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28/01/2014 | FRANCE | N°13/00073

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 28 janvier 2014, 13/00073


R.G : 13/00073









décision du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

au fond du 08 novembre 2012



RG : 11/01326



[N]



C/



SA SAMSE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 28 Janvier 2014







APPELANT :



M. [R] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]



représen

té par la SCP TUDELA & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, assisté de la SCP BAULIEUX - BOHE - MUGNIER - RINCK, avocats au barreau de LYON









INTIMEE :



SA SAMSE

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée par la SELARL B2R & ASSOCIES, avocats au barreau de LYO...

R.G : 13/00073

décision du Tribunal de Grande Instance de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE

au fond du 08 novembre 2012

RG : 11/01326

[N]

C/

SA SAMSE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 28 Janvier 2014

APPELANT :

M. [R] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

représenté par la SCP TUDELA & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, assisté de la SCP BAULIEUX - BOHE - MUGNIER - RINCK, avocats au barreau de LYON

INTIMEE :

SA SAMSE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par la SELARL B2R & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Septembre 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Décembre 2013

Date de mise à disposition : 28 Janvier 2014

Audience tenue par Jean-Jacques BAIZET, président et Michel FICAGNA, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Patricia LARIVIERE, greffier

A l'audience, Jean-Jacques BAIZET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Pierre BARDOUX, conseiller

- Michel FICAGNA, conseiller

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Patricia LARIVIERE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DE L'AFFAIRE

Par un acte reçu le 14 octobre 2003 par M [N], notaire à [Localité 2], [U] [V]-[O] s'est reconnu débiteur envers la Sa Samse d'une somme en principal de 65.000 euros, se décomposant comme suit :

* factures selon état : 33.820,96 euros,

* frais et pénalités à déterminer pour mémoire,

* encours de livraisons à venir : 31.179,04 euros.

Il s'obligeait à rembourser à la Sa Samse la somme de 33.820,96 euros par douze échéances mensuelles d'un montant à déterminer, la somme totale devant être intégralement payée le 30 septembre 2004 au plus tard. Chaque facture constituant le surplus de la dette devait être réglée à 30 jours fin de mois, le 10 de chaque mois.

A titre de sûreté et garantie du remboursement de la dette en capital, intérêts, frais, indemnités et autres accessoires, [U] [V]-[O] a hypothéqué au profit de la Sa Samse diverses parcelles de vignes et de terres situées à [Localité 3].

Il était devenu nu-propriétaire de ces parcelles en vertu d'un acte de donation reçu le 08 février 1991 par M [N], ses parents s'en étant réservé l'usufruit et ayant stipulé à leur profit un droit de retour conformément à l'article 951 du code civil pour le cas où le donataire viendrait à décéder avant eux sans enfants ni descendants et pour le cas encore où les enfants ou descendants du donataire viendraient eux-mêmes à décéder sans postérité avant le donataire ou le survivant d'eux. Il était en outre fait interdiction au donataire d'aliéner, de vendre ou d'hypothéquer les biens donnés, pendant sa vie, à peine de nullité des ventes, aliénations ou hypothèques, et de révocation des donations.

Par un nouvel acte reçu le 15 avril 2005 par M [N], [U] [V]-[O] s'est reconnu encore débiteur envers la Sa Samse de la somme de 31.179,04 euros. Il était convenu :

* de porter à la somme de 65.000 euros l'encours de livraisons nécessaires aux approvisionnements du débiteur par le créancier, chaque facture devant, comme antérieurement, être réglée à 30 jours fin de mois, le 10 de chaque mois,

* de renouveler dans la limite de 31.179 euros, outre accessoires évalués à 20 % du principal, la précédente inscription d'hypothèque, avec effet jusqu'au 31 décembre 2008,

et de constituer une nouvelle hypothèque à hauteur de 33.821 euros, permettant la garantie du créancier à hauteur de la somme totale de 65.000 euros.

Par un jugement du 1er février 2007, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de [U] [V]-[O].

Par une ordonnance du 13 mars 2008, le juge commissaire a admis la créance de la Sa Samse à titre privilégié à hauteur de 36.272,06 euros.

Le 17 novembre 2010, le liquidateur a informé la Sa Samse de la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif, sans qu'elle puisse espérer une répartition, et dans un courrier du 05 avril 2011, lui a précisé que les biens immobiliers sur lesquels une hypothèque avait été prise n'avaient pas été vendus dans le cadre de la liquidation, étant inaliénables en vertu de la donation-partage du 21 mars 1991.

Par un acte du 28 novembre 2011, la Sa Samse a assigné M [N] en responsabilité en raison de son manquement à son devoir de conseil.

Par jugement du 08 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône a dit que M [N] avait commis une faute engageant sa responsabilité envers la société Samse et l'a condamné à payer à cette dernière la somme de 36.272,06 euros, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation de ceux-ci, ainsi que la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M [N], appelant, conclut à la réformation du jugement, au rejet des demandes de la société Samse et sollicite la condamnation de cette dernière à lui rembourser la somme de 39.038,20 euros versée au titre de l'exécution provisoire, outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

Il soutient que la société Samse est défaillante dans la démonstration d'une faute génératrice d'un préjudice indemnisable.

Il fait valoir qu'il est expressément mentionné aux termes des actes approuvés en connaissance de cause par les parties que la donation des parcelles au profit de M [V]-[O] par ses parents et données en garantie à la société Samse avait été consentie 'sous l'interdiction d'aliéner, de vendre et d'hypothéquer leur vie durant, à peine de nullité et de révocation de la donation'. Il rappelle que les donateurs sont intervenus à l'acte, dès lors qu'ils entendaient acquiescer à la garantie donnée par leur fils, que leur intervention à l'effet de se porter caution simplement hypothécaire par l'usufruit des biens entraîne pour eux renonciation à l'interdiction d'aliéner, d'hypothéquer et même au droit de retour stipulé dans l'acte de donation, et qu'il est évident que par la suite, il n'ont nullement entendu révoquer la donation pour cause d'hypothèque donnée par le donataire aux termes mêmes d'un acte auquel ils intervenaient, Il considère que l'inaliénabilité des biens ne résulte que des dires du liquidateur qui n'a nullement tenté de procéder à la vente, alors qu'il avait qualité pour demander à être judiciairement autorisé à disposer du bien affecté de la clause d'inaliénabilité, si l'intérêt qui avait justifié la clause avait disparu ou si un intérêt supérieur l'exigeait. Il soutient qu'en cas de défaillance du liquidateur ou de M [V]-[O], il incombait à la société Samse d'exercer l'action oblique pour obtenir la mainlevée d'une prétendue inaliénabilité du bien, alors qu'elle est restée défaillante dans l'exercice de ses recours à l'encontre de son débiteur, créant ainsi son propre préjudice.

Il affirme que le préjudice de la société Samse ne saurait être équivalent au montant de sa créance, qu'il n'est pas démontré que M [V]-[O] aurait renoncé à la clause d'inaliénabilité ou qu'il aurait eu la possibilité de donner une autre garantie, que la société Samse n'établit pas que les biens donnés en garantie auraient permis de recouvrer intégralement le montant de sa créance, enfin qu'elle conserve une garantie à l'encontre des cautions qu'elle n'a manifestement pas actionnées.

La société Samse, intimée, conclut à la confirmation du jugement. Elle rappelle que la jurisprudence considère que la clause d'inaliénabilité est opposable au liquidateur judiciaire qui ne peut réaliser le bien. Elle soutient que le notaire a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant d'attirer son attention sur le fait que la clause d'inaliénabilité empêcherait le liquidateur de procéder à la vente du bien et enlèverait toute efficacité à sa sûreté. Elle fait valoir que la renonciation à cette clause ne saurait résulter que d'une déclaration expresse et non équivoque, que la circonstance que les époux [O]-[D] aient accepté de se porter caution hypothécaire sur l'usufruit de l'immeuble ne signifie pas de façon implicite qu'ils aient renoncé à l'inaliénabilité de l'immeuble. Elle considère que le notaire ne justifie pas l'avoit alertée sur les restrictions ou la diminution de l'efficacité de sa sûreté compte tenu de l'existence de la clause d'inaliénabilité.

Elle soutient que son préjudice est constitué par la perte de toute chance d'obtenir le remboursement de sa créance compte tenu de l'absence de vente du bien immobilier et du fait que, se croyant bénéficiaire d'une sûreté efficace, elle n'a pas pris d'autre garantie. Elle fait valoir que la liquidation judiciaire est clôturée pour insuffisance d'actif, que le liquidateur lui a fourni un certificat d'irrecouvrabilité et que le jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne lui fait pas recouvrer l'exercice individuel de son action contre M [V]-[O], de telle sorte qu'elle ne sera jamais remboursée de sa créance. Elle ajoute que l'argument selon lequel le liquidateur aurait dû engager la vente du bien est sans portée, puisqu'il n'a pas qualité pour demander l'autorisation de vendre, cette demande ne pouvant être formée que par M [V]-[O] qui, bien entendu, n'avait aucun intérêt à l'exercer.

