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11/03/2014 | FRANCE | N°13/07011

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 11 mars 2014, 13/07011


R.G : 13/07011









décision du

Tribunal de Grande Instance de NICE

Au fond

du 03 mars 2008



RG : 05.0948

ch n°



[R]

[K]

[K]

[K]

[K]



C/



[K]

[T]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRÊT DU 11 Mars 2014







APPELANTS :



Mme [C] [R] épouse [K]

née en 1

936 à BEYROUTH LIBAN

[Adresse 2]

[Adresse 2]







Représentée par Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

Représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON





M. [U] [K]

né le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 7] LIBYE

[Adresse 2]

[Adresse 2]





...

R.G : 13/07011

décision du

Tribunal de Grande Instance de NICE

Au fond

du 03 mars 2008

RG : 05.0948

ch n°

[R]

[K]

[K]

[K]

[K]

C/

[K]

[T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRÊT DU 11 Mars 2014

APPELANTS :

Mme [C] [R] épouse [K]

née en 1936 à BEYROUTH LIBAN

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

Représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON

M. [U] [K]

né le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 7] LIBYE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

Représenté par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON

Melle [A] [K]

née le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 7] LIBYE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

Représentée par Me Gael SOURBE de la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON

Melle [D] [K]

née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 7] LIBYE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

Représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON

Melle [S] [K]

née le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pascal KLEIN de la SCP KLEIN, avocat au barreau de NICE

Représentée par la SCP BAUFUME - SOURBE, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [F] [K]

né le [Date naissance 6] 1986 à [Localité 8]

domicilié chez mme [J] [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Romain LAFFLY de la SCP LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Représenté par Me BLAZY, avocat au barreau de LYON

Mme [M] [T] es qualité d'administrateur provisoire de la succession de M. [W] [K].

née en à

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bruno charles REY de la SCP PIERRE ARNAUD, BRUNO CHARLES REY, avocat au barreau de LYON

Représentée par Me Sylvie MARTIN, avocat au barreau de NICE

******

Date de clôture de l'instruction : 28 Janvier 2014

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Février 2014

Date de mise à disposition : 11 Mars 2014

Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Patricia LARIVIERE, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Marie-Pierre GUIGUE, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Patricia LARIVIERE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

M. [W] [K], de nationalité libyenne, domicilié en France, est décédé le [Date décès 1] 1986 à sa résidence de [Localité 5] ( France) , laissant pour lui succéder son épouse Mme [C] [R], dont il vivait séparément, les quatre enfants issus de son mariage avec Mme [R], et [F] [K] né le [Date naissance 6] 1982 de son union libre avec Mme [L] [J] avec laquelle il a vécu en concubinage de 1979 à mars/avril 1985.

Me Faivre Duboz a été judiciairement désigné en qualité d'administrateur provisoire de la succession de M. [W] [K] .

M. [F] [K] a demandé au tribunal de grande instance de Nice la liquidation et partage de la succession de son père.

Mme [R] veuve [K] s'est prévalue d'un testament en sa faveur, établi par M. [W] [K] à [Localité 1], en Tunisie, le 16 juillet 1985.

M.[F] [K] a contesté la régularité de ce document.

Par un jugement en date du 3 Mars 2008, le tribunal de grande instance de Nice a notamment :

- dit que le testament tunisien qui institue [C] [R] veuve [K] légataire universelle ne peut pas être exécuté sur les biens successoraux litigieux situés en France et est donc nul au regard du droit français,

- dit en conséquence que la succession de M. [W] [K] doit être partagée de la manière suivante : pour [C] [R] veuve [K] un quart en usufruit et pour [U], [A], [D], [S], et [F] [K] un cinquième chacun en pleine propriété.

Mme [R] et ses enfants ont relevé appel de ce jugement.

Par arrêt mixte du 5 mai 2009, la cour d'appel d'Aix en Provence a notamment débouté M. [F] [K] de sa demande en nullité du testament.

La cour a constaté que le testament était valable au regard de l'article 4 de la loi libyenne n° 7 année 1423 du calendrier musulman, loi nationale à laquelle renvoyait la convention de la Haye du 5 octobre 1961.

Par un nouvel arrêt du 24 novembre 2009, la cour d'appel d'Aix en Provence a vidé sa saisine sur les points restant à juger.

