La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2013 | FRANCE | N°11/04055

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 18 mars 2013, 11/04055


HC





RG N° 11/04055



N° Minute :





















































































Notifié le :

Grosse délivrée le :







AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU LUNDI 18 MARS 2013







Appel d'une décision (N° RG F10/0047)

rendue par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de VIENNE

en date du 16 mai 2011

suivant déclaration d'appel du 26 Juillet 2011





APPELANT :



Monsieur [N] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Comparant en personne,

Assisté de Me Sonia MECHERI, avocat au barreau de LYON





INTIMEE :



EURL SAMAT GESTION, pris...

HC

RG N° 11/04055

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU LUNDI 18 MARS 2013

Appel d'une décision (N° RG F10/0047)

rendue par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de VIENNE

en date du 16 mai 2011

suivant déclaration d'appel du 26 Juillet 2011

APPELANT :

Monsieur [N] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Comparant en personne,

Assisté de Me Sonia MECHERI, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

EURL SAMAT GESTION, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me VIEU DELBOVE, avocat au barreau de LYON, substituant Me Bruno DEGUERRY, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Hélène COMBES, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Véronique LAMOINE, Conseiller,

Madame Stéphanie ALA, Vice Présidente placée,

Assistés lors des débats de Madame Ouarda KALAI, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 18 Février 2013,

Madame [W] [I], entendue en son rapport,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoiries.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 18 Mars 2013.

L'arrêt a été rendu le 18 Mars 2013.

RG N°11/4055H.C

EXPOSE DU LITIGE

Le groupe Samat qui est implanté en France et dans plusieurs pays européens, exploite à travers ses filiales une activité de transport et de logistique de matières dangereuses. Il emploie environ 2.500 salariés.

Par contrat à durée indéterminée du 1er février 1988, [N] [B] a été embauché par la société STL Rigard en qualité d'adjoint au directeur financier pour le groupe Samat. Il était affecté au siège de la direction générale à [Localité 6].

Le 1er janvier 2006, le contrat de travail a été transféré 'pour une durée indéterminée' à la société Samat Gestion, dont le siège social est au même endroit et qui emploie une quarantaine de salariés.

Par courrier remis en main propre le 13 mai 2009, la société Samat Gestion a convoqué [N] [B] à un entretien préalable à son licenciement économique, par courrier du 20 mai 2009, elle l'a informé de la suppression de son poste de travail et lui proposé quatre postes 'sous réserve de la vérification de vos aptitudes et compétences à occuper ces postes'.

Par courrier du 26 mai 2009, elle l'a dispensé de toute activité et par courrier du 16 juin 2009, elle l'a licencié pour motif économique.

Il a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Vienne, qui par jugement de départage du 4 juillet 2011 a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, a dit que la société Samat Gestion n'a pas respecté l'obligation de reclassement et l'a condamnée à payer au salarié 10.000 euros à titre de dommages-intérêts et 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.

[N] [B] qui a relevé appel le 26 juillet 2011, demande à la cour d'infirmer le jugement, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société Samat Gestion à lui payer 96.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Il conteste les éléments invoqués par la société Samat Gestion au soutien de sa décision et fait valoir que les pièces communiquées sont insuffisantes pour établir la réalité et le sérieux du motif économique allégué.

Il conteste également toute menace sur sa compétitivité en l'état d'un chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros et de la suppression d'un seul poste, le sien.

Il soutient que les difficultés de deux filiales sont bien insuffisantes pour justifier une réorganisation censée sauvegarder la compétitivité et observe qu'une perte de 143.000 euros n'est pas significative sur un chiffre d'affaires de 275 millions en augmentation.

Il ajoute qu'en même temps qu'il le licenciait, le groupe procédait à de nombreux recrutements.

Il conteste également la suppression effective de son poste et invoque l'embauche d'une responsable comptabilité clients et recouvrements, Madame [T], qui se trouve au même niveau hiérarchique que lui et qui l'a remplacé dans ses fonctions.

Il soutient enfin que la société Samat Gestion a méconnu son obligation de reclassement.

Il précise qu'âgé de 58 ans au moment de son licenciement, il n'a pas retrouvé d'emploi.

La société Samat Gestion sollicite l'infirmation du jugement et le rejet de toutes les demandes.

Elle réplique que dans un contexte de crise économique globale marquée par la hausse du prix du gasoil, elle a décidé de procéder à une réorganisation administrative de ses filiales et que c'est ainsi qu'elle a supprimé le poste de [N] [B].

Elle fait valoir que la cause économique originelle l'a contrainte à prendre diverses mesures qui se sont révélées insuffisantes, et qu'elle a dû se résoudre à supprimer le poste de [N] [B].

Elle expose que ses comptes consolidés font apparaître des résultats en baisse et des pertes d'exploitation.

Elle affirme que le poste de [N] [B] a bien été supprimé et que Madame [T] qu'elle a embauchée après son licenciement, n'occupe pas les même fonctions que lui.

Elle ajoute qu'elle a sérieusement et activement procédé à des recherches préalables de reclassement et que le salarié n'a pas donné suite aux offres qui lui ont été faites.

DISCUSSION

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Attendu que dans la lettre de licenciement du 16 juin 2009, la société Samat Gestion invoque successivement :

- les résultats économiques du groupe en forte dégradation en 2008, l'évolution défavorable de la situation économique globale qui ne laisse pas prévoir d'amélioration pour l'année 2009,

- l'incidence de la baisse constante 'en terme de volumétrie' sur les opérations connexes traitées par la société Samat Gestion,

- la nécessité de réduire les coûts de la structure administrative dans un souci de sauvegarde de la compétitivité,

- la non réponse de [N] [B] aux quatre propositions de poste qui lui ont été faites.

