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25/01/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006937017

France | France, Cour d'appel de Lyon, 25 janvier 2001, JURITEXT000006937017


INSTRUCTION CLOTUREE le 23 Octobre 2000 DÉBATS audience publique du 14 novembre 2000, tenue par monsieur CHAUVIRE président rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré, assisté de madame SAUVAGE, greffier, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré - monsieur CHAUVIRE, président, - monsieur LORIFERNE,président, -monsieur ROUX, conseiller, ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique du 25 janvier 2001 par monsieur CHAUVIRE, président qui a signé la minute avec le greffier. EXPOSE DU LITIGE Par jugement du 30

avril 1997, le tribunal de correctionnel de Bourg-en-Bresse a dé...

INSTRUCTION CLOTUREE le 23 Octobre 2000 DÉBATS audience publique du 14 novembre 2000, tenue par monsieur CHAUVIRE président rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré, assisté de madame SAUVAGE, greffier, COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré - monsieur CHAUVIRE, président, - monsieur LORIFERNE,président, -monsieur ROUX, conseiller, ARRET : contradictoire prononcé à l'audience publique du 25 janvier 2001 par monsieur CHAUVIRE, président qui a signé la minute avec le greffier. EXPOSE DU LITIGE Par jugement du 30 avril 1997, le tribunal de correctionnel de Bourg-en-Bresse a déclaré Monsieur Alexandre X... coupable du délit d'escroquerie au préjudice de Monsieur Émile Y... et l'a condamné à payer à celui-ci la somme de 3.090.000 francs à titre de dommages-intérêts. Monsieur X... et le Ministère public ont interjeté appel de ce jugement. Suivant acte authentique du 7 novembre 1997, Monsieur X... a cédé à la société civile immobilière LORSIB un tènement immobilier comprenant une maison à usage d'habitation édifiée sur un terrain de 10.201 m2 moyennant le prix principal de 1.300.000 francs. Par arrêt du 11 février 1998, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de ce siège a confirmé le jugement du tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse en ce qu'il avait déclaré Monsieur X... coupable du délit d'escroquerie et, le réformant sur l'action civile, a condamné Monsieur X... à payer à Monsieur Y... la somme de 3.010.000 francs à titre de dommages-intérêts. N'étant pas parvenu à faire exécuter cette condamnation, Monsieur Y... a fait assigner Monsieur X... et la société civile immobilière LORSIB devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins d'annulation de la vente du 7 novembre 1997 en application de l'article 1167 du code civil. Par jugement réputé contradictoire du 17 mai 1999, cette juridiction a déclaré nul et de nul effet l'acte

de vente reçu par Maître MOURACHKO, notaire à Montluel, le 7 novembre 1997, consentie par Monsieur X... à la société civile immobilière LORSIB, portant sur les immeubles situés à Neyron (Ain), section AC 334-337 et à Miribel, section E 212-214, ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques de Trévoux et dit que mention en sera faite en marge de l'acte de vente annulé, ordonné l'exécution provisoire et condamné Monsieur X... àpayer à Monsieur Y... la somme de 5.000 francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Ayant interjeté appel de cette décision, Monsieur X... et la société civile immobilière LORSIB font valoir au soutien de leur recours que c'est à tort que, pour prononcer l'annulation de l'acte de vente du 7 novembre 1997, le tribunal a retenu qu'elle avait été conclue en fraude des droits de Monsieur Y... alors, de première part, que Monsieur X... a procédé à la vente amiable de sa maison afin de désintéresser le Crédit agricole mutuel centre-est, qui, ayant prononcé la déchéance d'un prêt conventionné accordé le 28 mai 1985, lui avait fait délivrer le 10 septembre 1996, avant sa comparution devant la juridiction répressive, un commandement de saisie immobilière, de deuxième part, que le prix de vente de 1.300.000 francs, loin d'être un prix de convenance, correspondait au prix du marché tel qu'il s'est établi pour cette opération réalisée dans l'urgence, que, de troisième part, la vente est intervenue antérieurement à la décision de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel qui a consacré la créance de Monsieur Y... et, de dernière part, que la société civile immobilière LORSIB, dans laquelle Monsieur X... et son épouse sont largement minoritaires, a été constituée en 1992 et non pour les besoins de la vente critiquée. Ils soulignent par ailleurs que Monsieur Y... s'est bien gardé de d'appeler en cause le Crédit agricole mutuel centre-est

pour demander la nullité du prêt, sachant qu'il n'avait aucun moyen d'obtenir cette annulation pour fraude à ses droits, ce dont il résulte que, le prêt étant garantie par une hypothèque régulièrement publiée, Monsieur Y... pourrait tout au plus, au cas où il triompherait dans son action, prendre une inscription de deuxième rang qui serait manifestement dépourvue de tout intérêt puisque la créance du Crédit agricole mutuel centre-est ne lui permettrait pas d'être désintéressé, même partiellement. Ils demandent en conséquence que le jugement soit réformé et que Monsieur Y... soit débouté de l'intégralité de ses prétentions. Monsieur Y... réplique que les conditions de la mise en oeuvre de l'action paulienne sont réunies tant en ce qui concerne Monsieur X... que la société civile immobilière LORSIB. I1 fait d'abord observer que, lorsque la vente est intervenue, le principe de la créance existait déjà puisque Monsieur Y... avait été condamné par le tribunal correctionnel. Il relève ensuite que l'élément intentionnel est caractérisé. À cet égard, il indique, en premier lieu, qu'il est plus que douteux que le commandement de saisie immobilière, délivré à la requête du Crédit agricole mutuel centre-est plus d'un an avant l'acte de vente du 14 novembre 1997, ait été la cause de la vente. Il relève, en deuxième lieu, que ni Monsieur X... ni la société civile immobilière LORSIB, dont il était le gérant et qui comptait au nombre de ses associés son épouse et Madame Z..., personne à ce point proche de lui qu'elle fut impliquée dans l'escroquerie dont il a eu à répondre, ne pouvaient ignorer le préjudice que lui causait une vente, au demeurant faite à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, en faisant disparaître du patrimoine de Monsieur X... son élément d'actif le plus important alors que si la vente avait été faite postérieurement à l'arrêt de la chambre des appels correctionnels, dans des conditions où il aurait été en mesure de sauvegarder ses

droits, elle lui aurait permis d'être désintéressé puisque la créance du Crédit agricole mutuel centre-est qui était de 522.238,42 francs était de beaucoup inférieure à la valeur de l'immeuble. Il souligne, en troisième lieu, que Monsieur X... se garde bien d'indiquer la destination du solde du prix après paiement de l'établissement de crédit. Il conclut donc à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation in solidum de Monsieur X... et de la société civile immobilière LORSIB à lui payer la somme de 10.000 francs pour procédure abusive ainsi que celle de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu, selon l'article 1167 du code civil, que les créanciers peuvent attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits ; Attendu, en l'espèce, qu'en vendant à la société civile immobilière LORSIB, d'ailleurs à un prix de 1.300.000 francs inférieur de 300.000 francs à la plus faible des estimations faites par les deux agences immobilières consultées, le tènement immobilier, situé à mi-coteau dans un quartier résidentiel, comprenant une maison d'habitation d'une surface de 255,12 m2, dont 193,60 m2 habitables, et un terrain d'un hectare, un are et un centiare qui constituait, àl'exception de meubles meublants, le seul élément d'actif du patrimoine de Monsieur X..., celui-ci s'est appauvri et, en tout cas, a, en remplaçant l'immeuble par des fonds plus aisés à dissimuler et en toute hypothèse plus difficiles à appréhender, rendu impossibles les poursuites qu'auraient pu engager Monsieur Y... et qui, contrairement à ce qu'indiquent Monsieur X... et la société civile immobilière LORSIB, présentaient pour lui un intérêt puisque aussi bien la valeur du bien était excédait de beaucoup la créance du Crédit agricole mutuel centre-est, laquelle s'élevait à 570.456,70 francs ; Attendu, ainsi, que ni Monsieur X..., ni la société civile immobilière LORSIB, dont il était le

gérant et dont les autres associés étaient son épouse, une personne impliquée avec lui dans l'escroquerie pour laquelle il a été condamné et la fille de celle-ci, ne pouvaient ignorer, en passant l'acte contesté, qu'ils portaient atteinte aux droits de Monsieur Y...; Et attendu que, si en principe l'acte critiqué doit être postérieur à la naissance de la créance, il n'en est plus ainsi lorsque la fraude a été organisée à l'avance en vue de porter préjudice à un créancier futur ; Que tel est de cas en l'espèce dans la mesure où il apparaît que, loin d'être la conséquence du commandement de saisie immobilière délivré à la requête du Crédit agricole mutuel centre-est le 10 septembre 1996 plus d'un an auparavant et n'ayant connu aucune suite à l'exception de son inscription le 10 octobre 1996 à la conservation des hypothèques de Trévoux, la décision de vendre l'immeuble a été prise par Monsieur X... après qu'il eut été condamné le 30 avril 1997 par le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse à payer à Monsieur Y... la somme de 3.090.000 francs à titre de dommages-intérêts et avant que la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de ce siège ne se prononçât sur son appel, dans le but d'éluder les conséquences d'une possible confirmation de cette condamnation, Attendu, par suite, que c'est à bon droit que le premier juge a prononcé la révocation de la vente ; Attendu que, n'apportant pas la preuve du préjudice, sur la consistance duquel il ne s'explique d'ailleurs pas, que Monsieur X... et la société civile immobilière LORSIB lui auraient causé en interjetant un appel selon lui abusif, Monsieur Y... doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ; Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Y... les frais non compris dans les dépens par lui exposés pour les besoins des procédures de première instance et d'appel ; qu'il y a lieu de condamner Monsieur X... et la

société civile immobilière LORSIB à lui payer à ce titre la somme de 5.000 francs, celle-ci s'ajoutant à celle de 5.000 francs allouée par le premier juge ; Attendu que Monsieur X... et la société civile immobilière LORSIB, qui succombent, doivent être condamnés aux dépens ; PAR CES MOTIFS, La COUR, statuant contradictoirement, Confirme le jugement rendu le 17 mai 1999, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, Y ajoutant, Déboute Monsieur Y... de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, Condamne Monsieur X... et la société civile immobilière LORSIB à payer à Monsieur Y... la somme de 5.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Dit que la société civile professionnelle BRONDEL et TUDELA, titulaire d'un office d'avoué, pourra recouvrer directement contre Monsieur X... et la société civile immobilière LORSIB ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006937017
Date de la décision : 25/01/2001

Analyses

ACTION PAULIENNE

En vertu de l'article 1167 du Code civil , les créanciers peuvent attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits, et en principe l'acte critiqué doit être postérieur à la naissance de la créance. En vendant un immeuble le 7 novembre 1997 à une société civile immobilière dont il est le gérant avant que la chambre des appels correctionnels ne se prononce sur son appel, et après sa condamnation le 30 avril 1997 par une juridiction pénale au paiement de dommages-intérêts, alors qu'il savait sciemment qu'il portait atteinte aux droits de son créancier, le débiteur commet une fraude organisée à l'avance, par laquelle il s'appauvrit, en vue de porter préjudice à son futur créancier. En conséquence, la vente de l'immeuble doit être révoquée.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.lyon;arret;2001-01-25;juritext000006937017 ?
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