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24/11/2011 | FRANCE | N°10/04948

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 24 novembre 2011, 10/04948


RG N° 10/04948



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COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU JEUDI 24 NOVEMBRE 2011





Appel d'une décision (N° RG 10/73)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 19 octobre 2010

suivant déclaration d'appel du 16 Novembre 2010



APPELANT :



Monsieur [T] [P]

[Adresse 2]

[Localité 9]



Représenté par la SCP TEJTELBAUM-TARDY/CHARVET (avocats au barreau de BOURGOIN-JALLIEU)





...

RG N° 10/04948

N° Minute :

Notifié le :

Grosse délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 24 NOVEMBRE 2011

Appel d'une décision (N° RG 10/73)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 19 octobre 2010

suivant déclaration d'appel du 16 Novembre 2010

APPELANT :

Monsieur [T] [P]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté par la SCP TEJTELBAUM-TARDY/CHARVET (avocats au barreau de BOURGOIN-JALLIEU)

INTIMÉES :

La SNC HOTEL DELAUNAY prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

La SAS BRE GESTION HOTELIERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Toutes les deux représentées par Me Alain MORTIER (avocat au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Président,

Madame Dominique JACOB, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

DEBATS :

A l'audience publique du 27 Octobre 2011,

Madame Dominique JACOB, chargée du rapport, et Monsieur Bernard VIGNY, assistés de [Localité 8] Sophie ROCHARD, Greffier, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoirie(s), conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 24 Novembre 2011, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 24 Novembre 2011.

RG 10/ 4948 BV

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [P] a été embauché le 13 mars 2006 comme adjoint de direction d'un hôtel de la marque hôtelière 'Mister Bed' situé à [Localité 7] (91) selon un contrat signé avec une Sarl MB IGNY HOTEL.

Il a ensuite été muté dans un hôtel à [Localité 10] (Marne) selon un contrat signé par une société HMB TINQUEUX.

Enfin le 21 mai 2007 il a été muté comme directeur de l'hôtel Mister Bed de Bourgoin-Jallieu, selon contrat signé avec la SNC HOTEL DE LAUNAY.

Ce dernier établissement, tout comme ceux de [G] et de [Localité 10], est géré par la SAS B.R.E. GESTION HOTELIERE.

Le 21 octobre 2008 cette société l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 30 octobre 2008 puis l'a licencié pour faute grave par lettre du 7 novembre 2008 pour absence injustifiée depuis le 2 octobre 2008 et défaut de réponse aux mises en demeure des 9 et 16 octobre 2008.

Le 29 janvier 2009, M. [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bourgoin-Jallieu de demandes formées à l'encontre de la SAS B.R.E. GESTION HOTELIERE ou, le cas échéant, la SNC HOTEL DELAUNAY. L'affaire a été radiée et réintroduite le 15 mars 2010.

Par jugement du 19 octobre 2010, la juridiction prud'homale a :

- dit que l'employeur de M. [P] était la SNC HOTEL DELAUNAY,

- dit que la rupture du contrat de travail de M. [P] le 25 septembre 2008 s'analysait en une prise d'acte imputable à des faits fautifs commis par l'employeur,

- dit que la rupture avait pris effet le 1er octobre 2008,

- condamné la SNC HOTEL DELAUNAY à payer à M. [P] 2.901 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté M. [P] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande d'indemnité pour redressement fiscal et invité M. [P] à ouvrir une procédure à l'encontre de son employeur de l'époque,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de prime d'ancienneté non chiffrée,

- dit que M. [P] avait été rempli de ses droits à indemnisation pour la partie forfaitaire de l'astreinte,

- condamné la SNC HOTEL DELAUNAY à payer 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] [P], à qui le jugement a été notifié le 5 novembre 2010, a interjeté appel le 16 novembre 2010.

Il sollicite l'infirmation des dispositions du jugement qui ne lui sont pas favorables et demande à la cour de condamner la SAS B.R.E. GESTION HOTELIERE ou, le cas échéant, la SNC HOTEL DELAUNAY, à lui payer :

- 30.592,42 euros au titre des heures supplémentaires,

- 3.059,24 euros de congés payés afférents,

- 77.916 euros d'indemnité pour travail dissimulé,

- 77.916 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 498 euros pour le salaire déclaré par la société HMB TINQUELY mais non payé,

- 250 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice lié au redressement fiscal,

- 3.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il réclame la remise par la SAS B.R.E. GESTION HOTELIERE ou, le cas échéant, par la SNC HOTEL DELAUNAY, des documents de rupture sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Il expose que :

- les conditions de travail dans l'hôtel de [Localité 5] l'ont mené à l'épuisement (sous-effectif chronique, absence de veilleur de nuit, dégradation immobilière de l'établissement),

- il a sollicité une réhabilitation des lieux et transmis des devis, mais n'a jamais eu d'autre réponse que l'information selon laquelle l'hôtel devait être vendu,

- l'employeur n'a tenu aucun compte des remarques du contrôleur du travail, le 28 août 2008, concernant notamment les heures supplémentaires, les heures de nuit et le décompte des heures de travail,

- cette situation a occasionné une profonde dépression nerveuse,

- l'employeur a refusé d'accéder à sa demande de mutation dans un autre établissement et lui a fait subir des pressions pour qu'il quitte son emploi,

- c'est dans ce contexte qu'il l'a informé de son souhait de cesser le travail à compter du 1er octobre 2008 et de négocier son départ,

- l'employeur l'a mis en demeure (les 9 et 16 octobre) de reprendre le travail et l'a convoqué le 21 octobre 2008 à un entretien préalable le 30 octobre 2008,

- il a été en arrêt de travail à compter du 24 octobre 2008,

- le 27 octobre 2008 il a sollicité le report de l'entretien préalable et a indiqué qu'il considérait que la rupture était imputable à l'employeur en faisant valoir les manquements graves suivants: aucun accord sur les devis de réparation de l'hôtel, heures supplémentaires non rémunérées, heures de nuit non comptabilisées, non prise en compte de son ancienneté depuis le 13 mars 2006.

- le 4 novembre 2008 le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste et a demandé à le revoir lors de la reprise,

- il a été licencié par lettre du 7 novembre 2008.

Il soutient que son véritable employeur est la SAS B.R.E. GESTION HOTELIERE, que c'est elle qui a établi les lettres de mise en demeure de reprendre le travail ou de justifier des absences, et qui l'a licencié. Il relève que la société n'a jamais fait état d'un quelconque mandat qui lui aurait été confié par une société exploitante.

Il indique apporter la preuve de la réalité des heures supplémentaires (1570 heures de mai 2007 à septembre 2008) au moyen des plannings de travail. Il souligne qu'il ne s'agit pas de plannings prévisionnels mais bien des heures réalisées, et que ces plannings, signés de chaque membre du personnel, étaient transmis à l'employeur qui ne pouvait ignorer la situation.

En ce qui concerne les conditions effectives des astreintes de nuit (entre 21 h et 6 h) il affirme qu'il était contraint de loger dans une petite chambre sur place, de sorte qu'il était continuellement présent au sein de l'établissement et ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles ; que l'employeur ne pouvait ignorer ses obligations, tant en raison de l'absence non remplacée du veilleur de nuit que d'une précédente condamnation pour ce motif par le Conseil de Prud'hommes de Reims du 22 juin 2007.

La SNC HOTEL DELAUNAY et la SAS B.R.E. GESTION HOTELIERE, intimées, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'employeur était exclusivement la SNC HOTEL DELAUNAY,

- mais de l'infirmer en ce qu'il a dit que la rupture était intervenue par la prise d'acte le 25 septembre 2008 par M. [P] des faits fautifs de l'employeur et a condamné la SNC HOTEL DELAUNAY à des dommages et intérêts et des frais irrépétibles,

- dire la prise d'acte irrégulière et sans effet,

- dire le licenciement justifié et bien fondé,

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes,

- subsidiairement, dire que les faits invoqués à l'appui de la prise d'acte de la rupture ne sont pas avérés et qu'il s'agit donc d'une démission,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes relatives aux heures supplémentaires, heures de nuit et travail dissimulé,

- condamner M. [P] à payer à chacune des sociétés 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles exposent que :

