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délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 23 JUIN 2020
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07241 - N° Portalis DBVK-V-B7D-OMME
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 OCTOBRE 2019
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2019006643
APPELANT :
POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DES ALPES MARITIMES,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Catherine GUILLEMAIN de la SCP DORIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Maître [J] [T] pris en sa qualité d'administrateur judiciaire et en sa qualité de mandataire ad hoc de la société NEW LEXEL COSMETICS,
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Assigné à domicile le 13 novembre 2019
Maître [S] [I] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société NEW LEXEL COSMETICS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Denis BERTRAND, avocat au barreau de MONTPELLIER
SAS NEW LEXEL COSMETICS
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Procès-verbal de recherches infructueuses du 14 novembre 2019
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 5 février 2020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, l'affaire a été jugée sans audience, les parties ayant expressément accepté le recours à la procédure sans audience et déposé à la cour leur dossier contenant leurs écritures régulièrement déposées et notifiées ainsi que leurs pièces visées au bordereau. Elles ont été préalablement avisées, sans opposition de leur part, du prononcé de l'arrêt par mise à disposition au greffe de la juridiction dans le délai de deux mois ainsi que de la date de clôture des débats par une note du premier président de la cour d'appel adressée aux bâtonniers du ressort le 09/04/2020.
M. [E] [P] a fait le rapport prescrit par l'article 785 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller
Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors de la mise à disposition : Madame Sylvia TORRES
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- de défaut
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Madame Sylvia TORRES, Greffier.
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
La SAS New Lexel Cosmetics exerçait une activité de commerce de gros de parfumerie et de produits cosmétiques ; par jugement du 12 février 2018, publié au Bodacc le 23 février 2018, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de redressement judiciaire à son égard, procédure convertie ultérieurement en liquidation judiciaire, M. [I] désigné initialement comme mandataire judiciaire étant nommé aux fonctions de liquidateur.
Par lettre recommandée du 27 mars 2018, reçue le 3 avril suivant, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes a déclaré entre les mains de M. [I], à titre provisionnel et privilégié, une créance d'un montant de 1 465 206 euros correspondant à une estimation de la TVA et de la cotisation foncière des entreprises due pour la période du 10 septembre 2010 au 31 décembre 2018.
Le 3 août 2018, le comptable a saisi le juge-commissaire en charge de la procédure collective de la société New Lexel Cosmetics aux fins d'être relevé de la forclusion encourue relativement à une créance de 12 867 323 euros résultant de deux propositions de rectification en date du 26 décembre 2016 et du 20 décembre 2017 émanant de la direction spécialisée de contrôle fiscal sud Pyrénées, relatives l'une à des rappels de TVA et d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2013, l'autre à des rappels de TVA et d'impôt sur les sociétés des années 2014, 2015 et 2016 (jusqu'au 31 mai 2016).
Par ordonnance du 2 avril 2019, le juge-commissaire a rejeté la demande en relevé de forclusion et, par jugement du 18 octobre 2019, le tribunal de commerce de Montpellier, saisi d'un recours, a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire.
Le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes a relevé appel de ce jugement, le 4 novembre 2019, dans des conditions de forme et de délai, qui ne sont pas contestées.
Il demande à la cour, aux termes de ses conclusions notifiées par le RPVA le 3 décembre 2019, de réformer le jugement, de le relever de la forclusion encourue et de l'autoriser à déclarer sa créance d'un montant de 12 867 323 euros ; il fait essentiellement valoir que la société New Lexel Cosmetics a omis de mentionner, sur la liste de ses créanciers, la DIRCOFI sud Pyrénées, que cette société ne pouvait pourtant ignorer la dette fiscale, qui allait être mise en recouvrement, et qu'elle a d'ailleurs omis d'informer l'administrateur et le mandataire judiciaire des instances en cours à la suite du contrôle fiscal et des propositions de rectification dont elle avait été destinataire ; elle estime donc que sa défaillance à déclarer la créance résultant des deux propositions de rectification des 26 décembre 2016 et 20 décembre 2017 est dû exclusivement à une omission de la société débitrice lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-26 et qu'elle peut dès lors prétendre à être relevée de la forclusion encourue en vertu du premier alinéa de ce texte.
M. [I], pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société New Lexel Cosmetics, dont les conclusions ont été déposées le 5 décembre 2019 via le RPVA, sollicite de voir confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et condamner le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; il soutient que le comptable public qui, ayant déclaré une créance de 1 465 206 euros le 27 mars 2018, n'ignorait pas l'ouverture de la procédure collective ne peut prétendre que sa défaillance à déclarer la créance litigieuse serait due à l'omission du débiteur de signaler son existence au mandataire judiciaire.
Le ministère public, auquel le dossier de l'affaire a été communiqué, a indiqué s'en rapporter.
M. [T], pris en sa qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire ad hoc de la société New Lexel Cosmetics, n'a pas comparu, bien qu'ayant été assigné le 13 novembre 2019 à domicile.
La société New Lexel Cosmetics n'a pas, non plus, comparu, la délivrance à son égard de l'assignation ayant fait l'objet, le 14 novembre 2019 d'un procès-verbal de recherches établi en conformité de l'article 659 du code de procédure civile.
Instruite conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, la procédure a été clôturée par ordonnance du 5 février 2020.
Initialement fixée à l'audience du 12 février 2020, l'affaire a été renvoyée, en raison du mouvement de protestation des avocats à la réforme du régime des retraites, à l'audience du 13 mai 2020 et a été évoquée à cette date selon la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19.
MOTIFS de la DECISION :
Aux termes de l'article L. 622-26, alinéa 1, du code de commerce : « A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6 » ; selon ce texte, le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours et les informe des instances en cours auxquelles
il est partie ; l'article R. 622-21 du code de commerce dispose que le mandataire judiciaire, dans le délai de quinze jours à compter du jugement d'ouverture, avertit les créanciers connus d'avoir à lui déclarer leurs créances dans le délai mentionné à l'article R. 622-24, que l'avertissement du mandataire judiciaire reproduit les dispositions légales et réglementaires relatives aux délais et formalités à observer pour la déclaration des créances, pour la demande en relevé de forclusion et pour les actions en revendication et en restitution, que cet avertissement reproduit également les articles L. 621-10, R. 621-19, R. 621-24 et D. 814-58-3 et que, le cas échéant, l'avertissement précise que la créance a été portée par le débiteur sur la liste prévue par l'article L. 622-6.
Il résulte de ces textes que l'omission du créancier sur la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6 permet à celui-ci d'obtenir un relevé de forclusion, sans avoir à démontrer que sa défaillance n'est pas due à son fait ; en outre, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, un relevé de forclusion peut être demandé, que l'omission du débiteur soit volontaire ou pas ; enfin, l'article L. 622-6 oblige le débiteur à fournir la liste de ses créanciers, quelle que soit l'origine des créances ou leur exigibilité, et de préciser le montant de ses dettes, afin de permettre au mandataire judiciaire d'avertir personnellement les créanciers connus au jour de l'ouverture de la procédure collective d'avoir à déclarer leurs créances.
Dans le cas présent, il n'est pas discuté que la société New Lexel Cosmetics n'a nullement mentionné, dans la liste des créanciers fournie au mandataire judiciaire, la créance fiscale née des deux propositions de rectification en date des 26 décembre 2016 et 20 décembre 2017 émanant de la direction spécialisée de contrôle fiscal sud Pyrénées, qu'elle ne pouvait ignorer lors de l'ouverture de la procédure collective, le 12 février 2018 ; en effet, la première proposition de rectification du 26 décembre 2016 à hauteur de la somme de 2 304 317 euros au titre de la TVA (1 718 808 euros) et de l'impôt sur les sociétés (585 509 euros) sur l'année 2013 avait été remise en main propre, le 26 décembre 2016, au représentant légal de la société, sachant qu'une demande de prorogation du délai de présentation des observations du contribuable avait été faite par l'avocat de celui-ci par courrier du 27 décembre 2016, et que des observations avaient été formulées, le 24 juin 2017, par celui-ci ; s'agissant de la seconde proposition de rectification du 20 décembre 2017 à hauteur de la somme de 12 831 313 euros au titre de la TVA (7 741 749 euros) et de l'impôt sur les sociétés (5 089 564 euros) sur les années 2014, 2015 et 2016 (jusqu'au 31 mai 2016), elle avait été remise à la société New Lexel Cosmetics par acte d'huissier de justice du 21 décembre 2017 et une demande de prorogation du délai imparti pour présenter des observations et été faite par courrier de l'avocat de la société du 4 janvier 2018.
Il ne peut être soutenu que la défaillance du comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes à déclarer la créance née de ces deux propositions de rectification est sans lien avec l'omission de la société New Lexel Cosmetics à faire figurer cette créance dans la liste fournie au mandataire judiciaire, au simple motif que ce comptable public, qui avait déclaré, le 27 mars 2018, soit dans le délai de deux mois suivant la publication au Bodacc du jugement d'ouverture, une créance, à titre provisionnel, de 1 465 206 euros correspondant à une estimation de la TVA et de la cotisation foncière des entreprises due pour la période du 10 septembre 2010 au 31 décembre 2018, n'ignorait pas l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; rien ne permet, en effet, d'affirmer que le comptable en charge du recouvrement pour le département des Alpes-Maritimes, lieu du siège de la société New Lexel Cosmetics ([Adresse 3]), ait eu effectivement connaissance, dans le délai imparti pour la déclaration des créances, des deux propositions de rectification des 26 décembre 2016 et 20 décembre 2017 émanant de la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud Méditerranée basée à [Localité 4].
Il convient, dans ces conditions, d'infirmer le jugement entrepris, de réformer l'ordonnance rendue le 2 avril 2019 par le juge-commissaire et d'autoriser le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes à déclarer la créance fiscale née des deux propositions de rectification en date des 26 décembre 2016 et 20 décembre 2017 entre les mains de M. [I] ès qualités, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.
Les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de la société New Lexel Cosmétics, la cour estimant, en effet, devoir faire application de la dérogation prévue à l'article R. 622-25, alinéa 2, du code de commerce ; il n'y a pas lieu dès lors de faire application, au profit de M. [I] ès qualités, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant publiquement et par arrêt de défaut,
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Réforme l'ordonnance rendue le 2 avril 2019 par le juge-commissaire en charge de la procédure collective de la société New Lexel Cosmetics et statuant à nouveau,
Autorise le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes à déclarer la créance fiscale née des deux propositions de rectification en date des 26 décembre 2016 et 20 décembre 2017 émanant de la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud Méditerranée, entre les mains de M. [I] ès qualités, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt,
Met à la charge de la société New Lexel Cosmetics les dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à l'application, au profit de M. [I] ès qualités, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président
JLP