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22/10/2013 | FRANCE | N°13/00730

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 22 octobre 2013, 13/00730


R.G : 13/00730









Décisions :

- du Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND du 17 mai 2006

- cour d'Appel de Riom en date du 18 avril 2007

- Cour de Cassation en date du 1er juillet 2008

- arrêt sur renvoi après cassation de la cour d'appel de Bourges en date du 25 juin 2009

- arrêt de la Cour de Cassation en date du 13 juin 2010

- arrêt sur renvoi après cassation de la cour d'appel de Limoges en date du 4 mai 2011

- arrêt de la Cour de Cassation en date du 12 juin 2012





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[D]



C/



Société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE DU LIMOUSIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'AP...

R.G : 13/00730

Décisions :

- du Tribunal de Grande Instance de CLERMONT-FERRAND du 17 mai 2006

- cour d'Appel de Riom en date du 18 avril 2007

- Cour de Cassation en date du 1er juillet 2008

- arrêt sur renvoi après cassation de la cour d'appel de Bourges en date du 25 juin 2009

- arrêt de la Cour de Cassation en date du 13 juin 2010

- arrêt sur renvoi après cassation de la cour d'appel de Limoges en date du 4 mai 2011

- arrêt de la Cour de Cassation en date du 12 juin 2012

[D]

C/

Société CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE DU LIMOUSIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 22 Octobre 2013

APPELANTE :

Mme [Y] [D]

née [Date naissance 1] 1964 à [Localité 3] (03)

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Charles-Henri BARRIQUAND, avocat au barreau de LYON

assistée par Me LEFEBVRE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

INTIMEE :

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE DU LIMOUSIN

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par la SCP LAFFLY & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

assistée par Me Olivier TOURNAIRE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Septembre 2013

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Septembre 2013

Date de mise à disposition : 22 Octobre 2013

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Jean-Jacques BAIZET, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Stéphanie JOSCHT, vice-présidente placée,

assistés pendant les débats de Frédérique JANKOV, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Jean-Jacques BAIZET, président, et par Frédérique JANKOV, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Par acte du 17 novembre 2004, la société Caisse d'épargne d'Auvergne Limousin a assigner Mme [Y] [D] devant le tribunal de grande instance de Clermont Ferrand aux fins de la voir condamnée à lui payer :

- 20 876,82 € au titre du solde débiteur d'un compte courant,

- 78.868,97 € au titre d'un prêt immobilier .

Mme [D], reprochant à la banque divers manquements dans le cadre du fonctionnement de son compte titres a formé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour le préjudice subi et a soutenu que la banque avait accepté de renoncer à la résiliation du prêt immobilier.

Elle a reproché à la banque de l'avoir autorisée à effectuer certaines transactions spéculatives sur le marché libre sans couverture suffisante, de ne pas l'avoir mise en garde contre les risques de ce type d'investissement et d'avoir passé des ventes de sa propre initiative à des cours inférieurs aux ordres donnés.

La société Caisse d'épargne a conclu au débouté de la demande reconventionnelle.

Par jugement du 17 mai 2006, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a:

- condamné Mme [D] à payer à la société Caisse d'épargne le solde de son compte courant ( 20 876,83 €) et le solde de son prêt immobilier ( 64.433,02 € )

faisant droit partiellement à la demande reconventionnelle,

- condamné la société Caisse d'épargne à payer à Mme [D] la somme de 4.512,63 € au titre de la perte engendrée par des ordres de vente mal exécutés par la banque, outre celle de 5000 € de dommages intérêts complémentaires,

- ordonné la compensation entre les créances réciproques.

Mme [D] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 18 avril 2007, la cour d'appel de Riom a confirmé le jugement en toutes ses dispositions, sauf à réduire le montant des dommages et intérêts complémentaires alloués par le premier juge à Mme [D] à la somme de 1.000 € au lieu de 5.000 € .

Statuant sur le pourvoi de Mme [D], la Cour de Cassation, chambre commerciale, dans un arrêt du 1er juillet 2008 a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Riom en toutes ses dispositions et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Bourges.

