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14/11/2013 | FRANCE | N°12/03528

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 14 novembre 2013, 12/03528


V.L



RG N° 12/03528



N° Minute :





















































































Notifié le :

Grosse délivrée le :





AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU JEUDI

14 NOVEMBRE 2013







Appel d'une décision (N° RG 10/1891)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 22 mars 2012

suivant déclaration d'appel du 19 Avril 2012





APPELANT :



Monsieur [J] [E]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représenté par Me Véronique GUIDO, avocat au barreau de CHAMBERY





INTIMEE :



LA SAS PHOTOMATON prise en la personne d...

V.L

RG N° 12/03528

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU JEUDI 14 NOVEMBRE 2013

Appel d'une décision (N° RG 10/1891)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 22 mars 2012

suivant déclaration d'appel du 19 Avril 2012

APPELANT :

Monsieur [J] [E]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Véronique GUIDO, avocat au barreau de CHAMBERY

INTIMEE :

LA SAS PHOTOMATON prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Hélène BOUT-CAROT de la SCP BOUT-CAROT - BALAY - PUECH, avocat au barreau d'AVIGNON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Gilberte PONY, Présidente,

Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller,

Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Ouarda KALAI, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 03 Octobre 2013,

Madame LAMOINE a été entendue en son rapport,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 14 Novembre 2013.

L'arrêt a été rendu le 14 Novembre 2013.

RG N°12/3528 VL

* * * * * * * * * * * * * *

Exposé des faits

Par contrat de travail en date du 3 août 1987, Monsieur [J] [E] a été embauché par la Société KIS fournissant du matériel à la société PHOTOMATON, pour une durée indéterminée, au poste de technicien groupe 6 coefficient 135 de la convention collective nationale de la métallurgie.

Son contrat de travail a été transféré en mai 1995 à la société PORTREX devenue par la suite PHOTOMATON, détenant et exploitant des matériels pour photographie et cartes de visite.

Après une première promotion, il devient, le 1er juillet 2002, Responsable d'exploitation statut cadre niveau C2 coefficient 108 de la Convention collective GIN des Ingénieurs et cadres de la région PACA (il avait été muté à Marseille en 1996). Il percevait, au dernier stade des relations, une rémunération mensuelle brute de 3 100 € dans le cadre d'un forfait annuel de 218 jours.

Les relations de travail se sont déroulées sans difficulté jusqu'en octobre 2009 ; à cette date, un ancien cadre de l'entreprise Monsieur [Q], qui avait quitté l'entreprise, a été réintégré, et Monsieur [J] [E] invoque une dégradation de ses conditions de travail depuis lors.

Monsieur [J] [E] a été placé en arrêt de travail le 29 avril 2010, arrêt prolongé successivement jusqu'au 23 novembre2010, date à laquelle il passe une visite de reprise constatant son inaptitude ; cette inaptitude est confirmée lors de la seconde visite le 8 décembre 2010, le médecin du travail précisant "Aucune proposition de reclassement ne peut être envisagée ce jour".

Monsieur [J] [E] a saisi le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE le 13 décembre 2010 en demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail pour manquement de son employeur, des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Postérieurement, la SAS PHOTOMATON a adressé au salarié trois propositions de postes de reclassement que ce dernier a refusé.

Par lettre recommandée du 25 février 2011, la SAS PHOTOMATON a, après convocation à un entretien préalable où le salarié n'a pas pu se rendre, notifié à Monsieur [J] [E] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Après s'être déclaré territorialement compétent dans un premier jugement, le Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE a, par jugement du 22 mars 2012, jugé qu'il n'y a pas lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail, dit que le licenciement de Monsieur [J] [E] repose bien sur une cause réelle et sérieuse et n'est pas abusif, et débouté le salarié de toutes ses demandes.

Il a rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et mis les dépens à la charge du salarié.

Monsieur [J] [E] a, le 19 avril 2012, interjeté appel de ce jugement, qui lui avait été notifié le 24 mars 2012.

Demandes et moyens des parties

Monsieur [J] [E], appelant, demande à la Cour d'infirmer le jugement, de dire qu'il a été victime de faits de harcèlement moral, et de condamner la SAS PHOTOMATON à lui payer la somme de 15'000 € à titre de dommages-intérêts de ce chef.

Il demande encore que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail au motif des manquements graves de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ;

il sollicite par conséquent condamnation de la SAS PHOTOMATON à lui payer les sommes de :

* 11 019 € à titre d'indemnité de préavis,

* 1 102 € au titre des congés payés afférents,

* 88 152 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat,

* 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Subsidiairement, il fait valoir que son inaptitude trouve son origine dans les faits de harcèlement moral dont il a été victime de la part de son employeur ; il demande par conséquent que le licenciement notifié le 25 février 2011 pour ce motif soit déclaré nul.

Il fait valoir, en ses conclusions régulièrement transmises, visées et développées oralement à l'audience, que :

* ses conditions de travail se sont brutalement dégradées à partir de la réintégration de Monsieur [Q] dans l'entreprise en octobre 2009, et ce sans raison apparente ;

* Monsieur [Q], réintégré comme Directeur Europe donc devenu son supérieur hiérarchique, a commencé à lui faire subir des pressions constantes, dénigrements, remise en question de son travail, imputation de difficultés financières de la région Sud-Est alors que son secteur présentait des résultats positifs ;

* il a subi aussi des pressions de Monsieur [L], directeur d'exploitation, avec lequel il avait travaillé durant 23 ans jusqu'alors sans aucune difficultés particulière :

- il était, ainsi, conduit à devoir sans cesse se justifier et rendre des comptes alors qu'il disposait jusqu'alors d'une autonomie dans la réalisation de son travail,

- il subissait des reproches et dénigrements devant son équipe, lui ôtant ainsi toute crédibilité à l'égard des salariés qu'il encadrait ;

- M [Q] et M [L] ont organisé un audit sur la zone géographique qui lui était confiée, audit confié à une société extérieure, laquelle, ne connaissant pas le "parc" en cause, a examiné des appareils "concurrents", base sur laquelle des reproches ont été formulés contre lui ;

- le résultat de cet audit a été présenté et affiché devant toute son équipe ; il a été interrogé, et lorsqu'il répondait, on l'a traité de "menteur" devant la même équipe ;

- il a été ainsi totalement mis à l'écart, ses collaborateurs n'ayant plus confiance en lui ;

* il produit pour justifier des attestations de :

- Monsieur [V] [I], qui décrit des scènes de dénigrement systématique dont il a été témoin, et le revirement de comportement de Monsieur [Q] et de Monsieur [L],

- M.[S], membre de son équipe, décrivant des dénigrement, des incidents multiples résultant de problèmes chez des clients "inventés" (sic), attestant qu'il a subi des pressions pour faire une fausse attestation contre Monsieur [J] [E],

* l'employeur a même été jusqu'à lui téléphoner chez lui pendant ses vacances pour lui faire part de plaintes de clients ;

* il a été ainsi harcelé et mis à l'écart, et n'a pas pu surmonter psychiquement cette situation ; il s'est trouvé en arrêt de travail et en dépression, le Docteur [X], psychiatre spécialisée dans la souffrance au travail, ayant conclu le 19 juin 2006 à son sujet : "à ce jour, pronostic sombre sur les possibilités de reprendre dans cette entreprise, car effets délétères sur la santé physique et psychique de ce patient. Surveillance thymie +++ car risque de raptus anxieux non nul".

La SAS PHOTOMATON, intimée, demande la confirmation du jugement déféré, le rejet des demandes de Monsieur [E] et sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir, en ses conclusions régulièrement transmises, visées et développées oralement à l'audience, que :

* aucun fait de harcèlement n'est établi ainsi que l'a retenu le Conseil de Prud'hommes,

* les échanges de mail produits aux débats traduisent des relations normales de travail, des rapports d'activités, des mises au point habituelles, sans que le ton employé soit discourtois ou méprisant ;

* l'un des salariés qui a fait une attestation, M [S], avec lequel elle avait au demeurant de bons rapports, était délégué syndical. Si les faits dont il atteste avaient été avérés, il n'aurait pas manqué de les dénoncer ; il s'agit de toute évidence d'une attestation de complaisance ;

* elle n'a ainsi pas manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

* le licenciement, reposant sur l'inaptitude du salarié pour lequel aucun reclassement n'était possible ni accepté, est parfaitement fondé.

Motifs de la décision

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152- 1 du code du travail, «aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.»

L'article L. 1154-1 précise que le salarié qui invoque un harcèlement doit établir 'des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.' et qu'au vu de ces éléments ' il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement'.

En l'espèce, Monsieur [J] [E] invoque des dénigrements, brimades, reproches en public pratiqués à son encontre par Monsieur [L], Directeur d'exploitation, son supérieur immédiat, et par Monsieur [Q], Directeur Europe, à partir du retour dans l'entreprise de ce dernier en octobre 2009 ; il produit pour en justifier :

* une attestation de Monsieur [K] [S], technicien travaillant dans l'équipe de Monsieur [E], qui atteste ainsi : 'suite au retour de M [Q], j'ai été témoin de la pression mise sur M [E], mon supérieur.(...)

En effet, lors de ses visites, M [L] n'hésitait pas à me faire part, à tort, du mauvais travail de M [E] et essayait par tous les moyens de me faire confirmer et avouer ses faits. A noter que M [L] dénigrait systématiquement le travail de M [E] notamment lors de ses visites dans la région. (...) MM [L] et [Q] (...) ont inventé des problèmes comme j'en ai été témoin à la Fnac [Adresse 4] par exemple ou soit-disant des plaintes graves avaient été formulé par le responsable du magasin. Il n'en était rien (...).

