RG N° 11/00348
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU MARDI 06 DECEMBRE 2011
Appel d'une décision (N° RG 09/00747)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE
en date du 14 décembre 2010
suivant déclaration d'appel du 12 Janvier 2011
APPELANTE :
Madame [Z] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Renaud FOLLET (avocat au barreau de VALENCE)
INTIMEE :
LA SARL PIGE ELECTRONIQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Pierre MULLER substitué par Me CHAUVIN (avocats au barreau de VALENCE)
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Monsieur Bernard VIGNY, conseiller faisant fonction de président,
Madame Hélène COMBES, conseiller,
Madame Dominique JACOB, conseiller,
DEBATS :
A l'audience publique du 15 Novembre 2011, Mme COMBES, chargée du rapport, et M. VIGNY, assistés de Mme Corinne FANTIN, Adjoint faisant fonction de Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Notifié le :
Grosse délivrée le :
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 06 Décembre 2011, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 06 Décembre 2011.
EXPOSE DU LITIGE
Le 11 octobre 1999, [Z] [C] a été embauchée en qualité de câbleuse par la société Pige Electronique qui fabrique et commercialise des composants électroniques et employait 83 salariés au 30 avril 2009.
Le 27 mai 2009, la société Pige Electronique a engagé une procédure de licenciement économique concernant 9 salariés dont 7 opérateurs, et a licencié [Z] [C] pour motif économique par courrier recommandé du 16 juin 2009.
Elle a contesté son licenciement devant le conseil de Prud'hommes de Valence qui par jugement du 14 décembre 2010, l'a déboutée de toutes ses demandes.
[Z] [C] qui a relevé appel le 12 janvier 2011, demande à la cour d'infirmer le jugement, et de condamner la société Pige Electronique à lui payer :
- 9.535 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 5.000 euros en réparation de son préjudice distinct,
- subsidiairement 14.535 euros en réparation du préjudice causé par la mise en oeuvre déloyale des critères d'ordre des licenciements
- 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
1 - Elle conteste tout d'abord l'existence du motif économique invoqué pour justifier son licenciement.
Elle fait valoir que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne précise pas l'incidence des difficultés économiques sur son propre poste et observe qu'il appartient à l'employeur de justifier de la suppression de son poste.
Elle soutient également que les difficultés alléguées, bien que réelles à la date du licenciement, sont insuffisantes pour le justifier.
Elle indique sur ce point que l'employeur ne peut invoquer le simple recul du chiffre d'affaires par rapport aux prévisions établies pour le premier trimestre 2009.
Elle dénonce l'empressement avec lequel elle a été licenciée au mois de juillet 2009 alors qu'au mois de septembre, l'entreprise a engagé un lourd projet d'investissement.
Elle soutient que les difficultés passagères de l'année 2008 ont servi de prétexte pour licencier de nombreux salariés et soutient que la concomitance entre le projet d'investissement et son licenciement révèle que l'employeur a cherché à réaliser des économies.
2 - Elle soutient encore que l'employeur a méconnu son obligation de reclassement puisqu'il ne lui a jamais adressé la moindre proposition et qu'il se prévaut dans la lettre de licenciement de l'échec des tentatives de reclassement sans la renseigner sur la nature des recherches effectuées.
3 - Elle dénonce enfin une application contestable des critères d'ordre et évoque la volonté de l'entreprise de se séparer de certaines salariées qui à la fin de leurs mandats de représentation étaient la cible de la direction.
Elle expose qu'alors qu'elle n'avait jamais fait l'objet de reproches, elle a été destinataire de remontrances verbales injustifiées, tout comme ses collègues licenciées le même jour qui ont également saisi le conseil de Prud'hommes. Elle évoque le suicide d'une collègue licenciée.
Elle critique les notes qui lui ont été attribuées qu'elle juge dépourvues de toute objectivité et résultant uniquement d'inimitiés dont l'origine est son manque de docilité.
Elle fait valoir que ses collègues et l'ancien responsable de l'usine louent ses qualités professionnelles.
Elle invoque l'expérience acquise du faite de son ancienneté et relève les incohérences de l'employeur, alors qu'elle a toujours été polyvalente. Elle précise que n'ayant pas retrouvé d'emploi, elle exerce aujourd'hui l'activité de nourrice agréée.
La société Pige Electronique conclut à la confirmation du jugement et réclame 100 euros au titre des frais irrépétibles.
1 - Sur le motif économique, elle réplique que l'exercice 2008 a été catastrophique (perte de 1,4 million d'euros) et relève que la cause économique n'était pas discutée en première instance.
Elle expose que dans une note d'information remise au comité d'entreprise, elle a expliqué le contexte dans lequel s'inscrivait le projet de licenciement : perte 2008, recul du chiffre d'affaires de 900.000 euros au 30 avril 2009, prises de commande en retard.
Elle indique produire ses comptes 2009 et 2010 qui sont déficitaires et précise que l'investissement de 600.000 euros entrepris avait pour but d'équiper la société d'une machine qui allait lui donner un nouvel avantage concurrentiel.
2 - Sur le reclassement, elle indique qu'elle a satisfait à son obligation et précise que la société Pige Médical qui emploie 7 salariés, n'a aucune activité de production.
Elle ajoute que la société Vignal II dont elle est actionnaire ne fait pas partie du groupe et n'a pas répondu à son interrogation.
3 - Sur l'application des critères d'ordre, elle rappelle que les critères généraux sont appréciés sur 12 points, de même que les critères professionnels.
Elle conteste toute subjectivité dans leur application et indique qu'elle a parfaitement appréhendé les qualités professionnelles de la salariée, sans qu'il puisse lui être fait le grief d'avoir établi un ordre préférentiel.
Elle indique que 5 personnes membres du comité d'entreprise se sont concertées pour établir la cotation la plus cohérente en fonction des 'remontées' des collaborateurs et observe que les personnes qui attestent en faveur de la salariée n'ont pas qualité pour se prononcer sur ses mérites professionnels.
Elle ajoute que le suicide d'une salariée pour des raisons personnelles n'a rien à voir avec la procédure de licenciement.
DISCUSSION
Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
Attendu que la lettre de licenciement du 16 juin 2009 qui vise le repli du chiffre d'affaires, la perte d'exploitation de l'exercice 2008, le retard sur les prévisions d'activité et la nécessité pour l'entreprise de se reconfigurer en supprimant 7 postes d'opérateurs afin d'absorber une nouvelle baisse de l'activité en 2009, est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L 1233-16 du code du travail ;
Attendu que la société Pige Electronique justifie par la production de ses comptes qu'au 31 décembre 2008 son résultat d'exploitation était déficitaire de 675.026 euros alors qu'il était bénéficiaire de 32.796 euros au cours de l'exercice précédent ;
Attendu que les licenciements effectués au cours de l'année 2009 ont eu une incidence sur la masse salariale qui est passée de 2.396.656 euros en 2008 à 1.966.691 euros en 2009, ce qui a permis, nonobstant le tassement du chiffre d'affaires en 2009 de ramener le déficit d'exploitation à 172.566 euros ;
Attendu qu'il n'est justifié par aucune pièce que l'entreprise a procédé à des embauches d'opérateurs après le licenciement, son conseil n'étant pas contredit lors de l'audience lorsqu'il a indiqué que les effectifs en 2011 étaient de 73 salariés ;
Attendu que la société Pige Electronique qui a conclu avec ses principaux créanciers un accord homologué par le tribunal de commerce de Romans sur Isère le 22 avril 2009, établit la réalité de difficultés économiques justifiant le licenciement de [Z] [C] ;
Attendu que le groupe auquel appartient la société Pige Electronique se résume à une société holding qui détient ses parts sociales et qui détient également celles de la société Pige Médical qui emploie 7 salariés ;
Attendu que le fait que la société Pige Electronique soit entrée au capital de la société tunisienne Vignal II, n'implique pas en soi la possibilité d'effectuer des permutations de personnel, de sorte qu'en l'absence de tout autre élément, il ne peut être retenu que la société Vignal II appartient au groupe ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que ni la société Pige Holding, ni la société Pige Médical n'emploient du personnel de production ;
Attendu qu'en l'absence de possibilités de reclassement à l'intérieur du groupe, il ne peut être reproché à la société Pige Electronique d'avoir méconnu son obligation de reclassement ;
Attendu que lorsque l'employeur qui envisage un ou plusieurs licenciements économiques doit opérer un choix parmi ses salariés, l'ordre des licenciements permet de désigner les salariés qui seront licenciés et ceux qui seront conservés ;
Attendu que le choix doit être objectif, c'est à dire conforme aux critères définis ;
Attendu que si la définition des critères relève du pouvoir de l'employeur, celui-ci doit en cas de contestation communiquer les éléments objectifs sur lesquels il s'est fondé pour arrêter son choix ;
Attendu qu'en l'espèce, ce n'est pas la définition des critères qui est mise en cause par la salariée, mais leur application ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites que pour déterminer l'ordre des licenciements, la société Pige Electronique a pris en compte dans une proportion identique les critères généraux échappant à l'appréciation de l'employeur (âge, ancienneté, situation familiale, handicap) et les critères professionnels relevant de son appréciation (formation, compétence, polyvalence, efficacité) ;
Attendu que [Z] [C] a obtenu 0 point au titre de la formation (inférieur au niveau attendu) 1 point au titre de la compétence (conforme au niveau attendu), 1 point au titre de la polyvalence (conforme au niveau attendu), 0 point au titre de l'efficacité (inférieur au niveau attendu), soit 2 points au titre des critères professionnels ;
Attendu que [Z] [C] ne justifie par aucune pièce qu'elle a exercé un mandat de représentation du personnel et ne peut être suivie en son argumentation de la volonté de l'employeur de se séparer des salariées les moins dociles ;
qu'elle n'établit pas qu'elle a été destinataire de reproches et remontrances injustifiées ;
Attendu que les attestations qu'elle verse aux débats et qui évoquent une salariée sérieuse dans son travail, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée au moment du licenciement ;
Attendu que les pièces produites ne permettent pas de conclure à une application subjective des critères d'ordre des licenciements, de sorte que [Z] [C] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 décembre 2010 par le conseil de Prud'hommes de Valence.
- Y ajoutant, déboute la société Pige Electronique de sa demande au titre des frais irrépétibles.
- Condamne [Z] [C] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur VIGNY, président, et par Mademoiselle ROCHARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT