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21/03/2002 | FRANCE | N°2002/364

France | France, Cour d'appel de nîmes, 21 mars 2002, 2002/364


COUR D'APPEL DE N MES

PREMIÈRE CHAMBRE A

Arrêt N° RG : 2002/364

Magistrat Rédacteur :

JP.GOUDON/CM X... / MINISTÈRE PUBLIC - Y... Vve Z... - GRANIER T.G.I. NIMES 14 JANVIER 2002 Ce jour, VINGT UN MARS DEUX MILLE DEUX, à l'audience publique DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE N MES, Monsieur GOUDON, Premier Président, assisté de Madame A..., Greffier, a prononcé l'arrêt suivant, dans l'instance opposant : D'une part : Maître R X..., notaire, demeurant , comparant en personne, assisté de Maître FONTAINE, avocat,

APPELANT D'autre part

:MINISTÈRE PUBLIC, représenté par Maître B..., avocat général, Madame Y... C... veuve Z...,...

COUR D'APPEL DE N MES

PREMIÈRE CHAMBRE A

Arrêt N° RG : 2002/364

Magistrat Rédacteur :

JP.GOUDON/CM X... / MINISTÈRE PUBLIC - Y... Vve Z... - GRANIER T.G.I. NIMES 14 JANVIER 2002 Ce jour, VINGT UN MARS DEUX MILLE DEUX, à l'audience publique DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE N MES, Monsieur GOUDON, Premier Président, assisté de Madame A..., Greffier, a prononcé l'arrêt suivant, dans l'instance opposant : D'une part : Maître R X..., notaire, demeurant , comparant en personne, assisté de Maître FONTAINE, avocat,

APPELANT D'autre part :MINISTÈRE PUBLIC, représenté par Maître B..., avocat général, Madame Y... C... veuve Z..., ... par Maître LEONARD, avocat,

INTIMES En présence de : Maître GRANIER, Président de la Chambre des Notaires du Gard, dont le siège est Maison des Professions Libérales et de Santé, Parc Georges Besse, 30035 NIMES CEDEX 1, comparant en personne, Statuant en matière disciplinaire après que les parties aient été convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 février 2002. Après que les débats aient eu lieu à l'audience publique, à la demande de l'appelant, le 21 février 2002, où siégeaient : - Monsieur GOUDON, Premier Président, - Monsieur BOULOUMIE, Conseiller,

- Madame BRISSY-PROUVOST, Conseiller, assistés de Madame A..., Greffier, présente lors de l'audience, La Cour ainsi composée et assistée a entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, Monsieur B... en ses réquisitions, Monsieur le Président de la Chambre des Notaires et Monsieur X... en leurs explications et renvoyé le prononcé pour plus ample délibéré à l'audience du 21 mars 2002. Les magistrats du siège en ont ensuite délibéré conformément à la loi. FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS DES PARTIES Saisi à la requête de Monsieur le Procureur de la République, le Tribunal de Grande Instance de NIMES a, par jugement du 14 janvier 2002, prononcé à l'égard de Maître R X... notaire la sanction de la destitution. Le Tribunal a rejeté les exceptions d'amnistie et de prescription et a débouté Madame Y... veuve Z..., intervenant en qualité de partie lésée, de ses demandes indemnitaires. Maître R X... a interjeté appel de cette décision. Maître X... estime que la poursuite disciplinaire engagée contre lui est irrecevable. Il fait valoir que les faits qui lui sont reprochés ne constituent pas des fautes

passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ni des manquements à la probité et à l'honneur. Surabondamment il soutient que les faits commis avant le 18 mai 1995 sont amnistiés au regard de l'article 14 de la loi d'amnistie du 3 août 1995. Il expose que les griefs qui lui sont reprochés sont très anciens (entre 15 et 19 ans), que son comportement à l'occasion des affaires visées par le Ministère Public a été apprécié par la Commission du Contentieux du Conseil Régional des Notaires qui n'avait relevé à son encontre aucun manquement. Il précise que le Parquet est resté inactif et n'a sollicité ni supplément d'enquête ni demande d'observations complémentaires et qu'à l'audience du Tribunal de Grande Instance il n'avait sollicité qu'une interdiction temporaire de trois mois. Il soutient en tout état de cause que le manquement à la probité et à l'honneur ne peut être que la conséquence d'une décision consciente et volontaire de nuire à autrui. Madame Y... veuve Z... conclut à l'infirmation et elle demande que Maître Roger X... soit condamné à lui payer 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et 1.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle admet avoir déjà obtenu réparation de son préjudice mais elle soutient que postérieurement aux décisions ayant retenu la responsabilité de Maître X... elle a été inquiétée par la Compagnie LES MUTUELLES DU MANS qui s'était considérée comme subrogée sur le fondement de l'article 1251 alinéa 3 du Code Civil. Elle précise qu'elle a dû faire intervenir un avocat et qu'en raison de l'absence de réponse de la Compagnie d'assurances à sa réclamation elle est exposée à un risque de contentieux. Monsieur le Président de la Chambre Départementale des Notaires a présenté ses observations et le Ministère Public a présenté ses réquisitions. Maître X... et son avocat ont eu la parole les derniers. Ceci étant exposé, la COUR Sur les exceptions D... que le premier

juge a fort justement relevé : - d'une part qu'aux termes de l'article 47 de l'ordonnance du 28 juin 1945 la prescription en matière disciplinaire étant de trente ans elle ne pouvait s'appliquer à des faits intervenus entre 1983 et 1990 ; - d'autre part qu'aux termes de l'article 14 alinéa 3 de la loi du 3 août 1995 l'amnistie n'était pas applicable aux faits constituant des manquements à la probité et à l'honneur sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République ; Sur les fautes disciplinaires D... qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 28 juin 1945 toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout fait contraire à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse commis par un officier public ou ministériel, même se rapportant à des faits extra professionnel donne lieu à sanction disciplinaire ; Que la faute disciplinaire n'implique pas l'intention de nuire ou un comportement inexcusable et qu'il suffit que soient caractérisées des négligences graves, des erreurs grossières ou une méconnaissance des règles professionnelles ; D... que la poursuite disciplinaire engagée par le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de NIMES repose sur les décisions rendues par les Cours d'Appel de MONTPELLIER et de NIMES les 19 février 1991 (affaire E...), 28 janvier 1992 (affaire Z...) et 4 février 1997 (affaire F...) qui ont retenu la responsabilité civile de Maître X... ; D... que ces décisions sont définitives et qu'il a été répondu de façon très argumentée aux moyens soulevés par l'intéressé et qui sont repris à l'occasion de la présente procédure ; D... que dans l'affaire époux E... la Cour d'Appel de MONTPELLIER a retenu que Maître X... disposait de tous les éléments pour éclairer les époux E... sur la portée exacte de leurs engagements et la teneur de leurs droits ; Que la Cour d'Appel a relevé : - que l'omission inexplicable à ces indications peu après la conclusion de la précédente vente par

Maître CLAUZEL avait directement contribué à la tromperie dont les époux E... avaient été victimes de la part du vendeur professionnel Monsieur G... ; - qu'en considération de la contenance du terrain et du prix de vente la constructibilité apparaissait comme l'élément déterminant de la transaction et qu'en l'espèce Maître X... s'est abstenu de porter à la connaissance des acquéreurs les renseignements en sa possession et notamment le refus opposé au vendeur de délivrer un permis de construire sur la parcelle vendue ; - que le prix de 90.000 Frs figurant à l'acte concernait l'ensemble agricole acquis par Monsieur G... et qu'ainsi avait été dissimulé un bénéfice hors de proportion retiré par Monsieur G... marchand de biens sur la revente quasi immédiate aux époux E... ; D... dans l'affaire Z... que Maître X... a exposé devant la Cour d'Appel qu'il n'avait pas été informé de l'existence d'un compromis et qu'il n'avait été chargé que de l'établissement des actes de prêts en précisant qu'il avait attiré l'attention de Madame Z... sur les dangers de se porter caution hypothécaire ; D... que dans son arrêt du 28 janvier 1992 la Cour d'Appel faisant référence aux propres écritures de Maître X... a indiqué que celui-ci n'ignorait pas "que les consorts H... prêtaient une certaine somme à Monsieur I... ce qui a débouché sur les quatre obligations hypothécaires avec garantie sur l'immeuble" ; D... qu'il a été établi que les consorts Z... ne tiraient aucun bénéfice des obligations très lourdes qu'ils contractaient alors que Maître X... n'ignorait pas tous les avantages retirés par Monsieur I... marchand de biens ; D... que Maître X... ne pouvait se satisfaire pour consentir des garanties hypothécaires de procurations générales consenties par les filles de Madame Z... et qu'il lui appartenait d'obtenir une procuration spéciale d'autant que l'opération effectuée par Madame Z... ne leur donnait aucune contrepartie ; D... que la Cour d'Appel dans l'arrêt du 28 janvier 1992 a stigmatisé la