Lors de mes visites pour des réunions de DP [Localité 3], certaines personnes du Siège m'ont confirmé qu'une cavale (sic) avait été lancée à l'encontre de M. [E] afin de le déstabiliser, de le faire craquer et de monter un dossier contre lui (...) et j'ai assisté également à la détérioration de son état de santé liés à situation je l'ai vu le jeudi 29 avril 2010, jour précédant son arrêt de travail et m'avait confié être à bout de forces. (...)

Par la suite, j'ai reçu des pressions de M [Q] lors des réunions de Délégués de personnel à [Localité 4] me demandant de faire une fausse attestation contre M [E]'.

* une attestation de Monsieur [V] [I], se trouvant au même niveau hiérarchique que lui dans la branche commerciale de la société, qui atteste : 'à mon arrivée chez PHOTOMATON, [J] [E] m'a été présenté comme le meilleur responsable exploitation de la société ; il était fort apprécié par Mr [Q] qui faisait souvent des éloges de son travail, mais surtout par [N] [L] son directeur. [J] [Q] a quitté le groupe, puis il l'a réintégré un an plus tard. A ce moment très précis, tout a basculé pour [J], il était passé de meilleur responsable d'exploitation au plus mauvais.

C'est là que j'ai assisté lors des réunions comme (...) le 4 janvier 2010 à une véritable humiliation à son égard de la part d'[J] [Q] ; (...) le regard n'était plus alors porté que sur le Sud-Est où l'on nous demandait sans cesse des rapports, où tout était monté en dramaturgie, on avait des audits ; (on) m'avait mis en garde et m'avait dit de me méfier d'[J] et de prendre mes distances alors que nous avions les meilleurs résultats de France. Tous les coups étaient permis, comme celui de dire que les clients étaient insatisfaits du service d'[J]. (...) Idem pour la Fnac de [Adresse 3] où une multitude de problèmes imaginaires survenaient et qui nous prenait un temps fou à démentir (...)Ils ont tout fait pour nous diviser et faire en sorte qu'[J] n'ait plus de soutien de personne afin de l'isoler totalement.

Le pire des attitudes est venu d'[N] [L] qui, du jour au lendemain, s'est mis à harceler [J] sur son lieu de travail sans raison et sur sa vie privée et j'en passe. (...) Il déboulait sur le secteur et n'arrêtait pas de critiquer le travail d'[J] en présence de ses techniciens et surtout de ses chefs d'équipe, il l'humiliait devant moi sans relâche pour le faire craquer ce n'était plus vivable pour [J].'

Il établit encore, en illustration de ce comportement, que son supérieur hiérarchique M [L] lui a demandé de le joindre un soir à 20 heures le 19 janvier 2010 pour 'faire un point' entre deux réunions, en listant 14 points de discussion, liste suivie du sigle 'etc..' (sa pièce n° 13) ; par ailleurs, il indique qu'un audit de sa région a été réalisé, à la demande de la Direction, par une entreprise extérieure, que ce n'était pas une pratique habituelle dans l'entreprise, que les résultats en ont été commentés devant ses équipes, l'obligeant à s'expliquer et se justifier.

La SAS PHOTOMATON conteste la véracité des attestations produites, affirmant qu'elles sont 'de complaisance' et critiquant leur forme. Or, chacune de ces attestations est accompagnée d'une copie de pièce d'identité de son auteur ; elles contiennent toutes deux une description de la situation et des comportements des personnes impliquées qui concordent totalement entre elles sur le fond et sur la chronologie ; mais elles diffèrent sur la narration elles-mêmes, sur les faits rapportés dans leur détail, sur le style, ce qui contribue à leur crédibilité et accrédite leur véracité comme ayant été établie, à chaque fois, par une personne qui a assisté personnellement à des faits, des propos, des attitudes, et les rapporte avec son propre langage. Il en résulte que rien ne permet de remettre en cause leur sincérité, le simple fait que l'une des personnes attestant ainsi, ait quitté l'entreprise ne suffisant pas, en soi, pour faire douter de la bonne foi de ce témoignage.

Le fait que Monsieur [S], en sa qualité de Délégué syndical n'ait pas signalé ces faits aux délégués du personnel ou au CHSCT n'est pas davantage un argument probant de l'inexactitude des faits rapportés, le propre de faits de harcèlement étant d'être diffus, répétés, et de ne pouvoir être appréciés dans leur gravité et leurs conséquences dramatiques qu'avec du recul et dans leur ensemble, ce que ne pouvait faire ce salarié au quotidien.

