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28/02/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006937094

France | France, Cour d'appel de Lyon, 28 février 2001, JURITEXT000006937094


COUR D'APPEL DE LYON 6ème Chambre ARRET du 28 FEVRIER 2001 Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 20 Septembre 1999 (RG : 199615471)

N° RG Cour : 1999/06190

Nature du recours : DECL. D'APPEL Code affaire : 646 Avoués :

Parties : - ME LIGIER DE MAUROY COMPAGNIE MUTUELLE DE X... EST LA BRESSE ASSURANCE dont le siège social est : 8 avenue Louis Jourdan BP 158 01000 BOURG-EN-BRESSE Représenté par ses dirigeants légaux Y... : Maître CHEVALIER

APPELANTE

---------------- - SCP AGUIRAUD GPA IARD dont le s

iège social est :

18 Place des Cinq Martyrs du Lycée Buffon 75014 PARIS Représenté par s...

COUR D'APPEL DE LYON 6ème Chambre ARRET du 28 FEVRIER 2001 Décision déférée : JUGEMENT du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de LYON en date du 20 Septembre 1999 (RG : 199615471)

N° RG Cour : 1999/06190

Nature du recours : DECL. D'APPEL Code affaire : 646 Avoués :

Parties : - ME LIGIER DE MAUROY COMPAGNIE MUTUELLE DE X... EST LA BRESSE ASSURANCE dont le siège social est : 8 avenue Louis Jourdan BP 158 01000 BOURG-EN-BRESSE Représenté par ses dirigeants légaux Y... : Maître CHEVALIER

APPELANTE

---------------- - SCP AGUIRAUD GPA IARD dont le siège social est :

18 Place des Cinq Martyrs du Lycée Buffon 75014 PARIS Représenté par ses dirigeants légaux Y... : Maître MICHEL

APPELANTE

---------------- - SCP BRONDEL-TUDELA SA AGF dont le siège social est : 87 rue de Richelieu 75002 PARIS Représenté par ses dirigeants légaux Y... : Maître FORESTIER

INTIMEE

---------------- - SCP JUNILLON-WICKY MONSIEUR Z... P. Y... :

Maître LA PHUONG

INTIME

---------------- - SCP JUNILLON-WICKY MONSIEUR X... M. Y... :

Maître BUFFARD

INTIME

---------------- INSTRUCTION CLOTUREE le 23 Janvier 2001 DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE du 01 Février 2001 LA SIXIEME CHAMBRE DE LA COUR D'APPEL DE LYON, composée lors des débats et du délibéré de : .

Monsieur VEBER, Président . Madame DUMAS, Conseiller . Madame JEAMMAUD, Conseiller assistés lors des débats tenus en audience publique par Madame A..., Greffier, a rendu l'ARRET contradictoire suivant prononcé à l'audience publique du 28 FEVRIER 2001, par Monsieur VEBER, Président, qui a signé la minute avec le Greffier

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans la nuit du 22 au 23 décembre 1992, un incendie a détruit une partie de l'ensemble immobilier constitué par l'Institut Saint Irénée des Chartreux à LYON causant un préjudice supérieur à 14 millions de francs.

L'enquête pénale a mis en cause deux anciens lycéens de cet établissement, Messieurs M. X... et P. Z..., qui ont été condamnés par jugement du Tribunal Correctionnel de LYON du 2 octobre 1995 des chefs de destructions et détériorations volontaires d'objets mobiliers et de biens immobiliers par l'effet d'incendie en bande organisée.

Par actes des 2 et 7 octobre 1996, la Compagnie AGF, assureur de l'Association Institut Saint Irénée des Chartreux, a fait assigner Messieurs X... et Z... devant le Tribunal de Grande Instance de LYON aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 14.154.318 F, montant des indemnités qu'elle a versées à son assurée.

Par acte du 18 février 1997, Monsieur Z... a appelé en garantie la Société GPA-IARD afin d'être relevé et garanti et par acte du 3 juillet 1997, Monsieur X... en a fait de même à l'égard de la Compagnie MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE.

Par jugement du 20 septembre 1999, le Tribunal de Grande Instance de LYON a :

- condamné in solidum Monsieur X..., Monsieur Z..., la Compagnie

MUTUELLES DE L'EST LA BRESSE et la Société GPA-IARD à payer à la Compagnie AGF la somme de 14.154.318 F outre intérêts au taux légal à compter du jugement ainsi que la somme de 5.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- condamné la Compagnie MUTUELLES DE L'EST LA BRESSE à relever et garantir Monsieur X... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

- condamné la Société GPA-IARD à relever et garantir Monsieur Z... de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre.

La Compagnie MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE et la Société GPA-IARD ont relevé appel de cette décision.

La Société GPA-IARD conteste le jugement déféré car il a retenu sa garantie sur le fondement de l'article L.113-1 du Code des Assurances. Elle fait valoir que la police souscrite par Monsieur Z... ne couvre que les conséquences financières d'un accident défini comme un événement imprévu et que la garantie n'est pas acquise puisqu'il s'agit en l'espèce d'une mise à feu volontaire qui ne constitue pas un accident. Elle soutient, d'autre part, que la faute intentionnelle visée par l'article L.113-1 du Code des Assurances qui exclut la garantie de l'assureur est celle qui suppose la volonté de causer le dommage et pas seulement de créer le risque. Elle ajoute que la condamnation pénale définitive a acquis l'autorité de la chose jugée et qu'il en ressort que la faute génératrice du dommage est intentionnelle. Elle estime que le tribunal ne pouvait pas considérer que la décision correctionnelle n'avait pas l'autorité absolue de la chose jugée, au motif qu'aucune disposition du jugement n'indiquait si les intéressés avaient eu la volonté de causer à l'Institut des Chartreux l'ensemble des dommages finalement subis, car les décisions

pénales ne se prononcent jamais sur le point de savoir si les prévenus avaient la volonté d'aboutir au résultat obtenu mais ne s'attachent qu'à déterminer si les auteurs avaient l'intention de commettre les actes de destruction. Elle fait remarquer, enfin, que la multiplicité des foyers et l'absence d'appel des secours démontrent chez les auteurs la volonté de causer le dommage.

Subsidiairement, la Société GPA-IARD conteste l'interprétation faite par le tribunal des dispositions contractuelles qui a retenu celle la plus favorable à l'assuré qui exclut pour les dommages exceptionnels l'application de la variation de l'indice. Elle soutient que le chapitre 2 "responsabilité privée et familiale" limite l'indemnisation des dommages matériels accidentels à 200 fois l'indice de référence. En outre, elle explique que les "dommages exceptionnels" prévoient un montant de garantie pour les dommages matériels causés par le feu limité à 200 fois l'indice et elle en conclut que sa garantie ne pourrait dépasser ainsi la somme de 1.054.800 F.

La Société GPA-IARD s'oppose à la demande de la Compagnie AGF, qui sollicite de fixer le point de départ des intérêts à la date de la quittance subrogative, en avançant que les intérêts ne peuvent courir à compter d'une date antérieure à la décision judiciaire qui a retenu la responsabilité des assurés. En outre, elle fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que la Compagnie AGF qui a adhéré à la convention de renonciation à recours ne peut recourir pour les pertes indirectes (2.164.524 F) et les honoraires d'expert (288.833 F), ce qui réduit le montant du recours à la somme de 11.700.961 F. Elle sollicite, enfin, une somme de 5.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE ASSURANCE conteste également le jugement déféré en ce qu'il a admis que sa garantie était due. Elle

