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17/01/2017 | FRANCE | N°15/03044

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 17 janvier 2017, 15/03044


R.G : 15/03044









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 23 février 2015



RG : 10/6822

ch n°4





[H]

[T]



C/



SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE ( CIFRAA)





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 17 Janvier 2017







APPELANTS :



M. [R] [H]

assisté de sa curatrice, Mme [L] [X], née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (59) demeurant [Adresse 1], désignée en cette qualité par jugement du Tribunal d'Instance de SETE en date du 9 Septembre 2010.

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2] (ESPAGNE)

[A...

R.G : 15/03044

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 23 février 2015

RG : 10/6822

ch n°4

[H]

[T]

C/

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE ( CIFRAA)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 17 Janvier 2017

APPELANTS :

M. [R] [H] assisté de sa curatrice, Mme [L] [X], née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (59) demeurant [Adresse 1], désignée en cette qualité par jugement du Tribunal d'Instance de SETE en date du 9 Septembre 2010.

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 2] (ESPAGNE)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER, avocats au barreau de LYON

Assisté de la SELARL MBA ET ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER

Mme [F] [U] [T] [T] épouse [H] assistée de sa curatrice, Mme [L] [X], née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (59) demeurant [Adresse 1], désignée en cette qualité par jugement du Tribunal d'Instance SETE en date du 9 Septembre 2010.

née le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 4] (59)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SELARL MBA ET ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT venant aux droits de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE (CIFRAA), venant elle-même, aux droits de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE AIN, prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par la SELARL BOST-AVRIL, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP BILLY - BOISSIER - BAUDON, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND

******

Date de clôture de l'instruction : 07 Avril 2016

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Novembre 2016

Date de mise à disposition : 17 Janvier 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

assistés pendant les débats de Fabrice GARNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Fabrice GARNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Suivant acte reçu par Me [P], notaire à TEMPLEUVE (Hérault), le 11 octobre 2006, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE a consenti aux époux [H] un prêt dénommé sérénité 10 d'un montant de 3 559 335 € au taux nominal initial de 3,70% remboursable en 240 échéances de 21 010,38 € chacune, avec un différé d'amortissement au 10 avril 2007.

Ce prêt était notamment destiné à refinancer l'ensemble des biens immobiliers à usage locatif appartenant aux époux [H]. Il était garanti par des inscriptions d'hypothèques conventionnelles sur dix des biens immobiliers des emprunteurs.

Par un second acte authentique du même jour, la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE a consenti aux époux [H] un prêt de 535 120,69 € au taux initial de 3,40% remboursable par échéances mensuelles de 3 076,06€ hors assurance, destiné à refinancer la résidence principale des époux [H] sise à [Localité 6] (Nord). Il était garanti par une inscription d'hypothèque sur l'immeuble.

Les emprunteurs ont cessé de rembourser les échéances convenues au titre des deux prêts à compter du mois d'août 2009. Par lettre recommandée du 5 octobre et 5 novembre 2009, le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE les a mis en demeure de rembourser les échéances impayées.

Les époux [H] ont vendu l'immeuble sis à [Localité 6] au mois de décembre 2009 et ont remboursé le deuxième prêt.

Par lettre recommandée du 25 février 2010, le prêteur leur a notifié la déchéance du terme du premier prêt et les a mis en demeure de régler la somme de 3 506 737,05 €.

Par acte du 15 mars 2010, les éoux [H] ont saisi le tribunal de grande instance de LYON à l'effet de voir dire que le CIFRAA avait manqué à son devoir de mise en garde dans l'octroi du crédit et d'obtenir la réparation de leur préjudice.

Est intervenue volontairement à la procédure Mme [X], désignée comme curatrice des époux [H] par décision du juge des tutelles du 9 septembre 2010.

Par jugement du 23 février 2015, le tribunal a débouté les époux [H] de toutes leurs demandes et les a condamnés in solidum avec la SCI JOSEPHA, à payer au CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 8 avril 2015, les époux [H] ont interjeté appel de ce jugement.

Au terme de conclusions notifiées le 21 mars 2016, ils demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE à leur payer la somme de 3 300 000 € en réparation de la perte de chance de ne pas contracter et la somme de 100 000 € en réparation de leur préjudice moral, ce outre la somme de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de leur conseil.

Ils font valoir :

- qu'ils étaient des emprunteurs non avertis et que les crédits souscrits présentaient un risque d'endettement excessif, leurs revenus mensuels tels qu'ils résultaient de l'avis d'imposition de 2004 faisant apparaître un revenu mensuel de 3 021 € pour des charges mensuelles de 28 791 €,

- qu'après la souscription de l'emprunt leur endettement s'est alourdi et qu'en cas de rachat des prêts, la banque n'est pas dispensée de son devoir de mise en garde,

- que la société CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE n'avait pas racheté tous leurs crédits, qu'il a financé des travaux alourdissant encore la dette,

- que ce sont les revenus qui permettent de rembourser les emprunts, peu important la valeur des biens, le fait d'être propriétaire de biens d'une valeur dépassant le montant total des emprunts ne dispensant pas la banque de son devoir de mise en garde en cas de risque d'endettement,

- que les crédits avaient été octroyés au vu de la valeur des biens immobiliers dans un contexte de bulle du marché de l'immobilier qui s'est effondré par la suite,

- que l'intervention d'un intermédiaire en opérations de banque, d'un comptable et d'un notaire ne dispense pas le notaire de son devoir de mise en garde,

- qu'en 2005, les recettes brutes foncières étaient de 197 690 € mais ne procuraient qu'un revenu foncier net de 43 817 € alors que la charge de remboursement du prêt était de 329 901,36 € par an, ATTENTION : déduction du coût de travaux, ne se renouvelle pas chaque année mais la banque ne dit rien sur ce point....

- qu'ils n'ont dissimulé aucune information au prêteur de nature à modifier son opinion du risque,

- qu'ils sont des emprunteurs profanes, que M. [H] ne sait pas écrire, qu'il a eu un accident en 1976 lui interdisant l'exercice de toute activité professionnelle, et nécessitant la présence d'une tierce personne,

- qu'ils étaient des personnes vulnérables et incapables de gérer leur patrimoine à la date de souscription des prêts,

- que leur perte de chance de ne pas contracter était importante car il est très probable que s'ils avaient été bien informés, ils auraient décidé de vendre une partie de leur patrimoine,

- qu'ils ont toujours suivi les conseils des professionnels dont ils se sont entourés,

- que leur préjudice est constitué du montant des intérêts payés sur les deux prêts, coût des assurances et montant des frais (garanties hypothécaires), de la différence entre leur passif au moment de la souscription des prêts et le passif réclamé par la Banque et de la perte d'actif consécutive à la dévalorisation de leur patrimoine immobilier,

- qu'ils ont toujours suivi les conseils des professionnels qu'ils se sont adjoints et que leur perte de chance de ne pas contracter doit être estimée à 95%,

- que leur préjudice moral résulte de l'état de ruine dans lequel ils se trouvent par la faute de la Banque.

Au terme de conclusions notifiées le 4 février 2016, le CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE demande à la cour de confirmer le jugement déféré, débouter les époux [H] de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner à lui payer la somme de 7 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il fait valoir :

- qu'il n'était pas tenu à devoir de mise en garde dès lors que le patrimoine des époux [H] leur permettait de supporter la charge des emprunts,

- que leur avis d'imposition 2003 et 2004 et leurs déclarations de revenus 2004 et 2005 et faisaient apparaître des revenus salariaux de 16 406 € soit 1 367 € par mois et que les recettes nettes des revenus locatifs s'élevaient pour 2005 à 196 550 €, que leur déclaration ISF révélait un patrimoine net de 410 474 €,

- que par la suite, ils avaient multiplié les crédits dans le cadre d'acquisitions immobilières au travers de deux SCI et d'acquisition de fonds de commerce au travers de deux sociétés de restauration qui ont été rapidement placées en liquidation judiciaire,

- qu'ils avaient fait le choix d'investir les fonds dégagés par la vente de certains biens dans leurs activités commerciales au lieu de les affecter au remboursement des emprunts,

- qu'en 2006, les prêts accordés n'étaient pas excessifs au regard du patrimoine immobilier et locatif des emprunteurs et qu'il n'y avait pas lieu à devoir de mise en garde,

- qu'en tout état de cause, les époux [H] étaient des emprunteurs avertis; qu'ils avaient une très bonne connaissance des emprunts immobiliers puisqu'ils étaient propriétaires de très nombreux biens immobiliers placés sur le marché locatif et financés à l'aide de crédit immobiliers auprès de 8 établissements de crédit différents,

