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12/03/2013 | FRANCE | N°11/08103

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2o chambre, 12 mars 2013, 11/08103


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2o chambre
ARRET DU 12 MARS 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 08103
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 NOVEMBRE 2011 TRIBUNAL D'INSTANCE DE SETE No RG 11378

APPELANTE :
Madame Nadine X...née le 06 Octobre 1964 à LYON (69) de nationalité Française ...34110 FRONTIGNAN représentée par la SCP GILLES ARGELLIES, FABIEN WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants assistée de Me Nolwenn ROBERT (P. V. B.), avocat au barreau de MONTPELLIER,

avocat plaidant

INTIMEE :
Madame Sandrine Z...née le 30 Mai 1980 à TRAPPES de nationalité Fr...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2o chambre
ARRET DU 12 MARS 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 08103
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 NOVEMBRE 2011 TRIBUNAL D'INSTANCE DE SETE No RG 11378

APPELANTE :
Madame Nadine X...née le 06 Octobre 1964 à LYON (69) de nationalité Française ...34110 FRONTIGNAN représentée par la SCP GILLES ARGELLIES, FABIEN WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants assistée de Me Nolwenn ROBERT (P. V. B.), avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMEE :
Madame Sandrine Z...née le 30 Mai 1980 à TRAPPES de nationalité Française ...34140 MEZE représentée par la SCP PHILIPPE SENMARTIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants assistée de Me Olivier MINGASSON (SCP CARLIER), avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 15 Janvier 2013
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 FEVRIER 2013, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, président Monsieur Hervé CHASSERY, conseiller Monsieur Jean-Luc PROUZAT, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE-MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
Sandrine Z...a conclu, ainsi que deux autres infirmières libérales, un contrat de collaboration, non daté, avec Nadine X..., intitulé « Charte de bon fonctionnement du cabinet infirmier ... 34 110 Frontignan » ; ce contrat réglemente la prise en charge des tournées par chacune des infirmières appelées aussi adhérentes, les congés et la responsabilité professionnelle ; il prévoit une rétrocession d'honoraires à hauteur de 25 %, en contrepartie de « la mise à disposition des locaux, gestion, présentation de clientèle ».
La relation de collaboration entre Mme Z...et Mme X..., débutée en janvier 2010, a cessé dans le courant du mois d'avril de la même année.
Par acte du 9 mars 2011, Mme X...a fait assigner Mme Z...devant la juridiction de proximité de Sète en vue d'obtenir le paiement de la somme de 1 600 €, montant du chèque, rejeté pour perte, lui ayant été remis par celle-ci en règlement du préavis de rupture, la production sous astreinte de l'intégralité de sa comptabilité afin de vérifier l'exactitude des rétrocessions d'honoraires et la restitution, également sous astreinte, des clés du cabinet médical.
Devant le tribunal d'instance de Sète, devant lequel l'affaire a été renvoyée après décision d'incompétence, Mme Z...a soutenu la nullité du contrat pour violation des dispositions de l'article 18 de la loi no 2005-882 du 2 août 2005 (en faveur des petites et moyennes entreprises) et défaut de cause ; elle a également prétendu que le chèque de 1 600 € avait été émis, non en règlement d'un préavis, mais d'honoraires rétrocédés et que Mme X...s'était engagée à détruire ce chèque.
Par jugement du 9 novembre 2011, le tribunal d'instance a rejeté la demande de Mme X..., a reçu la demande reconventionnelle de Mme Z...(tendant à l'annulation du contrat) et a condamné Mme X...à lui payer la somme de 4 800 € (en restitution des sommes versées à titre de rétrocessions d'honoraires).
Mme X...a régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.
Elle demande à la cour (conclusions déposées le 22 février 2012) de :
A titre principal :- dire et juger valable la convention souscrite entre elle et Mme Z...,- condamner Mme Z...au paiement de la somme de 1 600 € à titre de préavis contractuel,- dire et juger que Mme Z...sera condamnée à procéder au paiement de l'équivalent de 25 % de la totalité des honoraires qui ont été effectivement perçus par elle dans le cadre du contrat de collaboration conclu, dès qu'elle aura procédé à la communication de l'intégralité de sa comptabilité, de ses déclarations de revenus et de ses relevés de compte,

A titre subsidiaire :- dire et juger que le prononcé de la nullité de la convention ne peut entraîner aucune restitution ni remise des parties en leur état antérieur,- dire et juger que Mme Z...s'est enrichie à son détriment du fait de l'exploitation de sa clientèle sans contrat valable,- dire et juger que le montant de cet enrichissement sans cause s'élève à la somme de 20 800 €,- condamner Mme Z...à lui verser la somme de 20 800 € au titre de cet enrichissement sans cause,

A titre infiniment subsidiaire :- dire et juger que le prononcé de la nullité du contrat de collaboration libérale et l'obligation de restitution des sommes versées entraîne nécessairement en contrepartie l'obligation de remboursement des honoraires perçus par Mme Z...du fait de l'exploitation de sa clientèle,- condamner Mme Z...au versement de la totalité des honoraires effectivement perçus dans le cadre de l'exploitation de cette clientèle, à savoir la somme de 20 800 €,

En tout état de cause :- condamner Mme Z...à produire l'intégralité de sa comptabilité, ses déclarations de revenus, ses relevés bancaires et tous justificatifs fiscaux, sous astreinte fixée à la somme de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,- condamner Mme Z...à lui remettre les clés du cabinet médical, sous astreinte fixée à la somme de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,- condamner Mme Z...au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts,- condamner Mme Z...au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- le contrat litigieux, qui permettait à Mme Z...d'exploiter sa clientèle libérale en contrepartie d'une rémunération fixée à 25 % des honoraires facturés, est parfaitement licite et ne pouvait être annulé par le tribunal au motif erroné qu'il est dépourvu de cause,
- il est conforme aux conditions posées par l'article 18 de la loi du 2 août 2005 auxquelles les parties ont pu d'ailleurs déroger, le texte n'étant pas d'ordre public,
- Mme Z..., qui a spontanément exécuté le contrat, n'est pas fondée aujourd'hui à en contester la validité,
- la relation contractuelle a brutalement pris fin du fait des fautes commises par Mme Z...dans l'exécution de ses obligations et il a été convenu, en contrepartie, que celle-ci lui verse la somme de 1 600 € à titre de préavis,
- elle doit produire sa comptabilité afin de vérifier l'exactitude des rétrocessions d'honoraires effectuées et restituer les clés du cabinet médical, qu'elle a conservées après son départ.
Mme Z...demande à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 13 juillet 2012) de rejeter les prétentions de Mme X..., notamment celles en paiement d'une indemnité de préavis de 1 600 € et aux fins de communication de la comptabilité, de prononcer la nullité du contrat de collaboration et de condamner Mme X...à lui restituer la somme de 6 400 € ; elle sollicite encore la condamnation de celle-ci à lui payer les sommes de 2 000 € à titre de dommages et intérêts et de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose en substance que :
- le contrat de collaboration a été rompu à l'initiative de Mme X...pour de prétendus mauvaise exécution de soins et oublis de visite et le chèque de 1 600 € ne constitue pas un paiement de préavis mais une rétrocession d'honoraires auquel celle-ci avait renoncé, avant de présenter le chèque à l'encaissement,
- le montant des honoraires rétrocédés était fixe, soit 1 600 € par mois, et ne dépendait pas de la facturation réelle,
- le contrat de collaboration ne comporte pas les indications exigées par l'article 18 de la loi du 2 août 2005, texte visant à interdire un ensemble de fraudes majeures à l'ordre public social et économique,
- il est également dépourvu de cause puisque les frais de mise à disposition des locaux et de gestion n'étaient pas réels et que la présentation de la clientèle était inexistante,
- en conséquence de la nullité du contrat, Mme X...doit lui restituer la totalité des sommes prélevées à titre de « rétrocession d'honoraires », soit 6 400 € (1 600 € x 4).
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 janvier 2013.
MOTIFS de la DECISION :
Il n'est pas discuté que le contrat liant les parties, débuté en janvier 2010, a été résilié sans préavis, fin avril 2010, par Mme X..., ainsi que celle-ci l'indique elle-même une attestation rédigée le 7 juin 2010, suite à des plaintes récurrentes de patients.
S'agissant de la demande d'annulation dudit contrat, faite par voie d'exception, il ne peut être soutenu que celle-ci serait irrecevable au motif que le contrat a été exécuté ; la règle selon laquelle « l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte qui n'a pas encore été exécuté » n'est pas, en effet, applicable lorsque l'action en nullité peut encore être invoquée en défense avant que ne soit acquise la prescription ; tel est bien le cas en l'espèce, puisque la nullité du contrat a été soulevée par Mme Z...à l'audience du tribunal d'instance de Sète du 6 septembre 2011, soit dans le délai de cinq ans prévu à l'article 1304 du code civil pour l'exercice de l'action en nullité.
A cet égard, Mme Z...ne peut prétendre que le contrat de collaboration est nul pour défaut de cause, alors que l'obligation, qui lui est faite contractuellement de verser à Mme X...25 % des honoraires perçus a nécessairement pour contrepartie le droit, qui lui est conféré, d'exploiter la clientèle d'infirmière libérale de cette dernière et de bénéficier des modalités de gestion du cabinet et de la mise à disposition des locaux ; la rétrocession d'honoraires, fixée à 25 %, ne tend pas seulement à couvrir la participation du collaborateur aux frais de gestion et au coût du loyer, mais vise aussi à rémunérer le professionnel libéral de la possibilité d'exploitation de sa clientèle, donnée au collaborateur, en l'absence de toute cession de celle-ci.
Il résulte, par ailleurs, de l'article 18 (III) de la loi no 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises que le contrat de collaboration libérale par lequel le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle, en toute indépendance et sans lien de subordination, auprès d'un autre professionnel, personne physique ou personne morale, doit être conclu dans le respect des règles régissant la profession et doit, à peine de nullité, être établi par écrit et préciser : 1o Sa durée, indéterminée ou déterminée, en mentionnant dans ce cas son terme et, le cas échéant, les conditions de son renouvellement ; 2o Les modalités de la rémunération ; 3o Les conditions d'exercice de l'activité, et notamment les conditions dans lesquelles le collaborateur libéral peut satisfaire les besoins de sa clientèle personnelle ; 4o Les conditions et les modalités de sa rupture, dont un délai de préavis.
