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29/10/2019 | FRANCE | N°18/01921

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 29 octobre 2019, 18/01921


N° RG 18/01921 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LSVY









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond du 05 mars 2018



RG : 14/04190

chambre civile







[W]

Association UDAF DE L'AIN



C/



[P]

SA SOCIETE GENERALE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 29 Octobre 2019






>APPELANTS :



M. [B] [W]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (01)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocats au barreau de l'AIN



(bénéficie d'une aide juridictionnell...

N° RG 18/01921 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LSVY

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond du 05 mars 2018

RG : 14/04190

chambre civile

[W]

Association UDAF DE L'AIN

C/

[P]

SA SOCIETE GENERALE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 29 Octobre 2019

APPELANTS :

M. [B] [W]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 1] (01)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocats au barreau de l'AIN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/001175 du 30/03/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bourg en Bresse)

L'UDAF DE L'AIN prise en qualité de curateur de Mr [B] [W], représentée par son Directeur en exercice domicilié audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocats au barreau de l'AIN

INTIMÉES :

Mme [T] [P] divorcée [A]

née le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jérôme LECROQ, avocat au barreau de l'AIN

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/012173 du 17/05/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

La SOCIÉTÉ GÉNÉRALE SA prise en son établissement de [Localité 6] sis [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par la SELARL L.ROBERT ET ASSOCIES, avocats au barreau de l'AIN

******

Date de clôture de l'instruction : 20 Juin 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Septembre 2019

Date de mise à disposition : 22 Octobre 2019, prorogée au 29 Octobre 2019, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience tenue par Françoise CARRIER, président, et Laurence VALETTE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Laurence VALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Florence PAPIN, conseiller

- Laurence VALETTE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par acte sous seing privé signé le 2 mai 2006 par l'intermédiaire de l'agence [Adresse 6] Habitat à [Localité 5] (Haute-Savoie), puis par acte notarié du 2 mars 2007, Mme [T] [P] a vendu à M. [B] [W] une parcelle de terrain de 2 149 m2 avec chalet-cabanon sur sol, cadastrée section A [Cadastre 1] [Adresse 7] dans l'Ain, au prix de 103 000 euros.

Pour financer l'acquisition de ce bien, M. [W] a souscrit par acte notarié du 2 mars 2007, un prêt de 168 000 CHF (101 140 euros) auprès de la banque Société générale.

Par jugement du tribunal d'instance de Nantua du 19 février 2008, M. [W] a été placé sous curatelle d'Etat renforcée, l'UDAF de l'Ain étant désignée en qualité de curateur.

Par courrier du 10 octobre 2012, la société Foncia Debois immobilier située à [Adresse 8], a indiqué à l'UDAF de l'Ain qu'elle ne pouvait pas assurer 'la vente du terrain de M. [W] du fait de son prix trop bas (1 000 €)'.

L'UDAF de l'Ain a alors sollicité l'avis de l'administration fiscale sur l'évaluation du terrain et a reçu en retour le 29 novembre 2012 un avis du domaine décrivant le bien immobilier 'parcelle A [Cadastre 1] d'une contenance de 2 149 m2 avec chalet-cabanon de 30 m2 selon cadastre' comme étant en zone Ndr espaces à protéger et site exposé au risque de glissement de terrain où toutes nouvelles constructions sont interdites, et estimant la valeur vénale à 1 000 €.

Par ordonnance du 8 janvier 2013, la mesure de curatelle a été maintenue pour une durée de soixante mois, l'UDAF de l'Ain étant maintenue en qualité de curateur.

Le 15 mars 2013, la Société générale a fait délivrer à M. [W] un commandement de payer la somme de 120 520,94 euros.

M. [W] a été admis au bénéfice d'une procédure de surendettement le 30 avril 2013.

Par acte du 1er décembre 2014, M. [W] et son curateur, l'UDAF de l'Ain, ont fait assigner Mme [T] [P] et la Société générale devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse afin de faire reconnaître la nullité de la vente et du prêt et, subsidiairement, de rechercher la responsabilité de la banque.

Par jugement du 5 mars 2018, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :

- déclaré irrecevables car prescrites les actions en nullité de la vente du 2 mars 2007 engagées par M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain, fondées sur l'insanité d'esprit et le défaut de cause ;

- déclaré recevable l'action en nullité de la vente du 2 mars 2007 engagée par M. [W], assisté par son curateur l'UDAF de l'Ain, fondée sur l'erreur ;

- débouté M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain, de sa demande en nullité de la vente du 2 mars 2007 pour erreur ;

- débouté M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain, de sa demande en paiement à l'encontre de la Société générale ;

- condamné M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain, à payer à la Société générale la somme de 112 535,64 euros, en principal, outre indemnité forfaitaire, intérêts conventionnels et frais arrêtés à la date du 2 juillet 2014 à la somme de 9 685,74 euros à parfaire jusqu'à entier règlement et outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- condamné M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain, aux dépens qui seront distraits au profit de Maître Jérôme LECROCQ et de la SELARL L. ROBERT et ASSOCIES, avocats.