fait valoir que la faute intentionnelle, présente dans les infractions pénales intentionnelles, n'est pas toujours la même que celle prévue à l'article L.113-1 du Code des Assurances et que cette différence permet d'écarter le principe de l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil. Toutefois, elle soutient l'identité de contenu de la faute intentionnelle, présente dans l'infraction de destruction volontaire d'un bien par l'effet d'un incendie, et de la faute intentionnelle prévue par l'article L.113-1 du Code des Assurances. Elle avance que le Tribunal Correctionnel a jugé que les auteurs avaient volontairement détruit ou détérioré des biens tant mobiliers qu'immobiliers et que cette décision s'impose au Juge civil forcé d'admettre l'existence d'une faute intentionnelle au sens de l'article L.113-1 du Code des Assurances. Elle ajoute, même en écartant l'autorité de chose jugée, que le recours à l'incendie constitue une présomption suffisante de l'intention de provoquer les dommages subis, que les faits du dossier l'établissent (pluralité et emplacement des foyers, emploi de papier, de white spirit, le temps passé dans les lieux...).

Sur la limitation de garantie, la MUTUELLE LA BRESSE ASSURANCE estime que la décision critiquée a dénaturé la clause "dommages exceptionnels" qui a été introduite dans tous les contrats pour fixer un plafonnement global par sinistre mais ce plafond doit être combiné avec les autres plafonds de garantie. Elle soutient ainsi que les seuls dommages matériels sont limités selon le tableau récapitulatif à 10.000 indices soit 4.675.000 F. Elle explique que la référence aux "dommages exceptionnels"signifie que pour un important sinistre (ex. crash d'un avion) la garantie ne pourra excéder 30 millions de francs, une somme par imputation correspondant à 10.000 fois l'indice étant consacrée à l'indemnisation des dommages matériels.

La MUTUELLE LA BRESSE ASSURANCE reprend par ailleurs les mêmes

critiques à l'encontre des demandes incidentes de la Compagnie AGF et sollicite la condamnation de Monsieur X... et de la Compagnie AGF à lui payer, chacun, la somme de 15.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La Compagnie AGF, au soutien de sa demande de confirmation du jugement déféré, réplique en invoquant l'absence d'autorité de chose jugée attachée au jugement correctionnel. Elle fait remarquer qu'une infraction n'est intentionnelle que si elle punit un acte qui cherche à produire un résultat déterminé, à défaut, il ne s'agit que d'une infraction volontaire qui punit la commission d'un acte accompli consciemment et librement mais sans exiger qu'il ait été tendu vers la production d'un résultat précis. Il en est ainsi, estime-t-elle, du délit de destruction et de détérioration qui punit un fait volontaire sans exiger qu'il ait été dirigé vers un objet précis. Elle avance qu'il n'est pas possible de déduire de la condamnation pénale qu'elle a jugé que la destruction était intentionnelle, que les auteurs ont agi à dessein de détruire les biens que le geste a détruit. Elle souligne, en outre, que le jugement correctionnel ne contient aucun motif et se borne à prononcer une condamnation. La Compagnie AGF ajoute, en outre, que la faute intentionnelle de l'article L.113-1 du Code des Assurances supposant la volonté de créer le dommage et pas seulement d'en créer le risque, les auteurs n'ont pas eu en l'espèce la volonté de créer le dommage réalisé, ce qui ressort de l'expertise de Monsieur B...

Concernant la limitation de garantie invoquées par les assureurs appelants, la Compagnie AGF soutient que seule en l'espèce s'applique la clause "dommages exceptionnels" qui est l'interprétation rendue nécessaire par l'obscurité de la clause de la police d'assurance.

Sur son appel incident, la Compagnie AGF soutient que la convention de renonciation à recours ne peut recevoir application faute d'une