MOTIFS

Attendu que le notaire est tenu de s'assurer de l'efficacité des actes auxquels il prête son concours et est tenu d'éclairer les parties sur la portée des effets de ces actes et sur les risques qu'ils comportent ;

Attendu qu'aux termes d'un acte de donation du 08 février 1991 reçu par M [N], notaire, M [V]-[O] est devenu nu-propriétaire de parcelles de vignes et terrains, sur lesquels ses parents se sont réservé l'usufruit, l'acte ayant prévu à leur profit un droit de retour conformément à l'article 951 du code civil, ainsi qu'une clause d'inaliénabilité des biens donnés, à peine de nullité des ventes, aliénation ou hypothèques et de révocation des donations ; que par un acte reçu par le même notaire le 14 octobre 2003, M [V]-[O] s'est reconnu débiteur envers la société Samse de la somme principale de 65.000 euros qu'il s'est engagé à rembourser en douze échéances mensuelles, et a hypothéqué au profit de cette société les parcelles dont il était nu-propriétaire ; que par un acte reçu le 15 avril 2005 par M [N], notaire, les parties ont convenu de porter à 65.000 euros l'encours de livraison nécessaire aux approvisionnements du débiteur par le créancier, chaque facture devant être réglée à 30 jours fin de mois, le 10 de chaque mois, de renouveler, dans la limite

de 31.179 euros, outre accessoires évalués à 20 % du principal, l'inscription d'hypothèque et de constituer une nouvelle hypothèque à hauteur de 33.821 euros, permettant la garantie du créancier à hauteur de la somme totale de 65.000 euros ;

Attendu que M [N], notaire, ne justifie pas avoir attiré l'attention de la société Samse sur les effets de la clause d'inaliénabilité incluse dans un acte qu'il avait reçu notamment sur le fait qu'elle empêcherait au liquidateur judiciaire de procéder à la vente des biens et priverait la sûreté constituée de toute efficacité ; qu'en effet, si en application de l'article 900-1 du code civil, le donataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige, l'action en autorisation, subordonnée à des considérations personnelles d'ordre moral et familiales inhérentes à la donation, est exclusivement attachée à la personne du donataire, de sorte qu'elle ne peut être exercée par le liquidateur judiciaire du donataire, ni par un créancier agissant pas la voie oblique à la place de son débiteur ;

Attendu que les actes d'affectation hypothécaire des 14 octobre 2003 et 15 avril 2005 comportent, dans le paragraphe 'Origine de propriété', la mention selon laquelle la donation a eu lieu sous la réserve expresse au profit des donateurs du droit de retour, et de l'interdiction d'aliéner, vendre et hypothéquer; à peine de nullité et de révocation de la donation ; que cependant, par ce seul rappel, non accompagné de précisions sur les conséquences de la clause d'inaliénabilité, le notaire n'a pas satisfait à son devoir de conseil;

Attendu que si les donateurs, M et Mme [O], sont intervenus aux actes d'affectation hypothécaire afin de se porter caution hypothécaire pour l'usufruit des biens, il ne découle pas de cette intervention qu'ils ont implicitement entendu renoncer à la clause d'inaliénabilité, la renonciation à ce droit ne pouvant être qu'expresse et non équivoque ; que les actes ne

comportent aucune renonciation de leur part à la clause d'inaliénabilité ;

Attendu que le préjudice subi par la société Samse en raison du manquement du notaire à son devoir de conseil est constitué par la perte de chance de prendre d'autres garanties efficaces et d'obtenir le remboursement de sa créance ; qu'en effet, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, le liquidateur judiciaire n'avait pas la possibilité de faire procéder à

la vente des biens ; que par ailleurs, la liquidation judiciaire de M [V]-[O] a été clôturée pour insuffisance d'actif et le liquidateur a fourni à la société Samse un certificat d'irrecouvabilité, aucune répartition n'étant à espérer ;

Attendu cependant que la société Samse ne s'explique pas sur ses chances d'obtenir d'autres garanties et sur les possibilités de M [V]-[O] d'en fournir ; qu'elle ne produit non plus aucun élément à cet égard ; qu'elle ne démontre pas que les biens donnés en garantie auraient permis de recouvrer intégralement le montant de sa créance ; qu'en outre, M [N] souligne à juste titre qu'elle n'a pas actionné les cautions hypothécaires ; que la perte de chance susceptible d'indemnisation apparaît très limitée et doit être fixée à 10 % du montant de la créance irrecouvrable, soit 3.627 euros ;

Attendu que le présent arrêt constitue le titre exécutoire permettant d'opérer la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire, sans qu'il y ait lieu de prononcer une condamnation à cet égard ;

Attendu que chaque partie qui succombe doit supporter la charge de ses dépens de première instance et d'appel ;

Qu'il n'y a pas lieu en conséquence à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Réforme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne M [N] à payer à la société Samse la somme de 3.627 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/00073
Date de la décision : 28/01/2014

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/00073 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-01-28;13.00073 ?
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