La Haute Cour a fait grief à l'arrêt d'avoir retenu que les donneurs d'ordre, que l'obligation de couverture n'avait pas pour objet de protéger, la protection visée étant celle de l'intermédiaire financier contre les défaillances éventuelles des clients ainsi que celle des marchés financiers, ne sauraient se prévaloir de la non constitution de la couverture pour échapper à leurs engagements et ne pas rembourser le solde débiteur.

Par arrêt du 25 juin 2009, la cour d'appel de Bourges, statuant comme Cour de renvoi a notamment :

- confirmé le principe de la condamnation de Mme [D] a régler le solde de son compte courant et le solde de son prêt immobilier,

- confirmé le jugement en qu'il avait rejeté la demande reconventionnelle de Mme [D] pour un manquement à l'obligation d'information ou de mise en garde relativement à l'obligation de couverture,

- confirmé le jugement en ce qu'il avait jugé que la banque avait mal exécuté certains ordres de vente,

- porté le montant des dommages et intérêts alloués à ce titre à la somme de 7.000 €,

-ordonné la compensation entre les créances réciproques.

Mme [D] ayant formé un pourvoi contre cet arrêt, la Cour de cassation dans un arrêt du 13 juillet 2010 a cassé et annulé l'arrêt déféré mais seulement en ce qu'il a limité la condamnation de la Caisse d'épargne au paiement à Mme [D] de la somme de 7.000 € en réparation du seul préjudice résultant de la mauvaise exécution des ordres passés par celle-ci, et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Limoge.

La Haute Cour a fait grief à la cour d'appel de Bourges s'être déterminée par des motifs desquels il ne résultait ni que la Caisse avait lors de l'ouverture du compte titres, mis en garde Mme [D] contre les risques encourus dans des opérations spéculatives envisagées ni que cette dernière avait d'ores et déjà une connaissance de ces risques dispensant la Caisse de cette obligation.

La cour d'appel de Limoge, statuant comme cour de renvoi, dans son arrêt du 4 mai 2011 a :

- Constaté que l'arrêt rendu le 25 juin 2009 par la cour d'appel de Bourges partiellement cassé par l'arrêt précité de la Cour de cassation est définitif quant aux chefs de décisions...:

- condamnant Mme [D] à payer à la Caisse d'épargne D'AUVERGNE et du LIMOUSIN, en deniers ou quittances, les sommes de 13 973, 18€ au titre du solde débiteur du compte courant, et de 64 433, 02 €, avec intérêts au taux de 5, 13 % l'an à compter du 31 août 2005, au titre du prêt immobilier,

- condamnant la Caisse d'épargne D'AUVERGNE et du LIMOUSIN à payer à Mme [D] la somme de 7.000 € à titre de dommages - intérêts au titre de la mauvaise exécution des ordres en bourse,

- ordonnant la compensation entre ces dettes réciproques,

- déclarant valable le nantissement provisoire pris par la Caisse le 21 octobre 2004 et l'autorisant à vendre ou à faire vendre les valeurs nanties,

- rejetant la demande de Mme [D] en paiement des agios et frais,

- déclaré irrecevables les demandes des parties tendant à la remise en cause des chefs de décision précités,

- débouté Mme [D] de sa action en responsabilité à l'encontre de la Caisse d'épargne pour manquement à ses obligations d'information, de mise en garde et de vérification de l'existence d'une couverture financière suffisante lors de l'exécution d'ordres en bourse.

Mme [D] ayant formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt, la Cour de cassation dans son arrêt du 12 juin 2012, a cassé et annulé l'arrêt de la cour de Limoge, mais seulement en ce qu'il avait rejeté l'action de Mme [D] en responsabilité contre la Caisse d'épargne pour manquement à ses obligations d'information, de mise en garde et de vérification de l'existence d'une couverture financière suffisante lors de l'exécution d'ordres en bourse et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Lyon.

La Cour de cassation a fait grief à l'arrêt de s'être déterminée par des motifs impropres à établir que la Caisse avait lors de l'ouverture du compte titres mis en garde Mme [D] contre les risques encourus dans les opérations spéculatives envisagées.

Mme [D], par déclaration du 23 janvier 2013, a saisi la cour de Lyon.