Attendu que la société Samat Gestion se place simultanément sur le terrain des difficultés nées et actuelles et sur celui de la sauvegarde de sa compétitivité, qui suppose l'anticipation de difficultés à venir ;

Attendu que la société Samat Gestion appartenant à un groupe dont elle assure la gestion administrative et financière, les difficultés qu'elle invoque doivent s'apprécier au niveau du groupe et au moment de la notification du licenciement ;

Attendu que pour justifier de la situation économique du groupe Samat à la date du licenciement, la société Samat Gestion produit une seule et unique pièce, au demeurant incomplète (pièce 14) qui s'intitule 'Etats financiers consolidés arrêtés au 31 décembre 2008" sous laquelle sont regroupés 3 feuillets qui ne portent aucun visa ;

Attendu qu'il ressort de ce document que le chiffre d'affaires a progressé de plus de 6,5 % entre le 31 décembre 2007 et le 31 décembre 2008 (passant de 257.893.000 euros à 274.776.000 euros) et que le résultat d'exploitation a été bénéficiaire de 6.115.000 euros au 31 décembre 2008 ;

Attendu que ces chiffres contredisent l'affirmation de la lettre de licenciement d'une baisse de l'activité, la société Samat Gestion n'ayant pas jugé utile de produire ses comptes consolidés de l'exercice 2009, année du licenciement ;

Attendu que la perte de 143.000 euros qui apparaît à la rubrique 'Bénéfice net de l'ensemble consolidé', résulte des choix de gestion du groupe, notamment en ce qui concerne les dotations aux amortissements ;

Attendu qu'en l'état de ces quelques éléments succincts qui contredisent ses affirmations, la société Samat Gestion ne rapporte pas le preuve des difficultés économiques actuelles qu'elle invoque pour justifier le licenciement de [N] [B] ;

Attendu que la réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité doit répondre à la nécessité d'anticiper les risques pour prévenir les difficultés ;

Attendu que l'on cherche en vain en quoi le licenciement d'un seul salarié, [N] [B], était de nature à écarter la menace pesant sur la compétitivité du groupe ;

que ce deuxième motif de licenciement n'est pas plus sérieux que le précédent, étant rappelé qu'un licenciement économique ne peut être justifié par la seule volonté de réaliser des économies ;

Attendu que [N] [B] ne peut être suivi en son argumentation selon laquelle [D] [T], embauchée le 6 novembre 2009, l'a remplacée dans ses fonctions ;

qu'il résulte en effet des pièces produites que cette salariée, recrutée au statut d'agent de maîtrise, avait en charge la comptabilité client et le recouvrement, fonctions de moindre responsabilité que celles de [N] [B], qui en tant que cadre élaborait les budgets, contrôlait la gestion, aidait à la décision des différentes sociétés et suivait les réalisations des investissements ;

Attendu que [N] [B] est en revanche bien fondé à invoquer un manquement flagrant de la société Samat Gestion à son obligation de reclassement ;

qu'en effet, tout en se réservant la possibilité de vérifier in fine ses aptitudes et compétences, la société Samat Gestion lui proposé quatre postes n'ayant rien à voir avec ses attributions et son cursus :

- responsable qualité, poste technique nécessitant des connaissances en matière de sécurité et la connaissance du monde du transport,

- agent d'exploitation : poste à dominante commerciale

- conseiller contrôleur QHSE : statut employé : conseille les conducteurs sur les aspects techniques,

- coordinateur QHSE : agent de maîtrise. Poste à dominante technique (ex : génie chimique).

Attendu que ces propositions conditionnelles particulièrement déloyales, auxquelles [N] [B] n'a d'ailleurs apporté aucune réponse, établissent que la société Samat Gestion n'a mené aucune recherche sérieuse de reclassement, méconnaissant ce faisant l'obligation édictée à l'article L 1233-4 du code du travail ;

Attendu que pour toutes ces raisons, le licenciement de [N] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Attendu que le salarié avait une ancienneté de 21 ans et 6 mois dans l'entreprise ;

que licencié alors qu'il était âgé de 58 ans, il justifie des nombreuses recherches d'emploi qu'il a effectuées et qui sont restées vaines ;

qu'il sera fait droit à sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 96.000 euros ;

Attendu qu'il y a lieu en application de l'article L 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par [N] [B] ;

qu'au vu des circonstances de la cause, le remboursement sera ordonné dans la limite de six mois ;

Attendu qu'il sera alloué à [N] [B] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme le jugement rendu le 16 mai 2011 par le conseil de prud'hommes de Vienne, sauf en ses dispositions relative aux frais irrépétibles et aux dépens.

- Statuant à nouveau, dit que le licenciement de [N] [B] est sans cause réelle et sérieuse et condamne la société Samat Gestion à lui payer la somme de 96.000 euros à titre de dommages-intérêts.

- Ordonne en application de l'article L 1235-4 du code du travail le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par [N] [B] dans la limite de six mois.

- Dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à [Adresse 5].

- Condamne la société Samat Gestion à payer à [N] [B] la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

- La condamne aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame KALAI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/04055
Date de la décision : 18/03/2013

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°11/04055 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-18;11.04055 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award