoire n'implique aucune reconnaissance du fait que la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE aurait été partie à l'instance et aucune renonciation à la qualité de tiers,

- la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE ne revendiquait pas la qualité de partie mais celle de personne intéressée, au sens de l'article L. 621-69 ancien du Code de commerce, justifiant d'un intérêt distinct,

- la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE ne pouvait être entendue comme simple sachant,

- une telle audition permettait au tribunal de rejeter sans motivation toutes les demandes de la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE en violant tout à la fois l'article 6 § 1 de la convention européenne et le principe de la contradiction édicté par l'article 16 du Code de procédure civile,

- la fermeture d'une voie de recours, étant dérogatoire au droit commun, ne peut que résulter d'un texte,

- la tierce opposition est dès lors recevable aux conditions régissant les voies de recours " nullité " ouvertes pour sanctionner un principe essentiel de procédure ou des dispositions d'ordre public,

- l'éviction de KONICA par une interprétation restrictive de l'article L. 621-69 ancien du Code de commerce caractérise un excès de pouvoir au regard du droit de toute personne à bénéficier d'un procès équitable,

- le tribunal de commerce a clairement fait usage de son pouvoir juridictionnel, d'une part, en tranchant la difficulté résultant de l'engagement pris par la S.A. PHOTO STATION de ne plus procéder à de nouvelles cessions de fonds de commerce, d'autre part, en décidant si les cessions envisagées constituaient une modification substantielle du plan de continuation et, enfin, en autorisant les cessions envisagées,

- le tribunal a statué sans faire montre de l'élémentaire curiosité à laquelle l'invitait KONICA dans l'intérêt évident des créanciers,

- le plan de continuation de la S.A. PHOTO STATION a été adopté le 25 avril 2006 au vu du rapport de l'administrateur judiciaire du 28 mars 2006 qui a retenu au nombre des contrats existants et poursuivis le contrat liant KONICA à la S.A. PHOTO STATION qui a néanmoins été rompu 4 semaines plus tard.

*

La S.A. GENERALE DE TELEPHONE, venant aux droits de la S.A. PHOTO STATION, réplique que :

- l'appel et la tierce opposition formés par la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE sont des procédures qui ne pouvaient être engagées par la même personne qui ne peut être à la fois considérée comme partie et comme tiers au jugement,

- en jugeant que les cessions envisagées ne constituaient pas des modifications substantielles du plan, le tribunal n'a pas autorisé les cessions mais s'est borné à ne pas s'opposer à leur réalisation,

- le jugement qui se borne à une simple constatation ne revêt aucun caractère juridictionnel,

- il s'agit d'une mesure d'administration judiciaire qui n'est sujette à aucun recours et, notamment, qui n'est pas susceptible de tierce opposition,

- subsidiairement, seules les personnes disposant d'un recours à l'encontre du jugement arrêtant le plan de continuation ont qualité pour exercer un recours contre un jugement modifiant le plan,

- or, selon l'article L. 623.3 ancien du Code de commerce, les décisions arrêtant le plan de continuation ne sont pas susceptibles de tierce opposition, sauf violation d'un principe fondamental de procédure ou excès de pouvoir, ce qui n'est pas démontré en l'espèce,

- les premiers juges ont dûment rappelé que la seule qualité de créancier ne procure pas celle de " personne intéressée ", au sens de l'article L. 621-69 ancien du Code de commerce, d'autant qu'à cette date les créances de la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE avaient été rejetées par le juge-commissaire,

- la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE qui n'a jamais régularisé d'intervention volontaire afin de faire valoir des intérêts individuels distincts des intérêts collectifs défendus par le représentant des créanciers, ne peut invoquer la jurisprudence " Royal Monceau ",

- si elle était intervenue volontairement en première instance, la voie de la tierce opposition lui était interdite,

- la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE ne justifie d'aucun intérêt propre distinct des autres créanciers puisque par ailleurs elle prétend défendre l'intérêt global des créanciers,

- l'appelante en fait l'aveu en reprochant au tribunal de ne pas avoir fait montre " de l'élémentaire curiosité à laquelle KONICA l'invitait dans l'intérêt évident des créanciers ".