Elle demande à la cour :

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 17 mai 2006 en ce qu'il a considéré que la Caisse d'épargne avait commis une évidente et préjudiciable faute professionnelle en n'exécutant pas, sans aucune explication valable, les ordres de sa cliente et en condamnant la Caisse d'épargne à lui payer et porter au titre de la réparation du préjudice causé par cette première faute, le montant de la perte totale engendrée par les ordres mal exécutés (4 512,63 €), outre 5.000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires pour défaut des ordres de la cliente, soit en tout 9 512, 63 € ;

Pour le surplus réformant :

- dire et juger que la Caisse d'épargne a méconnu ses obligations légales et contractuelles à son égard (absence de mise en garde sur la réalisation d'opérations boursières sans constitution préalable de couverture, exécution d'opérations de vente sans tenir compte des ordres précis donnés ), engendrant des conséquences financières hautement préjudiciables ,

- de débouter, en conséquence, la Banque de toutes ses demandes, fins et conclusions,

La recevant en ses demandes reconventionnelles :

- de dire et juger que la déchéance du terme du prêt immobilier est en relation causale directe avec les fautes commises par la Caisse d'épargne;

- de déclarer, en conséquence, nulle et non avenue la déchéance du terme intervenue le 27 septembre 2004, elle-même retrouvant la faculté de reprendre le paiement des échéances de son emprunt, à compter de la décision à intervenir, jusqu'à parfait règlement du prêt dont le terme sera reporté en conséquence ;

- de dire et juger pareillement que le solde débiteur de son compte courant est la conséquence directe de la violation, par la Caisse d'épargne, de son obligation de conseil et de vérification de l'existence d'une couverture suffisante, ainsi que de l'exécution inappropriée de ses ordres de vente ;

- de dire et juger que la Caisse d'épargne devra l'indemniser, à raison des fautes commises , de l'ensemble de ses préjudices et, en conséquence, de condamner ladite Caisse d'épargne à lui payer et porter la somme de 34 392, 20 €, montant cumulé des pertes engendrées par l'inexécution de ses obligations légales et contractuelles ;

- de dire et juger que cette condamnation se compensera, à due-concurrence, avec le solde débiteur actuel de son compte courant dont il devra être justifié par la Caisse d'épargne ;

- de condamner, en outre, la Caisse d'épargne au paiement des agios et frais, conséquences de ses agissements fautifs et qui s'élèvent à 2370, 42 € + 294, 05 € + 18,50 + 9,00 + 15 = 2 706, 97 €,

- de condamner , encore, la Caisse d'épargne à lui payer et porter une somme de 10.000 € au titre du préjudice moral par elle subi notamment du fait des mesures vexatoires appliquées à tort par la Caisse d'épargne (suppression des moyens de paiement, inscription au F.I.C.P., saisie de son compte-titres, inscription d'hypothèque judiciaire) ;

- d'ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire de son compte-titres de même que la prise d'inscription d'hypothèque judiciaire et de toutes autres sûretés prises par la Caisse d'épargne et ce sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

- de condamner la Caisse d'épargne à lui payer et porter une somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la Caisse d'épargne aux entiers dépens et dire que Maître BARRIQUAND, Avocat, sera autorisé à recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision suffisante.

Elle soutient :

- qu'en sa qualité d'Institutrice, elle ne possédait aucune expérience en matière d'opérations boursières,

- qu'elle a ouvert en décembre 2000, un compte-titres à la Caisse d'épargne sur les conseils de cette dernière ,

- que la Caisse d'épargne, méconnaissant les obligations qui régissent les marchés réglementés de titres de capital ou créance (Art. 4-135-1 - Arrêté du 30 août 2000 - J.O. du 8 septembre 2000 - Art. L 533-4 du Code Monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable), a mis en 'uvre des opérations de bourse sans l'éclairer sur les risques encourus ni vérifier ou exiger, de la part de cette dernière, investisseur néophyte, la constitution des couvertures minima obligatoires, en méconnaissance également de ses propres documents internes,

- qu'aucun courrier d'avertissement ne lui a jamais été adressé par la Caisse d'épargne,

- que la Caisse d'épargne est mal fondée à soutenir que la couverture existait :

1) en prenant en compte ses Livrets A, L.E.P., C.E.L. et P.E.L alors que ces comptes d'épargne ne constituent pas nécessairement du numéraire disponible et n'ont pas à entrer dans le calcul du taux réglementaire de couverture ,

2) et alors que dans le tableau de la Caisse d'épargne (pièce 12), il convient d'observer que dans la colonne " titres valorisés ", en date du 3 mai 2004, le montant de 34.331, 72 € correspond à des titres achetés avec SRD (Service de Règlement Différé), titres toutefois n'ayant pas été prorogés sur le mois suivant, de telle sorte qu'ils doivent être payés en fin de mois et que leur montant doit être, en conséquence, déduit du compte personnel (colonne 5) ce qui ne peut que faire apparaître un solde négatif affectant ledit compte personnel ,

- qu'il apparaît indiscutable que le 3 mai 2004, les achats au règlement différé sont de 95.779,19 €, alors que la couverture totale n'est que de 65 948,76 €, soit un manque de 29 830,43 € (nécessaire pour la réalisation de l'opération),

- qu'il est constant qu'entre le 3 et le 5 mai 2004, les ordres d'achat ont bien été validés par la Caisse, et ce malgré l'insuffisance de couverture,

- que la Caisse d'épargne a soutenu que " lors des opérations passées par Melle [D], les couvertures requises étaient présentes, à défaut la Concluante n'aurait pas validé les ordres d'achat " ;

- que la Caisse d'épargne, n'a aucunement mis en demeure sa cliente aux fins de reconstitution ou de complément de couverture,

- qu'il s'agit-là d'un manquement particulièrement grave, constitutif d'une véritable faute professionnelle, puisque l'exécution des ordres d'achat sans couverture suffisante ont généré, dans le cadre de cette pratique fautive, des déficits, cumulés opération après opération ;

- que ces découverts, dans l'enchaînement de leurs conséquences, sont à l'origine des préjudices graves dont elle a pâti ,

- qu'une Banque a le devoir essentiel d'informer son client des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors le cas où il en a connaissance ;

- qu'il convient de déclarer nul et non avenu la déchéance du terme du prêt immobilier cette déchéance étant la conséquence directe des fautes commises par la Caisse d'épargne,

- que le solde débiteur du compte courant est la conséquence directe de la violation par la Caisse d'épargne, de son obligation d'information,

- qu'il conviendra, de confirmer la décision entreprise en ce que, retenant déjà la faute de la Banque dans le cas de la vente des titres en-dessous du cours limite demandé par Melle [D], elle a condamné la Caisse d'épargne au paiement d'une somme de 9 512, 63 à titre de dommages et intérêts ;

- qu'il conviendra en outre de condamner la Caisse d'épargne au paiement des agios et frais - forçage et rejets - conséquences des agissements fautifs de la Caisse d'épargne et qui s'élèvent à : 2 370, 42 + 294, 05 + 18, 50 + 9, 00 + 15 = 2 706, 97 ;

-que cette demande ne saurait se heurter à aucune irrecevabilité, au visa de l'article 564 du code de procédure civile cette demande étant incontestablement la conséquence des demandes présentées en première instance,

- que son préjudice moral qui résulte des mesures vexatoires appliquées par la Caisse d'épargne (suppression des moyens de paiement, inscription au F.I.C.P., saisie de son compte-titres, inscription d'hypothèque judiciaire), devra être réparé par la condamnation de la Caisse d'épargne à lui payer et porter, à ce titre, une somme de 10.000 €,

- qu'il conviendra en outre d'ordonner la main-levée des hypothèques et saisies pratiquées.

La société Caisse d'épargne d'Auvergne et du Limouzin demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de Clermont Ferrand,

- condamner Mme [D] en deniers ou quittances, à lui payer :

* 13973,18 € au titre du solde débiteur du compte courant,

* 56585,10 € au titre du prêt immobilier,

- de dire bon et valable le nantissement opéré sur les valeur mobilières,

- de dire que la Caisse d'épargne pourra vendre ou faire vendre les différentes valeurs mobilières à son profit,

-d'infirmer la décision du tribunal de grande instance de Clermont Ferrant et faisant droit à l'appel incident ,

- Vu l'article 564 du code de procédure civile, de déclarer irrecevable la demande nouvelle formée par Melle [D],

- de débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes,

- de la condamner à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

La Caisse d'épargne soutient :

- Sur la portée de l'arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 13 juillet

2010 :

* que la discussion entre les parties est limitée à la question de l'étendue de l'obligation d'information due par la Caisse d'épargne, en matière de placements spéculatifs et ce au moment de la souscription,

* que la deuxième branche du moyen unique de cassation tiré de la faute de la banque relative à l'exécution d'ordres de bourse malgré l'absence de couverture n'a pas été jugé par la cour de cassation dans son dernier arrêt, la cour n'ayant statué que sur la première branche relative à l'obligation d'information.

- que dans le cadre de la convention régularisée entre les parties, Mme [D] a souhaité pouvoir agir à sa guise sur les marchés boursiers, par elle-même ou par l'intermédiaire de son compagnon, M. [W] [F], auquel elle avait donné procuration sur tous ses comptes,

- qu'elle a " boursicoté " de manière excessive à compter de mars 2008 en achetant et revendant des actions cotées en bourse qui sont des placements à risque,

- qu'elle n'avait aucun contrôle sur les actes de Mme [D] (ou de son compagnon),

- qu'elle effectuait elle-même ses opérations d'acquisition en bourse, par l'intermédiaire du service télématique Net Ecureuil,

- que les documents rappellent bien les dangers de tels placements,

- qu'elle justifie avoir adressé les avis d'opéré qui n'ont jamais été dénoncés par Mme [D] prouvant son plein entier accord sur les opérations,

- que le conseiller financier de la Caisse d'épargne a attesté avoir déconseillé à Mme [D] de clôturer son plan d'épargne en alertant Mme [D] sur le caractère très aléatoire de la valeur des actions et donc sur le risque de perte de leur capital,:

- qu'étant institutrice, Mme [D] dispose d'une culture largement suffisante pour connaître les dangers de telles spéculations au regard des aléas du marché boursier, et ce alors qu'une mise en garde lui avait été délivrée par son conseiller financier,

-que les couvertures requises étaient présentes,

- que c'est à Mme [D] de rapporter la preuve de l'absence de couverture,

- que les avoirs pris en compte ne sont pas des comptes bloqués,

- que le document démontre que le montant de 34 331,70 € correspond aux titres réellement détenus sur le portefeuille et non pas ceux acquis au SRD,

- que le tribunal de grande instance de Clermoint Ferrant a justement retenu que la banque n'a ni l'obligation, ni le pouvoir de bloquer les transactions,

-que la réglementation relative a la couverture des ordres de bourse destinés à être exécutés sur un marché réglementé d'instruments financiers à terme vise à protéger l'intermédiaire financier contre les défaillances éventuelles de ses clients, et par ricochet à assurer la sécurité et le bon fonctionnement du marché et non pas protéger le donneur d'ordres ,

Sur le préjudice :

- que Mme [D] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre l'éventuel défaut d'information et le préjudice allégué,

- qu'un défaut d'information n'entraîne une indemnisation que si et seulement si Mme [D] démontre que si elle avait reçu une information suffisante elle n'aurait pour autant pas contracté,

- qu'elle ne soutient aucune argumentation en ce sens et devra être déboutée de sa demande,

- qu'elle ne démontre pas l'étendue de ses pertes et ne peut renvoyer la juridiction à l'examen de ses pièces 2 à 51,

en ce qui concerne le défaut de couverture,

- que le préjudice doit être proportionné à l'insuffisance de couverture et non à la perte totale ,

- qu'elle n'a pris aucune mesures vexatoires, les garanties prises étant contractuellement prévues,

- qu'il n'y a pas lieu à annuler la déchéance du terme du prêt immobilier laquelle est définitive et a été régulièrement prononcée en raison d'impayés,

- que la demande relative aux frais est nouvelle en cause d'appel.

MOTIFS

Sur l'étendue de la cassation

La cour d'appel de Limoge dans le dispositif de son arrêt a :

- Constaté que l'arrêt rendu le 25 juin 2009 par la cour d'appel de Bourges partiellement cassé par l'arrêt précité de la Cour de cassation est définitif quant aux chefs de décisions :

- condamnant Mme [D] à payer à la Caisse d'épargne D'AUVERGNE et du LIMOUSIN, en deniers ou quittance, les sommes de 13 973, 18€ au titre du solde débiteur du compte courant, et de 64 433, 02 €, avec intérêts au taux de 5, 13 % l'an à compter du 31 août 2005, au titre du prêt immobilier,

- condamnant la Caisse d'épargne D'AUVERGNE et du LIMOUSIN à payer à Mme [D] la somme de 7.000 € à titre de dommages - intérêts au titre de la mauvaise exécution des ordres en bourse,

- ordonnant la compensation entre ces dettes réciproques,

- déclarant valable le nantissement provisoire pris par la Caisse le 21 octobre 2004 et l'autorisant à vendre ou à faire vendre les valeurs nanties,

- rejetant la demande de Mme [D] en paiement des agios et frais,

- déclaré irrecevables les demandes des parties tendant à la remise en cause des chefs de décision précités.

Ces chefs de décisions n'ont pas fait l'objet d'une cassation.

Les demandes des parties portant sur ces chefs définitivement jugés sont donc irrecevables .

Sur l'action en responsabilité de Mme [D] à l'encontre de la Caisse d'épargne pour manquement à ses obligations d'information, de mise en garde et de vérification de l'existence d'une couverture financière suffisante lors de l'exécution d'ordres en bourse

* Sur l'obligation d'information

La banque satisfait à son obligation d'information dès lors que dans la convention elle fait apparaître de manière neutre, objective complète et sincère les caractéristiques du produit .

En l'espèce, la banque produit les conditions générales de fonctionnement du compte titres ( PEA) ainsi que la convention de conservation tenue de compte d'instruments financiers « compte-titres» qui comporte des informations très complètes, précises et claires sur l'objet et le fonctionnement du compte-titres ainsi que des informations fiscales.

En conséquence, le moyen tiré d'un manquement à l'obligation d'information est mal fondé.

* Sur le devoir de mise en garde :

La Caisse d'épargne a consenti l'ouverture d'un compte titres à Mme [D] avec la possibilité pour elle d'intervenir directement sur les marchés à terme avec service de règlement différé ( SRD) c'est à dire permettant de passer des ordres d'achat de titres boursiers sans disposer au jour de la passation de la totalité des fonds correspondant .

Ce fonctionnement présente un caractère spéculatif dès lors que le but poursuivi par Mme [D] n'était pas de se constituer une épargne fondée la valeur d'une société commerciale en visant un horizon d'investissement à moyen ou long terme, mais de réaliser des profits immédiats en achetant et revendant des titres en se fondant essentiellement sur leur tendance haussière, quelqu'en soit la cause.

Pour les investisseurs profanes, ces investissements présentent les mêmes dangers que les paris, les cours pouvant varier à court terme au gré de simples «rumeurs» propagées dans les milieux concernés.

Pour ces raisons, la banque est tenue lorsque l'opération envisagée par son client présente un caractère spéculatif, d'un devoir de mise en garde, qui consiste à attirer son attention sur les risques et dangers de l'opération, au regard de l'expérience de ce dernier.

En l'espèce, le Caisse d'épargne ne justifie pas s'être informée de l'expérience et des aptitudes de Mme [D] dans le domaine boursier .

Au contraire Mme [D] justifie qu'elle n'en avait aucune.

Si sa profession d'institutrice lui permet de savoir que le prix d'un action est fluctuant, elle n'en fait pas nécessairement une personne aguerrie capable de discerner parmi les informations économiques et financières celles qui sont sérieuses .

La banque était donc tenue a son égard, au moment de l'ouverture du compte titres d'un devoir de mise en garde contre les risques encourus.

Certes, la convention de conservation de compte d'instruments financiers mentionne en caractère gras figurant en préambule des conditions générales que " l'attention du titulaire est en particulier attirée sur les risques liés au caractère spéculatif de certains marchés " ;

De même, l'avenant à la Convention des forfaits de services de la Caisse mentionne que " le client s'engage expressément avant de passer ses ordres par INTERNET, à prendre connaissance de l'information relative aux opérations qu'il souhaite effectuer, quelle que soit sa compétence professionnelle ou son expérience particulière en matière d'investissement financier et il accepte le niveau de risque propre à ce type d'opération "

Toutefois, ces termes sont insuffisants pour mettre en garde un particulier non averti sur les risques inhérents aux spéculations des marchés financiers, dès lors que cette mention n'énonce pas concrètement quels sont concrètement les risques liés au caractère spéculatif de certains marchés, comme par exemple le risque de perte de l'investissement réalisé.