Ces éléments, cumulés et concordants, constituent des faits établis laissant présumer un harcèlement moral, et c'est à l'employeur qu'il revient de démontrer qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Sur ce point, :

* la SAS PHOTOMATON expose que les réunions et contacts téléphoniques étaient fréquents pour faire le point à défaut de bureaux ou de lieux proches pour se rencontrer ; elle verse en ce sens deux mails (ses pièces numéro 11 et 12) qui font apparaître que des réunions téléphoniques étaient prévues respectivement à 9 heures et à 17 heures, heures habituelles de travail ; mais, en cela, elle ne démontre pas qu'il était d'usage ou dans ce cas précis, urgent et nécessaire, de réclamer au salarié des explications sur 14 points à 20 heures  ;

* sur la mise en oeuvre de l'audit et sa restitution en public, la SAS PHOTOMATON ne fournit aucune explication, n'établit ainsi pas qu'il s'agissait d'une pratique habituelle ou nécessitée par les besoins du service, et par conséquent qu'elle était étrangère à tout harcèlement.

Il en résulte que Monsieur [J] [E] a bien été victime, en l'espèce, de faits de harcèlement répétés ayant pour effet de dégrader ses conditions de travail et affectant sa santé ; ce dernier point résulte suffisamment de l'attestation de Monsieur [S] citée ci-dessus, et des divers éléments médicaux versés par Monsieur [J] [E] : synthèse du dossier médical par le Dr [X] le 19 juin 2010 ('consultation demandée pour souffrance au travail, troubles du sommeil majeurs avec cauchemars à thématique professionnelle, pas d'événement de vie intercurrent, phobies d'évitement de tout ce qui lui rappelle son travail') ; arrêts de travail pour état dépressif réactionnel et anxiété, traitement médical pour ces symptômes.

En cela, l'employeur a manqué à son obligation d'assurer la sécurité et de préserver la santé de son salarié, et doit l'indemniser du préjudice qui en est résulté à hauteur de 10 000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Le non-respect par la SAS PHOTOMATON de son obligation d'assurer la sécurité et de préserver la santé de son salarié, constitue un manquement grave aux obligations de l'employeur qui justifie la résiliation du contrat de travail aux torts de ce dernier. Cette rupture prend effet à la date du licenciement intervenu en l'espèce le 25 février 2011.

Sur les indemnités qui en résultent

# dommages-intérêts pour rupture du contrat

Monsieur [J] [E] avait une ancienneté de presque 24 ans dans l'entreprise au moment du licenciement. Il était âgé de 44 ans au moment de la rupture du contrat. Son salaire mensuel moyen, y compris 13ème mois, était de 3 673,12 € (cumul au 31 décembre 2009).Ces éléments justifient que lui soit allouée la somme de 66 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail.

# indemnité de préavis

L'article L. 1234-1 du Code du Travail prévoit que chaque salarié licencié, sauf en cas de faute grave, a droit à un préavis dont la durée est fixée par ce texte en fonction de son ancienneté de service continu chez le même employeur, sauf si des dispositions légales, conventionnelles ou collectives prévoient des conditions plus favorables pour le salarié.

En l'espèce, en application du texte compte-tenu de son ancienneté et de son statut, Monsieur [J] [E] a droit à un préavis de trois mois soit la somme de 11 019 € qui correspond exactement à sa demande à ce titre. Il convient, par conséquent, d'y faire droit.

# congés payés afférents

En application des dispositions des articles L. 3141-3 du Code du Travail, le salarié a droit à un congé payé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail. L'article L. 3141-22 dispose que ce congé ouvre droit à une indemnité égale au 1/10ème de la rémunération brute totale pour la période de référence ; pour le calcul de cette rémunération brute, il est tenu compte, toujours selon ce texte, notamment des périodes assimilées à un temps de travail, ce qui est le cas du préavis. Il y a donc lieu de lui allouer la somme de 1 101,90 € à ce titre.

Sur les demandes accessoires

La SAS PHOTOMATON, succombant en sa position, devra supporter les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du Code de Procédure Civile. Pour les mêmes motifs, il n'est pas possible de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en sa faveur.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [J] [E] tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et de l'instance devant le premier juge et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au Greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Statuant à nouveau :

DIT que Monsieur [J] [E] a été victime de faits de harcèlement moral.

CONDAMNE la SAS PHOTOMATON à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts de ce chef.

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [J] [E] aux torts de la SAS PHOTOMATON, à effet au 25 février 2011 date du licenciement ; DIT qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNE par conséquent la SAS PHOTOMATON à payer à Monsieur [J] [E] les sommes suivantes :

* 66 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 11 019 € à titre d'indemnité de préavis,

* 1 101,90 € au titre des congés payés afférents,

* 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE la SAS PHOTOMATON aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame PONY, Président, et Monsieur MAHBOUBI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/03528
Date de la décision : 14/11/2013

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°12/03528 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-14;12.03528 ?
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