action principale de sa part contre les appelants principaux et en raison de son inopposabilité à Messieurs X... et Z... Elle demande, par ailleurs, que le point de départ des intérêts soit fixé à compter de la quittance subrogative puisqu'il s'agit d'un recours subrogatoire et également la capitalisation des intérêts. Elle sollicite, enfin, une somme de 50.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X... fait valoir, au soutien de sa demande de confirmation, que le jugement correctionnel a statué sur l'action publique mais pas sur les suites dommageables des faits qui lui sont reprochés et que cette décision n'a pas autorité de la chose jugée sur le civil concernant les conséquences dommageables des infractions. Il indique que la seule reconnaissance d'une faute volontaire en matière pénale n'entraîne pas en matière de responsabilité civile la qualification de faute intentionnelle exclusive de l'assurance. Il ajoute que la MUTUELLE LA BRESSE ASSURANCE ne démontre pas l'existence d'une faute intentionnelle par les éléments du dossier notamment du fait de l'expertise B... d'où il ressort que l'assuré n'a pas voulu la réalisation du dommage en ayant parfaitement conscience des conséquences de son acte. Il estime, concernant la limitation de garantie, que la mutuelle n'établit pas le caractère inapplicable de la clause "dommages exceptionnels". Il sollicite une somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Z..., qui conclut à la confirmation du jugement, soutient également que l'article L.113-1 du Code des Assurances ne peut recevoir application que si l'auteur a voulu non seulement l'action génératrice du dommage mais également l'intégralité du dommage causé et qu'en l'espèce la thèse des inculpés soutenant ne pas avoir été conscients des conséquences probables de leur acte a paru admissible

à l'expert au vu des éléments de l'information pénale. Il invoque le caractère ambigu des dispositions contractuelles pour voir appliquer l'interprétation la plus favorable à l'assuré comme retenue par le jugement. Il conteste toutefois le montant des pertes indirectes. Il sollicite, enfin, une somme de 20.000 F en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS

I - Sur la garantie de la Société GPA-IARD et de la MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE ASSURANCE :

Attendu, selon un jugement en date du 2 octobre 1995 devenu définitif, que le Tribunal Correctionnel de LYON a prononcé des condamnations pénales à l'encontre de Monsieur Z... et de Monsieur X... pour avoir, courant novembre 1992 et les 19, 20 et 23 décembre 1992 volontairement détruit ou détérioré des objets mobiliers et des biens immobiliers appartenant à l'Institut Saint Irénée des Chartreux par l'effet d'incendies ;

Attendu que la Compagnie AGF, assureur de cette institution, a attrait les auteurs devant le Tribunal de Grande Instance de LYON afin de les voir condamner à lui rembourser le montant des dommages, soit la somme de 14.154.318 F, mais que ceux-ci ont appelé en garantie leurs propresn de les voir condamner à lui rembourser le montant des dommages, soit la somme de 14.154.318 F, mais que ceux-ci ont appelé en garantie leurs propres assureurs, la Société GPA-IARD et la MUTUELLE LA BRESSE ASSURANCE, qui demandent leur mise hors de cause en raison des dispositions de l'article L.113-1 du Code des Assurances selon lesquelles l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ;

Attendu que l'élément intentionnel de l'infraction définie par

l'article 322-6 du Code Pénal est caractérisé par la seule utilisation, par l'auteur de la destruction ou de la dégradation d'un bien appartenant à autrui, d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour autrui; qu'ainsi l'élément intentionnel de l'infraction tend principalement à caractériser l'acte délictueux qui transparaît par la seule volonté de l'auteur de détruire en utilisant un procédé qui objectivement est de nature à créer un danger pour les personnes ;

Que la faute intentionnelle de l'article L.113-1 du Code des Assurances, définie comme celle qui suppose la volonté de causer le dommage et pas seulement de créer le risque, s'attache en revanche plus au lien de volonté existant entre l'acte fautif et les dommages réalisés ; qu'ainsi, pour qu'existe une faute intentionnelle, il convient d'établir que l'auteur n'a pas seulement eu conscience de créer le risque des dommages mais a voulu ceux-ci tels qu'ils se sont effectivement réalisés ;

Attendu, en l'espèce, qu'en l'absence tant de motifs particuliers que de constitution de partie civile de la part de la victime dans la décision du Tribunal Correctionnel, celui-ci n'a pas été amené à statuer sur l'étendue des dommages et leur relation avec une faute intentionnelle des auteurs au sens de l'article L.113-1 du Code des Assurances ;

Que, dès lors, la recherche de l'étendue de la volonté manifestée par les auteurs quant aux dommages réalisés ne peut se heurter à l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil ;

Attendu qu'il ressort des différents éléments de la procédure pénale produits par les parties que Messieurs Z... et X..., dans le but de causer des désagréments à certains de leurs anciens professeurs de l'Institut Saint Irénée des Chartreux, se sont rendus à plusieurs reprises, de nuit, dans cet établissement en novembre et décembre

1992 pour y commettre diverses dégradations et détériorations telles que des graffitis sur les murs et les véhicules et notamment faire brûler des papiers dans une poubelle d'une salle de classe et sur le tableau d'affichage du réfectoire des surveillants ;

Qu'enhardis par leurs premiers méfaits, Messieurs Z... et X... sont retournés dans la nuit du 22 au 23 décembre 1992 dans les locaux de l'institution où, après avoir confectionné des mélanges de produits chimiques dans un des laboratoires, ils ont mis le feu à un crâne de vache rempli de papiers posé sur une paillasse dans un autre ;

Que Monsieur Z... comme Monsieur X... ont constamment soutenu que lors de leur première expédition ils n'avaient quitté les lieux qu'après avoir été certains que le feu dans la poubelle et sur le tableau d'affichage était éteint; qu'ils ont expliqué, concernant l'incendie du laboratoire, qu'ils avaient été contraints de partir sans vérifier l'extinction des papiers en raison des vapeurs toxiques dégagées par le mélange de différents produits chimiques qu'ils avaient effectué ; Qu'après cet épisode, ils se sont rendus sur une terrasse où ils ont confectionné une croix avec des matériaux pris sur le chantier voisin et y ont mis le feu avec un produit inflammable qu'ils avaient apporté, non sans avoir au préalable couvert les murs sur leur passage de "tags" et autres insanités ou slogans blasphématoires ;

Attendu que l'expert B..., commis par le magistrat instructeur, a estimé que le feu avait été allumé sur la paillasse du laboratoire n° 2 et qu'il était tout à fait possible qu'un seul foyer ait été organisé, nourri par une quantité de papier froissé relativement importante ; qu'il précise que la probabilité de plusieurs foyers est faible, un second point de départ n'étant pas démontré concomitant ni dû au fait des auteurs ou d'autres individus ; que ses constatations ont éliminé l'emploi d'un liquide inflammable pour accélérer

l'incendie ;

Que, si l'expert, qui estime admissibles les déclarations des auteurs, trouve, toutefois, surprenant que ceux-ci n'aient pas vu de colonne de fumée alors qu'ils admettent être restés dans l'institut au minimum deux heures et que l'échappement des fumées par la cage d'escalier a dû se produire dans un délai n'excédant pas 3/4 d'heure après le début de l'incendie, il convient de relever à cet égard, que les auteurs ne sont pas restés sur place à regarder l'incendie, mais ont poursuivi leur pérégrination dans l'institut pour couvrir les murs et certains véhicules de graffitis et confectionner une croix; qu'il ressort également de leurs déclarations qu'après avoir quitté les lieux pour se rendre sur les hauteurs de FOURVIERE et voir la croix brûler, ils n'ont pas remarqué alors de fumée ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que les circonstances du sinistre, telles qu'elles résultaient du dossier pénal, confirmant les déclarations de Messieurs Z... et X... sur leur absence de volonté de causer les dommages aux immeubles qui ont été détruits, ne donnaient lieu à retenir à leur encontre une faute intentionnelle de nature à exclure la garantie de leurs assureurs ;

Attendu que la Société GPA-IARD dénie, en outre, sa garantie en invoquant le chapitre II des conditions générales selon lequel sont garanties les seules conséquences financières d'un accident causé à un tiers et dont l'assuré serait reconnu responsable ; qu'elle soutient ainsi que la mise à feu ne constitue pas un accident ;

Que, toutefois, l'appréciation du critère invoqué doit être faite relativement à la victime selon la définition que donne elle-même la Société GPA-IARD de l'accident et qui consiste en un événement soudain, imprévu et extérieur à la victime ou aux biens endommagés ;

Attendu, en définitive, que la décision du Premier Juge déboutant la Société GPA-IARD et la MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE ASSURANCE de leur demande de mise hors de cause doit être confirmée ;

II - Sur la limitation de la garantie :

Attendu que tant la Société GPA-IARD que la MUTUELLE LA BRESSE ASSURANCE contestent la décision déférée en ce qu'elle n'a pas appliqué les dispositions contractuelles limitant le montant la garantie ;

Attendu que le chapitre II "responsabilité privée et familiale" résume dans un tableau l'étendue de la garantie accordée par la Société GPA-IARD à Monsieur Z..., soit :

LA GARANTIE

SON MONTANT (1)

[* Dommages corporels

Sans limitation de somme

*] Dommages matériels

600 fois l'indice

- dont dommages causés par le feu, l'eau

200 fois l'indice

ou l'explosion (1) dans la limite prévue ci-après pour les dommages exceptionnels.

Que dans le paragraphe dommages exceptionnels, il est précisé que "l'engagement au titre de la garantie de vos responsabilités ci-dessus chapitres II et III est limité à 20.000.000 F par événement, sans application de la variation de l'indice, quel que soit le nombre des victimes pour les dommages résultant de l'action du feu, de l'eau, du gaz et de l'électricité dans toutes leurs manifestations ainsi que d'explosions" ;

Attendu que la MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE ASSURANCE produit pour l'assurance habitation dont bénéficie Monsieur X... le tableau suivant :

Responsabilité familiale (1) :

- Dommages corporels - Dommages matériels - Dommages immatériels

illimité 10.000 indices 2.000 indices (1) dommages exceptionnels 30.000.000 de francs non indexés

Que le paragraphe 17 dommages exceptionnels précise que "lorsque des dommages, mettant en cause la garantie Responsabilité Civile Familiale ou Responsabilité Civile propriétaire d'immeuble, résultent :

- de l'action du feu, du gaz.......

...l'assurance est toujours limitée à la somme non indexée au TABLEAU RECAPITULATIF DES GARANTIES" ;

Attendu que la MUTUELLE LA BRESSE ASSURANCE soutient qu'en décidant que la clause "dommages exceptionnels" avait pour effet de porter à

30 millions de francs le plafond de garantie prévu pour les dommages matériels dans le cadre de la Responsabilité Familiale, le jugement déféré avait dénaturé cette clause sans toutefois apporter plus d'explication ;

Que, pour sa part, la Société GPA-IARD estime que le paragraphe "dommages exceptionnels" fixe un deuxième degré de limite d'intervention pour certains types de sinistres énumérés et concerne également la responsabilité d'occupant ou de propriétaire d'immeuble ;

Attendu que par la généralité des termes employés dans les clauses ci-dessus rappelées, l'interprétation proposée par les assureurs se heurte au principe posé par l'article L.113-1 du Code des Assurances selon lequel toute exclusion doit être formelle et limitée ; qu'en l'espèce ces clauses sont libellées de telle sorte qu'elles n'expliquent pas que leur objet est de limiter les engagements de l'assureur lorsqu'ils sont illimités ; qu'ainsi c'est à juste titre que le premier juge a relevé que les dispositions contractuelles faisaient apparaître à tout le moins une ambigu'té compte tenu de l'imprécision des tableaux et du fait que la garantie des dommages exceptionnels excluait l'application de la variation de l'indice (GPA-IARD) ; qu'en conséquence, l'interprétation faite de ces dispositions en retenant la plus favorable aux assurés doit être confirmée ;

Attendu que la Société GPA-IARD et la MUTUELLE LA BRESSE ASSURANCE soutiennent encore qu'en raison de la convention de renonciation à recours la Compagnie AGF ne peut recourir pour les pertes indirectes et les honoraires d'experts soit les sommes respectives de 2.164.524 F et 288.833 F ; qu'à l'appui de leur demande, elles invoquent le paragraphe 3-1 de la convention qui dispose que "les sociétés renoncent, lorsqu'elles interviennent en assurance de choses, à

exercer un recours contre les assureurs de responsabilité pour la valeur à neuf, les sommes versées forfaitairement au titre de la garantie des pertes indirectes, les honoraires d'experts. Cette renonciation est applicable pour tout recours susceptible d'être exercé à l'encontre d'une société d'assurance de responsabilité civile quelle que soit la catégorie de garantie R..C. concernée sauf disposition contraire expresse." ;

Attendu, en l'espèce, que la Compagnie AGF a exercé son recours à l'encontre des auteurs responsables du sinistre qui ont appelé en garantie leurs propres assureurs ; qu'ainsi cette convention est inopposable à Messieurs Z... et X... qui sont défendeurs au principal ; que cette limitation de la garantie due par la Société GPA-IARD et la MUTUELLE LA BRESSE ASSURANCE doit donc être également écartée ;

III - Sur les demandes annexes :

Attendu que la Compagnie AGF, par son appel incident, a demandé que le jugement déféré soit réformé en ce qu'il avait condamné Messieurs Z... et X... et leurs assureurs au paiement de la somme de 14.154.318 F outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ; que la Compagnie soutient qu'exerçant un recours subrogatoire, la fixation du point de départ des intérêts se situe à compter de la date de la quittance subrogative ;

Attendu que les intérêts moratoires d'une somme versée suivant quittance subrogative et dont le remboursement est sollicité par le créancier subrogé courent à compter de la date de cette quittance ; qu'il convient, dès lors, de faire droit à la demande de la Compagnie AGF ;

Attendu que la Compagnie AGF sollicite que soit prononcée la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil ; que les seules conditions posées par

ce texte d'ordre public sont que la demande en soit faite judiciairement et qu'il s'agisse d'intérêts dus pour au moins une année entière ; qu'il convient donc de faire droit à cette demande ; Attendu que l'équité commande que la Société GPA-IARD et la MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE ASSURANCE participent, chacune à hauteur de 5.000 F, aux frais et honoraires non compris dans les dépens que la Compagnie AGF a été contrainte d'exposer devant la Cour ;

Attendu que la Société GPA-IARD et la MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE ASSURANCE qui succombent supportent les dépens d'appel

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Réforme partiellement le jugement déféré,

Dit que les intérêts légaux doivent courir à compter des dates des quittances subrogatives,

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil,

Le confirme pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la Société GPA-IARD et la MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE ASSURANCE à verser à la Compagnie AGF chacune la somme de 5.000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile,

Rejette toutes demandes plus amples ou contraires des parties,

Condamne la Société GPA-IARD et la MUTUELLE DE L'EST LA BRESSE ASSURANCE aux dépens d'appel et autorise la SCP BRONDEL etamp; TUDELA et la SCP JUNILLON etamp; WICKY, Avoués, à les recouvrer aux formes et conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006937094
Date de la décision : 28/02/2001

Analyses

ASSURANCE

Il résulte de l'article L. 113-1 du Code des Assurances que la faute intentionnelle est définie comme celle qui suppose la volonté de créer le risque, elle s'attache en revanche plus au lien de volonté existant entre l'acte fautif et les dommages réalisés, et diffère de l'élément intentionnel de l'infraction de l'article 322-6 du Code Pénal; ainsi pour qu'existe une faute intentionnelle, il convient d'établir que l'auteur n'a pas seulement eu conscience de créer le risque des dommages mais a voulu ceux-ci tels qu'ils se sont effectivement réalisés. Dès lors, la recherche de l'étendue de la volonté manifestée par les auteurs quant aux dommages réalisés ne peut se heurter à l'autorité de la chose jugée au criminel sur le civil. Au vu de ces éléments de fait et en l'absence de volonté des auteurs de l'incendie de causer les dommages aux immeubles qui ont été détruits, il n'y a pas lieu de retenir à leur encontre une faute intentionnelle de nature à exclure la garantie de leurs assureurs. Pour retenir la garantie, l'appréciation doit être faite relativement à la victime selon la définition que donne elle-même l'assureur de l'accident et qui consiste en un événement soudain, imprévu et extérieur à la victime ou aux biens endommagés.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2001-02-28;juritext000006937094 ?
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