gravité de la faute de Maître X... en relevant que les procurations générales signées par les filles de Madame Z... ne donnaient pas pouvoir à celles-ci de se porter cautions hypothécaires d'un emprunt contracté par un tiers ; D... dans l'affaire F... que la Cour d'Appel dans son arrêt du 4 février 1997 a décrit les relations entretenues par Maître X... avec Madame J... veuve F... de 1985 à 1990 à l'occasion d'actes conclus dans le cadre des activités de Messieurs I... et CASTELLANI ; Que la Cour a caractérisé la faute de Maître X... dans la réalisation du préjudicie financier subi par Madame F... à la suite d'emprunts contractés pour soutenir des opérations immobilières au travers des SCI JEU DU MAIL et CLOS HELIOS ; Qu'il a été établi que les engagements souscrits ne profitaient qu'aux préteurs hypothécaires ou aux besoins de trésorerie de la SCI HELIOS qui était surendettée ; Que d'ailleurs le préjudice financier était inévitable du fait de la défaillance des débiteurs principaux en fuite ; D... d'autre part qu'à l'occasion de la vente du 9 août 1985 consentie à la SCI JEU DU MAIL représentée par Monsieur I... et alors que Maître X... avait affecté hypothécairement l'immeuble par acte de juillet 1985, il a été fait grief au Notaire de ne pas avoir attiré l'attention de Madame F... sur les conséquences et la portée de sa renonciation au privilège du vendeur alors que le paiement du prix avait été différé et que Madame F... avait délégué l'ensemble de ses pouvoirs au sein de la SCI entre les mains de Monsieur I... ; D... que la faute de Maître X... a été également caractérisée à l'occasion des emprunts contractés par Madame F... pour l'acquisition de cinq appartements à LA PEYRADE dans la mesure ou le notaire avait une parfaite connaissance du caractère aléatoire de l'opération qui s'est traduite par un abandon de chantier et qui a été vainement reconduite par l'intermédiaire d'une SCI NIDA constituée le 24 juillet 1988 ; D... que Maître X... qui a été

condamné à réparer les préjudices subis dans le cadre des trois affaires ci-dessus décrites ne saurait invoquer les conclusions favorables qui avaient été données par la Commission du Contentieux du Conseil Régional des Notaires ni les règlements par l'assurance des conséquences pécuniaires de ses fautes et de ses négligences ; D... que les notaires sont des officiers publics chargé du service public de l'authenticité ; Qu'ils assurent aux parties la sécurité juridique et qu'ils engagent la solidarité de tous leurs confrères du fait de leurs erreurs et de leurs dérives éthiques ou déontologiques ; D... que dans les trois affaires sont intervenus des professionnels avisés dans les domaines de la transaction et de la promotion immobilière ; Que le rôle de Maître X... ne pouvait pas se limiter à enregistrer des actes et des situations favorables à ces professionnels ; Qu'il était tout au contraire tenu à un devoir de prudence et de diligence en s'opposant le cas échéant à l'accomplissement d'opérations suspectes ; D... que les fautes commises par Maître X... par leur gravité et leur répétition par leur caractère convergent et par leurs conséquences dommageables constituent des manquements à la probité et à l'honneur et qu'il convient dès lors de confirmer le jugement déféré qui a admis le principe d'une sanction disciplinaire ; Sur la peine disciplinaire D... que les faits visés dans la poursuite disciplinaire se sont déroulés entre 1982 et 1990 et qu'exceptées les observations présentées dans le cadre de la Commission du Contentieux du Conseil Régional des Notaires, Maître X... n'a pas fait l'objet d'inspections occasionnelles soit sur des questions particulières soit sur l'ensemble de son activité professionnelle ; Que selon le Président de la Chambre Départementale les inspections annuelles n'ont pas révélé de difficultés ou des carences dans la gestion de l'Etude notamment sur le plan comptable et qu'aucun élément n'a mis en