M.[F] [K] a formé un pourvoi en cassation à l'encontre de ces deux arrêts.

Par arrêt du 17 novembre 2010, la Cour de Cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt mixte de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence rendu le 5 mai 2009 au visa de l'article 3 du code civil et a renvoyé l'affaire devant la Cour autrement composée.

La Cour de cassation a jugé que la cour d'appel en appliquant la loi n° 7 année 1423 du calendrier musulman, correspondant selon le texte de la traduction de cette loi versée aux débats à l'année 1993, sans rechercher si selon le droit transitoire libyen cette loi était applicable à un testament rédigé en 1985, n'avait pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Par un arrêt du 16 juin 2011, la Cour de cassation a déclaré le pourvoi régularisé à l'encontre de l'arrêt du 24 novembre 2009 non admis de sorte que ce dernier est aujourd'hui définitif.

Par arrêt du 12 janvier 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, statuant sur renvoi de cassation a :

-infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Nice en date du 3 mars 2008 en ce qu'il a :

dit que le testament tunisien qui institue Mme [C] [R] Veuve [K] légataire universel ne peut pas être exécuté sur les biens successoraux litigieux situés en France ,

dit en conséquence que la succession de M. [W] [K] doit être partagée de la manière suivante : pour [C] [R] veuve [K] un quart en usufruit et pour [U], [A], [D], [S], et [F] [K] un cinquième chacun en pleine propriété,

et condamné les consorts [K] à verser à M.[F] [K] la somme de 4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

statuant à nouveau,

-débouté M. [F] [K] de sa demande de nullité de testament du 16 juillet 1985 de M. [W] [K] et de ses demandes plus amples,

-confirmé pour le surplus le jugement déféré,

Y ajoutant

-déclaré irrecevable les demandes plus amples des Consorts [K] et de M.[F] [K],

-condamné M.[F] [K] à payer à [U], [A], [D], [S] [K] et [C] [R] Veuve [K] la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première d'instance et d'appel et ceux de l'arrêt en date du 5 mai 2009 cassé.

La cour a retenu :

-qu'elle devait seulement examiner la demande tendant à l'annulation du testament du 16 juillet 1985,

- qu'il résultait d'une consultation auprès de Me [H], avocat près la cour suprême de Libye, que la loi n° 7 du 29 janvier 1994 s'était bornée à codifier le droit antérieur en édictant que le testament était consacré verbalement ou par écrit ou à défaut si le testateur en est incapable, par une mimique non équivoque [littéralement : « que l'esprit saisit»],

- que la question de la validité en la forme de l'acte n'intéressait pas l'ordre public.

- qu'au cas d'espèce, le testament du 16 juillet 1985 est conforme à la loi libyenne, que l'acte a été enregistré auprès de la municipalité d'[Localité 1] en Tunisie et a été enregistré conformément aux prescriptions de l'article 1000 du code civil français,

M. [F] [K] a formé un nouveau pourvoi en cassation à l'encontre de cet arrêt.

Par un arrêt du 10 juillet 2013, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 12 janvier 2012 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, mais seulement en ce qu'il a statué sur la demande en nullité du testament du 16 juillet 1985 et a renvoyé la cause et les parties sur ce point, devant la cour d'appel de Lyon.

La Cour de cassation a jugé que l'application d'une loi étrangère désignée par la convention de [Localité 2] peut être écartée si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public.

Mme [R] et ses enfants demandent à la cour de Lyon saisie en sa qualité de cour de renvoi notamment :

- de réformer parte in qua le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice le 03 mars 2008 en ce qu'il a estimé que le testament tunisien qui institue [C] [R] veuve [K] légataire universelle ne peut pas être exécuté sur les biens successoraux litigieux situés en France et est donc nul au regard du droit français et dit que les proportions retenues par le tribunal pour le partage était de pour [C] [R] veuve [K] : un quart en usufruit, pour [U], [A], [D], [S] [K] et [F] [J] un cinquième chacun en pleine propriété,

- de condamner M. [F] [K] à payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [R] veuve [K] et ses enfants soutiennent :

- que le testament est valable en droit libyen s'il est conclu au moyen de tout écrit, déclaration ou signe et qu'il peut être établi par tout moyen de preuve,

- que le droit libyen applicable ne heurte pas l'ordre public,

- que la jurisprudence a déclaré conforme à la conception française de l'ordre public international un testament partiellement dactylographié ou oral,

- que si par extraordinaire la Cour devait estimer que le droit libyen contrevenait à l'ordre public, il conviendrait alors de se reporter aux conditions de forme prévues par la loi tunisienne,

- que le droit tunisien prévoit que : « Pour être valable, le testament doit être fait par un acte authentique ou par un acte écrit, daté et signé du testateur » et que « L'acte authentique est celui qui a été reçu avec les solennités requises par des officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé»,

- qu'en l'espèce, le consulat de Tunisie à [Localité 3] confirme dans son courrier adressé le 17 avril 2004 au conseil de la famille [K] que le testament « est bien authentique et qu'il est enregistré en bonne et due forme à ladite municipalité sous le N° 179» ,

- que cette affirmation par l'autorité de tutelle et officielle compétente suffit à établir la régularité du testament,

- que par mesure de précaution, il a été procédé aux formalités d'enregistrement auprès des services des impôts de la situation des immeubles (à savoir [Localité 3], [Localité 6] et [Localité 4],

M. [F] [K] demande à la cour :

- de déclarer la loi libyenne, sur les formes testamentaires, manifestement incompatible avec l'ordre public,

- de constater que la preuve de l'authenticité, voire de la véracité du testament, n'est pas rapportée,

- de condamner les consorts [K] à lui régler la somme de 25 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient :

- que ce testament partiellement dactylographié n'est pas valable en France, ni en Tunisie,

- que l'absence de formalisme prévu par la loi libyenne est en totale contradiction avec l'esprit du législateur français qui a souhaité sécuriser les successions en faisant du testament un acte solennel, c'est à dire un acte valable que s'il est accompagné de toutes les formalités imposées par la loi,

- que le formalisme français vise à s'assurer de la volonté libre et éclairée du testateur ainsi que de l'authenticité de l'acte, c'est un formalisme ad valitatem et non ad probationem,

- que la sécurité juridique est en outre une priorité actuelle du droit français et européen,

- que le testament comporte des anomalies qui font douter de son authenticité.

Me Faivre-Duboz administratrice provisoire de la succession de M. [W] [K] a déclaré s'en rapporter.

MOTIFS

Sur la prise en compte de deux nouvelles pièces

Le conseil de M. [F] [K] a indiqué par courrier ne pas être opposé à la prise en compte des pièces 46 et 47 de ses adversaires.

Toutefois en l'absence de cause grave ,il n'y a pas lieu à révocation de l'ordonnance de clôture .

Sur l'étendue de la saisine de la cour de renvoi

Dans son arrêt du 12 janvier 2012, de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déjà rappelé que les parties étaient irrecevables en leurs demandes tendant à voir rejuger l'entier litige et que la cour devait seulement examiner la demande tendant à l'annulation du testament du 16 juillet 1985.

La Cour de cassation dans son arrêt du 10 juillet 2013 cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu'il a statué sur la demande en nullité du testament du 16 juillet 1985 et a renvoyé la cause et les parties sur ce seul point.

En conséquence, les prétentions émises par les parties autres que celles se rapportant à la question de la nullité du testament sont irrecevables.

Sur la demande en nullité du testament

Aux termes de l'article premier de la convention sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires conclue le 5 octobre 1961 à [Localité 2],

Une disposition testamentaire est valable quant à la forme si celle-ci répond à la loi interne :

a) du lieu où le testateur a disposé, ou

b) d'une nationalité possédée par le testateur, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou

c) d'un lieu dans lequel le testateur avait son domicile, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou

d) du lieu dans lequel le testateur avait sa résidence habituelle, soit au moment où il a disposé, soit au moment de son décès, ou

e) pour les immeubles, du lieu de leur situation.

M. [K] étant de nationalité libyenne, domicilié en France et le testament ayant été enregistré en Tunisie, les lois française, tunisienne et libyenne ont vocation à s'appliquer.

Le testament invoqué est un document , intitulé «testament», comportant les dispositions testamentaires de M. [K] en langue arable, entièrement dactylographiées, divers tampons et timbres fiscaux tunisiens et se terminant, après la signature illisible attribuée à M. [K], par la mention :

« homologation de la signature numéro 179

de la signature de M. [W] [K] .

Passeport 880305 délivré le 19 avril 1984 .

Après homologation

frais : gratuit reçu numéro

[Localité 1] le [Date naissance 1] 1985

P/ le chef M. et par délégation

signature illisible

le troisième adjoint : [Z] [E]

Empreinte du sceau de forme circulaire portant en exergue l'inscription : « Ministère de l'intérieur-municipalité de [Localité 1]».

1) Sur l'applicabilité de la loi française, lieu du domicile du testateur:

Ce testament olographe n'étant pas « écrit en entier, daté et signé de la main du testateur» il est nul au regard des dispositions de l'article 970 du code civil, ce qui est admis par les parties.

2) Sur l'applicabilité de la loi tunisienne, lieu où le testateur a disposé:

Aux termes de l'article 176 du statut personnel tunisien, pour être valable, le testament doit être fait par acte authentique ou par un acte écrit daté et signé du testateur.

Aux termes de l'article 442 du code des obligations et des contrats tunisien, l'acte authentique est celui reçu avec les solennités requises par des officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé.

L'acte authentique fait pleine foi même à l'égard des tiers jusqu'à inscription de faux, des faits et des conventions attestés par l'officier public qui l'a rédigé comme passés en sa présence.

Cependant, lorsque l'acte est attaqué pour cause de violence, de fraude de dol et de simulation, ou d'erreur matérielle, la preuve peut en être faite par témoins et même à l'aide de présomptions graves précises et concordantes sans recourir à l'inscription de faux . Cette preuve peut être faite tant par les parties que par les tiers ayant un intérêt légitime.

En premier lieu, il convient de constater qu'il n'est pas établi que le testament, qui est dactylographié, ait été écrit et daté par le testateur.

En second lieu, le document qui n'est d'ailleurs pas produit en original, ne mentionne pas la qualité d'officier public ayant le droit d'instrumenter de M.[Z] [E] désigné seulement comme étant «3 ème adjoint du chef».

Mme [R] et ses enfants produisent une lettre du consulat de Tunisie de [Localité 3] qui indique que le testament établi par M. [K] « est bien authentique et qu'il est enregistré en bonne et due forme à la dite municipalité sous le n° 179».

Ce courrier cependant ne précise pas les vérifications entreprises auprès de la municipalité d'[Localité 1] pour s'assurer du caractère authentique du document .

Surtout, il sera constaté que l'agent n'est pas intervenu pour «recevoir» l'acte mais seulement pour «homologuer» la signature et enregistrer cette homologation sous le numéro 179.

De plus cette homologation de signature ne précise pas que M. [K] était présent et qu'il a signé le testament en présence de l'agent.

Le numéro de passeport mentionné : 880305 est par ailleurs invérifiable en l'absence de copie de ce passeport et alors qu'il ressort d'un acte notarié du 14 juin 1978 passé par M.[W] [K] , que ce dernier possédait un passeport comportant un numéro différent : G/ 274780, délivré par l'Ambassade de [Localité 7] ( Libye) le 23 juin 1977.

Enfin, le testament comporte une signature attribuée à M. [K] qui est très différente de celle que ce dernier a apposée sur divers documents produits aux débats .

En conséquence, le testament ne peut être considéré comme un écrit daté (...) de l'auteur ni comme un acte authentique au regard des disposions de la loi tunisienne.

3) sur l'applicabilité de la loi libyenne

* sur sa conformité à l'ordre public :

Au terme de l'article 4 de la loi libyenne n°7/1994, du 29 janvier 1994 sur les dispositions testamentaires :

«le testament est consacré verbalement ou par écrit ou à défaut si le testateur en est incapable par une mimique que l'esprit saisi.»

Mme [R] et ses enfants produisent une consultation juridique du 27 juin 2010 rédigée par Me  [Y] [W] [H], avocat, agrée près la cour suprême de Libye, dont il résulte :

- que ces dispositions rejoignent le rite malékite en matière de jurisprudence islamique appliquée par les tribunaux qui étaient tenus de s'y conformer jusqu'à la loi précitée,

- que le testament est devenu valable en droit et en judicature libyens s'il est conclu au moyen de tout écrit déclaration ou signe,

- qu'il est établi par tout moyen de preuve, notamment par témoignage.

La législation libyenne applicable au 16 juillet 1985, comme depuis la loi n°7/1994, permet ainsi à toute personne de prouver par tous moyens de preuve légalement admissible l'existence d'un testament en sa faveur.

Aux termes de l'article 7 de la convention de [Localité 2] précitée, l'application d'une des lois déclarées compétentes [ à savoir les lois en matière de forme des dispositions testamentaires] par la présente Convention ne peut être écartée que si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public.

Aux termes de l'article 10 de la convention : "Chaque État contractant peut se réserver de ne pas reconnaître les dispositions testamentaires faites, en dehors de circonstances extraordinaires, en la forme orale par un de ses ressortissants n'ayant aucune autre nationalité".

La France a fait usage de cette réserve.

Mais cette réserve signifie que la convention ne permet pas de considérer comme manifestement contraire à l'ordre public un testament en la forme orale fait par une personne possédant une nationalité étrangère.

De surcroît, en l'espèce, le testament litigieux n'a pas été établi verbalement ni par mimique mais au moyen d'un écrit dactylographié.

* Sur la force probante du document litigieux:

Il convient de rechercher si le document invoqué daté du 16 juillet 1985 émane bien de M. [K] et exprime avec certitude la volonté de ce dernier.

Or, aucune explication n'est fournie sur les raisons qu'aurait eues M.[K], de nationalité libyenne, installé en France depuis plus de 15 ans et où il disposait d'un patrimoine immobilier conséquent l'ayant mis en relation avec des notaires français, se serait rendu à [Localité 1] en Tunisie pour y établir un testament devant un agent non clairement identifié quant à ses fonctions, privant cet acte de toute sécurité juridique quant à son efficacité en France, où se trouvait pourtant la bénéficiaire du testament et son patrimoine.

Ce testament a d'ailleurs été produit tardivement devant le notaire par Mme [R] veuve [K], laquelle vivait séparément de M. [K].

Il est surprenant d'observer que le testament a été établi sur une lettre comportant les références d'une société ayant son siège à [Localité 7] , alors que M. [K] ne possédait plus cette entreprise depuis de nombreuses années.

Par ailleurs, M. [F] [K] soutient sans être contredit, que la signature figurant sur le testament attribué à M. [K] est très différente de celle figurant sur un acte signé par M. [K] devant un notaire en France en 1978 .

Enfin, l'homologation de la signature par un fonctionnaire de la ville d'[Localité 1] figurant sur le testament n'est pas régulière ainsi qu'il a été dit ci-dessus .

En conséquence, eu égard au contexte particulier de l'affaire tenant à la nature criminelle du décès de M. [K], eu égard à l'absence d'explications sur les circonstances de l'établissement du testament en Tunisie et sur sa possession par Mme [R] veuve [K], et eu égard aux nombreuses anomalies matérielles du document, il convient de constater qu'il n'existe pas de certitude quant à l'identité de l'auteur du testament litigieux.

Il y a lieu en conséquence de constater l'absence de validité de ce testament .

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

la cour,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 10 juillet 2013, cassant l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 12 janvier 2012, seulement en ce qu'il a statué sur la demande en nullité du testament du 16 juillet 1985 et renvoyant la cause et les parties devant la présente juridiction,

Vu l'article premier de la convention sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires conclue le 5 octobre 1961 à [Localité 2],

Vu les lois française, tunisienne et libyenne sur les formes testamentaires,

Réformant partiellement le jugement et statuant de nouveau sur la demande en nullité du testament du 16 juillet 1985,

- Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture

- Déclare non valable en France l'acte du 16 juillet 1985 présenté par Mme [C] [R] veuve [K] comme étant le testament de M. [W] [K],

- Déclare irrecevable l'ensemble des autres prétentions soumises à la cour et étrangères à la cassation,

- Condamne solidairement Mme [C] [R] veuve [K] , M. et Mmes [U], [A], [D], et [S] [K] à payer à M. [F] [K] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne Mme [C] [R] veuve [K], M. et Mmes [U], [A], [D], et [S] [K] aux dépens de la présente instance devant la cour de renvoi, distraits au profit de la SCP Laffly & associés, avocat sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/07011
Date de la décision : 11/03/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/07011 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-11;13.07011 ?
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