*

MOTIFS

Attendu que, dans la logique de la procédure, l'examen de la recevabilité d'un recours doit toujours précéder l'appréciation de son bien fondé ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

Attendu que, contrairement à l'argumentation de la S.A. GENERALE DE TELEPHONE, intimée, le jugement N 2008 4297 du 29 avril 2008 constitue bien une décision de nature juridictionnelle susceptible de voies de recours puisqu'il a, notamment, tranché dans son dispositif les points de droit qui lui étaient soumis ;

Qu'il a en premier lieu considéré que l'engagement pris par la S.A. PHOTO STATION de ne plus procéder à de nouvelles cessions de fonds de commerce, après les 86 premières cessions autorisées par jugement du 18 septembre 2007, ne constituait pas une clause d'inaliénabilité ;

Qu'en second lieu il a décidé que les cessions envisagées ne constituaient pas une modification substantielle du plan de continuation, au sens de l'article L. 621.69 ancien du Code de commerce ;

Que le jugement N 2008 4297 du 29 avril 2008 a surtout autorisé expressément les cessions envisagées à condition qu'elles soient réalisées pour des valeurs au moins égales à celles figurant aux deux listes transmises par la S.A. PHOTO STATION, annexées au jugement ;

Qu'il s'ensuit que le jugement litigieux pouvait faire l'objet de voies de recours ;

Attendu que, même si ces deux recours sont incompatibles, l'appel dudit jugement interjeté en même temps qu'elle formait la tierce opposition n'implique, de la part de la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE aucune reconnaissance irrévocable du fait qu'elle aurait été partie à l'instance ;

Que l'appel interjeté à titre conservatoire n'a entraîné aucune renonciation définitive à la qualité de tiers ;

Que la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE est donc en droit de soutenir qu'elle est un tiers par rapport à l'instance ayant abouti au jugement N 2008 4297 du 29 avril 2008 ;

Attendu que le jugement N 2008 4297 du 29 avril 2008 a statué sur une demande de modification substantielle du plan de continuation de la S.A. PHOTO STATION ;

Qu'en effet, le tribunal de commerce a été saisi par requête du 23 janvier 2008 visant expressément les articles L. 621-69 et L. 621-72 anciens du Code de commerce et tendant à obtenir l'autorisation de céder une partie des fonds de commerce exploités dont l'ensemble constituait des éléments d'actif indispensables à la continuation de l'entreprise ;

Que les cessions envisagées étaient de nature à modifier substantiellement les moyens mis en oeuvre pour la réalisation du plan ;

Or attendu que les décisions modifiant le plan de continuation s'analysent comme une décision faisant corps avec le jugement arrêtant le plan de continuation (en ce sens, Cass. soc. 3 avril 1991 Bull. V, N 165, p. 104) ;

Et attendu qu'en application de l'article L. 623-3 ancien du Code de commerce, les décisions arrêtant le plan de continuation ne sont pas susceptibles de tierce opposition ;

Que le jugement modifiant le plan de continuation ou statuant sur une demande de modification substantielle du plan de continuation n'est pas susceptible de tierce opposition, à moins que ne soit en cause la violation d'un principe fondamental de procédure ou l'excès de pouvoir (en ce sens, Cass. com. 28 septembre 2004, pourvoi N 02-16.341) ;

Attendu que la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE peut d'autant moins se prévaloir d'une prétendue violation d'un principe essentiel de procédure ou d'un excès de pouvoir par abstention qu'elle ne justifie d'aucun intérêt distinct de l'intérêt collectif des créanciers lui permettant de revendiquer le statut de " personne intéressée ", au sens de l'article L. 621.69 ancien du Code de commerce ;

Qu'ainsi à trois reprises, dans ses dernières conclusions, la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE s'est prévalue d'agir dans l'intérêt collectif de tous les créanciers ;

Qu'en page 9, elle reprochait aux parties à l'instance (la S.A. PHOTO STATION et la S.C.P. Pierre BRUART) de " déplacer le débat sur le terrain de la recevabilité des deux tierces oppositions ... pour éluder la question de fond posée par KONICA dans l'intérêt de tous les créanciers " ;

Qu'en page 12, l'appelante faisait grief au tribunal d'avoir " statué sans faire montre de l'élémentaire curiosité à laquelle l'invitait KONICA dans l'intérêt évident des créanciers " ;

