ARRÊT No
R. G : 05 / 02816
CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CARPENTRAS
07 juillet 2005
Section : Commerce
X...
C /
SARL AGENCE MAURICE GARCIN
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 06 JUIN 2007
APPELANTE :
Madame Carole X...
Numéro de sécurité sociale ...
...
84200 CARPENTRAS
représentée par la SCP ADH-SAINT CIRE, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SARL AGENCE MAURICE GARCIN
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice
44 Boulevard Albin Durand
84200 CARPENTRAS
représentée par la SCP CEZANNE-GEIGER, avocats au barreau de CARPENTRAS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Brigitte OLIVE, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l'article 945-1 du Nouveau Code de Procédure Civile, sans opposition des parties.
Elle en a rendu compte à la Cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Régis TOURNIER, Président
Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller
Madame Brigitte OLIVE, Conseiller
Mesdemoiselles Delphine PIQUEMAL et Dorothée SALVAYRE, élèves avocats ont assisté au délibéré selon les dispositions de l'article 12-2 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, modifiée, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
GREFFIER :
Madame Catherine ANGLADE, Agent Administratif exerçant les fonctions de Greffier, lors des débats, et Madame Annie GAUCHEY, Greffier, lors du prononcé,
DÉBATS :
à l'audience publique du 20 Avril 2007, où l'affaire a été mise en délibéré au 06 Juin 2007,
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé et signé par Monsieur Régis TOURNIER, Président, publiquement, le 06 Juin 2007, date indiquée à l'issue des débats,
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame X... était embauchée par la Société Maurice Garcin Immobilier, en qualité de secrétaire par contrat de travail à durée déterminée du 8 Avril 1991 puis promue à la fonction de négociatrice dans le domaine de la location à compter du 1er Janvier 1992, moyennant une rémunération mensuelle brute fixée à 30 % des commissions hors taxes encaissées, avec un minimum mensuel garanti de 6. 000 francs, outre un treizième mois et le remboursement des frais professionnels.
A partir d'octobre 1992, les parties ont convenu d'un fixe brut de 5. 500 francs augmenté d'une fraction variable de 10 % du chiffre d'affaires Hors Taxes généré par l'activité de Madame X....
Suite à une formation qualifiante en vue de l'obtention d'un BTS en Professions Immobilières financée par la Société Maurice Garcin Immobilier, la part variable des commissions de Madame X... a été portée à 17 %.
Elle bénéficiait d'un congé de maternité du 4 avril 2002 au 2 Avril 2003.
Considérant que l'employeur avait modifié unilatéralement ses conditions de travail, elle saisissait le Conseil de Prud'hommes de Carpentras le 6 Mai 2003 d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail.
Par jugement avant dire droit du 6 Avril 2004, le Conseil de Prud'hommes ordonnait la réouverture des débats afin que Madame X... produise l'ensemble des arrêts de travail.
Par courrier du 17 mai 2004, Madame X... prenait acte de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 7 Juin 2005, le Conseil de Prud'hommes déboutait la salariée de ses demandes en considérant que la rupture lui était imputable.
Madame X... interjetait appel de ce jugement le 5 Juillet 2005.
Elle conclut à la réformation du jugement. Elle fait valoir que la modification unilatérale des modalités de son contrat de travail au retour de son congé de maternité fonde la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur. Elle soutient que la prise d'acte de rupture du 17 Mai 2004 ne constitue pas une démission claire et non équivoque et doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle réclame le paiement des indemnités de rupture, soit la somme de 5. 313,54 Euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, celle de 7. 970,28 Euros, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, celle de 5844,89 Euros, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et la somme de 63. 762,48 Euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre celle de 15. 940,62 Euros pour licenciement vexatoire. Elle soutient que le salaire de référence à prendre en compte est celui qu'elle percevait avant la modification de son contrat de travail, en l'occurrence 2. 656,77 Euros. Elle demande la délivrance du certificat de travail et de l'attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés, sous astreinte et réclame une somme de 2. 000 Euros, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
La Société Maurice Garcin Immobilier conclut à la confirmation du jugement considérant que la prise d'acte de la rupture du 17 mai 2004 s'analyse en une démission de Madame X... claire et non équivoque, d'autant que les griefs émis à son encontre ne sont pas justifiés. Subsidiairement, elle soutient que le salaire de référence est celui perçu par la salariée après sa reprise de travail et que l'indemnité de préavis n'est pas due car celle-ci était en arrêt de maladie. Elle ajoute que la preuve d'un préjudice n'est pas démontrée puisque Madame X... a retrouvé un emploi dès le 2 Août 2004. Elle sollicite le paiement d'une somme de 1. 500 Euros, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture du contrat de travail :
La demande en résiliation judiciaire n'opère pas rupture du contrat, laquelle n'intervient qu'avec la décision du juge.
La prise d'acte de la rupture faite par Madame X... le 17 mai 2004 postérieure à la demande de résiliation judiciaire introduite le 6 Mai 2003, a entraîné la cessation immédiate du contrat de travail et le juge n'avait plus à se prononcer sur la résiliation judiciaire demandée mais devait rechercher si les faits invoqués par la salariée tant à l'appui de la prise d'acte qu'à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet étaient ou non justifiés. Dans le premier cas, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans le cas contraire, en une démission.
Il convient donc de déterminer si Madame X... a été réintégrée, à l'issue de son congé de maternité, dans l'emploi précédemment occupé ou dans un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente, conformément à la jurisprudence qui a été reprise par l'art 5-1 de l'ordonnance du 24 juin 2004 ayant complété les dispositions de l'article L 122-26 du Code du Travail.
Il ressort des pièces produites que :
-Madame X... s'occupait de l'activité concernant les locations de résidences principales et les locations saisonnières ;
-durant sa période d'absence, l'employeur a assuré la continuité de ce service en le confiant à une autre salariée, Madame B..., embauchée en qualité de secrétaire ;
-lors du retour de Madame X... le 3 avril 2003, il a été demandé à Madame B... de terminer les dossiers de locations en cours consenties par son entremise, les nouveaux mandats devant être assurés par Madame X... (attestation de Madame B..., Madame C... et Madame D...) ;
-un nouveau bureau lui a été attribué correspondant à celui occupé précédemment par la directrice commerciale équipé d'un ordinateur relié au réseau, et ce, de manière temporaire, durant le temps nécessaire à Madame B... pour terminer les dossiers en cours (attestation de Madame C..., directrice commerciale) ;
-dès le 3 avril 2003, Madame X... a reproché à son employeur de ne pas avoir retrouvé son poste de travail et d'avoir été affectée au service des locations saisonnières et baux commerciaux, ce qui avait un impact défavorable sur le montant de sa rémunération. Elle s'est plainte du fait que l'ordinateur mis à sa disposition n'était pas équipé du logiciel de locations ;
-en réponse, le 29 Avril 2003, la Société Maurice Garcin Immobilier a contesté les reproches qui lui étaient faits en précisant que le rôle de Madame X... dans l'entreprise était inchangé et qu'il lui avait été suggéré de travailler en priorité sur les locations saisonnières, compte tenu de la période, pour se reconstituer rapidement un fichier clients sans pour autant lui interdire de continuer à prendre des mandats pour des locations de résidences principales. Elle ajoutait que le problème technique ayant rendu le logiciel Location indisponible était réparé ;
-plusieurs salariés de l'entreprise (Madame B..., Madame C... et Madame D...) attestent du peu d'entrain manifesté par Madame X..., à son retour, pour accueillir et renseigner les clients du service locations, ne prenant même pas la peine de consulter le fichier des offres locatives pour les renseigner même en l'absence de Madame B... et n'ayant pas changé le message du poste téléphonique enregistré par la directrice commerciale ;
-à compter du 5 mai 2003, Madame X... a bénéficié d'arrêts de travail pour maladie qui ont été prolongés sans discontinuité à partir du 20 Mai 2003 ;
-elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de Carpentras d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail dès le 6 mai 2003 ;
-par lettre du 13 mai 2003, lors d'une reprise après arrêt de travail du 5 au 12 mai, elle a invoqué de nombreuses brimades tenant à la localisation du nouveau bureau la coupant de la clientèle, au transfert des appels téléphoniques et des messages électroniques relatifs aux locations au profit de Madame B... et à une baisse de rémunération consécutive au changement des conditions de travail ;
-invoquant la longueur de la procédure judiciaire et l'absence de tout espoir de réintégration au sein de l'entreprise, Madame X... a pris acte de la rupture de son contrat de travail, le 17 Mai 2004, en imputant à l'employeur la dégradation des relations professionnelles et lui a demandé une dispense d'exécution du préavis ;
-la Société Maurice Garcin Immobilier lui a demandé de clarifier ses intentions quant à une éventuelle démission, par lettre datée du 3 juin 2004.
Lors de sa reprise d'activité le 3 avril 2003, après 1 an d'absence, Madame X... ne pouvait pas ignorer que son poste avait été occupé par une autre salariée de l'entreprise, Madame B..., qui devait nécessairement terminer les dossiers de location en cours conclus par son entremise pour lesquels elle avait droit à commission, ce qui justifiait le changement temporaire de bureau.
Le fait que l'employeur lui ait suggéré de mettre l'accent sur les locations saisonnières, eu égard à l'époque, pour lui permettre de reconstituer rapidement son fichier clients, ne signifie nullement qu'elle n'avait plus la charge des nouveaux mandats relatifs aux locations de résidences principales. Madame B... précise qu'elle a remplacé Madame X... et qu'après liquidation des contrats en cours elle devait reprendre ses anciennes fonctions. Cet état de fait est confirmé par deux autres salariées de l'entreprise, Madame C... et Madame D....
De plus, la réponse de l'employeur en date du 29 avril 2003 quant à l'absence de modification de son statut antérieur ne justifiait pas de la part de la salariée une nouvelle lettre de reproches le 13 Mai 2003, précédée de la saisine de la juridiction prud'homale, alors même qu'elle n'avait pas repris son travail depuis le 1er mai en raison de congés et d'un arrêt de maladie.
Il est manifeste que Madame X... a anticipé, dès sa reprise d'activité, sur une prétendue mise à l'écart orchestrée par l'employeur, dont elle ne justifie pas, ce que le premier juge a retenu à juste titre et a multiplié l'envoi de courriers faisant état de brimades non démontrées, qui ne sauraient constituer une preuve des fautes reprochées à la Société Maurice Garcin Immobilier.
L'attestation de Monsieur F... selon laquelle la standardiste de l'agence lui aurait dit, à une date non précisée au niveau de l'année, que Madame X... s'occupait des locations saisonnières exclusivement et le constat d'huissier révélant que du 13 au 16 mai 2003, l'accueil téléphonique de l'agence orientait les clients des locations à l'année vers Madame B..., ne sont pas suffisants pour démontrer le changement d'affectation alléguée, au visa des attestations des salariées selon lesquelles le défaut d'implication et d'amabilité de l'intéressée vis-à-vis des clients mais aussi ses absences du mois de mai incitaient le personnel à transmettre certains appels à Madame B....
Il est donc établi que Madame X... a été réintégrée dans un emploi similaire à son retour de congé de maternité.
En revanche, il ressort de la comparaison des bulletins de paie antérieurs à la période de suspension du contrat de travail et des bulletins de paie d'avril et mai 2003, que si la rémunération fixe basée sur l'accord intervenu en octobre 1997 égale à 838,57 Euros (5. 500 Francs), n'a pas été modifiée, il n'en demeure pas moins que l'intéressée n'a perçu qu'une somme de 280,43 Euros à titre d'avance sur commissions, alors que les commissions versées dans les 6 mois de l'activité précédant le congé de maternité se sont élevées en moyenne mensuelle à 1368 Euros.
L'employeur aurait dû maintenir une rémunération équivalente afin de ne pas pénaliser Madame X... qui, compte tenu de son absence prolongée, n'avait pas à supporter une baisse conséquente de celle ci.
Sur la période travaillée du 3 avril 2003 au 20 mai 2003, la Société Maurice Garcin Immobilier aurait dû maintenir le niveau de rémunération antérieur en versant une avance sur commissions d'un montant de 1. 070 Euros et non de 280,43 Euros.
En conséquence et dans la mesure où Madame X... n'a pas perçu une rémunération équivalente à celle perçue avant son congé de maternité durant la période travaillée subséquente, elle a subi une modification de son contrat de travail justifiant la prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur.
La rupture s'analyse donc en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement déféré doit donc être infirmé.
Sur les conséquences de la rupture :
Au moment de la prise d'acte de la rupture, Madame X... a demandé à l'employeur d'être dispensée de l'exécution du préavis et n'a ni répondu aux interrogations formalisées par celui-ci dans la lettre du 3 Juin 2004 ni précisé qu'elle était apte à effectuer un préavis, alors même qu'elle bénéficiait d'un arrêt de travail pour maladie.
La demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents doit donc être rejetée.
Madame X... est en droit d'obtenir paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement qui doit être calculée sur la base de la moyenne mensuelle des rémunérations brutes perçues avant son congé de maternité dont le montant s'élève à la somme de 2. 656,77 Euros.
En application de l'article 33 de la Convention Collective Nationale de l'Immobilier, l'indemnité conventionnelle de licenciement est égale à la somme de 7. 920,28 Euros.
Au vu des bulletins de paie produits, les congés restant dus à Madame X... sont de 25 jours.
L'indemnité compensatrice de congés payés qui doit lui être allouée s'élève à la somme de 2. 177,68 Euros.
En l'état des éléments fournis sur l'étendue et l'importance du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse, il y a lieu d'octroyer à Madame X..., en application de l'article L 122-14-5 du Code du Travail, une somme de 12. 000 Euros à titre de dommages et intérêts, étant précisé que la Société Maurice Garcin Immobilier occupait moins de 11 salariés au moment de la rupture.
L'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'étant pas démontrée, Madame X... sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.
Sur les autres demandes :
Il y a lieu d'ordonner la délivrance du certificat de travail et de l'attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés selon les prescriptions de l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire de prononcer une astreinte.
Il est équitable que chacune des parties supporte ses frais exposés non compris dans les dépens.
Vu l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
INFIRME le jugement déféré ;
STATUANT à nouveau,
DIT que la prise d'acte de la rupture du 17 Mai 2004 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Société Maurice Garcin Immobilier à payer à Madame X... les sommes de :
-7. 920,28 Euros d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
-2. 177,68 Euros d'indemnité compensatrice de congés payés ;
-12. 000 Euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
REJETTE la demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis et des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;
ORDONNE la délivrance du certificat de travail et de l'attestation destinée à l'ASSEDIC rectifiés selon les prescriptions de l'arrêt ;
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
CONDAMNE la Société Maurice Garcin Immobilier aux dépens de première instance et d'appel.
Arrêt qui a été signé par Monsieur TOURNIER, Président, et par Madame GAUCHEY, Greffier, présente lors du prononcé.