En conséquence, il convient de constater que la banque a commis un manquement à son devoir de mise garde et a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [D].

* Sur le grief tiré de l'obligation qu'aurait la banque de surveiller la couverture des acquisitions

Aux termes des conditions générales de la convention de conservation tenue de compte d'instruments financiers , il est mentionné :

article 6.1.2.5 : En application des règles édictées par le Conseil des Marchés Financiers, la Caisse d'épargne exige du Client la constitution d'une couverture espèces et/ou en instruments financiers.

article 6.2 : la caisse d'épargne s'engage a exécuter l'ordre selon les instructions du donneur d'ordre dans le respect des règles :

- de fonctionnement des marchés,

-chronologiques de réception et de transmission,

-déontologiques de bourse,

-de couverture des ordres de bourse.

La personne habilitée à faire fonctionner le compte d'instruments financiers s'engage à cet effet à maintenir une couverture globale suffisante pour satisfaire aux règle de couverture en vigueur.

S'agissant des ordres avec service de règlement et de livraison différés, la couverture initialement constituée, est réajustée en cas de besoin en fonction de la réévaluation quotidienne de la position elle-même et des actifs admis en couverture de cette position, de sorte qu'elle corresponde en permanence au minimum réglementaire requis.

A défaut , pour la personne habilitée à faire fonctionner le compte d'instrument financiers , d'avoir complété ou reconstituer la couverture au moment du règlement la Caisse d'Epargne procède à la liquidation des engagements.

Article 7 :

Tous les instruments financiers conservés sur le ou les comptes du donneur d'ordre, concernés par la présente convention sont affectés à titre de couverture à la garantie de tous ses engagements.(...) Le cas échéant la Caisse d'épargne est seule juge du choix des instruments financiers à réaliser.

Il résulte de ces dispositions que la Caisse d'épargne est contratuellement tenue d'une obligation de réajustement quotidien de la couverture et qu'elle s'est ainsi engagée à l'égard de son client à surveiller en permanence l'existence de la couverture .

Les parties conviennent que le taux de couverture réglementaire et non modifié contractuellement était à l'époque de 20% en numéraire ou 40 % pour les actions.

Dès lors que tous les instruments financiers conservés sur le ou les comptes [de Mme [D]] sont affectés de plein droit à titre de couverture à la garantie de tous ses engagements, c'est à juste titre que la Caisse d'épargne à pris en compte les divers comptes et livrets d'épargne de Mme [D] qui constituent bien des numéraires.

Ainsi, la Caisse d'épargne produit un tableau qui fait apparaître au regard de l'ensemble des avoirs de Mme [D] ( espèces et titres) que le taux de couverture requis est respecté.

Les critiques faites à ce tableau par Mme [D] ne sont pas justifiées par les pièces qu'elle produit.

Elle invoque que son compte courant était créditeur de 5.291 € pour en déduire, suite à ses achats au SRD de 55 971 € un défaut de couverture de 5.902 € et ce, sans prendre en compte l'ensemble de ses avoirs.

De même elle soutient que la banque a pris en compte au titre de ses avoirs des titres valorisés à hauteur de 34 331,72 € pour le calcul de la couverture , alors que ces titres avaient été acquis avec SRD ce qui devait amener la banque à les exclure.

Cependant, la Caisse d'épargne fait valoir que ces titres n'ont pas été acquis avec SRD .

Elle produit un document intitulé « canal portefeuille» faisant apparaître que Mme [D] détenait au 3 mai 2004 pour un montant de 34 331,72 € de titres répartis entre les société:

comletel europe NV : 10

Nokia :1300

A. NOVO 6000

Cap INNOV3 DEC 2000

Or il apparaît que le 3 mai 2004, Mme [D] a acquis :

6.000 titres A NOVO

600 titres Nokia

ainsi que d'autres titres : GFI informatiques, Wave Combusiness object ...

Il en résulte que le détail des achats du 3 mai 2004, ne correspond pas au détail figurant sur le document produit par la banque et non contesté par Mme [D].

L'allégation de Mme [D] n'est donc pas justifiée.

Au vu de ces éléments, il convient de constater que Mme [D] ne rapporte pas la preuve d'un défaut de couverture au moment de la passation, ni au moment du règlement, ni d'un manquement de la banque à son obligation de surveillance de la couverture, de mise en demeure ou de liquidation des positions.

Sur le préjudice

* Sur le taux de perte de chance :

Le manquement au devoir de mise en garde génère un préjudice constitué par une perte de chance de ne pas avoir souscrit à l'opération envisagée.

Or ainsi que la Caisse d'épargne l'a conclu dans ses écritures, Mme [D] ne chiffre pas son préjudice sur cette base.

Il sera retenu que malgré les réserves qui lui avaient été objecté par la Banque Mme [D] a, en 2003, « cassé» son plan épargne logement d'un montant de 18 674 €, pour se livrer à des investissements boursiers.

Elle rapidement procédé à des acquisitions très élevées, dans la limite du taux de couverture mais supérieures au montant de ses avoirs.

L'examen de ses comptes de liquidation retracent les achats éffectués au SRD.

Ils montrent plusieurs opérations effectuées le même jour, pour les mêmes titres , ce qui démontre un suivi en temps réel des valeurs de ces titres.

Au vu de ces éléments, qui caractérisent une détermination certaine et un engagement assumé dans les placements boursiers spéculatifs, le taux de perte de chance sera évalué à 10 % des préjudices.

*Sur le montant du préjudice

Les demandes de Mme [D] au titre de :

- l' accumulation de découverts bancaires qui n'auraient pas dû exister si les prescriptions légales et réglementaires avaient été observées par la CAISSE d'EPARGNE,

- et par voie de conséquence, de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de satisfaire au paiement du son prêt immobilier de juin à août 2004 ,

ne sont pas justifiées faute de lien de causalité direct.

En effet, il sera constaté en particulier , que Mme [D] soutient qu'elle règle régulièrement son prêt immobilier.

De même, Mme [D] ne justifie d'aucun préjudice moral alors qu'il ne peut qu'être constaté qu'elle a personnellement contribué à son préjudice.

En revanche, il convient de retenir le montant des pertes pour un montant global de 34 392, 20 €, qu'elle n'auraient pas enregistrées si elle n'avait pas souscrit aux opérations spéculatives.

Dès lors, il lui sera alloué une somme de 3. 440 € ( 10%) à titre de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

la cour,

- Déclare irrecevables les demandes des parties relatives :

- à la condamnation de Mme [D] à payer à la Caisse d'épargne D'AUVERGNE et du LIMOUSIN, en deniers ou quittance, les sommes de 13 973, 18€ au titre du solde débiteur du compte courant, et de 64 433, 02 €, avec intérêts au taux de 5, 13 % l'an à compter du 31 août 2005, au titre du prêt immobilier,

- à la condamnation de la Caisse d'épargne D'AUVERGNE et du LIMOUSIN à payer à Mme [D] la somme de 7.000 € à titre de dommages - intérêts au titre de la mauvaise exécution des ordres en bourse,

- à la compensation entre ces dettes réciproques,

- au nantissement provisoire pris par la Caisse le 21 octobre 2004 et l'autorisant à vendre ou à faire vendre les valeurs nanties,

- à la demande de Mme [D] en paiement des agios et frais,

- Infirme le jugement déféré et statuant de nouveau sur le seul point déféré par l'arrêt de la Cour de cassation du 12 juin 2012,

- Dit que la société Caisse d'épargne Auvergne Limouzin n'a pas manqué à ses obligations de surveillance de la couverture des positions prises par Mme [D],

- Dit que la société Caisse d'épargne Auvergne Limouzin a manqué à son devoir de mise en garde à l'ouverture du compte titres de Mme [Y] [D],

- Déclare la société Caisse d'épargne Auvergne Limouzin responsable des préjudices subis par Mme [Y] [D] ,

-Condamne la société Caisse d'épargne Auvergne Limouzin à payer à Mme [Y] [D] la somme de 3.440 € à titre de dommage et intérêts, outre celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,

- Déboute Mme [D] de ses autres prétentions,

- Condamne la société Caisse d'épargne Auvergne Limouzin aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Barriquand,

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 13/00730
Date de la décision : 22/10/2013

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°13/00730 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-22;13.00730 ?
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