- que M. [H] se présentait comme un promoteur immobilier ainsi que cela ressort d'un article paru dans le journal Nord Eclair des 21 et 22 mai 2006,

- que l'achat du 2ème fonds de commerce de restauration s'était fait avec l'assistance de Mme [X], devenue leur curatrice qui gérait le compte professionnel de l'entreprise,

- que les appelants font état de leur vulnérabilité à la date de souscription des prêts mais se gardent bien d'en demander la nullité qui les obligerait à rembourser les fonds prêtés,

- que le banquier ne peut voir sa responsabilité engagée lorsque les emprunteurs l'ont empêché de remplir son devoir de mise en garde en lui fournissant des renseignements inexacts lors des demandes de prêt ; qu'en l'espèce, il ressort d'un procès-verbal de Me [N], huissier de justice à [Localité 7], en date du 8 mars 2010, que l'immeuble de [Localité 8] n'avait jamais été loué contrairement à ce qu'avaient indiqué les époux [H] lors de la demande de prêt en fournissant 4 contrats de location faisant apparaître un revenu de 5 200 € par mois,

- que les décisions du juge du surendettement n'ont pas autorité de la chose jugée au principal et que le jugement du 27 mars 2014 n'a pas autorité de la chose jugée en ce qu'il a retenu leur bonne foi,

- que les époux [H] avaient délibérément fait le choix de restructurer leurs différents emprunts, et que même s'ils avaient été avisés de l'existence d'un risque d'endettement, ils auraient quand même contracté,

- qu'aucune faute ne saurait lui être reprochée du fait des procédures d'exécution diligentées.

MOTIFS DE LA DECISION

Le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de l'emprunteur non averti dès lors que le crédit consenti risque d'entraîner un endettement excessif au regard de ses capacités financières.

En l'espèce, il ressort du tableau de synthèse des propriétés immobilières des époux [H] et des justificatifs remis au soutien des demandes de prêt que Mme [H] était propriétaire de onze immeubles dans le Nord, M. [H] de six et les deux époux de trois immeubles dans le Nord et d'un immeuble dans l'Hérault, soit 62 logements répartis en 23 adresses dont les loyers s'établissaient à 39 000 € par mois.

Selon une attestation de leur notaire en date du 4 juillet 2006 la valeur de ces biens était supérieure à 8 000 000 €.

Ces acquisitions, réalisées entre 1999 et 2005, avaient été financées au moyen de crédits immobiliers souscrits auprès de différentes banques, 23 emprunts auprès de 8 banques différentes restaient en cours que le prêt de 3 559 335 € était pour l'essentiel destiné à refinancer.

Il ressort d'autre part d'un article de Nord Eclair en date des 21/22 mai 2006 remis au soutien de la demande de prêt que M. [H] se présentait comme un 'promoteur immobilier', exposant avoir créé 18 duplex spacieux dans un ancien bâtiment de ferme de [Localité 9] en travaillant 70 heures par semaine pendant un an et s'être endetté pour 20 ans avec un investissement de l'ordre de 2 000 000 €, n'attendant plus que les locataires pour rentabiliser son investissement, reconnaissant s'être lancé dans un pari difficile grâce à la 'confiance de son banquier'.

Nul ne peut invoquer sa propre turpitude de sorte que les époux [H] ne sont pas fondés à opposer à la Banque le caractère inexact des informations contenues dans cet article alors qu'ils s'en sont prévalus pour susciter sa confiance.

En tout état de cause, c'est sans faute que la banque les a considérées comme probantes du professionnalisme des emprunteurs en matière immobilière.

L'ensemble des éléments ci-dessus analysés suffit à démontrer que les époux [H] disposaient d'une expérience en matière d'investissement immobilier leur ayant permis d'acquérir une parfaite connaissance des opérations de financement dans ce secteur d'activité et qu'ils étaient des emprunteurs avertis.

La Banque n'était dès lors pas tenue à leur égard d'un devoir de mise en garde de sorte que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE les époux [H] à payer à la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE RHONE ALPES AUVERGNE la somme complémentaire de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

LES CONDAMNE aux dépens.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 15/03044
Date de la décision : 17/01/2017

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°15/03044 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-17;15.03044 ?
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