évidence une situation susceptible de compromettre la sécurité des dépôts ; D... que Maître X... n'avait pas fait l'objet avant la présente procédure de mises en garde, de rappels à l'ordre ou de recommandations ; D... en conséquence qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de prononcer à l'encontre de Maître X... la peine de l'interdiction temporaire des fonctions de notaire pendant une durée de trois ans ; D... qu'il n'y a pas lieu à désignation d'un administrateur provisoire dans la mesure où Maître X... exerçait au sein d'une société civile professionnelle ; Sur la demande de Madame Y... veuve Z... D... qu'aux termes de l'article 37 de l'ordonnance du 28 juin 1945 l'appel est ouvert à la partie qui se prétend lésée en ce qui concerne les dommages-intérêts ; Mais D... que Madame Z... ne justifie pas avoir régulièrement interjeté appel du jugement du Tribunal de Grande Instance de NIMES qui l'a débouté de ses demandes indemnitaires ; D... toutefois que Madame Z... a été convoquée par le secrétariat greffe devant la Cour d'Appel selon les prescriptions prévues par l'article 37 du décret du 28 décembre 1973 ; Qu'elle a fait choix d'un avocat pour faire valoir ses droits et que dans ces conditions Maître X... sera condamné à lui payer la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant en matière disciplinaire, publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il rejette les exceptions relatives à l'amnistie et à la prescription ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu à l'encontre de Maître X... des manquements à la probité et à l'honneur ; Infirme le jugement déféré sur la peine disciplinaire ; Statuant à nouveau, Prononce à l'encontre Maître R X... la peine de l'interdiction temporaire des fonctions de notaire pendant une durée de trois ans ; Dit n'y avoir lieu à la désignation d'un administrateur provisoire ; Constate que

Madame Y... veuve Z... n'a pas régulièrement interjeté appel du jugement du Tribunal de Grande Instance de NIMES en date du 14 janvier 2002 ; Constate toutefois que Madame Z... a été convoquée devant la Cour d'Appel par le secrétariat greffe ; Condamne Maître R X... à payer à Madame Z... la somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Dit que le présent arrêt est exécutoire par provision sur minute ; Condamne Maître X... aux dépens ; Ainsi fait et rendu le 21 mars 2002, tous les Magistrats qui ont pris part à la décision ayant signé avec le greffier les assistant.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de nîmes
Numéro d'arrêt : 2002/364
Date de la décision : 21/03/2002

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Discipline - Faute professionnelle - Acte contraire à l'honneur et à la probité

Le notaire, dont la responsabilité civile fut retenue et qui fut condamné à réparer les préjudices subis par ses clients par trois décisions définitives de cour d'appel, stigmatisant les fautes du notaire, a manqué à son devoir de prudence et de diligence en ne s'opposant pas à l'accomplissement d'opérations suspectes. Son rôle ne pouvait se limiter à enregistrer des actes et des situations favorables aux professionnels avisés dans les domaines de la transaction et de la promotion immobilière. Les fautes commises par l'officier public, chargé du service public de l'authenticité, par leur gravité et leur répétition, par leur caractère convergent et par leurs conséquences dommageables, constituent des manquements à la probité et à l'honneur, passibles de sanctions disciplinaires, en l'espèce la peine de l'interdiction temporaire des fonctions de notaire pendant une durée de trois ans


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.nimes;arret;2002-03-21;2002.364 ?
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