En l'occurrence, le contrat litigieux, également intitulé « charte de bon fonctionnement du cabinet infirmier » ne respecte manifestement pas les exigences de l'article 18 susvisé puisque ne sont pas précisées la durée, déterminée ou indéterminée du contrat, lequel se réfère in fine à une « durée spécifiée dans le contrat » pourtant non mentionnée, les conditions d'exercice de l'activité, notamment celles dans lesquelles Mme Z...pourra satisfaire les besoins de sa clientèle personnelle, et les conditions et modalités de la rupture du contrat, dont le préavis applicable ; les dispositions de ce texte, qui relèvent d'un ordre public de protection, ont donc été méconnues, en sorte que la sanction de la nullité, qui y est expressément prévue, doit être appliquée.
La nullité du contrat impose, en premier lieu, la restitution par Mme X...de la somme de 4 800 € (1 600 € x 3) perçue à titre de rétrocession d'honoraires pour les mois de janvier, février et mars 2010 ; elle rend, en outre, sans objet les demandes de celle-ci tendant au paiement de la somme de 1 600 € à titre de préavis contractuel et à la production sous astreinte par Mme Z...de l'intégralité de sa comptabilité afin précisément de vérifier l'exactitude des rétrocessions d'honoraires.
L'obligation de restitution, qui pèse également sur Mme Z...du fait de l'annulation du contrat, conduit à mettre à la charge de celle-ci le remboursement de l'intégralité des honoraires qu'elle a retirés de l'exploitation de la clientèle de Mme X..., de janvier à avril 2010 ; la restitution du droit d'exploitation de la clientèle, faisant l'objet du contrat annulé, ne peut s'opérer qu'en valeur, pour le montant des honoraires perçus dans le cadre de cette exploitation ; dès lors que Mme Z...reversait 1 600 € par mois à Mme X...correspondant à 25 % des honoraires par elle perçus, il doit en être déduit qu'elle facturait mensuellement 6 400 € d'honoraires, soit 25 600 € pour la période concernée, de janvier à avril 2010.
Après compensation des créances et dettes de restitution réciproques, Mme Z...doit être condamnée à payer à Mme X...la somme de : 25 600 €-4 800 € = 20 800 € ; il ne peut être prétendu que la demande subsidiaire de Mme X...en paiement de cette somme est irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, alors qu'en application de l'article 564 du code de procédure civile, elle vise à opposer une compensation à la demande de nullité du contrat formée par Mme Z...tendant, par voie de conséquence, à la restitution des sommes versées par celle-ci.
Les clés du cabinet médical ont été restituées en cours de procédure, ainsi qu'il en est justifié, ce dont il résulte que la demande de Mme X..., présentée de ce chef, est devenue sans objet.
Ni Mme X..., ni Mme Z...ne justifient du préjudice, qu'elles invoquent l'une et l'autre, à l'appui de leurs demandes respectives en paiement de dommages et intérêts.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en première instance et en cause d'appel ; il n'y a pas lieu, dans ces conditions, à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,
Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,
Prononce l'annulation du contrat de collaboration également intitulé « charte de bon fonctionnement du cabinet infirmier » conclu début janvier 2010 entre Nadine X...et Sandrine Z...,
Condamne, après compensation des créances et dettes de restitution réciproques, Mme Z...à payer à Mme X...la somme de 20 800 €,
Rejette toutes autres demandes,
Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en première instance et en cause d'appel, les dépens d'appel étant recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du même code.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
JLP


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2o chambre
Numéro d'arrêt : 11/08103
Date de la décision : 12/03/2013

Analyses

La nullité d'un contrat de collaboration libérale par lequel le collaborateur libéral exerce son activité professionnelle, en toute indépendance et sans lien de subordination, auprès d'un autre professionnel, prononcée pour non respect des exigences d'ordre public de l'article 18 (III) de la loi n 2005-882 du 2 août 2005, impose, d'une part, la restitution au collaborateur libéral des sommes perçues à titre de rétrocession d'honoraires, et d'autre part le remboursement par lui de l'intégralité des honoraires qu'il a retirés de l'exploitation de la clientèle de son cocontractant. La restitution du droit d'exploitation de la clientèle, faisant l'objet du contrat annulé, ne peut s'opérer qu'en valeur, pour le montant des honoraires perçus dans le cadre de cette exploitation.


Références :

ARRET du 02 juillet 2014, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 juillet 2014, 13-17.352, Inédit

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Sète, 09 novembre 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2013-03-12;11.08103 ?
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