Par déclaration reçue au greffe le 13 mars 2018, M. [W] et l'UDAF de l'Ain ès qualités, ont interjeté appel des dispositions de ce jugement à l'exception de celle ayant déclaré recevable l'action en nullité de la vente fondée sur l'erreur.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 4 juin 2019, M. [W] et l'UDAF de l'Ain ès qualités, demandent à la cour de réformer le jugement déféré sauf en ce qu'il a jugé recevable la demande de nullité fondée sur l'erreur, et statuant à nouveau, de :

Vu l'article 489 ancien du code civil,

- Débouter Mme [P] et la Société générale de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- Dire et juger l'action recevable,

- Prononcer la nullité des actes de vente et de prêt du 2 mars 2007 pour insanité d'esprit,

Subsidiairement,

Vu l'article 1109 du code civil,

- Prononcer la nullité des contrats de vente et de prêt du 2 mars 2007 pour erreur,

Plus subsidiairement,

Vu l'article 1131 du code civil,

- Prononcer la nullité des contrats de vente et de prêt du 2 mars 2007 pour défaut de cause,

- A défaut, dire ces contrats inopposables à M. [W],

Dans tous ces cas,

- Dire et juger la Société générale tenue de se faire son affaire personnelle auprès de Mme [P] de la restitution des sommes prêtées,

- Condamner la Société générale à restituer à M. [W] assisté par son curateur l'intégralité des sommes perçues au titre du prêt,

Plus subsidiairement encore, dire et juger :

- nul le contrat de prêt en raison de l'erreur affectant la détermination de son objet,

- prescrite la demande de condamnation de la Société générale,

- nulle la clause de stipulation d'intérêt reposant sur la clause lombarde,

- infondée la demande de condamnation à une indemnité forfaitaire,

A titre infiniment subsidiaire,

Vu l'article 1134 ancien du code civil,

- Condamner la Société Générale à payer à M. [W] assisté par son curateur une somme équivalente aux sommes restant dues,

- Dire et juger qu'il y a lieu à compensation,

En tout état de cause,

- Condamner solidairement Mme [P] et la Société générale à payer à M. [W] assisté par son curateur la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner les mêmes à payer à Maître de BOYSSON la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- Condamner les mêmes en tous dépens avec application au profit de la SELARL BERNASCONI ROZET MONNET-SUETY FOREST DE BOYSSON, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Ils font valoir s'agissant de l'action en nullité,

* sur l'insanité d'esprit,

- que la position du tribunal sur la recevabilité de cette action est doublement contestable en ce qu'elle revient à omettre que c'est M. [W] qui est titulaire de l'action de telle sorte qu'une prétendue faute de son curateur ne lui est pas opposable et, subsidiairement, en ce qu'elle ne tient pas compte de la date à laquelle le curateur a effectivement connu les faits de nature à agir,

- que M. [W], titulaire de l'action, n'est pas en mesure de refaire valablement l'acte ; que sa curatelle ordonnée à l'issue d'une décision reconnaissant l'absence d'expression d'une volonté valable en 2008, a été maintenue par jugement du 8 janvier constatant que sa situation ne s'était pas améliorée de sorte que son impossibilité d'agir perdure ; que l'absence de suspension de droit ne conduit pas à refuser toute suspension dès lors que le juge est tenu d'une appréciation in concreto et de vérifier les facultés mentales ; qu'en l'espèce la suspension est justifiée ; que M. [W] n'est pas prescrit et ne saurait se voir opposer une prétendue carence de l'UDAF de l'Ain ;

- subsidiairement, que le délai de procédure doit être déterminé en fonction de la connaissance par le curateur des faits devant l'amener à agir ; que l'UDAF ayant eu connaissance du contrat de vente le 20 mai 2010 et de la cause de nullité de cet acte, à savoir la 'décorrélation' entre la valeur d'achat et la valeur réelle du bien par le courrier de la société Foncia du 10 octobre 2012 confirmé par l'avis des domaines du 5 décembre 2012, le point de départ de la prescription doit être fixée au 10 octobre 2012 ;

- que l'UDAF n'a établi aucun inventaire mais que cet état de fait est indifférent dans la mesure où la réalisation de cet inventaire aurait fait ressortir l'existence d'un bien pour lequel aurait été légitiment retenu la valeur d'achat, le curateur n'ayant aucune obligation de vérifier la 'véracité d'une valorisation immobilière authentique', mais pas fait ressortir la 'décorrélation' entre la valeur d'achat et la valeur réelle du bien apparue le 10 octobre 2012 ; qu'il en est de même des mensualités du prêt,

- subsidiairement, sur le fond, que M. [W] n'était pas sain d'esprit lorsqu'il a contracté cet achat ; que l'acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental compte tenu du prix (51 € le m2 non constructible), du délai entre le compromis et la réitération (six mois) et du contenu peu cohérent des autres actes signés (prêt visant l'acquisition d'une construction immobilière, demande d'adhésion à l'assurance visant une durée de 25 mois au lieu de 300);

- que de plus, M. [W] souffre de trouble psychique depuis ses 12 ans et a été traité en 1998, 2004 et 2006 ; qu'il a été admis à l'hôpital en avril 2007 puis en clinique psychiatrique presque sans interruption jusqu'au 8 avril 2011 ce qui a constitué pour lui une impossibilité d'agir ; que la preuve d'un trouble mental antérieur comme postérieur à l'acte est démontrée ; que cet état habituel permet de présumer l'altération, le trouble mental au moment des actes de vente et de prêt du 2 mars 2007 ; que faute pour le défendeur à l'action de rapporter la preuve d'un intervalle de lucidité, il est établi que les actes d'achat et de prêt n'ont pas été conclus par une personne saine d'esprit ; que l'acte d'achat doit être annulé et subséquemment le contrat de prêt accessoire.

* subsidiairement, sur l'erreur,

- que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré cette action recevable,

- au fond, que l'erreur sur la valeur n'est pas assimilé à un vice du consentement sauf lorsqu'elle découle elle-même d'une erreur sur les qualités essentielles ; qu'en matière immobilière, le caractère constructible du terrain objet du contrat constitue une qualité essentielle ; que M. [W] n'a pas compris ce qu'il achetait et s'est manifestement mal représenté la réalité et cela dans des conditions qui ne laissent aucun doute sur sa confusion; qu'il a non seulement acheté un terrain cent fois le prix qu'il pouvait valoir ce qui constitue pas seulement une erreur sur la valeur mais plus directement sur l'onérosité du bien ; qu'il a d'autre part cru acquérir un terrain constructible qui ne l'était en réalité pas ce qui constitue une erreur sur une qualité substantielle ; que cette erreur doit être appréciée à l'aune du contenu du compromis la vente étant formée à ce moment là ; que le silence de cet acte à ce sujet et le prix payé induisaient une constructibilité ; que l'offre et l'acte de prêt visant en objet l'acquisition d'une maison individuelle et une occupation à titre principale de l'emprunteur, confortaient le caractère constructible ; qu'il est peu probable qu'un petit cabanon en bois pourrait être décisif ; que contrairement à ce que soutient Mme [P], M. [W] ne s'était pas attaché les services d'un notaire ; qu'il n'est pas démontré que c'est M. [W] qui a exigé un plan de bornage ;

* plus subsidiairement, sur l'absence de cause

- s'agissant de la recevabilité, les mêmes éléments que ceux développés pour l'action en nullité pour cause d'insanité d'esprit,

- sur le fond, que la contrepartie escomptée par M. [W] n'était pas susceptible d'être satisfaite ; que l'obligation de payer la somme de 103 000 euros reposait sur une fausse cause, puisque l'achat est quasiment sans contrepartie.

Plus subsidiairement encore, ils font valoir :

- que le contrat de prêt est nul en raison de l'erreur affectant la détermination de son objet,

- que la demande de condamnation de la SA Société générale formée pour la première fois par conclusions notifiées en mai 2017, est prescrite, le premier incident de payement non régularisé remontant au 1er juin 2011,

- que la clause de stipulation d'intérêt reposant sur la clause lombarde, est nulle ; que cette demande est recevable en ce qu'elle tend à la même fin que le demande de nullité formé en première instance, à savoir s'opposer au remboursement de tout ou partie des sommes demandées par la Société générale ; qu'invoquée à titre d'exception, elle n'est pas prescrite,

- que la demande de condamnation à une indemnité forfaitaire n'a pas de fondement contractuel.

* A titre infiniment subsidiaire, ils soutiennent que la Société générale a violé son obligation d'information et de conseil en acceptant de financer sans mise en garde à hauteur de 103 000 euros un bien en réalité dépourvu de valeur ; que M. [W] s'était opposé au refus de plusieurs autres établissements bancaires dont une agence de la même banque ; que la Société générale a été pour le moins peu regardante ; qu'elle a en outre attribué à son contrat un objet erroné.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 22 mai 2019, Mme [P] demande à la cour, au visa des articles 451, 489, 1109, 1110, 1131, l 132 et 1304 anciens du code civil, 1589, 2224, 2234 et 2235 du code civil, et 199, 201, 202 du code de procédure civile, de :

- Recevoir M. [W] et l'UDAF de l'Ain en leur appel et les déclarer mal fondés,

- Ecarter des débats les pièces produites par M. [W] et par l'UDAF de l'Ain sous les n°33, 34 et 35,

- Confirmer le jugement du 5 mars 2018 en ce qu'il a déclaré prescrite les actions en nullité de la vente fondées sur l'insanité d'esprit et l'absence de cause,

- Réformer le jugement du 5 mars 2018 en ce qu'il a déclaré recevable l'action en nullité de la vente fondée sur l'erreur, la recevoir en son appel incident, et dire prescrite l'action en nullité de la vente et de pacte de prêt fondée sur l'erreur,

Sur le fond,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'action en nullité de la vente et de pacte de prêt fondée sur l'erreur,

- débouter M. [W], assisté par l'UDAF de l'AIN de sa demande de nullité fondée sur l'absence de cause,

- débouter M. [W], assisté par l'UDAF de l'AIN de l'intégralité de ses demandes notamment au titre des restitutions,

- condamner M. [W], assisté par l'UDAF de l'AIN à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner également aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jérôme LECROQ, avocat sur son affirmation de droit.

Elle fait valoir :

Sur la recevabilité,

- que l'UDAF de l'Ain, saisie des intérêts de M. [W] par décision du 19 février 2008, disposait d'un délai de 5 ans pour agir dans la défense des intérêts de ce dernier soit jusqu'au 18 février 2013 ; qu'elle ne justifie d'aucune cause l'ayant valablement empêchée d'agir et de nature à suspendre ou interrompre les délais de prescription ;

- que l'UDAF de l'AIN qui devait procéder à l'inventaire de tous les biens de la personne protégée dans les dix jours de sa désignation pour déterminer la consistance de son patrimoine n'apporte pas la preuve qu'elle n'a pas pu procéder à l'identification du bien en cause ; qu'elle avait nécessairement accès aux relevés bancaires du majeur protégé sur lesquels étaient prélevées les échéances du prêt immobilier consenti par la Société générale, ce qui a immanquablement dû la conduire à s'interroger sur les motifs de ce prêt et démontre qu'elle était parfaitement informée dès sa saisine de l'acquisition immobilière réalisée par M. [W] ; qu'elle n'est pas fondée à invoquer sa propre turpitude.

Sur le fond,

- que M. [W], assisté par Maître [F], son notaire lequel n'a nullement estimé que son client était en incapacité de contracter la vente le 2 mars 2007, échoue dans la preuve qui lui incombe de son insanité d'esprit le jour de la signature de l'acte ; qu'il était dans un intervalle de lucidité au moment de la signature du compromis du 2 mai 2006 qui valait vente et ce, alors qu'il était sorti d'hospitalisation le 29 avril 2006 laissant ainsi présumer que son état ne nécessitait plus aucun soin en milieu hospitalier et qu'il était dès lors - en l'absence de toute autre preuve médicale contraire - en pleine possession de ses moyens et donc pleinement capable de signer l'acte, et alors qu'une nouvelle hospitalisation de M. [W] n'interviendra qu'un an plus tard, après la signature de l'acte authentique soit à partir du 23 avril 2007 ; qu'au regard de la chronologie invoquée par l'appelant et des pièces justificatives produites (ou de leur absence), M. [W] ne démontre nullement un état habituel qui l'aurait rendu incapable de façon continue et permanente, de contracter le moindre engagement ni la moindre obligation,

- qu'il était en état de lucidité au moment de la signature de l'acte authentique le 2 mars 2007 alors que les notaires n'ont rien noté de suspect concernant sa capacité et alors qu'il ne sera hospitalisé que le 23 avril 2007 soit sept semaines plus tard laissant ainsi présumer l'existence d'un second intervalle de lucidité en l'absence de toute autre preuve médicale fournie et rapportant la preuve contraire,

- que M. [W] ne justifie pas non plus avoir informé la Compagnie d'assurance chargée de garantir le prêt souscrit de ce qu'il souffrait d'affections psychiatriques, laissant ainsi présumer sa pleine capacité à contracter,

- que l'erreur sur le prix n'est pas une cause de nullité de la convention alors que la constructibilité du terrain n'est jamais entrée dans le champ contractuel faute pour les appelants de verser aux débats le compromis de vente complet signé le 2 mai 2006 et alors qu'il est parfaitement noté en première page dudit document qu'il faisait l'acquisition d'un 'chalet-cabanon sur sol' sans autre précision et que l'inconstructibilité de la parcelle était notée dans l'acte authentique de vente, M. [W] ayant par ailleurs reconnu dans ce dernier acte, avoir visité les lieux vendus,

- que chaque partie avait son notaire ; que ni l'état de l'acheteur ni le prix de la transaction n'ont alerté les notaires,

- que Pongy est situé à 15 minutes de l'aéroport de [Localité 8] et qu'elle produit une annonce de vente d'un chalet isolé de 35 m2 à 38 kilomètres de [Localité 8] au prix de 105 000 euros,

- que M. [W] n'a pas attrait son notaire dans la cause.

Elle ajoute qu'elle est dans l'incapacité financière de restituer les fonds.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 24 mai 2019 la SA Société générale demande à la cour au visa des articles 1147 et 464 du code civil et 122, 202 et 564 du code de procédure civile, de :

- Confirmer le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action en nullité de la vente du 2 mars 2007 engagée M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain, fondée sur l'erreur, et débouté la Société générale de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- écarter des débats les pièces 34 et 35 produites par les appelants, attestations non conformes à l'article 202 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable l'action en nullité fondée sur l'erreur en ce qu'elle est prescrite,

- condamner M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain à lui payer la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile la demande nouvelle en appel relative à la nullité de la clause de stipulation d'intérêts, subsidiairement, la déclarer prescrite,

Subsidiairement,

- débouter M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain de ses demandes visant à voir prononcer la nullité des contrats de vente et de prêts sur le fondement de l'insanité d'esprit, de l'erreur et de l'absence de cause,

A titre infiniment subsidiaire,

- constater un partage de responsabilité entre M. [W] et la Société générale,

En conséquence,

- Dire et juger que les dommages et intérêts versés par la SA Société générale à M. [W], représenté par l'UDAF de l'Ain, ne peuvent être supérieurs à 1/3 de la somme de 60 281, 32 € correspondant à 1/3 de la créance qu'elle détient sur le bien immobilier.

Y ajouter les dépens d'appel.

Elle fait valoir :

S'agissant de la prescription des actions en nullité pour insanité d'esprit et absence de cause :

- que la mesure de curatelle renforcée ayant été ordonnée le 19 février 2008, M. [W] assisté de l'UDAF de l'Ain avait jusqu'au 19 février 2013 pour contester la validité des actes;

- qu'à compter de sa désignation, l'UDAF avait l'obligation d'établir un inventaire dans les dix jours ce qu'elle n'a pas fait ou tout du moins dont elle ne justifie pas ; que cet inventaire aurait révélé l'existence du bien ; qu'il aurait impliqué sa valorisation ; que contrairement à ce que soutient l'UDAF, le prix convenu par les parties dans l'acte de vente ne constitue pas une valorisation ; qu'il est requis du curateur dressant l'inventaire immobilier de fournir un avis de valeur établi par un agent immobilier ou un notaire ; que l'UDAF n'est pas fondée à se prévaloir de sa propre turpitude ; qu'elle ne saurait invoquer la réception tardive du contrat de vente qui a toujours été en possession de M. [W] ; qu'en réalité l'UDAF était informée de l'existence des actes de prêt et de vente pour avoir été informée par courrier de Maître [F] le 20 mai 2010 ; qu'en outre un virement de 2 000 euros a été opéré en règlement des mensualités en retard le 8 novembre 2012 ; que M. [W] et son curateur l'UDAF étaient donc à même d'exercer l'action en contestation pendant le temps restant à courir avant la prescription ;

Subsidiairement, sur le fond s'agissant de l'action en nullité pour insanité d'esprit,

- que M. [W] et son curateur l'UDAF qui agissent sur le fondement de l'article 489 du code civil, doivent rapporter la preuve de l'insanité d'esprit de M. [W] au moment de l'acte ce qu'ils ne font pas, une écrasante majorité des hospitalisations dont ils font état sont postérieures à la signature de l'acte de vente et du prêt, l'attestation de la fille de M. [W] n'a pas de valeur probante, et la seule valorisation haute d'un terrain inconstructible ne constitue pas la preuve d'un trouble mental ; que M. [W] ne s'est pas engagé sur un coup de tête, qu'il a sollicité un bornage et a eu dix mois de réflexion entre la compromis et la réitération ; que, sauf à engager sa responsabilité civile professionnelle, son notaire a nécessairement dû s'assurer de sa capacité ; que ce notaire n'a pas été mis dans la cause ;

Sur la prescription de l'action fondée sur l'erreur,

- que l'erreur aurait du être découverte par l'UDAF lors de l'établissement de l'inventaire et de la valorisation du bien auquel elle aurait du procédé dans ce cadre ; que c'est donc à tort que le tribunal a jugé que l'UDAF pouvait se prévaloir de sa propre carence dans la réalisation de cet inventaire pour bénéficier d'un allongement du délai de prescription ; que l'acte de vente que M. [W] aurait dû lui communiquer, mentionne le caractère inconstructible du terrain ; que Maître [F] a adressé une copie de cet acte à l'UDAF par courrier du 20 mai 2010 ; que rien n'établi que l'UDAF n'a eu connaissance de la valeur du terrain qu'à la date du courrier de l'agence Foncia du 10 octobre 2012.

Subsidiairement, sur le fond, s'agissant de l'action fondée sur l'erreur et sur la cause,

- que la SA Société générale n'a de lien contractuel qu'avec M. [W] ;

- qu'en sa qualité de prêteur, en vertu du principe de non immixtion, elle n'est pas tenue d'apprécier la valeur du bien financé ;

- que l'erreur sur la valeur n'est pas une cause de nullité ;

- que les appelants procèdent par voie de supposition assez vagues mais ne démontrent pas;

- qu'ils ne démontrent notamment pas que M. [W] avait fait de la constructibilité une qualité essentielle, ni que l'erreur était excusable et déterminante de son consentement.