Qu'enfin, en page 13, la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE se plaignait encore d'avoir été " déjà victime d'une véritable éviction de la procédure collective " et d' " avoir été la seule, dans l'intérêt à la fois d'une bonne administration de la justice et de la sauvegarde de ses droits de créance comme d'ailleurs de ceux des autres créanciers à avoir voulu faire la lumière sur les conditions obstinément cachées et pourtant décisives pour l'avenir du plan de continuation, dans lesquelles la S.A. PHOTO STATION allaient être refinancée ... " ;

Attendu que l'appelante a encore écrit, sans s'expliquer davantage, que " KONICA avait légitimement sollicité du tribunal de commerce ... que, tenant compte des droits d'un créancier aussi important, il subordonnât les décisions à intervenir à une plus ample information ... (dernières conclusions, p. 12) ;

Que la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE n'a pas précisé en quoi elle était " un créancier aussi important " et sur quel fondement elle aurait dû bénéficier d'une position privilégiée pour réclamer des informations et des garanties dans l'intérêt de l'ensemble des créanciers, déjà représentés par le commissaire à l'exécution du plan ;

Attendu, en outre, que la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE s'est abstenue d'intervenir volontairement aux débats de première instance, ce qui lui aurait éventuellement permis de faire valoir ses intérêts individuels, dans la mesure où ils auraient été distincts des intérêts collectifs des créanciers, et de bénéficier de la jurisprudence invoquée dite " Royal Monceau " (Cour d'appel de Paris, 29 septembre 2004) ;

Qu'il s'ensuit que la tierce opposition de la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE est irrecevable en l'espèce ;

Attendu que la tierce opposition formée devant les premiers juges est exempte d'abus ouvrant droit à des dommages-intérêts ;

Qu'au surplus, la société intimée ne justifie pas, du fait de la tierce opposition formée par la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE, d'un préjudice excédant les frais de procédure susceptibles d'être indemnisés au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Attendu que l'équité justifie de couvrir les intimées de leurs frais de procédure non compris dans les dépens, respectivement à hauteur de 2.000 euros pour la S.A. GÉNÉRALE DE TÉLÉPHONE et 1.000 euros pour la S.A. PHOTO STATION et la S.C.P. Pierre BRUART ;

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,

LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

DONNE ACTE à la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE de son désistement de l'appel interjeté à l'encontre du jugement N 2008 4297 du 29 avril 2008 ;

CONFIRME le jugement N 2008 6067 du 30 septembre 2008 à l'exception de la condamnation de la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE à des dommages-intérêts pour procédure abusive et, statuant à nouveau dans cette limite :

DÉBOUTE l'intimée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, respectivement, DEUX MILLE EUROS (2.000 €) à la S.A. GENERALE DE TELEPHONE et MILLE EUROS (1.000 €) à la S.A. PHOTO STATION et à la S.C.P. Pierre BRUART ;

CONDAMNE la S.A.S. D.N.P. PHOTO IMAGING EUROPE aux dépens d'appel ;

AUTORISE la S.C.P. d'avoués CHARDON et NAVREZ à recouvrer directement les dépens d'appel conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

L'arrêt a été prononcé à l'audience du dix-sept juin deux mille neuf par Monsieur MOUREU, Président de la deuxième chambre commerciale à la Cour d'Appel de NANCY, conformément à l'article 452 du Code de Procédure Civile, assisté de Madame ANTOINE, adjoint administratif ayant prêté le serment de greffier.

Et Monsieur le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Minute en douze pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : DeuxiÈme chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09/01859
Date de la décision : 17/06/2009
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Voies de recours - Tierce opposition - Exclusion - Cas -

Le jugement qui, sans prononcer la modification du plan de continuation du débiteur en redressement, a statué sur une demande en ce sens n'est pas susceptible, en application des dispositions de l'article L. 623-3 ancien du code de commerce, de tierce opposition, sauf à démontrer la violation d'un principe fondamental de procédure ou un excès de pouvoir


Références :

Article L. 623-3 ancien du code de commerce.

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Nancy, 29 avril 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nancy;arret;2009-06-17;09.01859 ?
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