- l'article 3 du contrat de travail précise que le salarié s'engage à exécuter les directives générales qui lui seront données tant pas la SNC HOTEL DELAUNAY que par la SAS B.R.E. GESTION HOTELIERE, investie d'un mandat de gestion de l'hôtel,

- il est justifié de ce mandat,

- le mandat n'opère pas de substitution d'employeur, de sorte que la notification de la prise d'acte faite par courrier du 27 octobre 2008 adressé à la SAS B.R.E. GESTION HOTELIERE n'est pas valable, faute d'avoir été faite également à la SNC HOTEL DELAUNAY,

- le courrier électronique du 25 septembre 2008 par lequel M. [P] annonce une absence dans l'attente de pourparlers, ne peut, comme l'a fait le Conseil de Prud'hommes, être analysé comme une prise d'acte de la rupture,

- l'absence injustifiée de M. [P] à compter du 2 octobre 2008 et son silence opposé aux courriers de l'employeur constituent une faute grave.

Subsidiairement, les sociétés réfutent chacun des griefs invoqués par M. [P] :

1) le fait d'avoir différé des travaux, à raison notamment de la crise économique, ne saurait constitué un manquement grave de l'employeur à l'égard de son salarié,

2) M. [P], en sa qualité de directeur, avait toute autorité pour organiser le bon fonctionnement de son hôtel,

- il ne justifie pas avoir transmis au service de paye un décompte d'heures supplémentaires, ni aucune réclamation ou contestation de ses bulletins de salaire,

- les plannings ne mentionnent aucune heure supplémentaire,

- les décomptes manuscrits établis par M. [P] pour les besoins de sa procédure ne correspondent pas aux décomptes mensuels qu'il a cependant signés,

3)M. [P] occupait un logement de fonction au sein de l'hôtel et il ne démontre pas avoir effectué un travail effectif pendant ses astreintes de nuit.

Les intimées relèvent que la société HMB Tinqueux, à qui M. [P] fait grief de ne pas avoir versé une rémunération, n'est pas à la cause, et que le mandataire ne dispose d'aucun pouvoir contractuel pour obliger son mandant à payer une somme revendiquée par un ancien salarié dans le cadre d'un litige l'opposant à l'administration fiscale.

MOTIFS DE L'ARRÊT.

1. Sur la détermination de l'employeur de M. [P].

La SNC Hotel - Delaunay, exploitante d'un établissement hôtelier sis à [Adresse 6], d'une capacité de 61 chambres, classé en catégorie deux étoiles, a donné mandat à la société Gestion Hôtelière, de gérer pour son compte le dit établissement.

Le gérant de la SNC Hotel - Delaunay et le gérant de la société de Gestion Hôtelière sont une seule et même personne, M. [J] [H].

Les adresses de chacune de ces sociétés sont identiques, à savoir [Adresse 1].

Dans la convention signée entre ces deux sociétés, le mandataire s'engage à apporter tous les soins à la bonne exploitation du fonds et à s'y consacrer tout le temps nécessaire. Le mandataire s'engage à assurer le fonctionnement de l'exploitation en établissant le budget d'exploitation, en définissant l'organisation générale de l'hôtel, en achetant les stocks initiaux, en mettant en place des systèmes de contrôle et de comptabilité, en recrutant du personnel etc... et en général, il s'engage à faire le nécessaire afin d'assurer l'ouverture dans des conditions optimales...il assurera par lui-même, et pour le compte du mandant, la gestion de l'hôtel...

La convention stipule que le mandataire procédera à la sélection, au recrutement, la formation, à l'affectation, au détachement et à l'éventuel licenciement du personnel...

La convention précise qu'en tout état de cause, le mandant - exploitant- aura seul la qualité d'employeur.

Le contrat conclu entre la SNC Hotel - Delaunay et M. [P], le 21 mai 2007, a été signé, en ce qui concerne l'employeur, par M. [M] « directeur délégué BRE ». Ce contrat prévoit que le salarié conserve les éventuels avantages acquis au cours de son ou de ses emplois précédents(s) au sein des établissements gérés par BRE Gestion Hotelière.