S'agissant de sa demande en paiement de sa créance, elle fait valoir :

- qu'elle a demandé le paiement de sa créance par conclusions du 15 mai 2017 auxquelles il n'a jamais été répliqué et que c'est pour la première fois en cause d'appel, que les appelants en soulèvent la prescription ;

- qu'à la suite de plusieurs incidents de paiement non régularisés, elle a prononcé la déchéance du terme le 19 février 2013 ; que sa demande n'est pas prescrite ; que si initialement, elle disposait jusqu'au 19 février 2015 pour agir, la prescription a été interrompue par de nombreux actes d'exécution forcée ; qu'en outre le dépôt du dossier de surendettement valant reconnaissance de la dette, a suspendu la prescription pendant toute la durée du plan,

- qu'elle a fait délivrer un commandement aux fins de saisie-vente le 13 mars 2013, que le procès-verbal de saisie a été converti en procès-verbal de carence mobilière par exploit du 17 avril 2013,

- que parallèlement, M. [W] assisté de l'UDAF a déposé un dossier de surendettement qui a été déclaré recevable le 30 avril 2013, de sorte qu'elle n'a pu mener à bon terme sa procédure de saisie-attribution,

- que par courrier du 9 janvier 2014, la commission de surendettement a informé M. [W] des mesures imposées, la phase amiable ayant échoué en raison de son refus des obligations du plan conventionnel par le débiteur ; que les mesures imposées comprenaient un moratoire de douze mois pour le remboursement du prêt, afin de permettre à M. [W] de percevoir l'héritage de sa mère décédée, cette succession devant lui permettre de solder une partie de son endettement,

- que le délai de prescription interrompu par le commandement aux fins de saisie-vente, a couru de nouveau à compter du 17 avril 2013 pour être suspendu pendant la durée du plan de surendettement qui s'est terminé le 2 avril 2015 ;

- que le 15 mai 2015, elle a fait dresser un certificat de non contestation signifié à l'étude de notaire en charge de la succession le 10 juin 2015 ; que cet acte est interruptif de prescription,

- que pour garantir le paiement de sa créance, elle a sollicité le paiement devant la première juridiction par conclusions notifiées le 15 mai 2017.

MOTIFS

Sur la recevabilité des pièces 33, 34 et 35

Mme [P] et la SA SG demandent tous les deux à la cour d'écarter des débats des pièces n° 34 et 35 communiquées par l'appelant, Mme [P] forme en outre la même demande en ce qui concerne la pièce 33.

Il n'est ni allégué ni justifié que ces pièces auraient été obtenues de façon déloyale de sorte qu'il n'y a pas lieu de les écarter des débats, la cour devant, le cas échéant, apprécier leur valeur probante dans le cadre du débat au fond.

Sur la recevabilité de l'action en nullité de la vente

Aux termes de l'article 489 ancien du code civil, applicable en l'espèce, 'Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit.

Mais c'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.

Du vivant de l'individu, l'action en nullité ne peut être exercée que par lui, ou par son tuteur ou curateur, s'il lui en a été ensuite nommé un.

Elle s'éteint par le délai prévu à l'article 1304. '

Selon l'article 1304 ancien du code civil applicable en l'espèce : 'Dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n 'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure 5 ans.[...].

Le temps ne court, à l'égard des actes faits par un mineur, que du jour de la majorité ou de l'émancipation ; et à l'égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu'il était en situation de les refaire valablement ...'.

En l'espèce, M. [W] a été placé sous curatelle renforcée par jugement du juge d'instance de Nantua du 19 février 2008 du fait d'une 'maladie dépressive majeure à expression déficitaire qui altère ses capacités au point d'empêcher l'expression de sa volonté'. Le juge s'est prononcé au vu notamment d'un certificat médical du médecin traitant de M. [W] en date du 27 octobre 2007 et du certificat médical d'un médecin spécialiste inscrit sur la liste établie par la procureur de la République délivré le 10 novembre 2007.

M. [W] n'était donc pas encore sous curatelle, et donc pas majeur protégé au sens de l'article 1304, au moment de la signature de l'acte sous seing privé du 2 mai 2006 puis des actes authentiques de vente et de prêt du 2 mars 2007.

Il ne bénéficie donc pas de la suspension de droit du délai de prescription de l'article 1304.

A supposer que M. [W] ait été dans l'impossibilité absolue d'agir antérieurement à son placement sous curatelle, c'est par de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que, sauf à priver cette mesure de toute substance, l'ouverture de la curatelle renforcée le 19 février 2008 a mis fin à cette impossibilité d'agir et donc à la suspension de la prescription.

Cette mesure est en effet censée apporter au majeur protégée toute l'assistance nécessaire. L'UDAF qui s'est rapprochée de la Société générale dès le 1er avril 2008, a été informé de l'existence d'un prêt immobilier, et a ensuite été avisée des impayés au plus tard à partir du 15 octobre 2008, ne peut utilement invoquer le fait qu'elle n'a pas procédé à l'inventaire des biens de M. [W] alors même qu'il s'agit d'une exigence légale rappelée dans le jugement de curatelle renforcée de M. [W].

Contrairement à ce qu'elle soutient, l'établissement de cet inventaire consiste, s'agissant d'un bien immobilier, à l'estimer et non pas seulement à s'en tenir au prix auquel il a été acheté. Rien ne permet de retenir qu'elle n'a pas pu prendre la mesure de l'absence de corrélation entre la valeur d'achat et la valeur réelle avant le courrier de la société Foncia du 10 octobre 2012 confirmé par l'avis des domaines du 5 décembre 2012, étant observé que, à supposer même que ce soit le cas, elle était alors encore dans les temps pour agir.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en nullité pour cause d'insanité engagée le 1er décembre 2014.

En cause d'appel, les appelants font expressément valoir une erreur sur la valeur qualitative du bien à savoir son caractère constructible. Mais, à supposer même que ce caractère constructible ait été déterminant pour M. [W], force est de constater que l'inconstructibilité apparaît clairement en page 7 de l'acte notarié signé le 2 mars 2007 ; que M. [W] disposait d'une copie authentique de cet acte depuis le 30 mai 2007 ainsi que cela ressort d'une mention portée sur la première page de l'acte ; que l'UDAF, chargée de dresser un inventaire de ces biens et donc de se renseigner sur son patrimoine et tout particulièrement sur son patrimoine immobilier rapidement après la décision du 19 février 2008, et de l'assister, ne démontre pas avoir eu connaissance du caractère inconstructible du bien uniquement le 20 mars 2010, date de réception d'une autre copie de cette acte.

Il convient en conséquence de déclarer l'action irrecevable comme prescrite.

C'est par de justes et pertinents motifs adoptés par la cour que le premier juge a déclaré l'action fondée sur la nullité pour défaut de cause prescrite.

Sur la demande de nullité du contrat de prêt pour erreur sur la détermination de son objet

A l'appui de cette demande, les appelants font valoir que le contrat de prêt aurait eu pour objet 'lacquisition [d'une] maison individuelle' avec une occupation à titre de résidence principale de l'emprunteur. Ils en déduisent qu'il est 'patent' que cet objet est erroné.

L'erreur n'est une cause de nullité que si elle a vicié le consentement de celui qui s'est engagé.

En l'espèce, M. [W] n'allègue ni ne démontre qu'il ait pu par cette mention erronée être trompé sur le fait que le prêt souscrit avait pour objet de financer l'acquisition du bien immobilier de POUGNYde sorte que son action en nullité doit être rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de la Société générale

1/ sur la recevabilité de cette demande,

Les appelants font valoir que la demande en paiement formée par la SA Société générale pour la première fois par conclusions notifiées en mai 2017, est prescrite, le premier incident de payement non régularisé remontant au 1er juin 2011.

La Société générale répond que la prescription de cette demande est soulevée pour la première fois en cause d'appel mais sans en tirer de conclusion en terme de recevabilité.

L'article L.137-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Cette disposition s'applique au recouvrement par le banquier de sa créance au titre d'un prêt immobilier souscrit par un particulier pour son habitation.

A l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte qu'en matière de crédits immobiliers, si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité

Selon l'article 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou par un acte d'exécution forcée.

En l'espèce, il est acquis que le premier incident non régularisé est survenu le 1er juin 2011. Toutefois, la SOCIETE GENERALE justifie avoir fait délivrer à M. [W] un commandement aux fins de saisie vente le 13 mars 2013 de sorte que la prescription a été interrompue pour les échéances antérieures de moins de deux ans à cette date.

La Banque justifie ensuite avoir notifié la déchéance du terme le 19 février 2013 et avoir fait procéder à une saisie vente par acte du 17 avril 2013 converti en PV de carence puis à une saisie attribution par acte du 21 mai 2013, actes d'exécution forcée, également interruptifs de prescription.

La procédure de surendettement introduite par M. [W] a été déclarée recevable le 30 avril 2013 de sorte que le délai de prescription, couru à compter du 17 avril 2013, a été suspendu jusqu'au terme du plan soit le 2 avril 2015, date de la fin du moratoire d'un an prévu par les mesures imposées.

La Banque justifie avoir fait dresser un certificat de non contestation de la saisie-attributionle 15 mai 2015, signifié à l'étude du notaire en charge de la succession de la mère du débiteur signifié le 15 juin 2015.

Il en résulte que la prescription a été régulièrement interrompue et qu'aucune prescription

n'était acquise à la date de sa demande en justice à savoir le 15 mai 2017.

2/ sur la demande de nullité de la stipulation d'intérêts

M. [W] assisté de l'UDAF ès qualités, forment en appel une demande de nullité de la stipulation d'intérêts au motif qu'elle repose sur la clause lombarde.

La SA Société générale soulève l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en appel sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, les demandes nouvelles en cause d'appel ne sont pas irrecevables lorsqu'elles ont pour objet de faire écarter les prétentions adverses.

Le moyen de nullité de la clause de stipulation d'intérêts constitue une défense à la prétention de la banque au paiement de l'intégralité de sa créance de sorte qu'il est recevable.

L'exception de nullité ne peut jouer que pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté, ce qui n'est pas le cas du prêt consenti par la Société générale, de sorte que M. [W] n'est pas fondé à se prévaloir du caractère perpétuel de l'exception.

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il en résulte que l'action en nullité de la stipulation d'intérêts se prescrit par cinq ans et que ce délai court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur, c'est à dire la date de l'offre de prêt lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur.

En l'espèce, la clause critiquée de l'acte qui figure au paragraphe intitulé 'taux d'intérêt du prêt' est la suivante 'Capital X nombre de jours précis (date de valeur à date d'échéance) X taux (défini dans les conditions particulières) / 360 jours x 100'. Il en résulte que l'emprunteur était en mesure de constater dès la signature de l'acte de prêt l'irrégularité qu'il estime affecter l'offre tenant au calcul des intérêts sur une année de 360 jours de sorte que son action en nullité de la clause de stipulation d'intérêts est prescrite. A supposer même que l'on retienne que M. [W] était dans l'impossibilité d'agir et que la prescription a été suspendue jusqu'à l'ouverture de la curatelle renforcée le 19 février 2008, cette action en nullité de la stipulation d'intérêts formée pour la première fois en cause d'appel donc au plus tôt le 13 mars 2018, est prescrite.

2/ sur l'indemnité forfaitaire

Les demandeurs font valoir, pour la première fois en appel, que le premier juge a fait droit à la demande d'indemnité forfaitaire présentée par la Société générale alors que cette demande n'a pas de fondement contractuel.

Il résulte toutefois de l'article 9 paragraphe B des conditions générales du prêt que si, en cas de défaut de paiement des échéances aux dates convenues, le prêteur exige le remboursement immédiat des sommes dues, il peut demander une indemnité qui ne peut dépasser 7% desdites sommes.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a fait droit à ce chef de demande.

Sur l'action en responsabilité de la banque

C'est par une exacte analyse des éléments de faits qui lui étaient soumis et par de justes et pertinents motifs que le premier juge a retenu qu'aucune faute contractuelle de la Société générale n'était caractérisée.

En cause d'appel, les appelants font valoir que 'ce n'est manifestement qu'en raison d'une connivence toute particulière avec l'agent immobilier que le prêt a été accordé'. La banque estime que cette présentation des faits est fallacieuse et que la preuve n'en est pas rapportée.

A l'appui de cette allégation, les appelants produisent l'attestation du cousin de M. [W] qui rapporte que ce dernier lui a expliqué qu'après s'être vu refuser un prêt par trois banques, il s'est retourné vers l'agent immobilier en charge de la vente dont l'agence est à [Localité 5] qui lui a assuré qu'il trouverait une solution et qui, quelques jours plus tard, l'a convoqué à l'agence de la Société générale de [Localité 5] pour signer le contrat de prêt après avoir simplement présenté ses dernières fiches de paie. Ce témoin ajoute qu'il était très surpris par l'octroi d'un prêt sans difficulté grâce à l'intervention de l'agent immobilier alors qu'il s'agissait du même terrain, du même demandeur et des mêmes revenus.

Cette attestation est tout à fait insuffisante à établir l'existence de la connivence invoquée dans la cadre de l'action en responsabilité.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, les courriers recommandés adressés par la Société générale à l'UDAF de l'Ain en 2008, sont sans ambiguïté sur le fait de l'existence d'un prêt. Etant relevé qu'ils ne soutiennent pas que la Société générale n'a pas répondu utilement à la demande de renseignement de l'UDAF du 1er avril 2008 en vue de recenser des éléments bancaires concernant M. [W] et notamment les prêts souscrits auprès de cette banque.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [W] assisté de son curateur, de son action en responsabilité contre la Banque.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

M. [W] assisté de son curateur sera condamné aux dépens d'appel. Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la Cour,

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a :

- déclaré recevable l'action en nullité de la vente du 2 mars 2007 engagée par M. [W], assisté par son curateur l'UDAF de l'Ain, fondée sur l'erreur ;

- débouté M. [W], assisté de son curateur l'UDAF de l'Ain, de sa demande en nullité de la vente du 2 mars 2007 pour erreur ;

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l'action en nullité de la vente immobilière du 2 mars 2007 engagée par M. [W] et l'UDAF agissant en qualité de curateur de M. [W] sur le fondement de l'erreur ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute M. [W] assisté de l'UDAF ès qualités de sa demande de nullité du contrat de prêt en raison de l'erreur affectant la détermination de son objet ;

Déclare irrecevable l'action en nullité de la stipulation d'intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [W] assisté de l'UDAF ès qualités, au paiement des dépens.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 18/01921
Date de la décision : 29/10/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°18/01921 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-29;18.01921 ?
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