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16/02/2011 | FRANCE | N°10/01508

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre sociale, 16 février 2011, 10/01508


RG N° 10/01508



N° Minute :



























































































AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE



ARRET DU MERCREDI 16 FEVRIER 2011







Appel d'une

décision (N° RG 09/00746)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 mars 2010

suivant déclaration d'appel du 24 Mars 2010



APPELANTE :



La S.A.S. [R] IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Monsieur [S] [R] et assistée ...

RG N° 10/01508

N° Minute :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU MERCREDI 16 FEVRIER 2011

Appel d'une décision (N° RG 09/00746)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 18 mars 2010

suivant déclaration d'appel du 24 Mars 2010

APPELANTE :

La S.A.S. [R] IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Monsieur [S] [R] et assistée par Me Franck MILLIAS (avocat au barreau de HAUTES ALPES)

INTIME :

Monsieur [G] [A]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Comparant et assisté par Me Alain FESSLER (avocat au barreau de GRENOBLE)

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Monsieur Bernard VIGNY, Conseiller, faisant fonction de Présdient,

Monsieur Eric SEGUY, Conseiller,

Madame Astrid RAULY, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Simone VERDAN, Greffier.

DEBATS :

A l'audience publique du 20 Janvier 2011,

Les parties ont été entendues en leurs conclusions et plaidoirie(s).

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 16 Février 2011.

L'arrêt a été rendu le 16 Février 2011.

Notifié le :

Grosse délivrée le :

RG N° 10 / 1508 AR

[G] [A] a été embauché par la SAS Jacob immobilier le 5 juin 2001 en qualité de responsable commercial immobilier à la suite du rachat du droit au bail de l'agence immobilière dont il était le dirigeant.

Le 19 décembre 2008, a eu lieu entre la direction de la société et le salarié, un entretien portant sur sa mise à la retraite.

Par courrier du 24 décembre 2008, la SAS Jacob immobilier l'a informé de sa mise à la retraite avec effet au 28 avril 2009, à la suite d'un préavis de quatre mois.

Par courrier du 16 janvier 2009, [G] [A] a confirmé à l'employeur sa volonté de poursuivre son activité, au-delà de la date anniversaire de ses 65 ans.

L'employeur a maintenu sa position par courrier du 26 janvier 2009.

Contestant les circonstances ayant présidé à sa mise à la retraite, le salarié a saisi le conseil des prud'hommes le 16 avril 2009.

Par jugement du 18 mars 2010, le conseil des prud'hommes de Grenoble a donné acte à [G] [A] qu'il renonce à réclamer des commissions, dit que sa mise à la retraite est irrégulière et constitue un licenciement nul, condamné la SAS Jacob immobilier à lui payer :

- 20.247,85 € de droit de suite,

- 6.000 € d'indemnités de licenciement,

- 20.000 € de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Appel a été interjeté par la société [R] IMMOBILIER le 24 mars 2010.

Par conclusions régulièrement déposées et oralement à l'audience, la SAS [R] IMMOBILIER sollicite la réformation du jugement entrepris et le débouté de [G] [A] de toutes ses demandes ainsi que sa condamnation au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'il résulte sans ambiguïté des dispositions législatives applicables antérieurement au 1er janvier 2009 que la mise à la retraite du salarié est régulière en état des textes applicables :

-avant le 31 décembre 2008, dont il résulte ce que la société était en droit de lui notifier sa mise retraite en respectant le délai de préavis conventionnel minimum, en l'espèce trois mois, l'article L. 1237 -5 issu de la loi du 17 décembre 2008, n'étant pas d'application immédiate

- en l'état des dispositions transitoires, dont il résulte que si la mise à la retraite a été notifiée avant le 1er janvier 2009 et intervient au cours de l'année 2009, la procédure de l'article L. 1237 - 5 n'est pas applicable,

Elle souligne que la notification de la mise à la retraite n'est soumise à aucune condition de délai et notamment en ce qui concerne le délai de préavis,

qu'il résulte des dispositions conventionnelles spécifiques, que l'employeur pouvait mettre le salarié à la retraite et ce même avant l'âge de 65 ans dès lors qu'il remplissait les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein et qu'il satisfaisait à des exigences conventionnelles.

Elle fait valoir qu'il résulte du procès-verbal de la réunion avec les délégués du personnel du 15 février 2008 que des contreparties en matière d'emploi et de formation à la suite de la mise à la retraite de Monsieur [A] ont été envisagées et que [B] [X] a été engagé en remplacement de M. [A] dès octobre 2008.

Elle rappelle que l'entretien du 19 décembre a eu lieu avant la promulgation du décret d'application et explique que le délai de préavis a été rallongé par le fait qu'elle a voulu permettre au salarié de conserver son salaire jusqu'à 65 ans révolus.

Elle conteste la discrimination fondée sur l'âge et fait valoir la mauvaise foi du salarié qui a entretenu tout au long de son préavis une ambiance exécrable.

Par conclusions régulièrement signifiées [G] [A] sollicite la confirmation de la décision, sauf à porter à la somme de 50'000 € le montant des dommages-intérêts.

Subsidiairement il réclame la condamnation de la société à lui verser 25'000 €

de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et en tout état de cause, réclame 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il estime que sa mise à la retraite aurait dû lui être notifiée en janvier 2009 et que les dispositions transitoires auraient donc du s'appliquer mais que la société a tenté d'échapper à ses obligations légales en lui imposant un préavis de quatre mois et non de trois mois ce qui permettait sa mise à la retraite.

Il rappelle que les dispositions transitoires du décret du 30 décembre 2008 prévoient que la mise à la retraite ne prendre effet que si :

- elle a été notifiée avant le 1er janvier 2009,

- si le salarié interrogé au moins trois mois avant la date d'effet de la mise à la retraite n'a pas manifesté l'intention de poursuivre son activité,

que l'article 34 de la convention collective nationale de l'immobilier prévoit qu'en cas de départ à l'initiative de l'employeur, celui-ci est tenu d'avoir avec le salarié un entretien préalable à la notification de la mise à la retraite et de respecter le préavis prévu à l'article 32 en cas de licenciement de trois mois.

Il souligne qu'il n'a pas été convoqué régulièrement à l'entretien préalable, qu'il a indiqué lors de cet entretien informel du 19 décembre qu'il ne souhaitait pas partir et confirmé cette position par courrier du 17 janvier 2009 et estime que l'employeur qui n'ignorait ni sa volonté de continuer son activité ni l'existence du décret, a frauduleusement notifié une mise à la retraite pour faire échec à ses droits.

Il fait valoir que les conditions de la mise à la retraite n'étant pas réunies, la rupture du contrat de travail constitue un licenciement nul car fondé exclusivement sur l'âge du salarié, peu important que la société ait embauché ou non un salarié pour le remplacer.

Subsidiairement, il souligne l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail et fait notamment valoir que la société a tenté de modifier son temps de travail,

que le 5 mai 2009 il n'avait toujours pas reçu son solde de tout compte et que ses commissions ne lui ont pas été versées en totalité.

Il mentionne que s'il a renoncé au rappel de commissions, il n'a pas renoncé au rappel de salaire au titre du droit de suite et fait valoir que la société ne lui a pas versé diverses commissions au titre desquels ils réclament 20'247,85 euros.

MOTIFS

Attendu que pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;

Sur la mise à la retraite

Attendu que la mise à la retraite est un mode de rupture autonome à l'initiative de l'employeur auquel il revient, en cas de contestation, d'établir que les conditions légales, l'ordre public, sont satisfaites ;que les dispositions légales sont celles de la date de la notification de la mesure;

Attendu que la loi n°2008-1330 du 17 Décembre 2008, publiée au Journal officiel le 18 Décembre 2008 prévoit en son article 90 la modification de l'article L. 1237-5 du code du travail relative à la mise à la retraite par l'employeur d'un salarié âgé de 65 ans ;

qu'en vertu de ces dispositions, l'employeur est tenu d'interroger le salarié par écrit, trois mois avant la date anniversaire de ses 65 ans, sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse ;

Qu'en cas de réponse négative du salarié dans un délai d'un mois à compter de la date à laquelle l'employeur l'aura interrogé, ou à défaut d'avoir respecté la procédure mentionnée ci dessus, l'employeur ne peut faire usage de la possibilité de mettre le salarié à la retraite pendant l'année qui suit la date de son anniversaire ;

Attendu que par dérogation à cette loi, le décret n°2008-1515 du 30 Décembre 2008, paru le 31 décembre au journal officiel, prévoit une période transitoire du 1er Janvier 2009 au 31 Décembre 2009 au cours de laquelle une mise à la retraite d'office peut prendre effet par dérogations aux dispositions ci-dessus rappelées si celle ci a été notifiée avant le 1er Janvier 2009 ou si le salarié interrogé par l'employeur au moins trois mois avant la date d'effet de la mise à la retraite n'a pas, dans le délai d'un mois manifesté son intention de poursuivre son activité ;

Attendu qu'en l'espèce la notification de la mise à la retraite est intervenue le 24 décembre 2008 ; que les nouvelles dispositions relatives au droit de refus du salarié n'étaient par conséquent pas encore applicables ; que l'employeur était néanmoins tenu de respecter les dispositions de la convention collective ;

Attendu que la convention collective de l'immobilier à laquelle le salarié comme l'employeur étaient soumis prévoit en son article 34 :

'Le départ en retraite du personnel peut intervenir :

- à l'initiative du salarié lorsqu'il est en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse ;

- à l'initiative de l'employeur à partir de 65 ans, soit à un âge inférieur mais au moins égal à 60 ans dès lors que les salariés remplissent les conditions pour bénéficier d'une retraite à taux plein du régime d'assurance vieillesse et que l'employeur s'engage à :

- favoriser la conclusion de contrats de professionnalisation ou d'apprentissage pour

promouvoir l'emploi des jeunes ;

- mettre en oeuvre un bilan de compétences pour les salariés de 45 ans et plus ;

- donner un accès prioritaire au plan de formation pour les salariés de 45 ans et plus. (...)

En cas de départ à l'initiative de l'employeur, celui-ci est tenu d'avoir avec le salarié un entretien préalable à la notification de mise à la retraite et de respecter le préavis prévu à l'article 32 en cas de licenciement ' ;

Attendu que le salarié s'est vu notifier par courrier du 24 décembre 2008, sa mise à la retraite d'office à l'âge de 65 ans, au 28 avril 2009, en ces termes :

' Vous allez atteindre le 28 avril 2009, l'âge de 65 ans, ce qui vous permettra de faire valoir vos droits à la retraite à taux plein, quel que soit le nombre de trimestres pendant lesquelles vous avez cotisé.

Lors de nos entretiens de cet été et du 19 décembre 2008 nous avons fait part de notre intention de mettre fin à votre contrat de travail, par une mise à la retraite, conformément aux dispositions de l'article L. 1237 - 5 et L. 1237. 7 du code du travail et des dispositions de la convention collective de l'immobilier.

M. [X] votre successeur a été embauché le 3 octobre pour une entrée en fonctions le 1er avril 2009.

Cette décision qui ne constitue pas un licenciement, prendra effet à l'issue d'un préavis de quatre mois, soit le 28 avril 2009. » ;

Attendu que par courrier du 16 janvier 2009 [G] [A] a confirmé son intention de poursuivre son activité en ces termes ' je conteste le terme 'd'entretien' qui me paraît très abusif eu égard à sa forme et à son contenu.

'En effet, la veille je reçois un simple appel téléphonique de votre part

'est-ce que vous serez à votre bureau demain matin vers 8h30 ' »

Vous arrivez accompagné de M. [L], notre directeur général, qui m'annonce de manière ferme et définitive assortie de menaces que je dois faire valoir mes droits à la retraite. ( Si je n'accepte pas ce sera la guerre, ce sont ses propres termes ! Avec « mise à pied » immédiate aux 31/12/2008 ! )

Il ajoute, par ailleurs, que les nouvelles dispositions législatives à ce sujet ne prennent effet qu'au 1er janvier 2010 (...). ;

que par courrier en réponse du 26 janvier 2009, l'employeur a maintenu sa position comme suit :

' Sur la forme, je ne suis pas d'accord avec vous.

En effet, l'entretien du 19 décembre au matin a été convenu entre nous, non pas au téléphone, mais dans votre bureau le mardi 16 décembre au matin (au moment de ma visite hebdomadaire) où je vous ai indiqué que je souhaitais vous rencontrer avec [O] [L], Directeur Général, le vendredi 19 pour discuter ensemble selon mes propres termes ' des prochains mois à venir'.

(...) Quant à l'entretien en lui-même, nous vous avons effectivement expliqué qu'à compter du 28 avril 2009, date de vos 65 ans, nous ferions valoir vos droits à la retraite. (...)

Comme vous le savez, puisque nous en avions déjà parlé ensemble cet été, nous étions en recherche d'une personne pour vous succéder et suite à divers entretiens avec M. [X] [B] depuis juillet nous avons décidé de le recruter, son contrat étant signé depuis le 3 octobre dernier.

En aucun cas nous ne pouvions prévoir qu'une nouvelle loi allait être discutée en fin d'année alors même que ce recrutement était déjà fait depuis plusieurs mois.

(...) Je regrette (...)qu'après plus de huit années de collaboration et alors même que vous connaissiez notre position quant à l'embauche de votre successeur, vous adoptiez aujourd'hui une attitude qui m'apparaît pleine d'opportunisme » ;

Attendu que [G] [A] soutient que sa mise à la retraite lui a été notifiée au terme d'un entretien préalable qui n'en était pas un, de façon anticipée, avec un délai de préavis supérieur au délai de préavis de trois mois prévu par la convention collective afin de contrer l'application de la loi du 17 décembre 2008 ;

qu'à l'inverse, l'employeur fait valoir sa bonne foi et soutient que le salarié ne s'était pas opposé jusqu'alors à son projet de mise à la retraite; qu'il ne pouvait prévoir l'évolution législative et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir accordé un délai de préavis supérieur au délai minimum de la convention collective afin de lui permettre de bénéficier de l'intégralité de ses droits à la retraite ;

Mais attendu qu'en l'espèce, il résulte du compte rendu de la réunion du 15 février 2008 qui mentionne que « la direction indique notamment envisager la mise à la retraite de Monsieur [G] [A]  (...) en contrepartie, conformément aux dispositions de l'article 34 de la convention collective, Monsieur [L] indique que la société [R] IMMOBILIER favorisera la conclusion de :

- contrat de professionnalisation pour l'insertion des jeunes salariés,

- les actions de formation préalable à l'embauche

- la mise en 'uvre d'un bilan de compétence pour les salariés de 45 ans qui en feront la demande »

que contrairement à ce que laisse entendre l'employeur, la mise à la retraite de M. [A] n'était pas envisagée avec son accord ; qu'en effet, si tel avait été le cas, il n'était nul besoin de se référer aux conditions de la mise à la retraite à l'initiative de l'employeur, telles qu'elles résultent l'article 34 de la convention collective nationale de l'immobilier ;

Attendu que la convention collective de l'immobilier prévoit qu'en cas de départ à l'initiative de l'employeur, celui-ci est tenu d'avoir avec le salarié un entretien préalablement à la notification de mise à la retraite et de respecter le préavis prévu à l'article 32 en cas de licenciement, soit trois mois pour les cadres ;

Attendu que la société [R] IMMOBILIER a notifié à Monsieur [A] sa mise à la retraite par courrier du 24 Décembre 2008, soit plus de quatre mois avant la date de son 65ème anniversaire (le 28 Avril 2009) ;

Attendu que la société [R] IMMOBILIER n'apporte aucune explication objective de nature à justifier l'allongement du délai de préavis prévu à l'article 32 de la convention collective de l'immobilier ;

Qu'elle ne produit aucune pièce démontrant que l'augmentation du délai de préavis de trois mois à quatre mois est une pratique régulière et établie au sein de la société ;

Qu'elle ne démontre pas davantage, alors que le compte rendu de la réunion mensuelle du 15 Février 2008 expose que la direction de la société envisage « notamment » la mise à la retraite de Monsieur [A], ce qui établit qu'il n'était pas le seul salarié concerné, avoir accordé à d'autres salariés mis à la retraite antérieurement ou consécutivement, un délai supérieur à celui prévu par la convention collective ;

Attendu qu'il y a également lieu de constater qu'en employant le terme d'entretien préalable, la convention collective se référait à l'entretien préalable au licenciement lequel impose que cet entretien soit préalable à la décision de l'employeur et soit précédé d'une convocation ;

qu'il résulte des termes des courriers du salarié comme de l'employeur :que cet entretien du 19 décembre 2008 a été effectué de manière précipitée et sans que le salarié ne soit informé de son objet, la discussion devant, selon l'employeur porter sur les ' prochains mois à venir' ;

qu'il résulte par ailleurs du courrier même de l'employeur Quant à l'entretien en lui-même, nous vous avons effectivement expliqué qu'à compter du 28 avril 2009, date de vos 65 ans, nous ferions valoir vos droits à la retraite qu'il ne s'agissait nullement d'un entretien préalable à la décision de l'employeur, puisque la notification de la mise à la retraite à eu lieu au cours de cet entretien ;

qu'ainsi donc, force est de constater que l'employeur n'a pas respecté l'esprit des dispositions de l'article 34 de la convention collective ;

Attendu qu'il convient par ailleurs de rappeler que toute l'évolution législative de ces dernières années tend à restreindre les mises à la retraite d'office par l'employeur ; que la loi de 2003 interdisait à tout employeur la mise à la retraite d'office avant 65 ans, d'un salarié réunissant les conditions nécessaires à la retraite à taux plein ; qu'une dérogation était toutefois possible dans le cadre d'accords collectifs avec contrepartie en terme d'emploi ; que toutefois la loi du 21 décembre 2006 a prévu la suppression progressive des mises à la retraite d'office avant 65 ans et a prévu le maintien, à titre transitoire et jusqu'au 31 décembre 2009 seulement, des mises à la retraite d'office par l'employeur ; que la loi du 19 décembre 2007 a prévu l'institution d'une contribution patronale sur les indemnités versées en cas de mise à la retraite d'office d'un salarié ;

Attendu que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a été adopté par le Conseil des ministres le 13 octobre 2008, discutée en séance publique du 28 octobre au 4 novembre 2008, puis adopté par l'Assemblée le 26 novembre et par le Sénat le 27 novembre 2008 ; que ce texte a été déféré au Conseil constitutionnel le 1er décembre ;

que le Conseil constitutionnel qui a reçu de M. [H] [N], sénateur, un mémoire enregistré le 9 décembre, a rendu sa décision le 11 décembre 2008, de laquelle il résultait notamment que les articles 90, 91 et 92 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 étaient conformes à la constitution ;

que l'employeur ne peut donc valablement soutenir qu'il ne pouvait prévoir qu'une nouvelle loi allait être discutée en fin d'année ;

Attendu que la loi n° 2008-1330 a été promulguée le 17 novembre 2008 et publiée le 18 novembre 2008 ; qu'elle prévoyait que l'employeur interroge par écrit le salarié sur son intention de quitter volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse .En cas de réponse négative du salarié dans un délai fixé par décret ou à défaut d'avoir respecté l'obligation mentionnée à l'alinéa précédent, l'employeur ne peut faire usage de la possibilité mentionnée au premier alinéa pendant l'année qui suit la date à laquelle le salarié atteint l'âge fixé au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale' ;

Attendu qu'il ya a également lieu de rappeler que les nouvelles dispositions étaient applicable à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel ; que toutefois, la mise en oeuvre de la procédure de mise à la retraite d'office avec consultation préalable du salarié demeurait suspendue à la publication du décret d'application ;

que l'entretien réalisé à la hâte, dès le lendemain de la promulgation de la loi, dont l'employeur avait connaissance ne peut par conséquent relever du hasard et n'avait pour seule fonction que d'assurer un semblant de respect des dispositions de la convention collective et de permettre la notification de la mise à la retraite avant la parution du décret ;

qu'en cette situation, la notification de la mise à la retraite a été effectuée afin de contrer l'application des nouvelles dispositions législatives ; que la cause de la résiliation du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, réside dans l'âge du salarié ;

que la décision de mettre le salarié à la retraite constitue par conséquent un licenciement fondé sur une discrimination, dont l'illicéité entraîne la nullité ;

Attendu qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise sur ce point ;

Attendu que [G] [A] ne sollicite pas sa réintégration ; que pour évaluer son préjudice, la Cour tient compte non seulement, de son salaire de 2513 € mensuel, outre les indemnités perçues au titre des commissions, de son ancienneté de 7 ans, mais aussi du préjudice moral et matériel résultant de la discrimination ; que les dommages-intérêts seront fixés à 25.000 euros ;

Sur les autres demandes

Sur l'indemnité de licenciement

Attendu que la mise à la retraite s'analysant comme un licenciement nul, il est dû une indemnité conventionnelle de licenciement ; que la somme allouée par le conseil des prud'hommes n'a pas été contestée dans son quantum ; qu'il convient par conséquent de confirmer la décision entreprise sur ce point ;

sur le droit de suite

Attendu que le contrat de travail en son article 16, prévoit un droit de suite en cas de rupture du contrat et stipule que, quelle qu'en soit la cause, le salarié a droit à une rémunération sur toutes les affaires encaissées définitivement, conclues dans un délai de trois mois suivant la date de fin du contrat de travail et qui seront la suite de son travail ;

Attendu qu'il convient liminairement de constater que [G] [A] ne manque pas de réclamer un droit de suite alors même qu'il n'ignore pas que le bien n'est pas encore vendu (mandat 1984) ;

que l'employeur reconnaît page 17 de ses conclusions et dans la note de sa pièce 40, un droit de suite pendant une période de 6 mois ;

qu'il y a donc lieu d'examiner si [G] [A] peut légitimement revendiquer un droit de suite sur les biens dont il a établi la liste en page 5 et 6 de ses conclusions , étant rappelé que les mandats qu'il a conclus doivent avoir abouti à des affaires qui ont été encaissées avant le 28 octobre 2009 ;

Attendu que la SAS [R] IMMOBILIER fait valoir que certains de ces mandats sont expirés, par survenance du terme (mandats 1820, 1882, 2464) ; qu'elle en justifie par la production d'une copie des mandats portant la mention 'NON VENDU' ou 'RETIRE VENTE' ;

qu'en ce qui concerne le mandat 2165, la SAS [R] IMMOBILIER justifie par la production d'un courrier de [Y] [Z] [V] que le ce bien a été retiré de la vente ;qu'elle justifie également du retrait des mandats 2429, 1984 et 2340 ;

que la SAS [R] IMMOBILIER prétend à juste titre que la vente des biens faisant l'objet des mandats 2465, 2474 et 2454 est postérieure au terme du droit de suite ; que s'agissant du mandat 2465 elle en justifie, par la production d'un courrier du notaire en date du 30 décembre 2009 ; qu'elle en justifie s'agissant du mandant 2474 par une attestation du notaire du 23 novembre 2010; qu'en ce qui concerne le mandat 2454, elle produit une lettre recommandée avec accusé de réception du notaire du 16 février 2010 ;

qu'elle justifie également de la vente des biens faisant l'objet des mandats 1742 et 1780 par une autre agence ;

qu'il y a donc lieu de débouter [G] [A] de ses demandes au titre de ces mandats et de réformer la décision entreprise sur ce point ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de [G] [A] ses frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes de GRENOBLE en ce qu'il a donné acte à [G] [A] de ce qu'il renonce à réclamer des commissions, dit que la mise à la retraite est irrégulière et constitue un licenciement nul, condamné la SAS Jacob immobilier à lui payer :

- 6.000 € d'indemnités de licenciement,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirmant sur le surplus,

Et statuant à nouveau,

Condamne la SAS [R] IMMOBILIER à payer à [G] [A] la somme de 25.000 € de dommages-intérêts en réparation de son préjudice consécutif à son licenciement nul.

Y ajoutant,

Condamne la SAS [R] IMMOBILIER à payer à [G] [A] la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute [G] [A] de ses autres demandes

Condamne la SAS [R] IMMOBILIER aux dépens

Prononcé publiquement ce jour par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

Signé par Monsieur VIGNY, Président, et par Madame VERDAN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président

v


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/01508
Date de la décision : 16/02/2011

Références :

Cour d'appel de Grenoble 04, arrêt n°10/01508 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-02-16;10.01508 ?
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