La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/12/2015 | FRANCE | N°14/02121

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 4ème a chambre sociale, 02 décembre 2015, 14/02121


DV/ OT
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale
ARRÊT DU 02 Décembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 02121
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JANVIER 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION DE DEPARTAGE DE CARCASSONNE No RGF 11/ 00116

APPELANT :
Maître Geneviève B... es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SAS LA MAREE TRAITEUR... Représentant : Me Christophe KALCZYNSKI de la SCP DABIENS, CELESTE, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :
Monsieur Max X..

.... Représentant : Me LEOSTIC de la SCP LEOSTIC-MEDEAU, avocat au barreau D'ARDENNES

AGS (CGEA-...

DV/ OT
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER4ème A chambre sociale
ARRÊT DU 02 Décembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 02121
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 JANVIER 2014 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION DE DEPARTAGE DE CARCASSONNE No RGF 11/ 00116

APPELANT :
Maître Geneviève B... es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SAS LA MAREE TRAITEUR... Représentant : Me Christophe KALCZYNSKI de la SCP DABIENS, CELESTE, KALCZYNSKI, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMES :
Monsieur Max X...... Représentant : Me LEOSTIC de la SCP LEOSTIC-MEDEAU, avocat au barreau D'ARDENNES

AGS (CGEA-TOULOUSE) 1, rue des Pénitents Blancs CS 81510-31015 TOULOUSE CEDEX 6 Représentant : Me Pierre CHATEL de la SELARL CHATEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 OCTOBRE 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Marc PIETTON, Président de chambre Mme Isabelle ROUGIER, Conseillère Monsieur Olivier THOMAS, Conseiller

qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER
ARRÊT :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Marc PIETTON, Président de chambre, et par Madame Dominique VALLIER, f. f. de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *

EXPOSE
Monsieur Max X... était engagé le 3 mars 1997, en qualité de chef d'équipe de fabrication, par un contrat à durée indéterminée par la société la Marée Traiteur moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 829, 93euros.
Par un jugement du tribunal de commerce de Carcassonne en date du 8 novembre 2010 une procédure de redressement judiciaire était ouverte à l'encontre de cette société.
La société la Marée Traiteur était mise en liquidation judiciaire, le 29 novembre 2010, et Maître Geneviève B... était désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 4 décembre 2010, le liquidateur convoquait les délégués du personnel de l'entreprise pour les consulter sur la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement collectif.
Par courriers recommandés avec accusés de réception datés des 2 et 4 décembre 2010, Maître B... informait la DIRECCTE du projet de licenciement collectif pour motif économique de l'ensemble des salariés de la société.
Le 7 décembre 2010, le liquidateur notifiait par courrier recommandé avec accusé de réception le licenciement pour motif économique des salariés de la société ne bénéficiant pas du statut de salarié protégé.
Le 27 décembre 2010, après avoir obtenu l'autorisation de l'inspection du travail, Maître B... notifiait, par lettre recommandée avec accusé de réception, le licenciement pour motif économique des salariés protégés.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Monsieur X..., comme l'ensemble des salariés licenciés, saisissait le conseil de prud'hommes de Carcassonne le 28 mars 2011, aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le 30 septembre 2013, le conseil de prud'hommes se déclarait en partage de voix et renvoyait l'affaire devant le juge départiteur.
Par jugement rendu le 30 janvier 2014, le conseil de prud'hommes de Carcassonne a :
- dit que le licenciement de Monsieur X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné Maître B..., en sa qualité de mandataire liquidateur, à lui verser à la somme de 20 129, 23 euros au titre de son préjudice,
- dit que l'AGS-CGEA devra garantir le paiement de cette somme dans les limites fixées à l'article D 3253-5 du code du travail.
Par déclaration déposée au greffe de la cour, le 20 mars 2014, Maître B..., mandataire liquidateur de la société la Marée Traiteur, interjetait appel de la décision rendue par le conseil de prud'hommes qui lui avait été notifiée le 12 mars 2014.
Aux termes de ses dernières écritures déposées et développées oralement à l'audience, Maître B... demande à la cour de réformer le jugement déféré, de juger, d'une part, que la preuve d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur n'est pas rapportée, d'autre part, qu'elle a parfaitement exécuté son obligation de recherche de reclassement et qu'ainsi le licenciement de l'intimé est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Elle soutient que :
- le motif économique des licenciements des salariés ne peut être remis en cause si l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le licenciement est devenue définitive,
- il n'y a eu aucun montage et la société la Marée Traiteur n'a pas été sacrifiée par la société mère pour améliorer sa propre rentabilité ou celle d'autres filiales au détriment de la stabilité de l'emploi,
- les difficultés s'apprécient au niveau du groupe. Or toutes les entreprises du groupe se trouvent en état de cessation de paiement,
- il y a eu confusion de patrimoine car toutes les sociétés sont interdépendantes et cela ne relève pas d'un comportement blâmable,
- les deux seuls documents officiels de la procédure à disposition de la cour ne rapportent pas la preuve d'une faute ou d'une légèreté blâmable qui serait le fait générateur exclusif de la cessation d'activité de la société,- les créances intra-groupes sont des transferts d'immobilisations et les entités appartenant à un même groupe échangent entre elles des biens et des services générant donc des « opérations intra-groupes »,- le montant des créances entre les sociétés apparaît bien dans le bilan et le compte de résultat de chaque entité, lesdites créances n'étant pas la cause déterminante de la liquidation judiciaire,

- la véritable cause de la liquidation apparaît dans le bilan économique et social de la société et correspond à une forte chute du volume d'affaires en 2008 et 2009 et à un niveau de charges inadéquates,
- elle a rempli son obligation de reclassement en s'adressant à toutes les sociétés du groupe et le reclassement était impossible du fait de la déconfiture de toutes les sociétés,
- l'inspecteur du travail a estimé que l'obligation de recherche de reclassement avait été exécutée,
- la société MINDEST se trouve hors périmètre de reclassement car elle ne fait pas partie du groupe auquel appartient la société la Marée Traiteur.
Aux termes de ses dernières conclusions écrites, déposées et développées à l'audience, Monsieur X... demande à la cour de :
- confirmer la décision de première instance et de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse
-fixer sa créance au passif de la société la Marée Traiteur, sous la garantie de paiement de l'AGS CGEA, à la somme de 32 938, 00 euros, au titre de dommages et intérêts,
Il demande, en outre, à la cour d'enjoindre à Maître B... de produire l'assignation et les pièces relatives à la procédure d'extension du passif.
Il soutient que :
- le motif économique du licenciement n'est pas légitime car les difficultés économiques sont la conséquence de l'attitude délibérée de l'employeur ou de sa légèreté blâmable,
- il ressort de l'examen des jugements de liquidation et d'extension de passif à d'autres sociétés du groupe que la société la Marée Traiteur a fait l'objet d'un appauvrissement volontaire par son dirigeant l'ayant conduit à sa liquidation au motif de transfert d'immobilisations, du fait que certaines dettes des sociétés du groupe envers la société Marée Traiteur n'ont pas été recouvrées, d'une sous facturation, d'absence de facturation de certaines prestations et de l'encaissement par d'autres sociétés du groupe de recettes qui lui revenaient en principe,
- la gestion de l'entreprise a été volontairement déficitaire et il s'agit là de la part de l'employeur d'un comportement frauduleux,
- les constatations de fait et la motivation du jugement du tribunal de commerce du 21 février 2011, qui prononce l'extension de la procédure de liquidation aux sociétés « Anchois Siampi » et « Saveurs et Terroirs du Sud » déterminent le comportement de l'employeur qui disqualifie la légitimité du motif économique,
- l'obligation de reclassement n'a pas été respectée car l'envoi d'un même courrier aux entités du groupe sans liste de personnel jointe ne suffit pas à rapporter la preuve d'une recherche de reclassement sérieuse et loyale,
- il convenait de rechercher le reclassement au sein de la société MINDEST, celle-ci étant l'actionnaire majoritaire du holding et disposait alors d'un monopole du pouvoir décisionnel et de gestion dans l'ensemble des sociétés qui constituent donc un groupe au niveau organisationnel.
Aux termes de ses dernières conclusions écrites déposées et développées oralement à l'audience, l'AGS-CGEA de Toulouse a conclu à l'infirmation du jugement de départage et demande à la cour de constater l'absence de légèreté blâmable dans la gestion de la société la Marée Traiteur ainsi que le sérieux et la loyauté des recherches de reclassement entreprises.
Elle demande, en outre, à la cour de lui donner acte de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en oeuvre du régime d'assurance de créance des salariés que de l'étendue de ladite garantie.
MOTIFS
Sur le motif économique
Si les difficultés économiques d'une entreprise qui appartient à un groupe de sociétés constituent un motif économique de licenciement, c'est à la condition qu'elles ne procèdent pas d'une faute de l'employeur, d'une volonté délibérée de sa part ou d'une légèreté blâmable.
Il est important de souligner qu'il n'y a pas eu, en l'espèce, d'ordonnance du juge commissaire en l'état de la liquidation judiciaire de la société la Marée Traiteur.
Comme le précise dans son rapport Maître C..., administrateur judiciaire, dans son rapport, la société Marée Traiteur fait partie intégrante du groupe Siampi, lequel est composé de la société Holding Sas Hictos qui détient 100 % de la société Marée elle-même détenant 100 % du capital des deux SARL (Anchois Siampi et Saveurs et Terroirs du sud) et de la SAS la Marée Traiteur.
Le salarié licencié, pour contester le motif économique, en faisant valoir la légèreté blâmable du chef d'entreprise, s'appuie sur divers documents produits aux débats :
- le jugement du tribunal de commerce en date du 20 février 2011 aux termes duquel cette juridiction prononce l'extension de la procédure judiciaire de la société la Marée Traiteur à la société Anchois Siampi :
dans cette décision, le tribunal de commerce expose : « attendu qu'il est apparu, à la suite de vérifications comptables, une multitude de transferts d'immobilisations et d'opérations suspectes de la société LA MAREE TRAITEUR vers la société ANCHOIS SIAMPI et encore vers la société SAVEURS ET TERROIRS du SUD, toutes deux dirigées par M. Philippe Y... dirigeant de la SARL LA MAREE TRAITEUR. Attendu que Me C..., dans son rapport, constatait que le « financement de l'activité courante impose de recouvrer les sommes détenues par la SARL ANCHOIS SIAMPI et la SARL SAVEURS ET TERROIRS DU SUD dont les dettes à l'égard de la MAREE TRAITEUR sont respectivement de 220 600 euros et 99 199 euros. Attendu qu'il est démontré, des pièces versées au dossier que les sociétés ANCHOIS SIAMPI et SAVEURS ET TERROIRS DU SUD ne pouvaient fonctionner qu'avec l'appui de la société la MAREE TRAITEUR qui surfacturait, voir ne facturait pas toutes les prestations qu'elle réalisait. Attendu que dans les mois qui ont précédé l'ouverture de la procédure la société la Marée Traiteur a demandé que les livraisons effectuées par elle soient facturées sur la SARL Saveurs et Terroirs du Sud. Qu'ainsi c'est un véritable détournement de recettes qui a été opéré. Attendu que la confusion de patrimoine est caractérisée dans la mesure où un important transfert d'immobilisations de la société la marée traiteur vers les sociétés SAVEURS ET TERROIR DU SUD la MAREE TRAITEUR a été opéré sans la moindre contrepartie. ».
- une attestation de Madame Valérie Z..., employée de bureau au service commercial de la société Marée Traiteur, qui témoigne ainsi qu'il suit : « à partir de fin septembre 2010 M. Y... ordonnait le transfert de clients importants de la société la Marée Traiteur sur la société Saveurs et Terroirs du Sud. D'autre part, plusieurs factures et avoirs entre sociétés ont été édités dans notre bureau »,
- une attestation de Madame Monique A..., également employée de bureau au service commercial de la société la Marée Traiteur (de 2006 à 2010), qui souligne dans son témoignage du 02 novembre 2013 : « pendant que Me C... administrateur judiciaire s'occupait de notre entreprise Monsieur Philippe Y..., président de celle-ci, organisait son insolvabilité. Pour preuve, ci-joint les emails qui m'ont été adressés par M. Y... (sur mon adresse : Saveurs et Terroirs du Sud) me demandant de transférer les plus gros clients de la Marée Traiteur en produits conserves vers la société Saveurs et Terroirs du Sud. Me C... administrateur judiciaire nous indique que les sommes à devoir sont 319 862 € » et les avocats de la partie adverse nous disent que ce n'est pas suffisant pour dire que M. Y... a organisé l'insolvabilité de la société. D'autre part pour quelles raisons personne ne parle des opérations suspectes de septembre 2010 ?. Toutes les factures qui ont été faites d'une société à une autre pour des prestations de services représentent environ 1. 162. 594 euros. J'ai moi-même établi un avoir pour abandon de créances de la Marée holding à la Marée Traiteur pour un montant de 42 000 € HT. Ci-joint copie de l'avoir et du support établi par le comptable avec toutes les factures éditées comment se fait-il que Me C... ne fasse pas état de toutes ces opérations qui ont été faites dans la comptabilité ?. »
Il est également produit aux débats le rapport de Maître B..., rédigé en sa qualité de mandataire judiciaire, adressé au juge-commissaire, en date du 14 janvier 2011, ainsi que celui de Maître C..., administrateur judiciaire, à l'attention du tribunal de commerce de Carcassonne.
Il doit être observé que Maître B... ne conteste aucunement l'existence de créances intra-groupes lesquelles apparaissent effectivement dans le bilan économique et social de Maître C... à la page 13 de son rapport : créances de la Marée Traiteur sur Anchois Siampi : 220 663, 79 € et de la Marée Traiteur sur Saveurs et Terroirs du Sud : 99 199, 43 € ce qui représente un total d'environ 320 000 €.
Pour retenir l'existence d'une légèreté blâmable de l'employeur rendant le licenciement économique du salarié sans cause réelle et sérieuse, le juge départiteur a pris en compte les créances intra groupe ainsi qu'un investissement autofinancé en recherche et développement concernant la création de plus de 80 produits nouveaux pour une somme de 260 000 euros et ce, malgré l'avis réservé du commissaire aux comptes.
Il doit être rappelé qu'il n'appartient pas à la cour d'opérer un contrôle sur les choix de gestion de l'employeur.
En revanche, saisie du moyen de légèreté blâmable ou faute du dirigeant d'une entreprise ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire avec des licenciements de salariés, il lui revient de vérifier si les difficultés économiques ne procèdent pas d'une faute ou d'une volonté délibérée de sa part.
La légèreté blâmable ou la faute du dirigeant ne peut être retenue que tout autant qu'elle puisse avoir un rôle majeur dans la survenance des difficultés économiques et ait conduit l'entreprise à la liquidation judiciaire.
L'examen des rapports établis aussi bien par Maître C... que Maître B..., dans le cadre de la procédure collective de la société la Marée Traiteur, permet de procéder à ce contrôle.
Il n'y a pas lieu d'enjoindre à la partie appelante de produire aux débats d'autres pièces telles que notamment les pièces relatives à la procédure d'extension de passif.
Ainsi à la page le 10 de son rapport Maître C... souligne : « la baisse significative du volume d'activité (1. 137 K € entre 2007 et 2008 20 % du CA révélé par les soldes intermédiaires de gestion se poursuit sur l'exercice 2009 (-1126 K € par rapport à 2008) portant la contraction du chiffre d'affaires sur deux exercices (entre 2007 et 2009) à 2263 K €, soit plus de 40 % du volume d'affaires, baisse plus particulièrement ressentie auprès de la GMS. Dans ce contexte de forte baisse de l'activité, le taux de marge brute globale progresse de 3. 8 points au 31. 12. 2009 sous l'influence d'une production immobilisée 128 K € (3. 9 du CA). Le volume de charges de personnel consomme la totalité de la richesse produite ».
En conclusion intermédiaire, Maître C... ajoute : « la forte chute du volume d'affaires sur les exercices 2008 et 2009 conjuguée à un niveau de charges inadéquates par rapport aux nouvelles données économiques sont à l'origine des difficultés de la SAS MAREE TRAITEUR. ».
Maître B... souligne dans son rapport que :
« Au 31/ 12/ 2009 le total des dettes s'élevait à 3. 355. 012 € l'actif estimé : 1. 359. 755 €. Sur les quatre derniers l'exercice le chiffre d'affaires affiche une baisse d'activité constante et significative de 20, 30 % en 2008 et de 19, 90 % en 2009. Après les exercices 2007 et 2008 juste équilibrés le bilan 2009 présente une perte de 722 695 €. Malgré la baisse d'activité les salaires 2009 sont supérieurs à ceux de 2008, de même pour les autres achats et charges. Au 31 octobre 2010 le chiffre d'affaires n'est plus que de 2 339 292 € sur 10 mois soit proportionnellement à l'année la somme de 2 807 150 € une fois de plus en baisse de 22, 16 %. Paradoxalement les charges de personnel sur 10 mois sont de 902. 965 € soit annualisées de 1 093 558 € en progression de 7, 10 % par rapport à 2009 et cette situation interpelle. ».

Il résulte très clairement des constatations effectuées tant par l'administrateur que par le mandataire judiciaire, fondées sur l'examen de la comptabilité de la société la Marée Traiteur, que dès l'année 2008 et ensuite en 2009, cette société connaissait de graves difficultés liées pour l'essentiel à une baisse d'activité.
Il est constant que le chef d'entreprise a souhaité maintenir l'emploi de tous ses salariés ce qui a entraîné, alors que la situation économique était déjà fortement obérée, une augmentation des charges du personnel en progression de 7, 10 % en 2010 par rapport à 2009.
Ainsi, il ressort de l'ensemble des éléments produits sur la situation de la société la Marée Traiteur que les difficultés économiques ont pour origine, d'une part, une baisse d'activité constante et significative à compter de 2008 et jusqu'à 2010 c'est-à-dire au moment de la cessation d'activité et, d'autre part, une charge salariale trop élevée au regard du chiffre d'affaires.
Certes, il peut être retenu que, dans les dernières semaines précédant la liquidation judiciaire de la société Marée Traiteur, son dirigeant a accompli des actes anormaux de gestion en procédant à des transferts de créances vers d'autres sociétés du groupe mais le montant de ces créances, non contesté par les parties, à hauteur de 320 000, 00 euros, revêt un caractère minime au regard du passif de cette société qui a atteint la somme de 3. 300 000 euros.

Il doit être ajouté que les sociétés du groupe Siampi ont toutes subi une procédure de liquidation judiciaire.
Par ailleurs, il ne peut être reproché au dirigeant de la société la Marée Traiteur un investissement en recherche de développement dans un contexte de baisse de l'activité, s'agissant d'un choix de gestion qu'il n'appartient pas à la cour d'apprécier.
Ainsi qu'il en résulte de l'ensemble des pièces produites aux débats, à la date des licenciements opérés, des difficultés économiques étaient caractérisées de façon objective.
Le chef d'entreprise a, certes, accompli des actes anormaux de gestion. Cela étant, ces actes n'ont joué aucun rôle majeur dans la survenance des difficultés économiques ayant conduit à la liquidation de la société la Marée Traiteur.

Il y a lieu, en conséquence, de réformer la décision déférée en ce qu'elle a considéré qu'en raison de la légèreté blâmable du chef d'entreprise, le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'obligation de reclassement
Le salarié intimé fait valoir que le mandataire judiciaire n'a pas respecté son obligation de reclassement dans la mesure où il n'a pas procédé à la recherche de postes de reclassement au sein de la société MINDEST.
Cette entreprise est en effet actionnaire à 50 % de la société Holding HICTOS laquelle détient 100 % de la société Marée qui, elle-même, détient 100 % du capital des sociétés Marée Traiteur Anchois Siampi et Saveurs et Terroirs du Sud.
Le salarié intimé ajoute que la société MINDEST est l'actionnaire majoritaire du holding et, étant la plus représentée dans les organes de gestion, c'est bien elle qui dispose d'un monopole de pouvoir décisionnaire et de gestion dans cet ensemble de sociétés qui constituent donc un groupe au niveau organisationnel.
L'appelante considère qu'elle n'avait aucune obligation de recherche de postes de reclassement au sein de la société MINDEST laquelle n'entre pas dans le périmètre du groupe la Marée.
En application de l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Dès lors, les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et donc, le cas échéant, au sein du groupe auquel elle appartient parmi les entreprises dont les activités l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Il n'est pas discuté que la société MINDEST intervient dans le domaine du traitement et de la valorisation des déchets industriels mais aussi agro-alimentaire.
Ainsi, les domaines d'activité de la société MINDEST mais également ceux de la société la Marée concernent bien l'agro alimentaire et il peut être admis que, dans ce contexte, il pouvait exister des postes parfaitement ouverts et sans différence de formation susceptibles d'être proposés aux salariés licenciés dans le cadre de leur reclassement.
La société MINDEST n'a pas une spécificité de son activité ou une localisation empêchant la permutabilité du personnel.
Il n'y a pas eu de la part du mandataire judiciaire d'examen individuel des possibilités de reclassement du salarié au sein de l'unité économique et sociale dont fait partie la société MINDEST.
Dans ces conditions, le mandataire judiciaire ne s'étant pas livré à une recherche loyale et sérieuse des postes de reclassement au sein du groupe, le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation du licenciement
Maître B... et l'AGS-CGEA ne contestent pas, même à titre subsidiaire, l'indemnisation du préjudice du salarié retenue en première instance au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le conseil de prud'hommes, à l'effet de fixer l'indemnisation du préjudice subi par le salarié licencié, a tenu compte de son âge au moment du licenciement de son ancienneté et des éléments qu'il produisait concernant sa situation financière et professionnelle.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le conseil des prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice du salarié de sorte que le jugement sera confirmé sur le montant des dommages et intérêts alloués.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré,
Fixe, en conséquence, la créance de Monsieur Max X..., qui sera inscrite au passif de la société la Marée Traiteur par le mandataire liquidateur, sous la garantie de l'AGS CGEA, dans les limites fixées à l'article D 3253-5 du code du travail, à la somme de 20. 129, 23 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 4ème a chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/02121
Date de la décision : 02/12/2015
Type d'affaire : Sociale

Analyses

Si les difficultés économiques d'une entreprise qui appartient à un groupe de sociétés constituent un motif économique de licenciement, c'est à la condition qu'elles ne procèdent pas d'une faute de l'employeur, d'une volonté délibérée de sa part ou d'une légèreté blâmable. Celle-ci ne peut être retenue que tout autant qu'elle puisse avoir un rôle majeur dans la survenance de ces difficultés et ait conduit l'entreprise à la liquidation. Tel n'est pas le cas lorsque les pièces produites démontrent qu'à la date des licenciements des difficultés économiques étaient caractérisées de façon objective et que, si le chef d'entreprise a, certes, accompli des actes anormaux de gestion, ils n'ont joué aucun rôle majeur dans la survenance des difficultés ayant conduit à la liquidation de la société.


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Carcassonne, 30 janvier 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-12-02;14.02121 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award