R.G : 16/09111
Décision du
Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE
Au fond
du 22 septembre 2016
RG : 11/3419
chambre civile
PEREZ Y FERNANDEZ
[G]
C/
[C]
[A]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 13 Février 2018
APPELANTS :
M. [G] [U] [P]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1] (MAROC)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON
Mme [F] [I] [G] épouse [P]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON
INTIMÉS :
M. [T] [C]
né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 1]
Représenté par Me Elise BONNAMOUR de la SELARL CABINET BONNAMOUR, avocat au barreau de l'AIN
Mme [L] [A] épouse [C]
née le [Date naissance 4] 1950 à [Localité 4])
[Adresse 2]
[Adresse 1]
Représentée par Me Elise BONNAMOUR de la SELARL CABINET BONNAMOUR, avocat au barreau de l'AIN
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Date de clôture de l'instruction : 07 Septembre 2017
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Décembre 2017
Date de mise à disposition : 13 Février 2018
Audience tenue par Françoise CARRIER, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller
- Michel FICAGNA, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
M. et Mme [C] et M.et Mme [P], sont propriétaires à [Localité 5] (01) de deux propriétés limitrophes.
Les deux tènements, en pente, sont séparés sur leur limite Est/Ouest par un muret de soutènement ancien en pierres sèches, d'une hauteur d'environ 1,50 m et d'une épaisseur d'environ 65 cm, rénové en 1985, appartenant à M.et Mme [P] et retenant les terres de leur parcelle située en amont de celle de leurs voisins.
Courant 1999, les époux [P] ont rehaussé leur muret en pierres sèches en édifiant au-dessus un mur composé de 6 rangées de moellons, les quatre premières rangées étant constituées de moellons à bancher de type «stepoc».
Les époux [C] doutant de la stabilité de ce mur «hybride», se sont adressés à leurs voisins puis à un conciliateur de justice.
Après avoir envisagé des travaux de reprise en sous-oeuvre des fondations, M. et Mme [P] ont finalement contesté la nécessité de tels ouvrages de confortement.
Par acte du 27 novembre 2011, M. et Mme [C] ont assigné M. et Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins de démolition du mur et réfection d'un nouveau mur dans les règles de l'art.
Par ordonnance du 5 décembre 2013, le juge de la mise en état, saisi par M. et Mme [C] d'une demande d'expertise, y a fait droit et a désigné pour y procéder M. [T], lequel s'est adjoint M. [E], en qualité de sapiteur.
Au cours des opérations d'expertise, M. et Mme [P] ont consulté M. [I], expert géologue, qui a conclu à la totale stabilité du sol d'assise, à l'absence de poussée significative des remblais retenus par le mur, et à la stabilité du mur, compte-tenu de sa conception et de l'ancrage dans la butte de la partie en moellons.
L'expert a alors sollicité un complément de consignation aux fins de vérification de la thèse de M. [I] par la réalisation de sondages dans la butte pour déterminer la nature du sol d'assise et des remblais.
Par ordonnance du 2 juin 2014, le juge de la mise en état a fixé à 2 500 € le montant du complément de consignation à la charge de M. et Mme [P], lesquels ont refusé de verser cette somme.
L'expert a déposé son rapport «en l'état» le 24 décembre 2014.
Aux termes de son rapport, l'expert a conclu :
- qu'il est permis de penser, en l'absence de sondage, que l'espace entre le rocher et le mur de soutènement a été remblayé et qu'il y a lieu de prendre toutes les mesures provisoires ou définitives pour la stabilité de ce mur sollicité par des poussées des terres,
- que la stabilité du mur n'est pas assurée dans le temps,
- que compte tenu de l'instabilité du mur existant en pierres sèches, il faudra soit le remplacer par un mur en béton armé conçu par un ingénieur structure, après étude géotechnique, soit envisager de le conserver après investigations réalisées par une équipe de maîtrise d'oeuvre.
M. et Mme [P] ont contesté les conclusions de l'expertise et conclu au débouté des demandes de M. et Mme [C], lesquels ont maintenu leurs prétentions tendant à la démolition totale du mur et à sa réfection ainsi qu'à la réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 22 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a condamné in solidum M. et Mme [P] :
- à procéder à la destruction du mur en pierres sèches et du mur en moellons, ainsi qu'à sa réfection en béton armé à leurs frais et ce sous astreinte de 80 € par jour de retard,
- et à payer à M. et Mme [C] les sommes de 2 000 € au titre de leur préjudice de jouissance, 1 000 € au titre de leur préjudice moral et pour résistance abusive et 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. et Mme [P] ont relevé appel de ce jugement dont ils demandent l'infirmation, ont conclu au débouté des demandes des époux [C] et à la condamnation de ces derniers à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils soutiennent :
- que les conclusions de l'expertise sont infirmées par le fait que le mur ne présente aucune désordre manifeste,
- que l'expert géologue qu'ils ont consulté atteste de sa stabilité,
- qu'ils sont disposés a entretenir le mur en pierres sèches,
- à titre subsidiaire que les préjudices ne sont pas caractérisés.