À plusieurs reprises, le contrat mentionne cette société dans les circonstances suivantes : le salarié accepte d'effectuer ponctuellement des remplacements dans les établissements gérés par celle-ci, le salarié peut être contraint de réintégrer son poste précédent en cas d'insatisfaction de la société, le salarié s'engage à respecter les instructions, les consignes, les normes et les procédures écrites en vigueur au sein des établissements gérés par la société ci-dessus dénommée, le salarié s'engage à ne pas divulguer à des tiers les informations confidentielles relatives à cette société, le salarié reconnaît pouvoir être muté au sein des établissements du « groupe »BRE Gestion Hôtelière.

C'est la société BRE Gestion Hôtelière qui a établi les différents courriers et les a adressés à M. [P] :

-lettre du 2 août 2007 renouvelant la période d'essai de M. [P],

- lettre du 24 août 2007 expliquant à M. [P] les changements en matière de gestion,

- mise en demeure du 16 octobre 2008 (absences injustifiées),

- convocation du 21 octobre 2008 à l'entretien préalable,

- lettre du 7 novembre 2008 demandant à M. [P] de rendre le logement lié à sa fonction,

- lettre de licenciement en date du 7 novembre 2008.

Les éléments ci-dessus analysés établissent que l'employeur de M. [P] était bien la société BRE Gestion Hôtelière. M. [P] se trouvait sous un lien de subordination à l'égard de cette société.

La circonstance que la convention conclue entre les deux sociétés décide que le mandant demeurera, en tout état de cause, l'employeur de M. [P] est sans portée. En effet, M. [P] a exécuté son activité en se conformant aux directives et au contrôle de la société BRE Gestion Hôtelière. Il a été soumis au pouvoir disciplinaire de cette dernière qui lui a adressé une mise en demeure et qui a conduit jusqu'à son terme la procédure de licenciement pour faute grave.

Dans ces conditions, la lettre de prise d'acte de la rupture adressée par M. [P], le 27 octobre 2008, à la société BRE Gestion Hôtelière, doit être retenue et examinée.

2. Sur la prise d'acte de la rupture.

Dans cette correspondance, M. [P] indique que son état de santé dépressif est directement lié à ses conditions de travail. Il fait état de l'impossibilité d'obtenir, de la part de la société, des devis de réparation, le paiement de nombreuses heures supplémentaires ainsi que d'heures de nuit ne faisant pas l'objet de la tenue d'un cahier d'astreinte et fait état de la non prise en compte de son ancienneté dans le calcul de sa rémunération.

Cette lettre de prise d'acte a été adressée avant la tenue de l'entretien préalable.

Le contrat de travail de M. [P] prévoyait un horaire de 169 heures par mois.

M. [P] produit les plannings des mois de mai 2007 à octobre 2007 et de décembre 2007 à août 2008. Ces plannings font apparaître des horaires de travail largement supérieurs à 169 heures par mois.

Il produit également 2 tableaux manuscrits détaillant ses calculs d'heures supplémentaires, pour la période de mai 2007 à août 2008. Le premier tableau mentionne une somme totale de 30'592,42 € , à l'exclusion des astreintes.

M. [P] produit en outre 16 documents émanant de l'entreprise et portant diverses mentions imprimées : mois, nom de l'entreprise, nom du salarié et des indications relatives à des heures de travail. Ces documents couvrent la période suivante : mai 2007 à août 2008. Ils n'indiquent pas cependant quel salarié ils concernent.

Les tableaux sont le récapitulatif des mentions portées sur les 16 documents, de sorte qu'il peut être retenu que les 16 documents concernent M. [P].

Les plannings ont été établis sur des documents de la société. Figure en effet en en-tête, la mention «Mister Bed City Bourgoin ». Ces plannings concernent M. [P], directeur, ainsi que d'autres salariés : M. [N], adjoint, Mme [I] adjointe, M.[X], réceptionniste de nuit.

Ces plannings mentionnent pour chacun des salariés, dont M. [P], les heures de travail effectuées.

Les éléments produits par M. [P] étayent suffisamment sa demande d'heures supplémentaires.

Les parties intimées produisent, pour leur part, les mêmes plannings : ceux-ci font apparaître, également, des horaires de travail supérieurs à 169 heures par mois.

Elles produisent également les bulletins de salaire de M. [P] pour la période du 1er mai 2007 au 31 août 2008. Ces bulletins font apparaître le paiement d'heures supplémentaires à compter de la 36e heure jusqu'à la 39e heure, mais pas au-delà.

Le courriel adressé par la direction de Misterbed Bourgoin à M. [P] le 18 août 2008 n'est pas un courrier destiné à préciser le volume de ses heures de travail, mais est destiné à préciser le volume de travail des collaborateurs de M. [P].

Le 5 septembre 2008, les services de l'inspection du travail de [Localité 5] ont rappelé au directeur de la SNC Hôtel Delaunay, la nécessité, pour l'ensemble des salariés, de mettre en place des décomptes de la durée du travail, en conformité avec l'article D 3171 -8 du code du travail. Ce même courrier a rappelé qu'en annexe III de la convention collective des hôtels cafés restaurants, existait un modèle de feuille de décompte journalier de la durée du travail avec récapitulatif hebdomadaire.

L'employeur de M. [P], en ne prenant pas de dispositions utiles permettant la vérification des heures effectuées par son salarié, a manqué à ses obligations résultant des règles relatives au contrôle de la durée du travail.

L'ensemble des éléments ci-dessus examinés permet de retenir que M. [P] a effectué des heures supplémentaires, dans un contexte de pénurie de personnel. Au vu des éléments portés à l'appréciation de la cour, la société BRE Gestion Hôtelière sera condamnée à verser à M. [P] la somme de 14'276,46 € outre les congés payés afférents (1427,64 €).

En ce qui concerne les vacations de nuit, M. [P] ne forme pas de demande spécifique.

M. [P] a effectué un important volume d'heures supplémentaires que son employeur n'a pas rémunérées, alors que les plannings qui lui étaient adressés mentionnaient l'accomplissement d'heures supplémentaires, entre le mois de mai 2007 et le mois d'août 2008, soit une période de 16 mois.

L'omission par l'employeur de M. [P], sur les bulletins de paye, des heures supplémentaires effectuées, et par voie de conséquence leur paiement, revêt un caractère intentionnel justifiant sa condamnation en application de l'article L 8223 -1 du code du travail.

La société sera condamnée à payer à M. [P] la somme de 18'553,67 €.

Le non-paiement par l'employeur de M. [P] d'un important volume d'heures supplémentaires constitue un manquement grave à ses obligations justifiant la prise d'acte de la rupture à ses torts.

La prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement. Compte tenu de l'ancienneté de M. [P] au sein de la société de gestion hôtelière, devenu BRE Gestion Hôtelière (deux ans et sept mois) et compte tenu du fait qu'il occupe actuellement un emploi à [Localité 9], il lui sera alloué à titre de dommages-intérêts la somme de 10'000 €.

M. [P] fait état d'un redressement fiscal lié à la déclaration par la SARL HMB Tinqueux d'un salaire de 498 € versé en 2008. M. [P] ne produit aucun document relatif à ce redressement. La demande formulée à ce titre ne peut qu'être rejetée.

Il sera fait injonction à la société BRE Gestion Hôtelière, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt, de remettre à M. [P] un certificat de travail, des bulletins de paie et une attestation Pole Emploi rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt.

L'équité commande la condamnation de la société BRE Gestion Hôtelière à payer à M. [P] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS.

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celles relatives à la condamnation de la SNC Delaunay à payer à M. [P] 1500 € en application de l'article 700 du CPC et à la condamnation de la même société aux dépens.

Statuant à nouveau.

Dit que l'employeur de M. [P] était la société BRE Gestion Hôtelière.

Dit la prise d'acte de M. [P] de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société BRE Gestion Hôtelière, fondée.

Dit que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamne la société BRE Gestion Hôtelière à payer à M. [P] les sommes suivantes :

- 14'276,46 € au titre des heures supplémentaires

- 1427,64 € au titre des congés payés afférents

- 18'553,67 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé

- 10'000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la rupture

- 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

Enjoint la société BRE Gestion Hôtelière, sous astreinte de 50 € par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt, de délivrer à M [P] un certificat de travail, des bulletins de paie et une attestation Pole Emploi rectifiés, conformément aux termes de l'arrêt.

Déboute M. [P] de toute autre demande.

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Vigny, président, et par Mlle Rochard, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/04948
Date de la décision : 24/11/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/04948 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-11-24;10.04948 ?
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