M. et Mme [C] demande à la cour, vu l'article 544 du code civil :
- de confirmer le jugement sur la démolition reconstruction du mur,
- de fixer leurs préjudices à hauteur de 30 000 € au titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, 10 000 € pour préjudice moral et 10 000 € pour résistance abusive.
Ils soutiennent :
- que le rapport d'expertise et les constats d'huissiers de justice qu'ils ont fait réaliser démontrent bien que le mur en pierres sèches se délite et que l'ensemble n'est pas stable,
- que leurs préjudices sont établis par les pièces produites, l'expert ayant ordonné un périmètre de sécurité de 5 m de profondeur à partir du mur litigieux,
- que ce litige a eu de sérieuses répercutions sur l'état de santé de Mme [C], et empêche toute transaction (vente ou donation partage) sur ce bien.
MOTIFS
Sur la demande de démolition reconstruction
Il résulte de l'article 544 du code civil, que nul ne peut causer à autrui un trouble anormal du voisinage.
sur le risque d'effondrement
En l'espèce, le rehaussement a été réalisé par M. [P] personnellement sans étude préalable.
Les experts ont conclu sur la base d'hypothèses concernant les remblais et concernant la conception du rehaussement, que l'ouvrage ne peut pas être considéré comme stable dans le temps.
Cependant, force est de constater que le rehaussement a été effectué en 1999, et qu'à ce jour, 18 ans après, aucun désordre n'est constaté sur la partie rehaussée, ce qui est confirmé par l'expert page 10 de son rapport : «Pour l'heure le mur neuf construit en bloc à bancher par les époux Perez ne présente pas de signe particulier d'instabilité, ni de rupture, ni d'affaissement , ni de désordre apparent de solidité. Les quelques éclats sur les blocs de mur à bancher ne sont que d'aspect esthétique».
Si l'expert relève cependant que le mur de soutènement utilisé comme soubassement est «en mauvais état général», «qu'il se détériore petit à petit», et que cette dégradation «entraînera alors son effondrement» et de facto «immédiatement et d'un seul coup, le basculement du nouveau mur avec glissement des terres contenues», rien indique qu'il n'est pas possible d'enrayer cette dégradation dont il n'est pas établi de surcroît qu'elle soit la conséquence directe de la surélévation effectuée.
En effet, selon le croquis réalisé par l'expert, le mur de soutènement a une épaisseur de 65 cm et le mur en moellon construit en retrait de 45 cm, a une épaisseur de 20 cm. Il est ancré dans la butte par des tranchées en béton (béton armé, selon les indications de M. [P]) et liaisonnées avec le stepoc.
Le mur de soutènement repose sur du rocher.
Le mur ayant passé l'épreuve du temps, il ne peut être considéré comme présentant un danger plus élevé qu'un ouvrage construit en conformité aux règles de l'art, sous réserve de l'entretien du mur de soutènement, qu'il y a lieu d'ordonner en tant que de besoin.
sur la privation d'ensoleillement et l'aspect inesthétique
Les époux [C] ne produisent aucune pièce précise à l'appui de ce grief.
Il sera relevé au contraire, vu des photographies produites, que le mur se trouve éloigné de la maison d'habitation.
D'autre part, l'on aperçoit sur le terrain des époux [C] des arbres de grande hauteur, entre le mur et la maison.
En ce qui concerne l'aspect esthétique, la hauteur de la partie en moellon est d'environ 1,30m, ce qui n'est pas de nature a créer une gêne visuelle.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement et de débouter M. et Mme [C] de l'ensemble de leurs prétentions.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
la cour,
Infirme le jugement déféré et statuant de nouveau,
- Déboute M. et Mme [C] de toutes leurs prétentions,
- Dit que M. et Mme [P] devront dans un délai de 6 mois à compter du présent arrêt, faire entreprendre par un professionnel qualifié, tous travaux d'entretien du mur de soutènement dans le but de le consolider, et d'éviter sa dégradation et le déversement de pierres sur le terrain voisin, sous astreinte de 50 € par jour de retard,
- Dit que la date des travaux sera définie d'un commun accord entre les parties et à défaut d'accord, dit que M. et Mme [C] devront autoriser le passage de cet entrepreneur à charge pour M. et Mme [P] de les aviser au moins un mois à l'avance de la date des travaux,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. et Mme [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE